Des marchés prometteurs pour l’Afrique
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Des marchés prometteurs pour l’Afrique
En avril, la plus grosse société sud-africaine de textile et de confection, Seardel, annonçait qu’elle allait fermer sa division Frame Textile. La société invoque la concurrence des importations bon marché – dont les trois quarts viennent de Chine – comme une des raisons de cette décision. Si les efforts du gouvernement pour mettre en place un plan de redressement ne sont pas couronnés de succès, cette fermeture va voir 1 400 travailleurs et travailleuses rejoindre les rangs de plus en plus nombreux des chômeurs sud-africains.
Le mois suivant, Rupiah Banda, le président zambien, annonçait que la Compagnie chinoise des métaux non ferreux (NFC – Non-Ferrous Metal Mining Company) avait signé un contrat pour la réouverture des mines de cuivre de Luanshya, ce qui permettrait le retour au travail de 1 700 mineurs.
Ces deux évènements mettent en relief aussi bien les aspects positifs que les aspects négatifs du développement accéléré des liens économiques entre l’Afrique et les “économies émergentes” comme la Chine. Les échanges avec la Chine ont doublé au cours des trois dernières années pour atteindre 106,7 milliards de dollars en 2008. Et bien que ces chiffres traduisent la position dominante de la Chine, le commerce et les investissements avec les autres marchés émergents comme le Brésil, l’Inde et la Malaisie se sont également considérablement développés ces dernières années.
Le secteur manufacturier africain a souvent ressenti les effets négatifs de ces échanges, et certains craignent un phénomène de “désindustrialisation”, par exemple dans le secteur du textile. Mais les consommateurs ont clairement tiré profit des bas prix et de la large distribution de ces marchandises importées qui vont des sandales aux camions et qui ont inondé les boutiques et les marchés africains. Simultanément, les exportations croissantes de pétrole, de minerai de fer, de cacao et d’autres produits de base vers les pays émergents ont gonflé les revenus des pays africains, et des entreprises brésiliennes, chinoises, indiennes et russes construisent toujours plus de routes, de barrages hydroélectriques et de raffineries à travers le continent.
Les chiffres remarquables qui ont caractérisé la croissance africaine ces dernières années sont en grande partie le résultat indirect de la croissance explosive qu’ont connue des pays comme la Chine, a expliqué à Afrique Renouveau Martyn Davies du Centre d’études chinoises de l’université de Stellenbosch en Afrique du Sud. Avec de nouveaux marchés pour leurs produits et de nouvelles sources de financement, les pays africains ont pu atténuer leur dépendance envers leurs partenaires traditionnels en Europe et aux Etats-Unis (voir Afrique Renouveau, octobre 2008).
Mais aujourd’hui la crise économique mondiale la plus grave depuis la Grande Dépression il y a 80 ans a fragilisé les liens économiques en plein développement entre l’Afrique et ses nouveaux marchés. Les commandes à l’exportation ont chuté et de nombreuses entreprises indiennes et chinoises implantées en Afrique ont fermé leurs portes et été forcées de licencier leurs employés.
Les analystes estiment cependant que les perspectives économiques favorables qu’offrent les économies émergentes n’ont pas disparu, bien qu’elles aient pris des formes moins spectaculaires.
“Alors que certaines économies émergentes ont une stratégie africaine, l’Afrique n’a pas de stratégie envers les économies émergentes,” affirme un rapport récent du Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique des Nations Unies intitulé “La coopération de l’Afrique avec ses nouveaux partenaires et ses partenaires des pays émergents : les options de l’Afrique” (Africa’s Cooperation with New and Emerging Development Partners: Options for Africa’s Development). Il est crucial d’adopter une approche stratégique, explique ce document, car l’Afrique est beaucoup moins importante pour ses nouveaux partenaires commerciaux que ces partenaires le sont pour l’Afrique.
Des raisons d’être optimiste
Les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) concernant la croissance mondiale renforcent les raisons d’être optimiste. Bien que de nombreux partenaires traditionnels de l’Afrique soient en récession, un grand nombre de ses nouveaux marchés, particulièrement la Chine et l’Inde, offrent des perspectives de croissance relativement saines (voir tableau ci-dessous).
L’Afrique fait déjà un tiers du total de son commerce international avec les économies émergentes et d’autres pays en développement, ce qui marque une réorientation qui l’éloigne de son extrême dépendance envers ses partenaires commerciaux traditionnels. Bien que l’Union européenne (UE) dans son ensemble continue à dominer les échanges de l’Afrique, cette dominance s’affaiblit, spécialement en ce qui concerne les importations : les importations en provenance de l’UE ne comptent plus que pour un peu plus d’un tiers des achats que l’Afrique fait en dehors du continent.
