Le plan de réforme de l'ONU imprimera un nouvel élan au développement
Get monthly
e-newsletter
Le plan de réforme de l'ONU imprimera un nouvel élan au développement
Les réformes "les plus vastes et les plus ambitieuses" qui aient jamais été envisagées durant les 52 années d'existence de l'ONU, dévoilées le 16 juillet par le Secrétaire général Kofi Annan, auront des effets non négligeables sur le développement économique et social de l'Afrique. L'ensemble de réformes, qualifié par le Secrétaire général de "révolution tranquille" quant à la façon dont l'ONU fonctionne, permettra de réaffecter au développement des ressources auparavant consacrées à l'administration, de mobiliser de nouvelles sources de financement du développement et de renforcer les opérations menées par l'ONU sur le terrain. Il permettra également à l'Organisation de traiter avec davantage d'efficacité les problèmes résultant des conflits et de leurs conséquences auxquels est confrontée l'Afrique -- de l'aide humanitaire à la consolidation de la paix et aux droits de l'homme.
"Les réformes que je propose aujourd'hui permettront à l'Organisation des Nations Unies de faire encore davantage et encore mieux", a indiqué le Secrétaire général Annan dans sa déclaration à l'Assemblée générale. L'objectif en est, a-t-il dit, "de mieux faire converger les efforts vers des objectifs communs, d'en accroître la cohérence et de permettre à l'ONU d'agir avec plus de souplesse dans un monde toujours plus dynamique et complexe".
Le Secrétaire général Kofi Annan répond aux questions des journalistes concernant ses propositions de réforme de l'Organisation des Nations Unies, présentées à l'Assemblée générale le 16 juillet.
La restructuration tient compte des priorités et préoccupations de l'Afrique à deux égards -- elle renforce et rationalise les activités de développement menées par l'ONU et rend cette dernière mieux à même de consolider la paix, de répondre aux besoins humanitaires et de défendre les droits de l'homme. Parlant au nom du Groupe des Etats d'Afrique, l'Ambassadeur du Ghana, Jack Wilmot, a noté que pour les habitants des pays en développement, notamment d'Afrique, le "critère" d'évaluation des propositions de réforme sera la mesure dans laquelle leurs aspirations à un monde plus sûr, plus prospère et plus juste seront satisfaites.
Les recommandations du Secrétaire général -- fruit d'une étude longue de six mois -- figurent dans le rapport intitulé Rénover l'Organisation des Nations Unies : un programme de réformes. Elles constituent la deuxième étape d'une initiative de réforme entamée peu après l'entrée en fonctions de M. Annan en janvier. Certaines propositions doivent être approuvées par l'Assemblée générale et d'autres peuvent être mises en oeuvre immédiatement sous la seule autorité du Secrétaire général.
Afin de dûment tenir compte de "l'évolution de l'agenda mondial" qui met en jeu "des menaces et défis nouveaux et sans précédent" -- se jouant souvent des frontières -- M. Annan a annoncé que les activités de l'Organisation seraient désormais axées sur cinq principaux domaines bénéficiant d'une réaffectation des ressources : la paix et la sécurité, les affaires économiques et sociales, la coopération au développement, les affaires humanitaires et les droits de l'homme.
Renforcer l'appui au développement
Les réformes permettront notamment de dégager sans plus tarder des ressources pour le développement. Les économies résultant de la réduction des dépenses d'administration de l'ONU seront placées sur un compte pour le développement permettant de mener des activités économiques et sociales. Le Secrétaire général a estimé que ces "dividendes pour le développement" atteindraient au moins 200 millions de dollars en 2002 et a recommandé d'effectuer un premier versement en janvier 1998 provenant des économies réalisées au titre du budget de l'actuel exercice biennal.
Si les opérations de l'ONU sur le terrain étaient mieux structurées, l'ONU devrait pouvoir recueillir davantage de fonds pour le développement.
L'Afrique bénéficiera également du renforcement des activités de développement de l'ONU au Siège et sur le terrain. L'ONU a longtemps été critiquée pour ses chevauchements d'activités et son inefficacité à utiliser ses ressources, imputables au grand nombre de ses programmes et fonds traitant des divers aspects du développement. Afin de répondre à certaines des préoccupations exprimées à ce sujet, le Secrétaire général a proposé de créer un Groupe des organismes de développement, composé du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et dirigé par un nouveau Comité exécutif, présidé par l'Administrateur du PNUD. Ce nouveau cadre de coopération permettra aux programmes et fonds de "conjuguer leurs efforts afin de renforcer leur impact... [et] aussi de faire des économies", a indiqué le Secrétaire général.
