6 mai 2020 ¡ª Avec la lev¨¦e progressive du confinement dans certains pays, des ¨¦tablissements scolaires et universitaires rouvrent leurs portes et de nombreux autres s¡¯appr¨ºtent ¨¤ le faire prochainement. Les Nations Unies entendent accompagner ce mouvement en appuyant et conseillant les gouvernements dans le contexte d¡¯une pand¨¦mie de COVID-19 appel¨¦e ¨¤ durer.
Pour l¡¯heure, les chiffres parlent d¡¯eux m¨ºme. Les fermetures d¡¯¨¦coles et d¡¯universit¨¦s concernaient ce mercredi 1,2 milliard d¡¯enfants et de jeunes dans 177 pays, soit 72,4 % des apprenants de la maternelle ¨¤ l¡¯enseignement sup¨¦rieur, selon la de l¡¯. Deux semaines plus t?t, le pic avait ¨¦t¨¦ atteint avec 1,5 milliard d¡¯¨¦l¨¨ves dans 195 pays.
Fin avril, 128 de ces pays n¡¯avaient pas encore annonc¨¦ de calendrier de r¨¦ouverture de leur ¨¦tablissement scolaire, a indiqu¨¦ l¡¯UNESCO. Pour les autres, la reprise se fait graduellement, le plus souvent par petits groupes et dans des cadres am¨¦nag¨¦s.
La Chine et le Japon ont rouvert entre 30 et 40 pour cent de leurs ¨¦coles. Dans certains pays nordiques, comme le Danemark et la Norv¨¨ge, les maternelles et les ¨¦coles primaires accueillent aussi des enfants. En Allemagne et en Autriche, les ¨¦l¨¨ves en fin de cycle primaire et secondaire ont repris les cours lundi, tandis que la France pr¨¦voit de rouvrir des ¨¦tablissements scolaires ¨¤ compter du 11 mai.
? Madagascar, les ¨¦l¨¨ves devant passer le baccalaur¨¦at sont ¨¤ nouveau scolaris¨¦s et la plupart des ?tats insulaires du Pacifique ont ¨¦galement rouvert leurs ¨¦coles. En revanche, la rentr¨¦e n¡¯est pas ¨¤ l¡¯ordre du jour dans les pays les plus touch¨¦s par le coronavirus. Elle attendra septembre en Espagne et en Italie, ¨¤ l¡¯exception de quelques cr¨¨ches et maternelles. Aux ?tats-Unis, nouvel ¨¦picentre de la maladie, une majorit¨¦ d¡¯?tats se sont prononc¨¦s pour un maintien de la fermeture jusqu¡¯¨¤ la fin de l¡¯ann¨¦e scolaire.
? Il est positif que le mouvement de r¨¦ouverture s¡¯enclenche car les cons¨¦quences des fermetures sont importantes, notamment en termes de creusement des in¨¦galit¨¦s ?, a Audrey Azoulay, Directrice g¨¦n¨¦rale de l¡¯UNESCO, pour qui ? la coordination internationale par le partage des exp¨¦riences et l¡¯expression des besoins des pays est aujourd¡¯hui une n¨¦cessit¨¦ ?.
Consultation ¨¤ l¡¯¨¦chelle mondiale
Dans la pratique, l¡¯agence onusienne s¡¯efforce d¡¯accompagner la r¨¦flexion des pays sur les conditions de r¨¦ouverture. Elle a pour cela lanc¨¦ une consultation mondiale de la communaut¨¦ ¨¦ducative, qui a notamment pris la forme d¡¯un organis¨¦ le 24 avril sur les strat¨¦gies ¨¤ adopter pour cette transition critique.
