Niger : une famine annoncée
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Niger : une famine annoncée
Les pluies saisonnières ont fait leur réapparition dans le sud du Niger en juin, faisant sortir du sol sec les tiges vertes du mil et signalant la fin — du moins l’espère-t-on — d’une pénurie alimentaire qui a exposé 2,4 millions de Nigériens, dont 800 000 enfants, à la malnutrition. Les agents humanitaires internationaux ont commencé à arriver pour distribuer les rations d’urgence nécessaires jusqu’à la récolte.
Néanmoins, ni le mil ni l’aide ne sont venus assez tôt pour Fassoma Abdoulsalam. Cette enfant, âgée d’un an, est décédée le 10 août et figure parmi la vingtaine d’enfants qui ont succombé à la malnutrition dans le village de Birgi Dangotcho dans la région durement frappée de Zinder.
Cette tragédie n’a rien d’inhabituel dans un pays où les taux de malnutrition, de mor-talité infantile et de pauvreté sont élevés même en temps normal. Mais cette fois-ci, la communauté internationale savait que sa mort était imminente dès sa naissance et n’a rien fait pour l’empêcher.
‘Un silence assourdissant’
Les experts imputent le problème en partie au caractère localisé des pénuries alimentaires, qui ont fait grimper les prix des denrées alimentaires à l’échelon régional et ont conduit le Gouvernement, l’ONU et les organismes d’aide à considérer qu’il s’agissait de pauvreté chronique et de distorsion des marchés des céréales plutôt que d’une situation d’urgence. L’organisation non gouvernementale Médecins sans frontières (MSF) a critiqué l’ONU, l’accusant d’être intervenue trop tard, avec trop peu de ressources, et de n’avoir pas tiré la sonnette d’alarme assez tôt.
En réalité, l’ONU et les autres observateurs ont signalé que le sud du Niger sombrait dans une crise dès novembre 2004, à la suite d’une mauvaise récolte due à la sécheresse et aux acridiens. Le mois suivant, le Gouvernement nigérien avait lancé un appel d’urgence pour 78 000 tonnes d’aide alimentaire, avec le concours du Programme alimentaire mondial (PAM). Cet appel, ainsi que les autres qui ont suivi, fait observer le responsable des opérations humanitaires de l’ONU, le Secrétaire général adjoint Jan Egeland, s’est heurté à un “silence quasi-assourdissant”.
Les initiatives prises par l’ONU et d’autres organismes d’aide pour alerter le monde face à la crise imminente au Niger ont été nombreuses (voir la chronologie ci-dessous).
C’est seulement à la mi-juillet, lorsque la télévision britannique BBC a diffusé des images d’enfants nigériens mourants, fournies par l’ONU, que les donateurs ont enfin commencé à réagir. Le PAM a reçu plus d’annonces de contributions pendant les 10 jours qui ont suivi l’émission qu’au cours des huit mois précédents. “Il n’y a pas de quoi se réjouir du fait que le monde ne peut être touché que par des images montrant une souffrance insupportable”, s’est plaint le Directeur exécutif du PAM, James Morris. “Nombre des enfants qui sont apparus dans les reportages ne pouvaient déjà plus être sauvés.”
Remettre en état un système “irrationnel”
Pour nombre d’observateurs, les morts et la souffrance évitables survenues au Niger attestent la nécessité d’une réforme profonde du système mondial de secours, dépendant de la couverture médiatique — système que le Directeur exécutif de MSF, Nicolas de Torrente, a récemment qualifié de “complètement irrationnel”. La plupart des propositions avancées visent à mettre en place un fonds d’urgence assez important pour permettre d’intervenir immédiatement face aux situations humanitaires avant qu’elles ne dégénèrent en crises. A l’heure actuelle, le PAM et d’autres organismes ne peuvent emprunter que des montants limités au fonds d’urgence des Nations Unies ou d’autres opérations pour des interventions rapides — et seulement s’ils ont reçu des donateurs des promesses de remboursement.
“Imaginez que votre service local de sapeurs-pompiers doive demander de l’argent au maire chaque fois qu’il a besoin d’eau pour éteindre un incendie ravageur”, fait remar-quer Egeland. “C’est la situation déplorable à laquelle sont confrontés les agents humanitaires qui tentent désespérément de sauver des vies mais n’ont pas de fonds pour obtenir l’eau — ou les médicaments, le logement ou la nourriture — nécessaires pour éteindre l’incendie. Ces retards sont mortels."
Afin d’assurer des interventions plus rapides visant à sauver des vies, M. Annan a proposé de multiplier par dix le budget du fonds d’urgence des Nations Unies, en le portant à 500 millions de dollars. Il a également demandé que la communauté internationale redouble d’efforts pour lutter contre les causes à long terme de la famine. A l’heure où 4 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire dans la région du Sahel en Afrique et où plus de 10 millions de personnes sont menacées en Afrique australe, ceux qui ont faim ne peuvent attendre.
Nombreuses inquiétudes concernant l’évolution de la famine au Niger
Décembre 2004
Le systèm d’alerte rapide en cas de famine basé aux Etats-Unis déclare que le Niger appelle une “attention d’urgence.” Selon une évaluation de l’ONU, 3 millions de personnes sont menaces.
Janvier 2005
Le PAM présente un rapport détaillé sur les besoins alimentaires du Niger.
Février 2005
Le PAM lance un programme d’alimentation d’urgence à l’intention de 400000 personnes.
Mars 2005
Les organisms des Nations Unies et les institutions publiques au Niger lancent un appel pour 7 millions de dollars à une conference de donateurs.
Mai 2005
Face à la baisse des stocks alimentaires du gouvernement et du PAM, l’UNO lance un appel “ éclair” d’urgence pour 16,1 millions de dollars, mais seul le Luxembourg annonce une contribution de 320 000 dollars. M. Egeland prévient que 150 000 enfants font face à une mort imminente.
Juin 2005
Le PAM qualifie la situation au Niger de “catastrophique.” Le Directeur executive du PAM, James Morris, informe le Conseil de sécurité de l’UNO que seulement 11% des resources financièrs necessaries ont été re çues.
Juillet 2005
Les organisms des Nations Unies lancent un nouvel appel pour 30 millions de dollars d’aide d’urgence à l’intention de 1,2 million de Nig ériens mais les contributions annoncées initialement n’atteignent que 10 millions de dollars. Le Secrétaire general de l’UNO, Kofi Annan, se rend au Niger pour témoigner de la nécessité de prendre des measures d’urgence.