Sur le terrain, afin d'améliorer la coordination, la formulation et la présentation des programmes d'assistance des Nations Unies s'inscriront dorénavant dans un même plan-cadre pour l'aide au développement dont les objectifs et le calendrier seront communs. En outre, tous les organismes des Nations Unies sur le terrain disposeront de locaux communs sur lesquels flottera un "seul et unique drapeau", qui seront appelés "Maison des Nations Unies" et placés sous l'autorité du Coordonnateur résident -- en général le Représentant résident du PNUD. Le Bureau des Nations Unies en Afrique du Sud a été le premier à être ainsi désigné.
Le Secrétaire général a fait observer lors d'une conférence de presse à l'issue de sa déclaration que les organismes multilatéraux et les gouvernements avaient indiqué qu'ils souhaiteraient faire transiter leurs fonds par l'ONU si ses opérations sur le terrain étaient mieux structurées. Une fois cet objectif atteint, a-t-il ajouté, "nous devrions pouvoir obtenir un financement supplémentaire auprès de sources multilatérales et bilatérales pour le développement économique et social".
Reconnaissant qu'à une époque où l'aide publique au développement (APD) était en diminution et la mobilité des capitaux privés limitée, la question de la mobilisation des ressources financières pour le développement était essentielle, M. Annan a annoncé la création d'un Bureau du financement du développement qui étudiera la possibilité de mettre au point des mécanismes novateurs permettant de réunir les ressources nécessaires au développement. Il pourrait notamment s'agir de créer des entités à but non lucratif permettant au Groupe des organismes de développement de recevoir des contributions faisant l'objet de déductions fiscales de particuliers et de sociétés et d'avoir recours aux marchés financiers privés. Dans son rapport, M. Annan recommande également la création d'un nouveau système de ressources de base consistant en contributions volontaires et en annonces de contributions négociées mises à disposition par tranches pluriannuelles plutôt qu'annuelles.
Compte tenu du fait qu'il y a une multiplication aussi bien des priorités que du nombre d'organisations s'occupant d'aide au développement, il convient de s'employer à renforcer la coopération avec la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les banques régionales de développement. L'objectif est de promouvoir un partenariat plus constructif entre des organisations dont le mandat se chevauche parfois et de mieux définir le rôle joué par l'ONU dans le développement.
Les réformes visent aussi à regrouper les services chargés des affaires économiques et sociales au sein du Secrétariat en vue d'en améliorer les fonctions politiques. Le nouveau Département des affaires économiques et sociales, né de la fusion de trois anciens départements du Secrétariat, fera partie au même titre que la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) du Comité exécutif pour les affaires économiques et sociales. Cela permettra à l'ONU d'aborder de manière cohérente deux facettes essentielles du développement -- l'environnement et l'ensemble commerce/investissements/ technologie. Une attention toute particulière sera également accordée au renforcement des activités portant sur la coopération Sud-Sud et l'aide à l'Afrique, aux pays les moins avancés et aux petits pays insulaires en développement. Un secrétariat du Conseil économique et social sera en outre créé au sein du nouveau département.
Les pays en développement bénéficieront aussi d'une réorientation des activités d'information de l'ONU, annoncée le 17 mars au cours de la première phase des réformes. Une partie des ressources consacrées à l'information sera réaffectée aux bureaux de l'ONU situés dans les pays en développement et l'accent sera mis sur la fourniture de services de communications et d'information aux Etats Membres, aux médias et aux organisations non gouvernementales.
Un plan d'application des recommandations faites par l'Equipe spéciale sur la réorientation des activités d'information des Nations Unies créée par le Secrétaire général est en cours de formulation; il y est prévu de placer les fonctions de communication au coeur de la gestion stratégique de l'Organisation en vue de lui permettre de mieux communiquer le message qui est le sien.
Programme social
Un autre groupe de réformes bénéficiera directement dans le domaine social à une Afrique qui s'emploie à surmonter les effets dévastateurs des conflits armés. Les opérations de maintien de la paix demeureront un "instrument indispensable" de l'ONU et l'on s'efforce actuellement d'en renforcer l'efficacité, mais l'Organisation mettra davantage l'accent à l'avenir sur la diplomatie préventive et la consolidation de la paix au lendemain des conflits. Elle s'efforcera d'être en état de plus grande vigilance à l'échelle mondiale, afin de repérer les éventuelles menaces qui risquent de compromettre la paix et la sécurité internationales. Des consultations sont actuellement menées avec les Etats Membres afin de trouver le financement de base d'un centre permettant le déploiement rapide de missions en vue d'empêcher l'aggravation des conflits armés.
