1er mai 2020 ¡ª En grand danger face ¨¤ la maladie de COVID-19, les peuples autochtones sont des partenaires indispensables dans la lutte contre la pand¨¦mie, ne serait-ce que par leur connaissance fine des ¨¦cosyst¨¨mes, soutiennent les Nations Unies, en r¨¦it¨¦rant leur appel au respect des droits de ces populations vuln¨¦rables.
De fait, l¡¯inqui¨¦tude grandit chaque jour davantage pour ces peuples qui repr¨¦sentent 476 millions de personnes r¨¦parties dans 90 pays, soit 6,2 % de la population mondiale. C¡¯est particuli¨¨rement le cas au Br¨¦sil, pays le plus atteint en Am¨¦rique du Sud et o¨´ vivent quelque 800 000 autochtones. Plus d¡¯une trentaine ont d¨¦j¨¤ ¨¦t¨¦ infect¨¦s par le virus et trois en sont morts, dont un jeune Yanomami de 15 ans.
Au Canada, o¨´ ces peuples comptent plus d¡¯un million de membres, le ministre en charge des services aux autochtones a fait ¨¦tat jeudi de 95 cas confirm¨¦s dans des r¨¦serves am¨¦rindiennes et de 14 contaminations au sein de communaut¨¦s inuit du Nunavik, dans le nord du Qu¨¦bec.
Parmi les plus de 800 000 Aborig¨¨nes et insulaires du D¨¦troit de Torr¨¨s, en Australie, une cinquantaine de cas ont pour l¡¯heure ¨¦t¨¦ signal¨¦s, en majorit¨¦ dans des grandes villes du pays. Le gouvernement f¨¦d¨¦ral a restreint, depuis le 26 mars, l¡¯acc¨¨s aux zones abritant des communaut¨¦s recul¨¦es afin de pr¨¦venir la propagation du virus.
Faire d¡¯eux des acteurs de la riposte
Dans ces circonstances, des appels se font entendre pour que ces populations fragiles - trois fois plus susceptibles de tomber dans l¡¯extr¨ºme pauvret¨¦ et donc plus sujettes aux maladies infectieuses - soient associ¨¦es aux plans de r¨¦ponse nationaux contre la COVID-19.
C¡¯est ce qu¡¯a r¨¦cemment ±è±ô²¹¾±»å¨¦ Anne Nuorgam, pr¨¦sidente de l'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones (UNPFII), en exhortant la communaut¨¦ internationale ¨¤ ? inclure les besoins et priorit¨¦s sp¨¦cifiques des peuples autochtones dans la lutte contre la pand¨¦mie ?.
? Les peuples autochtones peuvent contribuer ¨¤ la recherche de solutions. Leurs bonnes pratiques de gu¨¦rison et de savoirs traditionnelles, telles que l¡¯isolement des communaut¨¦s pour emp¨ºcher la diffusion de la maladie, sont aujourd¡¯hui suivies dans le monde entier ?, a-t-elle fait valoir.
Une prise de position soutenue le Groupe d'appui inter-organisations des Nations Unies (GAIO) sur les questions autochtones, selon lequel les peuples autochtones doivent ¨ºtre consid¨¦r¨¦s comme des acteurs de la riposte : ? leurs institutions de gouvernance traditionnelles et leurs connaissances en mati¨¨re de protection de la biodiversit¨¦ peuvent grandement contribuer ¨¤ une r¨¦ponse d'urgence et ¨¤ un r¨¦tablissement r¨¦ussis ?.
Pour le GAIO, il importe que les vuln¨¦rabilit¨¦s de ces peuples soient prises en compte et que leur participation active aux prises de d¨¦cision soit assur¨¦e, comme le pr¨¦voient la D¨¦claration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la de l¡¯ relative aux peuples indig¨¨nes et tribaux.
? La pand¨¦mie aggrave la situation pr¨¦caire dans laquelle se trouvent la plupart des peuples autochtones ?, ajoute l¡¯organisme inter-institutions, qui invite le syst¨¨me des Nations Unies ¨¤ ? tout mettre en ?uvre pour garantir que les r¨¦ponses ¨¤ la pand¨¦mie ne laissent personne de c?t¨¦ ?.