Au cours de cet ¨¦change, auquel ont pris part 500 responsables de l¡¯¨¦ducation, ¨¦ducateurs et repr¨¦sentants de la soci¨¦t¨¦ civile, Suzanne Grant Lewis, Directrice de l¡¯Institut international de l¡¯UNESCO pour la planification de l¡¯¨¦ducation (IIPE), a d¨¦fini trois conditions pour la r¨¦ouverture des ¨¦coles : la protection physique, via des conditions d¡¯hygi¨¨ne satisfaisantes, la disponibilit¨¦ du personnel scolaire et la capacit¨¦ des administrations et institutions ¨¤ mettre en place des changements tels que les strat¨¦gies d¡¯apprentissage acc¨¦l¨¦r¨¦ et la scolarisation en double rotation.
Mme Grant Lewis a insist¨¦ sur l¡¯importance de la consultation, de la communication et de la coordination avec la communaut¨¦ scolaire et les parents pour instaurer un climat de confiance, rassurer sur la s¨¦curit¨¦ des ¨¦coles et coordonner l¡¯action des diverses parties prenantes.
Deux repr¨¦sentantes du Danemark, premier pays europ¨¦en ¨¤ avoir rouvert ses ¨¦coles, ont ±ð³æ±è±ô¾±±ç³Ü¨¦ que leur minist¨¨re de l¡¯¨¦ducation avait pr¨¦alablement publi¨¦ des directives assorties de crit¨¨res bien d¨¦finis concernant l¡¯hygi¨¨ne et la distanciation sociale. Une assistance t¨¦l¨¦phonique et un site web d¨¦di¨¦ ont ¨¦galement ¨¦t¨¦ ouverts pour les familles.
Une responsable du minist¨¨re de l¡¯¨¦ducation du Mexique a indiqu¨¦ que son pays pr¨¦parait une r¨¦ouverture en deux phases : les ¨¦coles des municipalit¨¦s peu affect¨¦es par la COVID-19 dans un premier temps, puis, progressivement, les autres ¨¦tablissements. Outre les questions sanitaires, la priorit¨¦ sera accord¨¦e au soutien psycho-affectif des enfants et aux contenus p¨¦dagogiques adapt¨¦s sur la base d¡¯¨¦valuations, a-t-elle pr¨¦cis¨¦.
La R¨¦publique de Cor¨¦e pr¨¦f¨¨re assurer la continuit¨¦ p¨¦dagogique ¨¤ distance, tant que les mesures de distanciation sociale seront en vigueur. Son minist¨¨re a opt¨¦ pour une ? ann¨¦e scolaire en ligne ?, a indiqu¨¦ une responsable, attribuant le succ¨¨s de cette m¨¦thode d¡¯apprentissage ¨¤ l¡¯engagement des enseignants et ¨¤ leurs comp¨¦tences en mati¨¨re de technologies de l¡¯information et de la communication. La d¨¦cision de r¨¦ouverture d¨¦pendra des consultations entre les diff¨¦rentes parties prenantes et des exercices de simulation nationaux.
D¡¯autres pays ayant d¨¦j¨¤ ¨¦t¨¦ confront¨¦s ¨¤ des ¨¦pid¨¦mies disent s¡¯appuyer sur l¡¯exp¨¦rience acquise. La Sierra Leone applique ainsi la m¨ºme strat¨¦gie que pendant la crise Ebola, selon un repr¨¦sentant de son minist¨¨re de l¡¯¨¦ducation de base et de l¡¯enseignement secondaire. Cela comprend des protocoles de mesures sanitaires, un soutien psychosocial pour les enseignants, la suppression des frais de scolarit¨¦ et la mise en ?uvre de programmes d¡¯alimentation ¨¤ l¡¯¨¦cole.
? la suite de ce s¨¦minaire en ligne, l¡¯UNESCO a r¨¦uni virtuellement 13 ministres de l¡¯¨¦ducation de pays durement touch¨¦s par l¡¯¨¦pid¨¦mie. Si les ¨¦ch¨¦ances de r¨¦ouverture varient en fonction de la situation nationale, tous ont jug¨¦ prioritaire la s¨¦curit¨¦ sanitaire des ¨¦l¨¨ves, des enseignants et des familles. ? cette fin, ils pr¨¦voient d¡¯adapter les installations et de renforcer les mesures de pr¨¦vention.