Les réformes bénéficieront directement à une Afrique qui s'emploie à surmonter les effets dévastateurs des conflits armés.
L'aspect consolidation de la paix après un conflit sera également renforcé. Il pourra notamment s'agir à cet égard de créer des institutions nationales; d'observer des élections; de promouvoir les droits de l'homme; de fournir des programmes de réintégration et de relèvement; et de mettre en place les conditions permettant une reprise du développement. Le Département des affaires politiques a été chargé de veiller à ce que les initiatives prises par les Nations Unies dans les pays relevant de crises soient pleinement intégrées et tiennent compte des objectifs définis par le Conseil de sécurité.
En Afrique centrale, les flux incontrôlés d'armes classiques ont constitué un grave danger pour la paix. Afin de mettre au point des stratégies et politiques empêchant la prolifération de ces armes, le Centre des Nations Unies pour les affaires de désarmement deviendra le Département du désarmement et de la réglementation des armements et sera placé sous l'autorité d'un Secrétaire général adjoint. Conscient du fait que lors des troubles civils, les urgences humanitaires sont fréquentes et que les opérations humanitaires n'ont pas pour seul objectif de fournir des secours, le Secrétaire général, dans son rapport, appelle à une restructuration approfondie du mécanisme du Secrétariat chargé de coordonner l'aide humanitaire. Un Bureau du Coordonnateur des secours d'urgence remplacera le Département des affaires humanitaires et un comité directeur renforcera la coordination interinstitutions et sur le terrain ainsi que la mobilisation des ressources.
Le respect des droits de l'homme fait "partie intégrante de la promotion de la paix et de la sécurité, de la prospérité économique et de l'équité sociale", indique le Secrétaire général dans son rapport. Le programme de l'ONU relatif aux droits de l'homme sera renforcé et pleinement intégré au reste des activités de l'Organisation. Le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme et le Centre pour les droits de l'homme fusionneront pour devenir une seule et même entité, le Haut Commissariat aux droits de l'homme, responsable des activités de l'ONU dans le domaine des droits de l'homme.
Règlement de la crise financière
Reconnaissant que l'ONU "ne fonctionnait pas comme elle devrait" et avait "mis du temps à refléter l'évolution des réalités géopolitiques", M. Annan a souligné qu'une organisation "efficace et rationnelle, ayant une orientation précise, cohérente, souple et économique" était plus nécessaire que jamais.
Même si les chefs de certains organismes de l'ONU se sont inquiétés d'une éventuelle perte d'autonomie résultant du regroupement ou de la réorganisation de certains programmes et activités, M. Annan a souligné que chaque organisme et fonds des Nations Unies garderait son individualité tout en travaillant en équipe; il ne s'agirait toutefois pas d'une équipe d'aviron "où tout le monde doit faire la même chose". Il a indiqué aux journalistes qu'il pensait plutôt à une "équipe de football" où chacun peut exprimer ses talents individuels, à un système où les diverses entités font ce qu'elles savent le mieux faire.
Il a aussi souligné qu'au lieu d'être évaluée sur les "compressions que nous proposons ou les structures que nous modifions", l'ONU devrait plutôt être jugée sur "les secours et l'aide apportés aux pauvres, aux affamés, aux malades et aux personnes menacées -- les populations du monde que l'ONU a été créée pour servir".
La viabilité financière est l'une "des conditions du succès même" de son plan mais le Secrétaire général a souligné que la réforme devait aussi permettre à l'ONU de mieux promouvoir le développement et de remédier aux "causes premières de la pauvreté et des conflits". Ce point a été repris par le Groupe des 77 -- les pays en développement -- et la Chine dans une déclaration qui indiquait que la raison d'être de la réforme ne devait pas être la "diminution des effectifs et des programmes" de l'ONU en vue de réaliser des économies mais le renforcement et la revitalisation du rôle joué par l'Organisation en matière de développement.
La première phase de la réforme a compris une série de réductions et de regroupements d'ordre administratif et budgétaire, notamment le regroupement de trois départements s'occupant des domaines économique et social au sein d'un nouveau Département des affaires économiques et sociales et celui de trois entités du Secrétariat fournissant des services à des organes intergouvernementaux. Pour réduire les coûts, 1 000 postes ont été éliminés au sein du Secrétariat -- soit une baisse de 25 % des effectifs par rapport à il y a 10 ans. Dans le cadre des efforts visant à réduire les dépenses d'administration et les frais généraux, les dépenses non liées aux programmes sont passées de 38 % du budget ordinaire de l'ONU à 25 %. Ces économies ont permis de présenter un projet de budget pour 1998-1999 ayant un taux de croissance négatif.
