Zambie : la lutte contre “la faim invisible”
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Zambie : la lutte contre “la faim invisible”
La plupart des enfants de Zambie mangent un repas au moins une ou deux fois par jour. Mais même s’ils ne souffrent pas de la faim, beaucoup manquent souvent des éléments nutritifs indispensables à leur croissance physique et mentale. Les autorités du pays s’attaquent à cette “faim invisible” en enrichissant la semoule de maïs, aliment de base, au moyen de vitamines et de minéraux.
Les responsables africains sont à l’avant-garde des efforts déployés à l’échelle du continent pour ajouter des éléments micronutritifs à la semoule de maïs, au sel, à la farine, à l’huile, au sucre, au soja et autres aliments. L’un des objectifs du NEPAD, le programme de développement de l’Afrique, est de veiller à ce que tous les habitants du continent soient en suffisamment bonne santé pour réaliser pleinement leur potentiel sur le plan physique et mental.
Les carences d’éléments micronutritifs affaiblissent les capacités intellectuelles et physiques, peut-on lire dans un rapport du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). Les carences en fer sont tellement répandues chez les adultes du continent qu’elles entraînent une diminution globale du taux de productivité qui se traduit par des pertes évaluées à 2 % du PIB des pays les plus touchés).
“Nous avons commencé à nous en inquiéter lorsque les dernières évaluations officielles ont révélé que 66 % des enfants zambiens de moins de cinq ans souffrent de carence en vitamine A et 63 % de carence en fer”, a expliqué à Afrique Renouveau M. Siamusantu, responsable du programme national d’enrichissement de la semoule de maïs.
Maïs enrichi
Pour remédier à cette situation, les autorités ont lancé en 2006 un programme visant à enrichir le maïs moulu vendu dans le commerce avec du fer, de la vitamine A, de l’acide folique et du zinc.
D’après Amanda Marlin, responsable de la communication à la fondation de l’Alliance mondiale pour l’amélioration de la nutrition (AMAN), en combattant les carences alimentaires chez les enfants, les Etats africains pourront accélérer le processus de développement en peu de temps. L’AMAN, dont la mission consiste à réduire les carences micronutritives, contribue au financement du projet mené en Zambie.
“Lorsque vous parlez de développement, il s’agit d’années de travail. Mais avec l’enrichissement alimentaire, on obtient des résultats rapides, affirme Mme Marlin. Les responsables du NEPAD encouragent ces efforts, parce qu’ils ont constaté leur efficacité en Europe et en Amérique."
Plusieurs pays africains ont déjà mis en place des programmes d’enrichissement alimentaire, précise-t-elle, mais l’AMAN, le NEPAD et d’autres partenaires envisagent de les étendre à 47 pays d’ici trois ans.
“L’avantage de ce projet est de ne pas imposer de changements dans les habitudes alimentaires des gens, qui sont traditionnellement peu disposés à accepter des bouleversements majeurs en matière alimentaire, souligne Mme Marlin. Nous ne faisons qu’améliorer ce qui constitue déjà leur alimentation de base."
L’Association des meuniers de Zambie, qui comprend 33 des principaux producteurs de semoule de maïs, a accepté d’ajouter des vitamines et des minéraux à ses produits. Le président de l’association, Harrison Banda, explique qu’au départ les producteurs se demandaient si les additifs ne compromettraient pas la qualité de leurs produits, nuisant ainsi à leur chiffre d’affaires.
Les consommateurs avaient leurs propres inquiétudes, poursuit-il. “Certains se demandaient s’il ne s’agissait pas d’un stratagème des gouvernements occidentaux destiné à mener une expérience à leur insu. Ils se sont demandé pourquoi ces pays ne proposaient pas ces produits à leurs propres populations. Des bruits ont également couru selon lesquels l’enrichissement alimentaire serait cause d’infertilité. Mais grâce aux campagnes d’éducation, les Africains savent désormais que même en Amérique et en Europe, les gens consomment des aliments enrichis. Ils savent que c’est bon pour eux et leurs enfants.”
Un ‘projet noble’
Les meuniers ont reçu des machines de l’AMAN, mais doivent se procurer les vitamines et les minéraux par leurs propres moyens, ce qui a laissé craindre que les producteurs ne répercutent ces coûts sur les consommateurs. Ce n’est pas le cas, assure M. Banda. “Nos coûts de production n’augmenteront que de 3 %, ce qui est un sacrifice minuscule compte tenu de l’enjeu. Une fois que les craintes concernant la qualité de nos produits ont été dissipées, nous nous sommes tous engagés dans ce projet. Nous en soutenons la raison d’être et estimons qu’il s’agit d’un projet noble qui mérite le soutien du secteur privé”, ajoute-t-il. L’association, précise-t-il, dessert de 60 à 70 % des habitants du pays. Le reste de la population, qui réside dans les régions éloignées du pays, est desservi par des meuniers artisanaux.
Pourtant, souligne Steven Lauwerier, responsable de programmes de l’UNICEF en Côte d’Ivoire, ce sont précisément les habitants des zones rurales reculées de l’Afrique qui ont le plus besoin d’une alimentation enrichie : “Dans les villes, l’impact de ce programme est immédiat dans la mesure où les gens consomment des produits alimentaires commerciaux. Mais ces produits sont peu consommés dans les zones rurales pauvres. Dans ces régions, l’enrichissement seul ne suffit pas. Il faut le compléter par des programmes nutritionnels à base communautaire."
De l’avis de M. Banda, l’Association des meuniers de Zambie est prête à encourager la participation des meuniers ruraux à ce programme, à condition d’obtenir des fonds supplémentaires. “Les doses de vitamines nécessaires à l’enrichissement d’une tonne de semoule de maïs sont infimes, dit-il. Nous ne pouvons permettre que le développement de l’Afrique soit remis en question pour quelques grammes de vitamines.”
Le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique
Le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) a été adopté comme principal cadre de développement du continent lors d’une réunion au sommet des Chefs d’Etat africains en juillet 2001. Conformément aux dispositions du NEPAD, la réalisation des objectifs de développement à long terme de l’Afrique est ancrée dans la volonté des peuples du continent “de se sortir eux-mêmes, et de sortir le continent, du marasme du sous-développement et de l’exclusion à l’ère de la mondialisation”. Le NEPAD préconise l’établissement de nouvelles relations entre l’Afrique et le reste du monde, dans le cadre desquelles les partenaires non-africains s’efforcent de soutenir les efforts déployés par le continent. L’ONU, le Groupe des huits pays industrialisés et différents pays donateurs se sont engagés dans cette voie.
D’après le NEPAD, le développement de l’Afrique est soumis à trois conditions :
- paix, sécurité, démocratie et bonne gouvernance politique
- amélioration de la gouvernance économique et sociale
- coopération et intégration régionales
Le NEPAD identifie par ailleurs plusieurs secteurs prioritaires qui exigent une attention et des mesures particulières, dont :
- la construction d’infrastructures physiques, notamment routes, voies ferrées, et réseaux électriques reliant des pays voisins
- la mise en place de technologies de l’information et de la communication
- le développement humain, notamment en matière de santé, d’éducation et d’amélioration des compétences
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- la promotion de la diversification de la production et des exportations
Les ressources nécessaires à la réalisation de ces objectifs devront venir dans un premier temps en grande partie de l’extérieur, bien que les gouvernements africains redoublent d’efforts pour mobiliser davantage de ressources nationales. “L’Afrique, affirme le NEPAD, reconnaît détenir les propres clés de son développement.”