15 pays d’Afrique de l’Ouest reliés par autoroutes
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15 pays d’Afrique de l’Ouest reliés par autoroutes
Une nouvelle journée bien remplie commence au siège de Doxa Worldwide Movers, une société de déménagement d’Accra (Ghana). Le directeur, Matthew Ackun, vérifie une dernière fois les instructions de livraison. Deux camions chargés de meubles, d’appareils ménagers et de vêtements entament leur expédition de 380 kilomètres vers Lagos (Nigéria). À trois frontières de là, une famille ayant récemment déménagé compte recevoir ses affaires à temps.
“Les camions arriveront là-bas dans seulement huit heures”, assure M. Ackun. Même s’il ne s’agit pas d’un temps record, c’est bien mieux qu’il y a seulement un an. “Les routes étaient tellement étroites qu’elles ne laissaient passer que deux voitures à la fois, une dans chaque direction. Nos camionneurs mettaient toute une journée à négocier les nids-de-poule, les virages difficiles et les innombrables contrôles d’ici au Nigéria. À présent, les routes sont mieux goudronnées, dit-il, et dans la plupart des zones urbaines l’autoroute est à double voie. On livre trois fois plus vite."
Si le trajet est maintenant plus rapide, c’est grâce aux efforts déployés par les dirigeants de la région pour terminer l’autoroute côtière ouest-transafricaine de 4 500 kilomètres, reliant Nouakchott (Mauritanie) à Lagos (Nigéria). Le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) a insufflé aux pays de la région l’élan nécessaire pour achever l’autoroute qui les relie. Ce programme, conçu par des Africains et pour l’Afrique, vise à doter le continent d’un réseau de transport moderne capable de renforcer leurs liens économiques et leurs échanges commerciaux.
Le commerce intra-africain ne représente qu’environ 10 % de la totalité des échanges extérieurs des pays du continent, le niveau le plus faible de toutes les régions du monde. De l’avis de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique, le problème vient du fait que les réseaux ferrés et routiers du continent ont été construits le plus souvent pour desservir les ports plutôt que relier les pays de la région.
Contrariété permanente
La mauvaise infrastructure routière est une source de contrariété permanente pour Doxa Worldwide Movers lorsqu’elle doit acheminer au Niger des marchandises provenant de la Côte d’Ivoire, du Togo, du Bénin, du Nigéria et d’ailleurs. “Ça fait partie du travail”, explique M. Ackun.
Cette société a prospéré depuis sa création il y a 10 ans, mais les soucis se sont multipliés aussi. M. Ackun a expliqué à Afrique Renouveau que pour transporter des conteneurs au Libéria, il faut souvent les envoyer d’abord dans les centres de triage d’Europe, pour les faire revenir ensuite en Afrique. Les troubles sociaux, l’absence de concurrence, le mauvais état des réseaux routiers et les nombreux contrôles constituent les principales raisons du coût élevé des transports dans la région.
“L’acheminement d’un containeur d’environ sept mètres de long vers la Grande-Bretagne coûte 1 000 dollars, précise M. Ackun. Mais il en coûte 2 300 pour le transporter au Libéria, pays voisin. Sur la route, il peut y avoir jusqu’à cinq contrôles au Ghana, six au Togo, six au Bénin et facilement 20 dans le seul Nigéria. Parfois pour de bonnes raisons, pour nous protéger contre les vols à main armée, mais parfois les autorités profitent de la situation”. Il espère que désormais les conditions de transport seront meilleures grâce aux efforts du NEPAD pour améliorer le système routier et simplifier les démarches aux frontières.
“Le Gouvernement ghanéen a beaucoup fait pour améliorer son réseau routier. Ça se fait peu à peu, mais ça avance. Je dirais que depuis quatre ans, ils ont construit environ 60 %, peut-être plus, du tronçon ghanéen de l’autoroute. C’est bon pour les affaires”.