La Chine à elle seule est le deuxième partenaire commercial de l’Afrique ; sa vie économique peut donc y avoir des effets notables. La récente décision de la Chine de mettre en œuvre un train de mesures de stimulation de son économie nationale a déjà commencé à porter ses fruits. Selon le ministère du Commerce chinois, en avril les importations de pétrole et de minerai de fer – deux produits d’exportation clés pour l’Afrique – ont encore progressé.
Bien que les signaux économiques en provenance de Chine et d’autres économies émergentes restent mitigés, les marchés des matières premières ont traduit par anticipation l’accroissement de la demande et les prix du pétrole, du cuivre et d’autres métaux ont même enregistré des gains modestes en avril et en mai.
Un engagement politique
Ces signes de dynamisme économique sont renforcés par la réaffirmation d’un engagement politique. Des responsables indiens ont reconfirmé les engagements qu’ils avaient initialement pris au Sommet indo-africain tenu en avril 2008. L’Inde a aussi accepté de réduire ses droits de douane sur toute une série d’importations en provenance d’Afrique, principalement des produits agricoles.
Les responsables chinois ont également réaffirmé les engagements qu’ils avaient pris au Sommet Chine-Afrique tenu à Pékin en 2006 : doubler l’aide au développement accordée à l’Afrique et réduire les barrières à ses exportations.
M. Davies est convaincu que la Chine continuera à signer des accords d’investissement avec l’Afrique. La Banque de développement de Chine et la Banque d’import-export de Chine sont en train d’envisager activement un nombre important d’affaires, affirme-t-il, en prédisant une série d’investissements chinois dans des exploitations minières de moindre envergure afin de tirer profit du bas niveau des prix actuels.
En mars à Johannesburg, le Fonds de développement Chine-Afrique (CADFund), a ouvert son premier bureau africain. Au moment où d’importants capitaux occidentaux fuient le continent, ce fonds, créé en 2007 par la Banque de développement de Chine, une banque d’Etat chinoise, pour investir dans le capital d’entreprises africaines a déjà dépensé environ 400 millions de dollars de sa dotation initiale de 1 milliard et envisagerait de consacrer 2 milliards de dollars supplémentaires aux investissements chinois en Afrique.
La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) pense que les perspectives intéressantes qu’offre actuellement l’Afrique assureront la poursuite des flux d’investissement en provenance des pays du Sud ; pour sa part, l’OCDE dans son rapport récent sur la crise mondiale du crédit décèle également “quelques signes précoces que les investissements Sud-Sud pourraient sortir à long terme renforcés de la crise.”
Priorité aux infrastructures
Les effets de l’action des économies émergentes sont particulièrement visibles dans le domaine des infrastructures. A Kilamba Kiaxi, dans la périphérie de Luanda, en Angola, des entreprises chinoises construisent une ville nouvelle complètement équipée (écoles, zones commerciales, grandes artères, usines de traitement des eaux usées et autres infrastructures indispensables) destinée à accueillir environ 200 000 habitants. La CNUCED estime que les entreprises du Sud sont à l’origine de 40 % des projets d’équipement réalisés en Afrique de 1996 à 2006. Selon le Mécanisme consultatif pour le renforcement des infrastructures par des partenariats public-privé (PPIAF) dirigé par la Banque mondiale, les investissements prévus par la Chine dans la production hydroélectrique pourraient faire augmenter la capacité de l’Afrique dans ce domaine de 30 %.
Ces cinq dernières années, l’Inde a investi environ 500 millions de dollars dans les infrastructures, dont une grande partie au Nigéria pour la construction d’une raffinerie de pétrole, d’une centrale thermoélectrique et des voies ferrées dont la réalisation dépend cependant des résultats d’une étude de faisabilité. Des entreprises de construction brésiliennes et chinoises sont depuis longtemps actives en Angola, au Mozambique, en Tanzanie et en Zambie. Dans le domaine des transports, l’indien Tata est solidement établi au Nigéria et en Afrique du Sud d’où il exporte les véhicules qu’il assemble vers les autres pays d’Afrique. La Russie est également présente depuis longtemps en Angola et en Guinée et a fait récemment son entrée au Nigéria et en Afrique du Sud.
