Tarek (±õ²Ô³Ù±ð°ù±è°ù¨¨³Ù±ð)
Comment avez-vous appris les langues que vous utilisez dans votre m¨¦tier ?
L¡¯arabe est la langue que je parlais ¨¤ la maison et ¨¤ l¡¯¨¦cole. J¡¯ai commenc¨¦ ¨¤ apprendre l¡¯anglais d¨¨s mon plus jeune ?ge, ¨¦galement ¨¤ l¡¯¨¦cole, avant de l¡¯utiliser comme principal moyen de communication pendant mes ¨¦tudes universitaires. Quant au fran?ais, je l¡¯ai appris dans le cadre d¡¯une ann¨¦e de pr¨¦paration universitaire intensive consacr¨¦e uniquement ¨¤ la langue fran?aise.
Qu¡¯est-ce qui vous a incit¨¦ ¨¤ rejoindre les services linguistiques de l¡¯ONU ?
J¡¯ai voulu devenir interpr¨¨te de conf¨¦rence parce que j¡¯aimais les langues et que je ne supportais pas la routine. J¡¯aime faire face ¨¤ la nouvelle aventure qui s¡¯annonce ¨¤ chaque fois que j¡¯allume mon microphone. En ce qui concerne l¡¯ONU, je n¡¯ai pas ¨¦chapp¨¦ au clich¨¦ : c¡¯est le r¨ºve de tout ¨¦tudiant en interpr¨¦tation que de travailler un jour ¨¤ l¡¯ONU, qui est le berceau de l¡¯interpr¨¦tation de conf¨¦rence moderne.
Selon vous, quelles sont les principales qualit¨¦s demand¨¦es par l¡¯interpr¨¦tariat ?
Un bon interpr¨¨te, ¨¤ l¡¯ONU comme ailleurs, doit ma?triser parfaitement ses langues de travail pour pouvoir rendre avec aisance les id¨¦es exprim¨¦es, quel que soit le sujet trait¨¦. Un bon interpr¨¨te est quelqu¡¯un de diligent et d¡¯assidu, pr¨ºt ¨¤ reconna?tre qu¡¯il ne sait pas tout, mais qui n¡¯a de cesse de perfectionner ses connaissances.
Quels sont les aspects de votre travail qui vous int¨¦ressent le plus ? Et pourquoi ?
Je suis toujours surpris de constater ¨¤ quel point les interpr¨¨tes de l¡¯ONU sont au c?ur de l¡¯actualit¨¦ internationale. Que ce soit au Conseil de s¨¦curit¨¦, ¨¤ l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale ou dans tout autre organe, les questions ¨¤ l¡¯examen sont presque toujours des questions br?lantes. Au premier abord, les r¨¦unions auxquelles nous participons peuvent para?tre d¨¦tach¨¦es de la r¨¦alit¨¦, mais les politiques qui y sont adopt¨¦es ont bien vite des retomb¨¦es sur la vie quotidienne des citoyens ordinaires.
Quels d¨¦fis rencontrez-vous dans votre travail quotidien et comment y faites-vous face ?
Les interpr¨¨tes doivent relever de nombreux d¨¦fis en cabine, notamment la vitesse ¨¤ laquelle les d¨¦clarations sont prononc¨¦es, la myriade d¡¯accents avec lesquels ils doivent se familiariser et la diversit¨¦ des sujets qu¡¯ils doivent couvrir. Face ¨¤ ces difficult¨¦s, il n¡¯existe pas de solution miracle : il faut continuer de s¡¯entra?ner, d¡¯adapter ses techniques et d¡¯¨¦largir ses connaissances. C¡¯est sans doute le travail de toute une vie, mais cela procure un sentiment d¡¯accomplissement sans pareil.
Vous arrive-t-il de rencontrer des mots ou des expressions que vous ne connaissez pas ? Comment faites-vous dans ces cas-l¨¤ ?
Les expressions et les mots qui ne nous sont pas familiers sont tr¨¨s fr¨¦quents en cabine, surtout lors des r¨¦unions qui portent sur des sujets tr¨¨s techniques. Heureusement, notre t?che est grandement facilit¨¦e par les efforts de nos coll¨¨gues des services de traduction charg¨¦s d¡¯¨¦tablir la terminologie et de la consigner dans la base de donn¨¦es terminologique de l¡¯ONU (). Il arrive bien entendu que des termes nouveaux n¡¯aient pas encore ¨¦t¨¦ consign¨¦s dans UNTERM. Dans ces situations exceptionnelles, l¡¯instinct cr¨¦atif de l¡¯interpr¨¨te prend le relais pour tenter de trouver le meilleur ¨¦quivalent compte tenu des circonstances.
Quelles sont les t?ches les plus difficiles qui vous aient ¨¦t¨¦ confi¨¦es ?
Les r¨¦unions techniques sont g¨¦n¨¦ralement les plus difficiles, car elles exigent de l¡¯interpr¨¨te qu¡¯il poss¨¨de des connaissances tr¨¨s sp¨¦cialis¨¦es, notamment lorsque les s¨¦ances font intervenir des experts des questions juridiques, scientifiques ou m¨¦dicales. Les r¨¦unions tr¨¨s sensibles et m¨¦diatis¨¦es peuvent ¨¦galement faire peser une pression ¨¦norme sur les interpr¨¨tes, compte tenu de leur poids politique. C¡¯est le cas en particulier des s¨¦ances du Conseil de s¨¦curit¨¦ et de l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale, o¨´ des r¨¦solutions controvers¨¦es sont d¨¦battues et mises aux voix.
