Senamiso Ndlovu, 32 ans, est une petite exploitante agricole qui r锚ve de produire de grandes quantit茅s de nourriture. La demande alimentaire urbaine croissante est 脿 l'origine de ses ambitions agricoles. Elle a augment茅 sa production de poivrons verts, de courges musqu茅es, de tomates et de concombres pour r茅pondre 脿 la demande croissante de produits frais 脿 Bulawayo, une ville tentaculaire du Zimbabwe.
Mme Ndlovu, qui exploite une ferme familiale et pr茅pare une ma卯trise en agroalimentaire, est heureuse de nourrir les consommateurs urbains, mais elle veut une part du march茅 alimentaire africain. La zone de libre-茅change continentale africaine ( ZLECAf), r茅cemment lanc茅e, pourrait 锚tre le march茅 qu'il lui faut.
"J'ai envisag茅 de vendre mes produits au Kenya, par exemple, qui est un march茅 comp茅titif, et je souhaite avoir un march茅 plus important en Afrique", explique Mme Ndlovu.
Pour Mme Ndlovu, le march茅 de l'exportation en Afrique est une perspective passionnante pour d茅velopper son agrobusiness et apprendre de nouvelles id茅es commerciales pour innover.
Il a 茅t茅 difficile de percer sur le march茅 local. Elle a d没 emprunter de l'argent 脿 des taux 茅lev茅s afin de tripler sa production actuelle pour r茅pondre 脿 des commandes importantes et am茅liorer les normes de qualit茅.
La commercialisation dans le monde entier est encore plus difficile ; il y a une lourde bureaucratie pour obtenir les documents n茅cessaires 脿 l'exportation, satisfaire 脿 des conditions phytosanitaires strictes et garantir l'approvisionnement, sans parler du financement initial de la production. La vente 脿 l'Afrique va changer la donne alimentaire, affirme-t-elle.
"Les petits exploitants agricoles doivent d茅sormais faire partie de consortiums pour pouvoir regrouper leurs produits et approvisionner les march茅s 茅trangers", note Mme Ndlovu.
Des fronti猫res ouvertes, plus de nourriture, plus d'argent
L'agriculture contribue pour environ 30 % au PIB du continent, selon la Banque africaine de d茅veloppement (BAD).
L'impact de la COVID-19 a mis en 茅vidence la faiblesse des syst猫mes alimentaires actuels, les nations ayant ferm茅 leurs fronti猫res pendant les lockdowns, ce qui a limit茅 les importations et les exportations de denr茅es alimentaires, mais a r茅v茅l茅 de mani猫re frappante une opportunit茅 pour l'Afrique de commercer avec l'Afrique 脿 des conditions commerciales pr茅f茅rentielles.
Gr芒ce 脿 la ZLECAf, un bloc commercial visant 脿 lutter contre la faiblesse des 茅changes et le ch么mage 茅lev茅 a 茅t茅 lanc茅. Il promet qu'un plus grand nombre d'Africains ach猫teront, mangeront et porteront des biens et services "Made in Africa" 脿 un co没t abordable.
L'agriculture africaine, qui souffre d'une faible productivit茅, d'une m茅canisation insuffisante, d'investissements inconsistants et d'une politique inadapt茅e, pourrait 锚tre transform茅e par un accroissement des 茅changes entre les 55 脡tats membres de l'Union africaine.
Rendre sa dignit茅 脿 l'Afrique
Une agriculture florissante redonne 脿 l'Afrique sa dignit茅, affirme le professeur Lindiwe Majele Sibanda, d茅fenseur de la s茅curit茅 alimentaire et directeur du centre d'excellence de l'Alliance des universit茅s de recherche africaines sur les syst猫mes alimentaires durables 脿 l'universit茅 de Pretoria, en Afrique du Sud.
L'Afrique importe pour plus de 50 milliards de dollars de denr茅es alimentaires, dont la plupart proviennent de l'ext茅rieur du continent. La ZLECAf a mis en place une r茅f茅rence et des objectifs commerciaux, ce qui constitue presque un syst猫me de quotas pour l'Afrique.
