Au lendemain de la crise financi¨¨re et du ralentissement ¨¦conomique qui ont r¨¦cemment touch¨¦ l'ensemble des pays du monde, les pauvres font face ¨¤ des d¨¦fis sans pr¨¦c¨¦dent pour assurer leur s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle. Tandis que les prix des denr¨¦es alimentaires resteront probablement volatiles, les salaires des travailleurs non qualifi¨¦s continueront de d¨¦raper. La crise financi¨¨re a entra¨ªn¨¦ un taux de ch?mage ¨¦lev¨¦ et r¨¦duit le pouvoir d'achat des pauvres qui, dans une ¨¦conomie mondialis¨¦e, sont plus vuln¨¦rables aux chocs ¨¦conomiques. La crise a ¨¦galement limit¨¦ les fonds destin¨¦s ¨¤ la protection sociale, qui sont essentiels pour prot¨¦ger les populations les plus vuln¨¦rables de la malnutrition. Dans ce contexte, les d¨¦penses de soins de sant¨¦ sont souvent trop ¨¦lev¨¦es. Les pays en d¨¦veloppement qui consacrent entre 50 et 70 % de leurs revenus pour se nourrir ont une capacit¨¦ d'adaptation limit¨¦e et, en cons¨¦quence, rel¨¨guent la sant¨¦ au second plan.
R¨¦duction des budgets, baisse de la consommation alimentaire, carences en micronutriments
Pour faire face aux contraintes financi¨¨res, les m¨¦nages r¨¦duisent leur consommation d'aliments et leur nombre de calories et r¨¦duisent les budgets qu'ils consacrent aux produits et aux services qui sont essentiels pour leur sant¨¦ et leur bien-¨ºtre, comme l'eau non pollu¨¦e, l'assainissement, l'¨¦ducation et les soins de sant¨¦. Dans ce contexte de difficult¨¦s ¨¦conomiques, les aliments nutritifs sont plus chers, ce qui am¨¨ne les consommateurs des pays en d¨¦veloppement ¨¤ opter pour un r¨¦gime alimentaire moins ¨¦quilibr¨¦.
Au Guatemala, par exemple, un r¨¦gime ¨¤ base de tortillas de ma?s, d'huile v¨¦g¨¦tale, de l¨¦gumes et de haricots - qui est suffisamment riche en micronutriments - co?tait pr¨¨s de deux fois plus en 2008 qu'un r¨¦gime moins nutritif ¨¤ base seulement de tortillas et d'huile v¨¦g¨¦tale. Le co?t d'un r¨¦gime ¨¦quilibr¨¦ repr¨¦sente plus de la moiti¨¦ du revenu total d'un m¨¦nage pauvre vivant avec un dollar par jour par personne. Au Bangladesh, selon les estimations, une augmentation de 50 % du prix des denr¨¦es alimentaires augmente de 25 % les carences en fer chez les femmes et les enfants. Les carences en micronutriments ont des cons¨¦quences n¨¦gatives sur la nutrition et la sant¨¦ qui entra¨ªnent des troubles du d¨¦veloppement cognitif, une faible r¨¦sistance aux maladies et des risques accrus pendant l'accouchement ¨¤ la fois pour les m¨¨res et les enfants. Ces carences ont ¨¦galement des cons¨¦quences sur la productivit¨¦ ¨¦conomique.
De nouvelles ¨¦tudes ont indiqu¨¦ qu'une nutrition saine ¨¦tait particuli¨¨rement importante durant les deux premi¨¨res ann¨¦es de la vie. Les chercheurs de l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) ont constat¨¦ que les gar?ons qui b¨¦n¨¦ficiaient d'un programme nutritionnel pendant les deux premi¨¨res ann¨¦es de leur vie avaient, une fois adultes, un salaire sup¨¦rieur de 46 % ¨¤ ceux qui n'en ont pas b¨¦n¨¦fici¨¦. Cette ¨¦tude sugg¨¨re que m¨ºme une crise temporaire qui entra¨ªne une r¨¦duction de la consommation alimentaire chez les jeunes enfants peut avoir des effets sur le d¨¦veloppement physique et cognitif des enfants, ainsi que sur leur productivit¨¦ et leurs revenus pendant des ann¨¦es ¨¤ venir.
2020 : prix alimentaires ¨¦lev¨¦s et malnutrition infantile
Selon les estimations de l'IFPRI pour l'ann¨¦e 2020, les conditions de vie des pauvres pourraient s'aggraver dans les ann¨¦es qui viennent. Les chercheurs de l'Institut ont constat¨¦ que la p¨¦nurie alimentaire r¨¦sultant de la crise alimentaire et du ralentissement ¨¦conomique pourrait entra¨ªner des probl¨¨mes nutritionnels irr¨¦versibles pour les consommateurs des pays en d¨¦veloppement, en particulier pour les enfants.
Si les investissements agricoles et la productivit¨¦ sont en recul dans un environnement ¨¦conomique en crise, ce qui est probablement le cas, le prix des c¨¦r¨¦ales augmentera de mani¨¨re significative en raison du manque d'investissements dans l'agriculture et les services ruraux. En 2020, les prix du ma?s, du bl¨¦ et du riz pourraient augmenter de 27, 15 et 13 % respectivement, en comparaison d'un sc¨¦nario o¨´ les investissements et la productivit¨¦ seraient maintenus. L'¨¦volution du prix courant des aliments de base serait directement r¨¦percut¨¦e sur les consommateurs des pays pauvres, qui d¨¦pendent de ces cultures pour leur procurer la plus grande partie de leurs calories quotidiennes.