Que pensez-vous de l¡¯¨¦volution de la technologie dans votre profession ? A-t-elle eu une influence sur vos m¨¦thodes de travail ?
La technologie a eu d¡¯importantes r¨¦percussions sur le travail des interpr¨¨tes, tant sur le plan du mat¨¦riel de sonorisation et d¡¯interpr¨¦tation disponible en cabine que des outils qui facilitent notre travail, ¨¤ l¡¯int¨¦rieur comme ¨¤ l¡¯ext¨¦rieur des salles de conf¨¦rence. Gr?ce ¨¤ la technologie, l¡¯acc¨¨s ¨¤ l¡¯information n¡¯a jamais ¨¦t¨¦ aussi facile. Bien que le recours ¨¤ ces outils soit relativement r¨¦cent dans le monde de l¡¯interpr¨¦tation, ils feront in¨¦vitablement partie int¨¦grante de notre travail ¨¤ mesure que de nouvelles recherches en la mati¨¨re mettront en lumi¨¨re leurs innombrables avantages. Je doute cependant que la technologie finisse par nous remplacer, car aucune machine, aussi sophistiqu¨¦e soit?elle, ne peut rendre la subtilit¨¦ et la complexit¨¦ du discours humain.
Comment votre travail s¡¯inscrit-il dans le cadre plus large des Nations Unies ?
La raison d¡¯¨ºtre d¡¯un interpr¨¨te de l¡¯ONU est de faciliter la communication en temps r¨¦el. Compte tenu du grand nombre de langues parl¨¦es ¨¤ l¡¯Organisation, les interpr¨¨tes sont l¨¤ pour veiller ¨¤ ce que chacun, d¡¯o¨´ qu¡¯il vienne, puisse s¡¯exprimer et faire passer son message dans des conditions d¡¯¨¦galit¨¦.
Quel est le souvenir le plus marquant de votre carri¨¨re ?
La vie d¡¯un interpr¨¨te regorge d¡¯anecdotes concernant des lapsus, des double-sens ou des noms impossibles ¨¤ prononcer sans pouffer de rire. Un jour, je me suis trouv¨¦ dans une situation embarrassante pendant une s¨¦ance de formation : au lieu de l¡¯¨¦quivalent arabe pour ? pays tr¨¨s endett¨¦s ? (??????? ??????? ???????), j¡¯ai utilis¨¦ l¡¯expression moins courante ? pays en surpoids ?
(??????? ??????? ???????). Je me contenterai de dire que le chef de la cabine arabe, qui ¨¦coutait mon interpr¨¦tation, a eu l¡¯amabilit¨¦ de signaler mon erreur devant tout le monde.
Quelles sont vos aspirations sur le plan professionnel ?
Je suis convaincu que l¡¯interpr¨¦tation est un apprentissage de toute une vie. Chaque fois qu¡¯on est aux anges parce qu¡¯on a r¨¦ussi ¨¤ ma?triser un sujet compliqu¨¦, on est vite ramen¨¦ sur terre par le suivant. J¡¯esp¨¨re continuer ¨¤ ressentir la m¨ºme passion pour ce m¨¦tier dans 25 ou 30 ans.
Comment se pr¨¦sente votre vie quotidienne de polyglotte ¨¤ New York ?
New York, v¨¦ritable creuset de cultures, est le lieu id¨¦al pour accueillir le Si¨¨ge de ce temple du multilinguisme qu¡¯est l¡¯ONU. Interpr¨¦ter vers l¡¯arabe en cabine, bavarder avec des coll¨¨gues en anglais et en fran?ais, s¡¯entretenir avec des New-Yorkais dans la rue ou comprendre certains mots d¡¯espagnol que j¡¯entends autour de moi fait partie de mon quotidien dans cette belle ville.
Avez-vous des conseils ¨¤ donner aux linguistes en herbe ? Par exemple, pour la pr¨¦paration du concours de recrutement de personnel linguistique ?
Je crois que la plupart des ¨¦tudiantes et ¨¦tudiants en interpr¨¦tation et interpr¨¨tes en herbe sont conscients des efforts consid¨¦rables qu¡¯exige la pr¨¦paration du concours. De nombreux documents sont en ligne. Je me contenterai donc de dire que la pratique est vraiment la cl¨¦ du succ¨¨s. Mais pas n¡¯importe quelle pratique : il doit s¡¯agir d¡¯un exercice de rigueur dans lequel la qualit¨¦ prime sur la quantit¨¦. Quel que soit le discours sur lequel vous travaillez, n¡¯oubliez jamais que toute communication humaine, aussi compliqu¨¦e ou simple soit-elle, se fonde sur une pr¨¦misse universelle : la logique. C¡¯est votre amie la plus loyale en cabine. Quant ¨¤ la langue, c¡¯est une arme que vous devez apprendre ¨¤ ma?triser pour ne pas la laisser vous asservir. Il y a d¡¯innombrables mani¨¨res de dire une m¨ºme chose dans une langue. Si vous savez les conqu¨¦rir, vous aurez conquis l¡¯interpr¨¦tation.