Septembre est le mois d茅sign茅 par l'Union africaine pour exhorter les civils en possession d'armes ill茅gales 脿 les remettre aux autorit茅s sans risquer d'锚tre arr锚t茅s ou poursuivis. M. Ivor Fung, Directeur adjoint en charge des armes conventionnelles au Bureau des Nations Unies pour les affaires de d茅sarmement (UNODA), s'est entretenu avec Zipporah Musau, d'Afrique Renouveau, sur l'importance du mois d'amnistie et les activit茅s pr茅vues. Extraits :
En quoi consiste le Mois de l'amnistie en Afrique, quand se tiendra-t-il et qui y participe ?
Le Mois de l'amnistie en Afrique est un programme compl茅mentaire 脿 la feuille de route de l'Union africaine (UA) "Faire taire les armes", qui pr茅voit des mesures pratiques. En 2017, les chefs d'脡tat et de gouvernement de l'UA se sont r茅unis et ont adopt茅 une d茅cision demandant 脿 tous les gouvernements de mettre en 艙uvre un programme appelant les populations 脿 remettre des armes ill茅gales sans faire l'objet d'aucune accusation ou poursuite.
On estime qu'environ 40 millions d'armes l茅g猫res et de petit calibre circulent ill茅galement en Afrique, et qu'environ 85 % d'entre elles ne sont pas enregistr茅es. En d'autres termes, personne ne sait qui est en possession de ces armes, personne n'a de permis.
Le Mois de l'amnistie vise 脿 impliquer les citoyens pour aider les gouvernements 脿 r茅duire la circulation illicite des armes sur le continent.
Pourquoi est-il c茅l茅br茅 en septembre ?
Le mois de septembre est symbolique car chaque ann茅e, la Journ茅e internationale de la paix est c茅l茅br茅e dans le monde entier le 21 septembre. L'Assembl茅e g茅n茅rale des Nations Unies a d茅clar茅 que cette journ茅e 茅tait consacr茅e au renforcement des id茅aux de paix, par l'observation de 24 heures de non-violence et de cessez-le-feu.
Quel type d'armes visez-vous 脿 collecter ?
听Il s'agit principalement d'armes l茅g猫res - carabines [un fusil compact 脿 canon court], Kalachnikovs, pistolets revolvers, etc. C'est la cat茅gorie d'armes que peut porter un individu et c'est la cat茅gorie d'armes la plus populaire sur le continent.
听L'autre cat茅gorie est celle des armes l茅g猫res, qui est un peu plus avanc茅e. Elle comprend, par exemple, les lance-roquettes ou d'autres types d'armes qui n茅cessitent la manipulation de plusieurs personnes ou qui doivent 锚tre mont茅es. Mais ce que nous avons de plus important, surtout lorsqu'il s'agit de sc猫nes de crime, ce sont les armes l茅g猫res.
听Quel est le r么le des Nations Unies dans ce programme ?
听Le r么le des Nations Unies dans le cadre du mois d'amnistie de septembre, et plus particuli猫rement pour l'茅dition 2020, consiste 脿 mettre en 艙uvre un projet dans sept pays africains : le Burkina Faso, le Cameroun, la R茅publique centrafricaine, la C么te d'Ivoire, la R茅publique d茅mocratique du Congo, l'脡thiopie et le Kenya.
听Quels ont 茅t茅 les crit猫res utilis茅s pour choisir les sept pays ?
听Tout d'abord, la Commission de l'UA dispose d'une liste de pays qui ont exprim茅 leur int茅r锚t 脿 participer 脿 cet exercice. Un autre crit猫re 茅tait la participation de ces pays aux programmes des Nations Unies relatifs 脿 la r茅duction des flux illicites d'armes ; le contr么le des armes l茅g猫res et de petit calibre.
听Bien s没r, nous aurions aim茅 avoir beaucoup plus de pays participants, mais les fonds dont nous disposons ne pouvaient que satisfaire le nombre dont nous disposons actuellement.
Quelles activit茅s avez-vous pr茅vues pour le mois de septembre dans les sept pays ?
听Nous allons mettre en 艙uvre quatre activit茅s : La premi猫re est une vaste campagne de mobilisation et de sensibilisation des populations africaines aux dangers du trafic illicite d'armes l茅g猫res, et aussi d'impliquer ces populations, en particulier celles qui portent des armes ill茅galement, 脿 se manifester pour les remettre.