Le Secrétaire général a reconnu dans son discours de juillet qu'il importait de mettre un terme à "l'état persistant de quasi-faillite" de l'ONU qui durait "depuis bien trop longtemps". "Cette situation est due", a-t-il dit, "au fait que certains Etats Membres ne versent pas leurs contributions en entier, en temps voulu et sans condition préalable".
Au 16 juillet, seuls 75 des 185 Etats Membres avaient versé la totalité de leurs contributions. Les Etats-Unis, principal débiteur, doivent plus d'un milliard de dollars et certains membres du Congrès ont demandé que le Secrétaire général remplisse certaines conditions en matière de réforme pour qu'une partie de la dette soit payée. Répondant à ses critiques de Washington, M. Annan a indiqué lors d'une conférence de presse que les demandes "unilatérales" n'impressionnaient pas, n'intimidaient pas; qu'en fait, elles offensaient.
Notant que l'ONU avait survécu financièrement au cours de ces dernières années en empruntant des ressources sur le compte des opérations de maintien de la paix, le Secrétaire général a indiqué que ce n'était plus là une solution viable. Dans l'attente d'une "solution durable" à la crise financière de l'ONU, il a proposé à titre provisoire la création d'un Fonds d'avances autorenouvelables d'un montant initial pouvant atteindre 1 milliard de dollars et alimenté par des contributions volontaires ou par tout autre moyen. Bien que cette suggestion ait fait l'objet de critiques -- elle a été perçue comme un moyen de libérer de leurs obligations ceux qui devaient des arriérés -- M. Annan a mis les Etats Membres au défi de "trouver de meilleures idées" quant à la façon de résoudre le grave problème de trésorerie de l'Organisation.
A la base de l'ensemble du processus de réforme se trouve le renforcement de la direction et de la structure administrative de l'ONU. "Nous n'avons jamais eu l'idée d'un cabinet dans cette organisation", a indiqué le Secrétaire général à CNN, la chaîne d'informations télévisées et "nous sommes en train de créer un cabinet".
Un groupe de gestion de haut niveau sera constitué pour diriger le processus de réforme et faire appliquer des techniques de gestion saines dans l'ensemble de l'Organisation. Il se composera de hauts fonctionnaires choisis par le Secrétaire général et des présidents des comités exécutifs, créés en janvier, pour chacune des activités de base de l'ONU. Un groupe de gestion stratégique chargé d'analyser les problèmes et tendances se faisant jour à l'échelle mondiale sera également créé au sein du Cabinet du Secrétaire général.
M. Annan a proposé à l'Assemblée générale de créer le poste de Vice-Secrétaire général afin que ce dernier puisse le représenter lorsqu'il s'absente du Siège, prendre la direction des activités permettant de financer le développement et assurer la cohérence des activités intersectorielles.
En préparation de l'avenir, une Assemblée du millénaire permettra aux gouvernements de présenter leur vision et de convenir d'un réexamen fondamental du rôle de l'ONU.
Parmi les mesures proposées par le Secrétaire général un certain nombre visent à améliorer les travaux de l'Assemblée générale en recentrant les débats des organes délibérants et décidant des grandes questions qui doivent faire l'objet de débats spéciaux de haut niveau; en rationalisant son ordre du jour; et en incorporant des dispositions de temporisation limitant dans le temps les initiatives qui impliquent la mise en place de nouvelles structures organisationnelles ou d'importants engagements de fonds. Le Secrétaire général a aussi proposé d'adopter une comptabilité fondée sur les résultats pour le budget-programme de l'ONU.
En prévision de l'avenir, M. Annan demande aux Etats Membres d'envisager la création d'une commission spéciale de niveau ministériel chargée d'étudier la nécessité de "modifier fondamentalement" l'ensemble du système des Nations Unies, notamment les institutions spécialisées qui en sont des "membres essentiels" afin d'en améliorer les capacités au XXI siècle. L'Assemblée générale pourrait en l'an 2000 être une "session du millénaire", permettant aux chefs de gouvernement de se réunir, de présenter leur vision de l'avenir et de convenir d'un réexamen fondamental du rôle de l'ONU. On pourrait également envisager la tenue d'une "Assemblée des peuples" composée de représentants de la société civile -- dont le rôle de plus en plus important au sein de la communauté mondiale est souligné par le Secrétaire général.
"L'ONU demeure le seul moyen véritable et universel de réaliser les rêves" de tous les peuples du monde, a indiqué le Secrétaire général Annan dans la conclusion de son discours devant l'Assemblée générale. "Revigorée, réformée et forte de nouvelles résolutions, elle peut au siècle prochain faire de ces rêves une réalité".