D¡¯ores et d¨¦j¨¤, de nombreuses entit¨¦s onusiennes s¡¯emploient ¨¤ promouvoir les droits et les besoins des peuples autochtones dans le contexte de la COVID-19.
Devoir d¡¯information
Plus vuln¨¦rables que la moyenne aux maladies, les peuples autochtones n¡¯ont souvent qu¡¯un acc¨¨s limit¨¦ aux soins de sant¨¦ et aux services essentiels. Ils font en outre l¡¯objet de stigmatisation et de discrimination, constate le D¨¦partement des affaires ¨¦conomiques et sociales de l¡¯ONU (DAES). Il ajoute que les modes de vie traditionnels, la marginalisation et l¡¯ins¨¦curit¨¦ alimentaire sont autant de facteurs de risque pour ces communaut¨¦s confront¨¦es au coronavirus.
Le DAES constate ¨¦galement que peu de donn¨¦es relatives ¨¤ ces peuples sont disponibles, notamment sur leur taux d¡¯infection et les questions li¨¦es ¨¤ leur ethnicit¨¦. Il d¨¦plore ¨¦galement que les informations sur les maladies infectieuses et les moyens de pr¨¦vention ne soient pas disponibles en langues autochtones.
Pour rem¨¦dier au manque d¡¯information, le DAES propose un site web centralisant, entre autres donn¨¦es, les d¨¦clarations, notes et recommandations sur la COVID-19 diffus¨¦es par les organes mandat¨¦s par les Nations Unies sur les questions autochtones, les diff¨¦rentes agences onusiennes et les organisations autochtones, telles que l¡¯Indigenous People Movement, Le Fonds de d¨¦veloppement des peuples autochtones d¡¯Am¨¦rique latine et des Cara?bes (FILAC), le Comit¨¦ de coordination des peuples autochtones d¡¯Afrique (IPACC) et le Pacte des peuples autochtones d¡¯Asie (AIPP).
Ce site ¨¤ vocation interactive vise ¨¦galement ¨¤ permettre un ¨¦change d¡¯informations avec les communaut¨¦s autochtones, qui sont invit¨¦es ¨¤ faire part de leurs pratiques dans la lutte contre la pand¨¦mie.
Respect des droits, dont celui ¨¤ l¡¯isolement volontaire
Pour le , la COVID-19 constitue un ? test ? pour les soci¨¦t¨¦s, les gouvernements, les communaut¨¦s et les personnes. Le respect des droits humains dans tous les domaines est, selon lui, fondamental pour assurer ? le succ¨¨s de l'intervention de sant¨¦ publique et le rel¨¨vement de la pand¨¦mie ?.
Dans ce cadre, souligne le HCDH dans un , les ?tats doivent prendre en compte les ? concepts distinctifs de sant¨¦ des peuples autochtones ?, y compris leur m¨¦decine traditionnelle. Ils doivent aussi consulter ces peuples et tenir compte de leur ? consentement libre, pr¨¦alable et ¨¦clair¨¦ ? dans l¡¯¨¦laboration de mesures pr¨¦ventives.
Les ?tats devraient ¨¦galement mettre en place des mesures de contr?le de l'entr¨¦e de toute personne sur les territoires autochtones, en consultation et en coop¨¦ration avec les peuples concern¨¦s, en particulier par le biais de leurs institutions repr¨¦sentatives, ajoute le HCDH.
³¢¡¯ insiste, pour sa part, sur le droit des peuples autochtones ¨¤ l¡¯isolement volontaire. Dans une note de , qui s¡¯appuie en partie sur les consignes de pr¨¦vention et de protection de l¡¯, elle appelle ¨¤ respecter les d¨¦cisions d¡¯auto-quarantaine prises par plusieurs de ces peuples ainsi que les limitations d¡¯acc¨¨s ¨¤ leurs communaut¨¦s.
³¢¡¯agence exhorte, ¨¤ cet ¨¦gard, les gouvernements ¨¤ ? intensifier les mesures de protection pour emp¨ºcher les agriculteurs, les colons, les entreprises priv¨¦es, les industries et les mineurs d'entrer sur les territoires des peuples autochtones en profitant de la crise actuelle ?.