Les pays d’Afrique de l’Ouest ont achevé plus de 83 %, soit 3 777 kilomètres, de l’autoroute côtière, selon la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ce projet, l’un des plus ambitieux jamais entrepris dans la région, est exécuté dans le cadre du NEPAD. Les travaux qui restent à faire portent principalement sur les tronçons reliant le Libéria, la Côte d’Ivoire et la Sierra Leone. Des années de conflit ont détruit la plupart des infrastructures de ces pays qui ne s’en remettent qu’à peine. Les autres pays membres de la CEDEAO sont le Bénin, le Burkina Faso, Cap Vert, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Sénégal et le Togo.
Encourager le commerce
“Cette autoroute devrait fortement stimuler les activités économiques de la région, en particulier le commerce, en facilitant l’accès des personnes et marchandises aux marchés locaux et régionaux, fait remarquer Ini Urua, responsable du NEPAD à la Banque africaine de développement (BAfD). L’intention du NEPAD est précisément de supprimer les barrières entre pays africains.” Des services de transport peu fiables et onéreux entravent le développement des affaires et ont un effet dissuasif sur les investissements en Afrique, ajoute-t-il.
L’Afrique a besoin d’un meilleur réseau de transport. La Banque mondiale estime qu’afin de se doter d’infrastructures adaptées, les pays africains devraient consacrer, dans les 10 prochaines années, environ 4 % de leurs produits intérieurs bruts annuels à la seule construction de routes, investissement très lourd compte tenu des nombreux autres besoins du continent. La BAfD, la Banque mondiale, l’Union européenne, la Banque ouest-africaine de développement, l’Agence danoise de développement international et des pays donateurs tels que le Japon contribuent au financement des travaux du réseau routier.
La construction de l’autoroute côtière ouest-africaine est cruciale, mais les pays sans littoral, comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger doivent pouvoir accéder aux ports de leurs voisins. Ces pays, observe M. Urua, acquittent des droits de douane faramineux pour l’exportation ou l’importation de leurs produits. Parfois, leurs camionneurs doivent traverser deux ou trois pays pour se rendre dans les ports et doivent effectuer des démarches compliquées pour dédouaner leurs marchandises. Le NEPAD a encouragé les pays à adopter ensemble des mesures visant à diminuer les coûts de transport et réduire la durée des trajets.
Mais l’amélioration du réseau routier aurait d’autres avantages. D’après Perspectives économiques de l’Afrique 2005-2006, publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques et la BAfD, environ 10 % du nombre total de décès recensés en 1999 sur les routes dans le monde se sont produits en Afrique subsaharienne, région qui ne compte pourtant que 4 % environ de l’ensemble des véhicules immatriculés dans le monde. De meilleures routes réduisent le nombre d’accidents et sauvent des vies. En outre, les voyages sont plus confortables lorsque les routes sont goudronnées, sans poussière ni nids-de-poule. La durée du voyage à l’école et au travail s’en trouve réduite.
Au-delà des promesses
Les grandes déclarations, c’est bien beau, mais ce sont les faits qui comptent, affirme pour sa part le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade. “On parle d’unité africaine, on veut l’unité africaine. En attendant, on ne dispose même pas d’un réseau routier nous permettant d’aller d’un pays à l’autre. Depuis 1960, chaque pays construit ses routes, mais chez nous, au Sénégal, on ne peut même pas conduire jusqu’en Guinée voisine ou décider d’aller au Mali par la route. Pourquoi ? Parce que leurs routes n’étaient pas notre problème. Chacun de nous a voulu avoir son propre petit réseau."
Farouche partisan du NEPAD, M. Wade estime que les pays doivent conjuguer leurs ressources et imaginations. “Si on a une stratégie globale, on pourra dire : ‘Oui, il nous faut une bonne route pour aller au Mali d’abord et au Niger ensuite, et jusqu’au Tchad et la République centrafricaine’”.