听Les gouvernements de ces pays participants, tout comme les gouvernements d'autres pays qui soutiennent cette d茅cision de l'UA, se sont engag茅s 脿 ne pas poursuivre, au cours du mois de septembre, toute personne d茅tenant ill茅galement des armes qui aurait choisi de se pr茅senter et de les remettre. C'est pourquoi ce mois est appel茅 le "mois de l'amnistie".
听La deuxi猫me activit茅 est la collecte d'armes illicites, tandis que la troisi猫me est la destruction de toutes les armes qui seront collect茅es.
听La quatri猫me activit茅 est l'organisation d'ateliers de formation 脿 la police de proximit茅. Cela s'explique par le fait que lorsque vous d茅cidez de porter une arme, c'est g茅n茅ralement pour des raisons de s茅curit茅. Comme le programme ne pr茅voit pas de compensation mat茅rielle pour ceux qui remettraient ces armes, les partenaires du projet - la Commission de l'UA et les donateurs - ont d茅cid茅 que quelque chose devait 锚tre rendu aux communaut茅s. Cela signifie que la police de proximit茅 ou la s茅curit茅 seraient renforc茅es, et que la population aurait 茅galement un r么le 脿 jouer.
听Existe-t-il des activit茅s ciblant les jeunes et comment seront-ils impliqu茅s ?
Oui, dans le cadre de la premi猫re activit茅, qui est une vaste mobilisation, une sensibilisation et des 茅v茅nements m茅diatiques de tous types, y compris des concerts musicaux. Il y aura 茅galement un concours pour les jeunes afin de d茅velopper des slogans nationaux pour le programme, et ils sont 茅galement encourag茅s 脿 茅crire des histoires sur ces 茅v茅nements.
Le projet vise les jeunes dans le sens o霉, tout d'abord, ils constituent la majorit茅 de la population africaine, et ce sont les personnes les plus actives qui veulent assumer certaines de ces choses.
听Les jeunes ont un r么le majeur 脿 jouer dans la mise en 艙uvre de cette initiative. Ils seront impliqu茅s dans toutes les activit茅s, y compris les aspects li茅s, par exemple, 脿 la destruction des armes.
听Les jeunes devraient 茅galement 锚tre impliqu茅s dans la recherche de solutions. Nous voulons vraiment les impliquer, en particulier dans la dimension du contr么le des armes et du d茅sarmement.
- Gouvernement de l'Allemagne
- Gouvernement du Japon
Comment peuvent participer les personnes int茅ress茅es ?
C'est tr猫s facile. Gr芒ce 脿 la sensibilisation des m茅dias, avec les slogans que nous allons diffuser, les gens vont apprendre 脿 conna卯tre le type d'activit茅s qui se d茅roulent dans leurs communaut茅s. Il pourrait y avoir des programmes radio, des tables rondes de discussion, des concerts, etc. pour vraiment motiver les gens, en particulier la soci茅t茅 civile, les communaut茅s de base, les groupes confessionnels, les 茅glises, les chefs traditionnels. Nous envisageons 茅galement de travailler avec les chefs traditionnels pour voir comment, dans les diff茅rentes communaut茅s, ils peuvent mobiliser les gens dans les langues locales. Chacun doit jouer un r么le dans ce programme.
Quel r么le les femmes peuvent-elles jouer dans cet exercice ?
Eh bien, les femmes ont un grand r么le 脿 jouer. Nous cherchons des groupes de femmes dans les pays participants pour qu'elles participent au travail l茅gislatif que chaque pays doit entreprendre.
Le deuxi猫me domaine est la participation des femmes aux activit茅s institutionnelles et op茅rationnelles relatives aux armes l茅g猫res et de petit calibre, comme la collecte des armes. Les femmes peuvent 锚tre impliqu茅es par le biais de leur adh茅sion 脿 l'organisme national de coordination, comme le point focal national ou la commission nationale, selon le pays. Les femmes doivent y jouer un r么le officiel.
Il existe 茅galement des r么les informels que les femmes peuvent jouer. Elles peuvent faire de l'agitation dans les zones rurales, dans les villes, organiser des tables rondes, m锚me dans leur langue locale, pour faire passer le message, et aussi expliquer comment elles voient la question en tant que femmes, 脿 partir de leur exp茅rience personnelle.