"Nous avons d茅fini la nourriture au sens large, et nous pouvons commencer par ce que nous sommes capables de produire de mani猫re 茅cologique et durable", a d茅clar茅 le professeur Sibanda 脿 Afrique Renouveau, soulignant que la fixation de quotas commerciaux devrait servir 脿 stimuler la concurrence interne et les avantages comparatifs des pays africains.
"La cause profonde de la facture 茅lev茅e des importations alimentaires de l'Afrique est due 脿 de mauvaises politiques qui n'ont pas encourag茅 les agriculteurs et n'ont pas stimul茅 la production locale", explique le professeur Sibanda.
Au Nigeria, il est moins cher d'importer du concentr茅 de tomates que de le produire localement, tandis qu'au Zimbabwe, il est beaucoup moins cher d'importer du lait que de le produire localement.
Le professeur Sibanda exhorte les gouvernements 脿 revenir 脿 la case d茅part et 脿 茅valuer les co没ts de production tout en identifiant les avantages comparatifs de l'Afrique.
"L'Afrique que nous voulons est une Afrique qui apporte la dignit茅 aux Africains", a d茅clar茅 le professeur Sibanda, ajoutant qu'il n'y a pas de meilleure fa莽on de restaurer la dignit茅 que par le biais d'une zone de libre-茅change africaine qui ne vise pas 脿 monopoliser le commerce mais 脿 montrer 脿 l'Organisation mondiale du commerce que l'Afrique peut n茅gocier des accords 脿 son avantage en tant que bloc.
L'agriculture a besoin d'argent pour se d茅velopper
Les investissements consacr茅s 脿 l'am茅lioration des intrants, de l'irrigation, du stockage et des infrastructures de base seront le moteur de la croissance agricole en Afrique, note McKinsey & Company, qui appelle 脿 une am茅lioration de la comp茅titivit茅 globale du continent, et pas seulement du rendement des cultures. L'urbanisation croissante et l'augmentation des consommateurs de la classe moyenne devraient contribuer 脿 g茅n茅rer 645 milliards de dollars de d茅penses de consommation d'ici 2025 dans les secteurs des produits frais, des produits laitiers, de la viande, des aliments transform茅s et des boissons.
Le secteur priv茅 doit exploiter le potentiel agricole de l'Afrique en r茅solvant les probl猫mes d'approvisionnement alimentaire en facilitant les conditions de paiement flexibles pour les agro-commer莽ants afin d'am茅liorer les achats d'intrants. McKinsey recommande le d茅veloppement de partenariats pour att茅nuer le risque de d茅faillance.
Par exemple, le Partenariat africain pour les engrais et l'agro-industrie (AFAP) a fourni une garantie de premi猫re perte aux fournisseurs d'engrais afin d'茅tendre les conditions de paiement aux distributeurs agricoles en Tanzanie, ce qui a contribu茅 脿 une augmentation d'environ 35 % des ventes d'engrais.
Exploiter la technologie et injecter de l'innovation
Debisi Araba, directeur g茅n茅ral de l'Africa Green Revolution Forum (AGRF), explique 脿 Afrique Renouveau que les technologies et les syst猫mes qui am茅liorent l'efficacit茅 du mouvement des marchandises et la transmission des informations et des transactions constituent une perspective passionnante pour l'Afrique.听
Des start-up comme Lori Systems et Kobo360 utilisent le big data et d'autres analyses d'informations pour am茅liorer l'efficacit茅 du secteur du transport routier, en cartographiant la demande et en la mettant en relation avec les services d'approvisionnement dont elle a tant besoin, explique M. Araba.
M. Kanayo Nwanze, repr茅sentant sp茅cial du CGIAR au Sommet des Nations unies sur les syst猫mes alimentaires, estime que l'Afrique n'a pas toujours 茅t茅 un importateur net de denr茅es alimentaires car son agriculture contribuait 脿 plus de 60 % du PIB avant les ann茅es 1980.
Aujourd'hui, elle est importatrice nette de denr茅es alimentaires apr猫s avoir d茅sinvesti dans l'agriculture au profit de l'exploitation mini猫re et de l'industrialisation fond茅e sur les combustibles fossiles, explique M. Nwanze.