Selon ce sc¨¦nario, en 2020, la consommation de calories par habitant sera inf¨¦rieure de 5 % dans le monde et de 10 % en Afrique. Au niveau mondial, 16 millions d'enfants suppl¨¦mentaires souffriront de malnutrition en 2020 et la proportion d'enfants mal nourris en Afrique subsaharienne qui ¨¦tait d'un cinqui¨¨me en 2005 passera ¨¤ un quart en 2020. Si les tendances actuelles persistent et que la productivit¨¦ agricole baisse, les pauvres seront confront¨¦s ¨¤ un d¨¦fi encore plus grand pour r¨¦aliser la s¨¦curit¨¦ alimentaire.
Renforcer la r¨¦sistance des pauvres face aux crises
La crise alimentaire mondiale continue de fragiliser les populations pauvres. Des actions doivent ¨ºtre men¨¦es ¨¤ la fois sur le long et le court termes. L'IFPRI recommande que les d¨¦cideurs politiques ¨¦tendent leurs programmes de nutrition infantile et de protection sociale et encouragent la croissance agricole pour les pauvres. Les pays devraient cibler les programmes de sant¨¦ et de nutrition des enfants l¨¤ o¨´ ils auront le plus grand impact. Les ¨¦tudes indiquent que la pr¨¦vention de la malnutrition chez les femmes pendant la grossesse, les nourrissons et les enfants durant les deux premi¨¨res ann¨¦es est l'un des meilleurs moyens pour y parvenir.
Une autre intervention qui a fait ses preuves - les programmes de transfert d'argent sous certaines conditions - peut am¨¦liorer l'¨¦ducation, la sant¨¦ et la nutrition des enfants en influen?ant le comportement des membres de la famille. Ces programmes allouent de l'argent aux familles pauvres, et certains distribuent en m¨ºme temps une aide alimentaire ou nutritionnelle. Dans certains pays, des conditions ont ¨¦t¨¦ ¨¦tablies pour recevoir les paiements : les parents doivent veiller ¨¤ ce que leurs enfants aillent ¨¤ l'¨¦cole, les emmener dans des centres m¨¦dicaux, et les m¨¨res doivent assister ¨¤ des ateliers d'¨¦ducation sur la sant¨¦ et la nutrition. Les chercheurs de l'IFPRI ont constat¨¦ qu'en Am¨¦rique latine, par exemple, la mise en place de ces conditions avaient am¨¦lior¨¦ la nutrition, quand elles ¨¦taient associ¨¦es ¨¤ un meilleur ¨¦quipement dans les centres de sant¨¦ et une ¨¦ducation de qualit¨¦ dans les ¨¦coles.
Les pays devraient aussi cr¨¦er des programmes de protection sociale afin de renforcer la r¨¦sistance des populations pauvres face aux chocs ¨¦conomiques. Quand ils disposent des ressources et des services au moment crucial, les m¨¦nages peuvent satisfaire leurs besoins alimentaires et ¨¦viter de vendre les biens qui sont essentiels ¨¤ leur survie, comme le b¨¦tail ou les semences. Les enfants peuvent rester ¨¤ l'¨¦cole, au lieu d'¨ºtre contraints ¨¤ travailler. Les populations pauvres peuvent ¨¦viter de crouler sous les dettes pour arriver ¨¤ survivre. En leur donnant les moyens d'¨¦pargner, d'investir et d'accumuler des ressources, ces programmes permettent aux m¨¦nages de ne pas tomber dans les pi¨¨ges de la pauvret¨¦ et aussi de stimuler leur croissance ¨¦conomique future. Heureusement, les ¨¦tudes sur la protection sociale en ?thiopie et en Afrique du Sud indiquent que ces programmes ne sont plus seulement ¨¤ la port¨¦e des pays riches.
Enfin, pour encourager la croissance agricole et r¨¦duire la pauvret¨¦ ¨¤ long terme, les d¨¦cideurs politiques devraient investir dans la recherche et le d¨¦veloppement, construire une infrastructure rurale et des institutions et renforcer le partage d'informations. Si les pays en d¨¦veloppement peuvent maintenir une productivit¨¦ agricole pendant une p¨¦riode de ralentissement ¨¦conomique, ils pourront ¨¦viter de nombreuses cons¨¦quences n¨¦gatives. Par exemple, les chercheurs de l'ifpri ont constat¨¦ qu'en ciblant les investissements en recherche et en d¨¦veloppement en Afrique sub-saharienne et en Asie du Sud, la croissance de la production agricole permettrait ¨¤ 282 millions de personnes de sortir de la pauvret¨¦ d'ici ¨¤ 2020.
Des politiques bien cibl¨¦es non seulement am¨¦lioreraient la s¨¦curit¨¦ alimentaire d'un plus grand nombre de personnes, mais permettraient aussi de r¨¦sister ¨¤ la crise ¨¦conomique mondiale. Les populations pauvres et fragilis¨¦es ont besoin de cette aide maintenant. Les pays riches et les pays en d¨¦veloppement doivent investir des ressources importances dans la nutrition de base, la protection sociale et la croissance ¨¦conomique. Cette aide est non seulement un imp¨¦ratif moral et humanitaire, mais aussi une n¨¦cessit¨¦ ¨¦conomique.
(Les ¨¦tudes de l'IFPRI sur les effets de la crise alimentaire et financi¨¨re sont accessibles ¨¤ )
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