Des partenaires qui sont aussi des rivaux
Le secteur en expansion rapide des télécommunications montre à quel point certains accords d’investissement peuvent se compliquer. Selon la CNUCED, 60 % des projets réalisés dans les années récentes l’ont été par des sociétés du Sud qui comprennent des entreprises africaines comme la sud-africaine MTN et l’égyptienne Orascom, qui dominent le marché dans de nombreux pays mais qui sont vivement concurrencées dans un secteur en transformation permanente par d’autres sociétés du Sud, comme Zaïn du Koweit ou ZTE de Chine, sans oublier des rivaux de pays développés comme la britannique Vodafone.
La complexité des liens tissés entre l’Afrique et les marchés émergents a été récemment soulignée par l’annonce en mai que la société sud-africaine MTN était en pourparlers avec Bharti, le géant indien des télécommunications, concernant un échange croisé d’actions qui donnerait aux deux entreprises une plus grande présence sur le marché mondial.
La question des matières premières
En dépit de cette évolution, la rapide croissance du commerce avec les économies émergentes qu’a connue l’Afrique au cours des dernières années n’a pas entraîné une transformation notable de la structure des échanges africains ; les matières premières, particulièrement le pétrole et les minerais, continuent à les dominer, tout comme c’était le cas il y a 10 ans. En conséquence, selon le rapport du Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique, seul un nombre réduit de producteurs est responsable de la plus grande partie des échanges du continent avec ses nouveaux marchés. En 2007, l’Algérie, l’Angola, le Nigéria et l’Afrique du Sud fournissaient conjointement 80 % des importations africaines du Brésil et 53 % de celles de la Chine. L’année dernière, dix pays étaient à eux seuls responsables de 79 % de tous les échanges avec la Chine, rapporte le Centre d’études chinoises de l’Université de Stellenbosch (voir tableau ci-dessous).
Les échanges de la Chine avec l’Afrique ont été dominés par son souci de s’assurer un approvisionnement à long terme en produits stratégiques, particulièrement le pétrole et les minerais nécessaires à son développement économique. Les autorités chinoises veulent porter la part de leurs importations pétrolières en provenance d’Afrique, actuellement de 30 %, à 40 %. Ils essaient d’obtenir ce résultat principalement à l’aide d’accords “ressources naturelles contre infrastructures” par lesquels les pays africains acceptent de signer des contrats d’approvisionnement à long terme en échange de crédits pour la construction (habituellement par des entreprises chinoises) d’infrastructure diverses.
En Angola, la Chine a garanti ses approvisionnements pétroliers en accordant environ 5 milliards de dollars de crédits et par d’autres investissements dans des domaines qui vont de la construction de maisons et de fermes à celle d’installations portuaires et de voies ferrées. La Chine s’assure maintenant 30 % des exportations de pétrole de l’Angola.
La Guinée et le Gabon ont conclu des accords similaires pour le minerai de fer et le Soudan pour le pétrole. Au total, 60 % des exportations pétrolières du Soudan se font aujourd’hui vers la Chine. La République démocratique du Congo (RDC) a négocié un contrat de 9 milliards de dollars pour fournir du cuivre et du cobalt en échange de l’ouverture d’une nouvelle mine et de la réalisation d’une large gamme de projets d’équipement.
Controverses et incertitudes
Récemment, un certain nombre de ces accords ont rencontré des obstacles ; le contrat de la RDC a été critiqué par le FMI qui affirme qu’il risque d’alourdir la dette déjà intolérable du pays (voir page 3). Au Gabon, le projet d’exploitation du minerai de fer de Belinga dont le coût s’élève à 3 milliards de dollars a provoqué les protestations d’associations locales de défense de l’environnement.
Au Nigéria, un certain nombre de projets impliquant des sociétés financières et des entreprises chinoises, russes, indiennes et sud-coréennes ont été différés, soit à la suite du réexamen par le gouvernement des grands contrats pétroliers et d’infrastructures, soit en conséquence de la récession économique mondiale. Un des projets concernés est celui du barrage hydroélectrique de Mambila, un projet chinois de 1,6 milliard de dollars, qui devait être construit en échange de la concession de quatre périmètres d’exploration pétrolière.
Ces problèmes surgissent sur la toile de fond de nombreuses critiques des pratiques commerciales et des procédures d’investissement de certaines économies émergentes. L’annonce du contrat pour la mine de Luanshya en Zambie, obtenu par la société chinoise NFC, a provoqué des protestations du principal parti d’opposition qui a rappelé les problèmes de relations et de conditions de travail qu’avait connus cette société dans une autre mine de cuivre où des mineurs avaient été tués dans une explosion en 2006.
