ParÌýSylvia Nabanoba et Vanessa Zola à Kosti, Soudan
Un épais tuyau en caoutchouc coule depuis le Nil Blanc au Soudan sur plus de deux kilomètres, pompant son contenu dans un grand réservoir dans la localité d’Al Jabalaïn, où poussent des milliers de jeunes arbres.
Cette pépinière a la capacité de produire jusqu’à 200Ìý000 jeunes arbres par an. Elle est le fruit d’un partenariat entre l’organisme forestier du pays, la Forest National Corporation (FNC) et le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Le projet a débuté en 2017 et il est situé dans une zone semi-aride, qui a été déboisée en grande partie pour le bois de chauffage et les matériaux de construction. Il a permis de planter environ un million d’arbres de quatre espèces différentes d’acacias, répartis sur 2500 hectares de terres.
Geal Deng Nyakong, un réfugié sud-soudanais, travaille à la pépinière. Elle a pu constater par elle-même à quel point la déforestation a nui à l’environnement dans lequel elle vit depuis qu’elle a fui la violence au Soudan du Sud en 2014.
«ÌýJ’ai rejoint ce projet pour gagner un peu d’argent pour la nourriture et quelques vêtements, et pour apprendre de nouvelles compétences sur la plantation d’arbresÌý», explique Geal Deng Nyakong, qui espère utiliser ces compétences quand elle sera de retour dans son pays d’origine ou dans le cadre de futurs travaux dans des plantations d’agrumes à proximité.
Il y a environ un quart de million de réfugiés sud-soudanais dans l’État du Nil blanc, qui compte plus de 1,7Ìýmillion d’habitants.
Geal Deng Nyakong, et des milliers de femmes comme elle, passent souvent jusqu’à huit heures par jour à se rendre dans des régions forestières éloignées pour trouver du bois de chauffage, une denrée qui se raréfie. Ces trajets à pied les rendent vulnérables à la violence sexuelle.
Imadeldin Ali, employé du HCR en charge des moyens de subsistance et basé à Kosti, s’attend à ce que cette campagne de reboisement, en plus de stimuler la durabilité, crée un environnement plus sûr pour les réfugiés vulnérables et les populations locales.
«ÌýElle a également rapproché la production de bois de chauffage des camps de réfugiés, ce qui favorise un accès sûr à un source durable de combustible pour la cuisine, tout en luttant contre les problèmes environnementaux par le biais de la gestion des ressources naturellesÌý», explique-t-il.
Dans la région du Nil blanc, la déforestation est un problème particulièrement grave. En plus du bois de chauffage, les réfugiés coupent du bois et des poteaux en quantité dévastatrice pour construire leurs abris. Dans une région où il y a peu d’emplois rémunérés, certains vendent une partie de leurs rations alimentaires pour acheter du bois de chauffage et du charbon de bois.
L’engagement du HCR auprès du FNC a contribué à la réhabilitation et à la gestion des forêts, tant pour la fourniture du combustible de cuisine que pour la protection environnementale à long terme.
«ÌýCette année, notre projet consiste à aménager des carrés de terrain boisés ou de petites forêts autour de chacun des neuf camps dans cet État pour remplacer les arbres abattus par les réfugiés au fil des annéesÌý», explique Imadeldin Ali.
Un autre défi est posé par le climat semi-aride avec des températures estivales atteignant 48 degrés Celsius, ce qui rend les cultures difficiles. Afin de renforcer les jeunes pousses, le HCR et le FNC, en partenariat avec Innovation Norway, une agence de développement du gouvernement norvégien, et la Dutch Land Life Company, expérimentent leurs cultures dans des cocoons, à la pépinière où travaille Geal Deng Nyakong.
Un cocon est un «ÌýincubateurÌý» biodégradable conçu pour renforcer une jeune pousse pendant sa première année en fournissant de l’eau et un abri tout en stimulant une structure racinaire saine et profonde, grâce à un approvisionnement en eau sous la surface.
Le cocon stocke l’eau pendant environ trois mois, ce qui permet aux semis de passer la saison des pluies. Il en résulte des arbres indépendants qui peuvent survivre dans des conditions difficiles. Les cocons amélioreraient le taux de survie des semis de 75 à 95%.Le projet de reboisement s’avère également positif pour les relations communautaires dans une région où la concurrence pour des ressources déjà rares a entraîné, par le passé, des tensions et des conflits entre les réfugiés et les communautés locales.