En effet, les femmes sont beaucoup plus touch茅es que les autres. M锚me si nous prenons en consid茅ration le fait que le port d'armes est g茅n茅ralement une activit茅 masculine, lorsqu'il s'agit des dangers des armes, les femmes sont les plus touch茅es. Il serait bon qu'elles se pr茅sentent pour raconter leur histoire. C'est aussi le moment pour elles de montrer ce qu'elles font dans leurs diff茅rentes communaut茅s.
Nous avons 茅galement des projets sp茅cifiques sur l'inclusion ou l'int茅gration des questions de genre dans les politiques gouvernementales.
Le mois de l'amnistie en Afrique est organis茅 depuis 2017. Y a-t-il eu des succ猫s jusqu'脿 pr茅sent ?
Oui, il y a eu des succ猫s. Par exemple, en 2017, le programme a 茅t茅 organis茅 au Burkina Faso, en R茅publique centrafricaine, 脿 Madagascar et en Zambie. Le message s'est largement r茅pandu dans ces pays pour mobiliser les gens autour de la question des armes l茅g猫res.
Ensuite, des armes ont 茅t茅 collect茅es dans ces pays. Les gens se sont pr茅sent茅s pour rendre leurs armes, et ces armes ont 茅t茅 d茅truites.
Les gouvernements ont 茅galement progress茅 dans l'am茅lioration de la l茅gislation. Avoir une bonne l茅gislation est une chose, mais ce n'est pas suffisant, il faut la mettre en 艙uvre. Et donc, c'est la phase de mise en 艙uvre, et surtout le r么le que peuvent jouer les agents de la force publique, qui est tr猫s, tr猫s important. C'est l脿 que nous mettons 茅galement l'accent.
Des choses plus positives se sont produites sur le continent.
Par exemple, l'Afrique du Sud a lanc茅 depuis d茅cembre 2019 une amnistie de six mois sur les armes l茅g猫res et de petit calibre. C'est vraiment une inspiration du mois d'amnistie. Elle a permis au pays de collecter plus de 46 000 armes.
C'est le genre de choses positives que nous devons mettre en avant et qui cr茅ent une dynamique. Elles peuvent 锚tre reproduites par de nombreux autres pays, y compris ceux qui viennent de sortir d'un conflit, ceux qui connaissent un conflit, et m锚me ceux qui connaissent une paix relative. Parce que m锚me quand et o霉 il y a une paix relative, nous avons toujours la criminalit茅, nous avons toujours des activit茅s criminelles transnationales organis茅es.
D'o霉 viennent ces armes illicites ? Certaines d'entre elles sont-elles fabriqu茅es en Afrique ?
Toutes les armes qui circulent en Afrique ne sont pas fabriqu茅es sur le continent. Un pourcentage tr猫s 茅lev茅 provient de l'ext茅rieur du continent. Les seuls pays africains que nous connaissons qui ont des capacit茅s de fabrication d'armes sont l'Afrique du Sud, l'脡gypte, peut-锚tre le Nigeria. Nous avons peut-锚tre plus de munitions de fabrication, mais c'est tr猫s limit茅.
Dans quels pays trouve-t-on le plus souvent ces armes, ne s'agit-il que des pays en conflit ?
Non, c'est dans tous les pays. Chaque pays a le droit d'avoir des armes pour sa propre autod茅fense, c'est un droit souverain.
Ce qui n'est pas correct, c'est lorsque ces activit茅s sont ill茅gales, illicites ou que vous trouvez une situation o霉 les gouvernements ne peuvent pas les contr么ler. C'est la raison pour laquelle ils ont des programmes comme le trait茅 sur le commerce des armes, le programme d'action des Nations unies sur les armes l茅g猫res, et des accords r茅gionaux comme le protocole de Nairobi, la convention de la CEDEAO [Communaut茅 茅conomique des 脡tats de l'Afrique de l'Ouest], etc.听 Ce sont tous des instruments que les gouvernements ont mis en place pour les aider 脿 lutter contre la partie ill茅gale de l'armement.
Quels sont les d茅fis rencontr茅s dans la collecte de ces armes ill茅gales ?
Le premier d茅fi est que ceux qui portent ces armes h茅sitent toujours 脿 se manifester. Et c'est pourquoi nous insistons sur la force des messages qui doivent 锚tre diffus茅s 脿 propos de cette amnistie.