Une étude de 2005 de l’Organisation internationale du travail sur les entreprises de construction opérant en Tanzanie a souligné les conditions de travail préoccupantes qui règnent dans les entreprises chinoises. Des entreprises indiennes, malaisiennes et sud-coréennes ont été critiquées en Zambie, au Lesotho et en Namibie pour la fermeture soudaine d’usines dont les revenus d’exportation n’avaient pas atteint le niveau espéré.
De plus, un certain nombre d’organisations non gouvernementales et autres ont demandé à la Chine et à d’autres pays investisseurs des pays émergents d’éviter de conclure d’importants accords financiers avec des pays à régime autoritaire ou dont les gouvernements sont coupables de violations généralisées des droits de l’homme.
Un renforcement de la dépendance ?
Un certain nombre d’observateurs, la plupart occidentaux, soutiennent que les accords à long terme, particulièrement ceux du type matières-premières-contre-construction d’infrastructures, menacent de renforcer la dépendance de l’Afrique envers ses produits de base.
La Chine a riposté en accusant ses critiques occidentaux d’hypocrisie, elle prend néanmoins simultanément des mesures pour modifier ses pratiques les plus critiquées. Les cadres qui gèrent le chantier de Kilamba Kiaxi en Angola font de gros efforts pour engager et former une main-d’œuvre locale. L’accord en RDC inclut des dispositions concernant l’emploi et la formation de la main-d’œuvre locale ainsi que l’utilisation de fournisseurs locaux pour les intrants. Le gouvernement chinois a récemment publié un code de “l’entreprise citoyenne” à l’usage de ses entreprises opérant à l’étranger.
Selon Kwesi Kwaa Prah, un universitaire ghanéen, l’approche de la Chine envers l’Afrique a été essentiellement positive ; mais pour surmonter les différends qui ne peuvent que surgir dans des relations si complexes, la Chine et l’Afrique ont besoin de se préoccuper plus attentivement des “relations de personne-à-personne”.
Le rapport du Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique des Nations Unies demande aux gouvernements des pays émergents de réaliser que leur accès à long terme aux ressources naturelles de l’Afrique dépend du développement de rapports “gagnant-gagnant” qui excluent toute forme d’exploitation.
Des dispositifs d’investissements plus souples
M. Davies pense que ces accords peuvent bénéficier aux deux parties. Le manque même de détails qui a conduit des critiques à contester la transparence de certains accords signés avec la Chine offre les avantages d’une souplesse qui est nécessaire dans ce genre d’arrangements à long terme afin d’évoluer en fonction du changement des circonstances, affirme-t-il. Il donne en exemple la renégociation récente de l’accord pétrole-contre-infrastructure signé entre l’Angola et la Chine ainsi que les discussions qui continuent sur celui de la RDC.
La Chine n’est pas l’unique source de nouveaux investissements. Petrobras, le géant du pétrole brésilien, envisage d’investir plus de 2 milliards de dollars en Angola et au Nigéria au cours des cinq prochaines années. Vale, une société sidérurgique de la même nationalité, consacre 1,3 milliard de dollars au développement des gisements de charbon du Mozambique où Coal India a aussi acquis des concessions minières. L’entreprise indienne Tata projette une expansion de grande envergure en Afrique du Sud et dans un certain nombre d’autres pays. Le russe Gasprom envisage d’investir dans le gaz naturel au Nigéria et d’obtenir des concessions pétrolières en Algérie et en Lybie. Dans le secteur pétrolier, l’entreprise malaisienne Petronas est très présente en Egypte et au Soudan.
Projets agricoles
En dehors de ces activités minières, on peut noter que l’entreprise malaisienne Sime Darby a récemment signé un contrat de 800 millions de dollars pour remettre en exploitation la plantation de Guthrie au Liberia qui produit du caoutchouc et de l’huile de palme. Wilmar international de Singapour a pris une participation dans une entreprise d’huile de palme de Côte d’Ivoire.
L’intérêt manifesté par certaines économies émergentes – mais aussi par certains pays occidentaux – dans l’acquisition de vastes domaines fonciers en Afrique afin de garantir leur approvisionnement alimentaire en y cultivant maïs, bé et autres cultures vivrières, est beaucoup plus controversé. Le Soudan et l’Egypte ont accueilli d’importants investissements de ce type en provenance entre autres d’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis. La Chine n’a pas jusqu’ici investi dans les cultures vivrières mais a manifesté un intérêt pour les cultures commerciales. Elle a déjà lancé en Zambie un vaste programme d’achat de coton auprès des producteurs locaux et serait en train de négocier un dispositif semblable pour le jathropa, une plante oléagineuse qui peut être utilisée pour la production de biocarburant.