Les ministres ont ¨¦galement ±ð²õ³Ù¾±³¾¨¦ que les programmes devraient ¨ºtre revus et se concentrer sur l¡¯acquisition de comp¨¦tences fondamentales dans chaque mati¨¨re, avec des cours de rattrapage. Dans tous les cas, la r¨¦ouverture des ¨¦coles a ¨¦t¨¦ qualifi¨¦e d¡¯essentielle pour pr¨¦venir l'aggravation des in¨¦galit¨¦s, garantir la qualit¨¦ de l'enseignement et prot¨¦ger le bien-¨ºtre psychosocial des ¨¦l¨¨ves.
Les lignes directrices de quatre entit¨¦s onusiennes
Ces pr¨¦occupations sont au centre des rendues publiques le 30 avril par quatre entit¨¦s du syst¨¨me de l¡¯ONU - l¡¯UNESCO, le , le et la - ¨¤ l¡¯attention des gouvernements, administrations et acteurs de l¡¯¨¦ducation.
? S'il n'y a pas encore suffisamment de preuves pour mesurer l'impact des fermetures d'¨¦coles sur les taux de transmission des maladies, les effets n¨¦gatifs des fermetures d'¨¦coles sur la s¨¦curit¨¦ et l'apprentissage des enfants sont, eux, bien document¨¦s ?, font observer les quatre institutions onusiennes dans leur propos liminaire.
Comme l¡¯a r¨¦sum¨¦ Mme Azoulay, il s¡¯agit de faciliter la r¨¦ouverture des ¨¦tablissements scolaires, ? une fois que le feu vert aura ¨¦t¨¦ donn¨¦ sur le front de la sant¨¦ ?, tout en s¡¯assurant qu¡¯aucun ¨¦l¨¨ve ne soit ? laiss¨¦ pour compte ?. Une allusion aux millions d¡¯enfants qui d¨¦pendent de l'¨¦cole pour leur instruction, mais aussi leur sant¨¦, leur s¨¦curit¨¦ et leur nutrition.
Concr¨¨tement, ces orientations visent ¨¤ r¨¦pondre aux grandes questions pos¨¦es par la r¨¦ouverture : pourquoi, quand, o¨´ et quels ¨¦tablissements. Mais c¡¯est sur le ? comment ? qu¡¯elles insistent, et ce, ¨¤ chaque ¨¦tape du processus. En amont, les gouvernements sont invit¨¦s ¨¤ ¨¦valuer les facteurs de risque li¨¦s ¨¤ la fr¨¦quentation scolaire dans le contexte d¡¯une pand¨¦mie persistante.
Sur le plan de la s¨¦curit¨¦, des mesures doivent ¨ºtre prises pour r¨¦duire la transmission du virus, prot¨¦ger les services essentiels et favoriser un environnement sain. Cela inclut l'acc¨¨s au savon et ¨¤ l'eau potable pour le lavage des mains, l¡¯¨¦laboration de proc¨¦dures d¡¯urgence et la mise en ?uvre de protocoles sur la distanciation sociale et les bonnes pratiques d'hygi¨¨ne.
Les lignes directrices appellent ¨¦galement ¨¤ accorder plus d¡¯importance au bien-¨ºtre g¨¦n¨¦ral des ¨¦l¨¨ves et ¨¤ accro?tre leur protection gr?ce ¨¤ des m¨¦canismes d'orientation am¨¦lior¨¦s et ¨¤ l¡¯apport de services scolaires essentiels, comme les soins de sant¨¦ et l'alimentation.
Par ailleurs, elles plaident en faveur de nouvelles politiques d'ouverture aux groupes marginalis¨¦s, tels que les enfants non scolaris¨¦s, d¨¦plac¨¦s, migrants ou membres de minorit¨¦s. Pour cela, ¨¦noncent-elles, il convient de diversifier les communications et les actions de sensibilisation en les rendant disponibles dans les langues pertinentes et dans des formats accessibles.
