Les programmes de lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent sont-ils efficaces ?
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Les programmes de lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent sont-ils efficaces ?
La lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent, une stratégie ayant ses racines dans le contre-terrorisme, est une branche de l’industrie de l’aide qui enregistre une forte croissance. Elle est en outre devenue une composante acceptée d’un éventail ahurissant de programmes. Mais quelles preuves avons-nous de son efficacitéÌý?
Les mesures de lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent ont été définies dans leÌýplan d’actionÌýdes Nations Unies présenté en janvier par le Secrétaire général de l’organisation. Ban Ki-moon a ainsi adressé aux États membres plus de 70ÌýrecommandationsÌýpour leurs programmes nationaux de lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent. Ces recommandations concernent notamment les initiatives en matière de politiques de développement, la bonne gouvernance, les droits de l’homme, la responsabilisation des jeunes, l’égalité des sexes et le rôle des médias sociaux.
Et pourtant, il n’y a pas de consensus quant à ce que l’on peut qualifier d’«Ìý±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violentÌý».ÌýNaz Modirzadeh,Ìýdirectrice du programme sur le droit international et les conflits armés de la Faculté de droit de Harvard, a fait remarquer que M.ÌýBan n’avait offert aucune définition. Elle s’inquiète de voir les États et les institutions «Ìýse lancer tête baisséeÌý» dans la création de programmes de lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent alors que de nombreuses zones d’ombre restent à éclaircir.
«ÌýQu’est-ce que la lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violentÌý? Qu’est-ce qui n’en fait pas partieÌý? Les preuves sur lesquelles s’appuient les approches de lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent sont-elles suffisamment solidesÌý? Que perd-on en allouant des ressources à la lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent et en les détournant par le fait même d’autres initiatives?Ìý» écrit-elle.
À l’abri de l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð
La lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent se fonde notamment sur l’hypothèse selon laquelle les sociétés qui offrent des emplois, des services publics et une éducation à tous leurs citoyens sont à l’abri de l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð.
OrÌýJ.M.ÌýBerger, un auteur et analyste qui étudie l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð à l’Université George Washington, remet en question cette prémisse.
«ÌýPlusieurs décennies de recherches ont révélé que les corrélations entre le terrorisme et les facteurs de développement structurel (un taux de chômage élevé ou un faible niveau d’éducation, par exemple) n’étaient pas très claires et qu’elles étaient même souvent inexistantesÌý», a-t-il noté.
Il semble extravagant d’adopter une approche axée sur l’ensemble de la société («Ìýwhole-of-societyÌý» approach) pour faire face à un problème qui concerne probablement moins de 1Ìýpour cent de la population. Mais une part de plus en plus importante de l’argent des bailleurs de fonds est consacrée à la lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent et, vu le manque de précision et les frontières un peu floues de sa définition, il peut être tentant de présenter de nombreux programmes et projets fétiches existants – de l’atténuation de la pauvreté aux échanges culturels – comme étant désormais à l’avant-garde de la lutte contre le terrorisme.
La lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent s’est rapidement institutionnalisée au sein des bureaucraties nationales et par le biais d’entités internationales comme leÌýForum mondial de lutte contre le terrorismeÌýet leÌýFonds mondial pour l’engagement de la communauté et la résilience. Il semble cependant que les partenaires internationaux ne se soient pas clairement entendus sur l’idéologie alternative qu’il convient de promouvoir. Il faut par ailleurs composer avec l’éternel problème de marketing associé à l’accusation d’hypocrisie formulée contre l’Occident et ses alliés.
«ÌýPrenez la coalition contre l’EI (État islamique autoproclamé), qui inclut des démocraties libérales et des dictatures autoritaires, de même que des sociétés religieuses conservatrices telles que l’Arabie saoudite. Le manque d’aventurisme militaire du régime saoudien est sans doute le principal élément qui distingue l’idéologie religieuse d’État de ce pays de celle de l’EIÌý», a fait observer M.ÌýBerger.