Mais en Afrique, la concession de larges surfaces foncières à des étrangers peut être une question sensible. A Madagascar, l’opposition à l’acquisition par la société sud-coréenne Daewoo de 1,3 million d’hectares pour cultiver du maïs et de l’huile de palme a été l’un des nombreux griefs des manifestants qui ont obtenu en mars l’éviction du président Marc Ravalomanana.
Les techniques agricoles mises au point dans de nombreux pays émergents peuvent malgré ces controverses être d’une grande valeur dans la négociation de leurs échanges et de leurs investissements avec l’Afrique, a expliqué à Afrique Renouveau le professeur Raphaël Kaplinski, un des principaux auteurs du rapport du Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique des Nations Unies.
Le Ghana vient de conclure un contrat de 40 millions de dollars avec une entreprise brésilienne qui l’aidera à développer sa production de noix de karité en construisant une usine de transformation équipée de la technologie appropriée. Le Bénin, le Burkina Faso, le Tchad et le Mali ont conclu des accords semblables pour leur secteur cotonnier. Le développement de la production d’éthanol et d’autres technologies d’énergies renouvelables par le Brésil présente aussi un domaine potentiel d’extension des rapports commerciaux. Le professeur Kaplinski signale aussi la mise au point en Inde et en Chine de médicaments bon marché pour combattre les maladies tropicales, un autre bénéfice potentiel pour l’Afrique.
Africa Progress Panel, un groupe d’étude africain, voit d’autres synergies à l’œuvre.
Il fait valoir dans son rapport 2009 que l’expérience de développement des économies émergentes, dans des domaines comme la sécurité alimentaire, la santé, l’éducation et les programmes de transferts monétaires, les place dans une position exceptionnelle pour soutenir la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement adoptés par les dirigeants du monde entier en 2000.
Tirer le meilleur parti possible des nouvelles chances de l’Afrique
Le développement des relations économiques avec la Chine et d’autres économies émergentes a suscité un nouvel appétit concurrentiel pour les ressources naturelles africaines parmi les entreprises occidentales, ce qui peut procurer une plus grande marge de manœuvre aux pays africains. Comme le souligne le rapport du Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique des Nations Unies, l’accord en cours de négociation de la RDC avec la Chine a aussi été un catalyseur qui a entraîné l’amélioration d’un certain nombre de contrats miniers existants signés avec des sociétés occidentales.
D’un autre côté, les économies émergentes peuvent aussi concurrencer l’Afrique, comme le montre le contrat pétrolier de 10 milliards de dollars récemment signé par la Chine avec le Brésil. La saturation des marchés européen et américain par des vêtements confectionnés en Chine et en Inde, qui a suivi la levée des barrières douanières qui leur étaient opposées, a provoqué une chute de 25 % des exportations africaines de vêtements, souligne encore le même rapport.
Les liens de l’Afrique avec les économies émergentes dans les domaines de l’aide au développement, du commerce international et des investissements peuvent se traduire par des avantages pour les deux parties, mais ils peuvent aussi aboutir à des résultats de valeur inégale avertit le rapport. Il recommande que pour renforcer au maximum leur pouvoir de négociation, les pays africains analysent mieux les tendances des marchés émergents et adoptent une perspective stratégique, en particulier en collaborant entre eux pour mettre au point une approche régionale et obtenir ainsi les meilleures conditions possibles.
Le fait que les négociateurs africains doivent traiter avec une grande diversité d’entités différentes renforce l’importance d’une telle approche, affirme le professeur Kaplinski qui note qu’il y a pour la seule Chine quatre sortes d’acteurs : les entreprises d’Etat centrales, les entreprises provinciales, les sociétés privées et les petits entrepreneurs, toutes et tous ayant des intérêts qui diffèrent.
Il souligne aussi la nécessité d’éviter les “guerres d’avantages incitatifs” qui permettent aux acheteurs de marchandises africaines de jouer un pays contre l’autre. Pour ses grands contrats commerciaux et ses accords d’investissement, la Chine a favorisé les arrangements bilatéraux et n’a pas jusqu’à maintenant joué de rôle important dans le programme d’infrastructure de 8 milliards de dollars du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) adopté par les dirigeants africains en 2001.
Le rapport du Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique souligne que les pays africains, grâce à des groupements régionaux comme la Communauté de développement de l’Afrique australe et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, pourraient présenter un front commun aux investisseurs et aux acheteurs potentiels, et ainsi tirer le meilleur parti possible des perspectives qu’offrent les économies émergentes pour la réalisation des objectifs stratégiques du continent. La Banque africaine de développement et l’ONU peuvent pour leur part renseigner les pays africains sur l’évolution des marchés et leur fournir d’autres formes d’aide.