Autre axe d¨¦fendu par les entit¨¦s onusiennes : l¡¯enseignement compensatoire afin de rattraper le temps d¡¯instruction perdu. Outre le renforcement de la p¨¦dagogie et l¡¯inclusion dans les programmes de connaissances sur la pr¨¦vention des maladies, l¡¯accent est mis sur les modes d¡¯apprentissage hybride int¨¦grant l¡¯enseignement ¨¤ distance.
C¡¯est aussi ce que promeut la lanc¨¦e en mars par l¡¯UNESCO avec le soutien d¡¯une dizaine d¡¯autres agences des Nation Unies, d¡¯organisations de la soci¨¦t¨¦ civile et d¡¯entreprises priv¨¦es dans le but d¡¯assurer la continuit¨¦ scolaire en ligne durant la p¨¦riode de confinement et au-del¨¤.
Garantir la s¨¦curit¨¦ alimentaire de pr¨¨s de 370 millions d¡¯enfants
Centr¨¦es sur des enfants, les lignes directrices n¡¯oublient pas que, pour des millions d¡¯entre eux, le repas pris ¨¤ l¡¯¨¦cole est souvent le seul de la journ¨¦e. Selon la mondiale tenue ¨¤ jour par le PAM, la pand¨¦mie de coronavirus prive aujourd¡¯hui 368 millions d¡¯enfants dans 195 pays de ces repas nourrissants, si importants pour les familles pauvres.
? Lorsque les ¨¦coles rouvriront, il est essentiel que ces programmes de fourniture de repas et les services de sant¨¦ soient r¨¦tablis ?, a soulign¨¦ David Beasley, Directeur ex¨¦cutif du programme onusien en charge de l¡¯aide alimentaire. Sans ces repas, un grand nombre d¡¯enfants ? souffrent de la faim, risquent de tomber malades, d'abandonner l'¨¦cole et de perdre leurs meilleures chances d'¨¦chapper ¨¤ la pauvret¨¦ ?, a-t-il relev¨¦.
? L'¨¦cole est bien plus qu'un lieu d'apprentissage. Pour beaucoup d'enfants, elle est une bou¨¦e de sauvetage pour acc¨¦der ¨¤ la s¨¦curit¨¦, aux services de sant¨¦ et ¨¤ la nutrition ?, a pour sa part Henrietta Fore, Directrice g¨¦n¨¦rale de l¡¯UNICEF. Selon elle, si ces services vitaux restent suspendus, ? les retomb¨¦es d¨¦vastatrices de Ia COVID-19 se feront sentir pendant des d¨¦cennies ?.
L¡¯UNICEF rappelle ¨¤ cet ¨¦gard l¡¯importance que rev¨ºt la scolarisation pour les filles, souvent affect¨¦es aux t?ches domestiques voire pouss¨¦es ¨¤ un mariage pr¨¦coce. ? Dans de nombreux pays pauvres, la promesse d'un repas peut suffire ¨¤ inciter des parents en difficult¨¦ ¨¤ envoyer leur fille ¨¤ l'¨¦cole ?, note l¡¯agence qui, au c?t¨¦ du PAM, s¡®emploie ¨¤ aider les gouvernements dans leurs programmes de soutien aux enfants ¨¦loign¨¦s de l¡¯¨¦cole par la pand¨¦mie.
Avec les autorit¨¦s nationales et locales de 68 pays, le PAM distribue aux enfants des rations ¨¤ emporter chez eux. Il propose aussi des bons ou des virements d'argent liquide comme alternatives aux cantines scolaires. Mais, ¨¤ ce jour, 12 millions d¡¯¨¦coliers ne re?oivent plus les repas aux bienfait nutritionnels que l¡¯agence onusienne leur fournit d¡¯ordinaire.
Dans le cadre de leur partenariat, le PAM et l¡¯UNICEF pr¨¦parent activement la r¨¦ouverture des ¨¦coles, en ¨¦troite collaboration avec les gouvernements. Pour financer ce travail, qui se concentrera dans un premier temps sur 30 pays ¨¤ faible revenu ou ¨¦conomiquement fragiles, les deux agences viennent de lancer un appel de fonds de 600 millions de dollars.