Griefs et injustices
Selon Rami Khouri, de l’Université américaine de Beyrouth, la lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð ne tient pas toujours compteÌýdes griefs et des injusticesÌýqui ont alimenté les violences. Il suffit de penser à ce qui se passe au Moyen-Orient. En outre, il peut sembler hypocrite d’encourager les États fragiles à adopter des messages de tolérance bien intentionnés lorsqu’on constate que les grands titres parlent de l’accroissement de la xénophobie dans les pays occidentaux.
L’efficacité des initiatives de lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent dépend de la vitalité des relations entre l’État et les communautés. La lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent est l’approche «ÌýdouceÌý» du contre-terrorisme, mais elle n’est pas toujours utilisée avec douceur par les gouvernements «Ìýpour entretenir des relations, développer la confiance et définir des objectifs partagés avec les interlocuteurs de la communautéÌý», a notéÌýPeter Romaniuk, du Centre mondial pour la sécurité coopérative (Global Centre of Cooperative Security).
La méfiance envers l’État peut délégitimer les voix modérées de la communautéÌý; ou, inversement, donner lieu à des occasions ratées d’entrer en relation avec des éléments plus radicaux. La perception selon laquelle certaines communautés ou minorités sont ciblées peut également être stigmatisante.
L’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð n’est pas un crime. Or nous avons généralement tendance à considérer la protestation, la rébellion et le radicalisme comme étant liés, d’une certaine manière, au problème de l’«Ìý±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violentÌý». Pourtant, même les groupes les plus radicaux comptent dans leurs rangs de nombreux individus les ayant rejoints pour un éventail de raisons non idéologiques, et il reste encore beaucoup à découvrir sur le pourquoi et le comment de la radicalisation.
«ÌýPour mettre fin à la violence, les gouvernements devraient différencier même au sein des mouvements radicaux et ne pas tous les considérer comme des ennemis à combattreÌý», indique les auteurs d’unÌýrapportÌýsur Al-Qaeda et l’État islamique publié par l’International Crisis Group (ICG).
La lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent fonctionne-t-elle vraimentÌý?
Le problème de la définition de la lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent ne doit pas être pris à la légère. Le but est-il de prévenir les comportements violents en détournant les individus de groupes violentsÌý? Ou d’immuniser les gens contre les pensées radicales dans le cadre d’un projet d’ingénierie social plus ambitieux visant à lutter contre la radicalisationÌý? L’absence de paramètres clairs est l’une des raisons qui expliquent pourquoi il est si difficile de mesurer le succès des initiatives de lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent.
Or, en se basant sur les preuves accessibles au public, M.ÌýRomaniuk a décrit la lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent comme «Ìýun domaine qui a pris une importance disproportionnée par rapport aux résultats qu’il a permis d’obtenirÌý».
En Occident, les programmes de lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent de la première vague avaient généralement pour but de développer la résilience des communautés face aux idées extrémistes. Ils étaient inévitablement du type «Ìýessai et erreurÌý» et le nombre d’erreurs était beaucoup plus élevé que le nombre d’essais concluants.
De plus en plus, l’approche dite du «Ìýdébat d’idéesÌý» est écartée en faveur d’interventions plus individualisées destinées à aborder le problème de la radicalisation des comportements. Il faudra du temps pour évaluer l’efficacité des initiatives plus récentes, mais, dans l’ensemble, il existe peu de preuves attestant de la valeur des programmes de lutte contre l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent.
«ÌýL’expérience passée offre quelques indications pour la mise en oeuvre de programmes plus efficaces, mais, dans l’ensemble, il convient d’avoir des attentes modéréesÌý», a prudemment dit M.ÌýRomaniuk.
Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut s’attaquer aux griefs et aux injustices qui sont à l’origine de l’±ð³æ³Ù°ùé³¾¾±²õ³¾±ð violent. Les échecs de la gouvernance et le manque de perspectives condamnent de nombreux êtres humains au désespoir, à l’absence de dignité. Dans ce contexte, il est normal que certains considèrent la résistance comme une réponse presque logique et qu’ils cherchent à s’en servir pour se bâtir un meilleur avenir.
«ÌýEncourager les gouvernements à pratiquer l’inclusion et à mettre en oeuvre des réformes progressives est généralement la meilleure contribution que les alliés peuvent apporter pour prévenir les crises – et l’exploitation de ces crises par les extrémistesÌý», indique le rapport de l’ICG.