Consultation et participation des peuples autochtones
En ces temps de pand¨¦mie, la mise en ?uvre de la Convention n¡ã169 de l¡¯OIT rev¨ºt une importance capitale pour les peuples autochtones.
Ce texte est en effet le fruit d¡¯un consensus atteint par les mandants tripartites de l'agence onusienne (gouvernements, employeurs, travailleurs) sur les droits de ces peuples au sein des ?tats-nations o¨´ ils vivent et sur la responsabilit¨¦ qu¡¯ont les gouvernements de prot¨¦ger ces droits. Il s¡¯appuie sur le respect des cultures et des modes de vie des peuples autochtones et reconna?t leur droit ¨¤ la terre et aux ressources naturelles et ¨¤ d¨¦finir leurs propres priorit¨¦s de d¨¦veloppement.
La Convention vise ¨¤ ¨¦liminer les pratiques discriminatoires affectant ces peuples et ¨¤ leur permettre de participer ¨¤ la prise de d¨¦cisions qui affectent leur vie. Par cons¨¦quent, les principes fondamentaux de consultation et de participation en constituent la pierre angulaire.
Afin de permettre ¨¤ ses mandants de mieux comprendre la pertinence, la port¨¦e et les implications de cette Convention, l¡¯OIT a publi¨¦ un qui vise ¨¤ encourager les efforts conjoints pour sa mise en ?uvre.
Droits des femmes et droit ¨¤ la sant¨¦ sexuelle
³¢¡¯ propose quant ¨¤ elle un ensemble de mesures destin¨¦es aux ¨¦quipes de pays des Nations Unies pour les aider ¨¤ soutenir les efforts nationaux de lutte contre les in¨¦galit¨¦s, la discrimination et la violence dont sont victimes les femmes et les filles autochtones dans le contexte de crise actuel.
Ces recommandations, formul¨¦es dans le cadre du nouveau Fonds fiduciaire multipartenaires de l¡¯ONU pour la r¨¦ponse ¨¤ la pand¨¦mie, concernent en premier lieu les efforts visant ¨¤ stopper la transmission du coronavirus. ONU Femmes plaide notamment pour une am¨¦lioration des conditions d¡¯acc¨¨s ¨¤ l¡¯information et aux soins pour les femmes et les filles autochtones ainsi que pour une sensibilisation des agents de sant¨¦ aux sp¨¦cificit¨¦s culturelles de ces populations.
S¡¯agissant des impacts socio¨¦conomiques de cette crise sur les femmes autochtones, l¡¯agence pr¨¦conise un renforcement de leur protection sociale, tout en appelant ¨¤ davantage consulter les personnes concern¨¦es dans l¡¯¨¦laboration des mesures de redressement. Elle souhaite, d¡¯autre part, qu¡¯une attention particuli¨¨re soit accord¨¦e aux probl¨¨mes de malnutrition des ¨¦coli¨¨res pendant la pand¨¦mie.
Pour la phase de relance, ONU Femmes appelle ¨¤ respecter les modes de fonctionnement traditionnels sur lesquels s¡¯appuient les femmes autochtones et ¨¤ encourager leur pleine participation ¨¤ la vie publique et aux prises de d¨¦cision aux niveaux local et national. ³¢¡¯agence invite aussi les ¨¦quipes de pays ¨¤ collaborer avec les d¨¦fenseurs des droits, en premi¨¨re ligne dans la d¨¦fense des terres et des traditions autochtones.
Dans le prolongement de ces recommandations, qui ont pour cadre les Objectifs de d¨¦veloppement durable ¨¤ l¡¯horizon 2030, le renvoie ¨¤ sa sur la sant¨¦ maternelle des femmes autochtones, d¡¯une actualit¨¦ br?lante en cette p¨¦riode pand¨¦mique.
Comme pour les autres femmes, l¡¯acc¨¨s des femmes et adolescentes autochtones aux services de sant¨¦ sexuelle et de reproduction est ? un droit fondamental ?, souligne le fonds onusien, qui rappelle que la mortalit¨¦ p¨¦rinatale et maternelle est sup¨¦rieure ¨¤ la moyenne au sein des populations autochtones.