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Préserver ses valeurs culturelles à l’étranger
Rien de tel que Le Petit Sénégal, un morceau d’Afrique de l’Ouest au milieu de West Harlem, un quartier de New York, pour découvrir la culture africaine au cœur de la mégalopole américaine. Epiceries, et merceries, y jouxtent salons de coiffures et restaurants. Le marché Sandaga, un creuset de cultures, de coutumes et de langues africaines, est l’expression des efforts des immigrés pour promouvoir et protéger leurs identités culturelles.
Au Malcolm Shabazz Harlem Market, également à Harlem, des maîtres tailleurs y vendent les boubous et agbadas nigérians et le très populaire dashiki, également du Nigéria, faits en tissu kente et en kitenge. Les paniers traditionnels débordent de maroquineries, perles Massai et autres produits artisanaux.
Première génération
Il y avait environ 2,1 millions d’immigrés africains vivant aux États-Unis en 2015, contre seulement 816 000 en 2000 : une augmentation substantielle par rapport à 1970, alors que les États-Unis ne comptaient que 80 000 Africains nés à l’étranger, selon une analyse des données du Bureau américain du recensement par le Pew Research Center.
Depuis le début du siècle, des millions d’immigrés ont quitté l’Afrique notamment pour l’Europe et les États-Unis, à la faveur de la loi de 1980 sur les réfugiés. Elle facilitait la réinstallation aux États-Unis de ceux qui fuyaient les conflits dans des pays comme la Somalie et l’Éthiopie.
Désireux d’améliorer leur bien-être et celui de leur famille, nombre de ces migrants ont fait des études supérieures, décroché des emplois bien rémunérés ou ont monté des entreprises.
Tenant à préserver leur identité culturelle, ils veillent à ce que leurs enfants n’oublient pas leurs origines.
Parlant de ses trois enfants, de 21, 18 et 16 ans, Dembo Jaebeh, tailleur sur le marché de Harlem déclare : « A la maison, c’est la Gambie. Dehors, ce sont eux qui décident. »
Pour M. Jaebeh, qui vit aux États-Unis depuis 14 ans faire partie d’une communauté très unie et avoir une famille élargie sur qui compter aide les immigrés à préserver leurs croyances et leurs valeurs.
Christabel Nsiah-Buadi, née en Grande-Bretagne, où ses parents ont émigré dans les années 1980, y a reçu un grand soutien de sa famille ainsi que de la diaspora africaine. Elle est productrice et créatrice de la web-série The Media Disruptors.
La mère d’Arao Ameny, --une enseignante à l’Université de Baltimore (Maryland)-- a toujours craint que sa fille ne perde son identité ougandaise.
« Après mon arrivée aux États-Unis, ma mère ougandaise me répétait chaque jour : “Tu es une noire Africaine et une Ougandaise. N’oublie pas d’où tu viens. Ta patrie, c’est l’Ouganda” », se souvient Mlle Ameny, qui a émigré aux États-Unis dans les années 1990.
Cette histoire est assez commune chez les migrants africains aux États-Unis qui s’efforcent de faire vivre leur culture et leurs traditions.
De nombreux parents immigrés aimeraient que leurs enfants tissent des liens solides avec l’Afrique. Ce qui n’est pas évident parce que les parents ne comprennent pas que leurs enfants soient confrontés à une crise d’identité, explique Mlle Nsiah-Buadi.
Les enfants de migrants se heurtent à de sérieuses difficultés, notamment aux préjugés américains que la première génération de migrants ne réalise même pas. Mlle Nsiah-Buadi se souvient qu’adolescente au Royaume-Uni, il lui était difficile de définir sa propre identité.
« Pour éviter des ennuis à l’école, je devais me conformer aux codes culturels anglais. A la maison, j’avais à respecter les règles de mes parents ghanéens », explique-t-elle.
Et de faire remarquer que, Phyllis, sa sœur, arrivée au Royaume-Uni à l’âge de 8 ans, était bien plus capable de faire face aux moqueries à l’école.
« En tant qu’enfant de parents immigrés d’Afrique, vous êtes constamment à cheval sur deux mondes, réconciliant, négociant et essayant d’en tirer un sens », souligne Mlle Ameny.
Selon elle, les enfants qui émigrent à un âge plus avancé sont plus enclins à suivre les traditions de leurs parents que ceux qui émigrent jeunes ou qui naissent à l’étranger.
Les enfants plus âgés ont tendance à se forger une double identité, tandis que, pour s’intégrer dans le système éducatif américain, les plus jeunes généralement rejettent rapidement les coutumes et la langue des parents.
Brigitte Fofana, 17 ans, née aux États-Unis d’une mère guinéenne, n’aime pas le Thiebou Dienn, un plat typiquement sénégalais au riz et poisson. Elle n’aime pas non plus la musique africaine et ne voit pas le besoin de porter des robes africaines à New York. Elle n’est pas la seule. Beaucoup d’enfants d’immigrés nés aux États-Unis partagent le même sentiment.
Mais les parents nés en Afrique ne sont pas près d’abandonner leur combat. L’avenir nous dira si leurs efforts seront récompensés.