Nous voulons envoyer un message qui ne consiste pas 脿 bl芒mer ceux qui poss猫dent une arme ill茅galement. C'est pourquoi cela s'appelle un programme d'amnistie.
Ce programme d'amnistie est vraiment une opportunit茅 pour les gens de se manifester, d'augmenter le nombre d'armes enregistr茅es. Donc, si vous ne pouvez pas l'enregistrer, remettez-la simplement - c'est le message.
Nous avions 茅galement pr茅vu la possibilit茅 d'un "d茅lai de gr芒ce" au cours duquel ceux qui poss猫dent des armes ill茅galement et ne peuvent, pour une raison ou une autre, l茅galiser la situation, devraient simplement se rendre aux autorit茅s m锚me apr猫s la p茅riode du projet et remettre les armes.
L'autre d茅fi est que, m锚me lorsque nous encourageons les citoyens 脿 remettre leurs armes, le mieux est g茅n茅ralement que ces armes soient d茅truites. Le probl猫me est de ne pas les d茅truire.
Nous sommes encourag茅s par le fait que de nombreux pays se lancent maintenant dans la destruction. Vous vous souvenez du programme Karamojong en Ouganda, qui est l'un des programmes les plus cit茅s. Il y en a eu un au Congo Brazzaville, un autre au Mali, au Niger et d'autres encore.
Le d茅fi le plus redoutable est probablement le fait que ces armes proviennent pour la plupart de l'ext茅rieur du continent, et qu'elles sont parfois recycl茅es d'une zone de conflit 脿 une autre.
Quel est le plan 脿 long terme des Nations Unies avec ce programme ?
Le plan 脿 long terme est de d茅clencher et de catalyser un processus de sensibilisation des populations sur la question du flux illicite d'armes ; de d茅velopper une culture de prise de conscience des dangers qui viennent avec la possession d'armes, et aussi de ce qui doit 锚tre fait pour s'assurer que les gens s'arment de mani猫re tr猫s responsable.
Bien s没r, il n'appartient pas 脿 l'ONU d'imposer aux gouvernements. Chaque pays dans le monde a une loi, un projet de loi ou une l茅gislation sur les armes. Nous accompagnons donc le gouvernement dans la mise en 艙uvre de cette l茅gislation.
Le plan 脿 long terme consiste en fait pour les pays participants 脿 s'assurer qu'en plus de la l茅gislation, ils disposent 茅galement des dispositions institutionnelles qui leur permettraient de traiter cette question 脿 plus long terme.
Quel serait votre message de fin ?
Mon message aux gouvernements africains est le suivant : Ils se sont lanc茅s dans un tr猫s noble programme de "r茅duction au silence des armes". Noble parce qu'il est l'expression d'une volont茅 politique de mettre fin aux conflits sur le continent.
Cela n茅cessite 茅galement la mise en place de programmes qui se concentrent sur les causes profondes de ces conflits. Les armes sont le dernier recours. Limiter le flux de ces armes pourrait peut-锚tre amener les gouvernements et d'autres acteurs 脿 dialoguer.
Les programmes de bonne gouvernance sont le moyen de minimiser les conflits dans une tr猫s large mesure. Et cela saperait l'utilisation des armes. Ce serait le meilleur moyen de faire taire les armes en Afrique.
Mon message 脿 la jeunesse africaine : Ils ont un r么le majeur 脿 jouer dans ce programme. C'est le leur, car ils sont tr猫s souvent 脿 l'avant-garde de ces combats pour leur propre survie, pour leur vie, pour leur avenir, etc. Ce faisant, ils prennent parfois le mauvais chemin, celui du conflit. Les armes ne r茅solvent pas le probl猫me, il existe de meilleures alternatives pour r茅clamer ce qui vous appartient.
Mon message aux femmes, je voudrais dire que nous respectons le r么le noble que vous avez jou茅 lorsque les temps 茅taient durs, et lorsque vos proches 茅taient bless茅s par des armes. C'est l'occasion pour vous de jouer 茅galement un r么le pour mettre fin 脿 ce fl茅au.
En tant qu'ONU, nous ne sommes l脿 que pour aider les gouvernements 脿 faire ce qui est juste. Et ce programme est le leur, nous ne faisons qu'apporter un soutien technique.
