01 mars 2007

Pour la premi¨¨re fois dans leur histoire, les Nations Unies acceptent le monde des affaires et la soci¨¦t¨¦ civile comme partenaires cruciaux pour promouvoir leurs objectifs de paix internationale et de d¨¦veloppement. Dans le monde globalis¨¦ et interd¨¦pendant d'aujourd'hui, le milieu des affaires et les Nations Unies partagent des objectifs communs. Malgr¨¦ des buts diff¨¦rents--les Nations Unies ?uvrent pour la paix et la r¨¦duction de la pauvret¨¦, alors que le milieu des affaires est traditionnellement ax¨¦ sur le profit et la croissance, leurs objectifs sont similaires : la construction des march¨¦s, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption, la pr¨¦servation de l'environnement, la sant¨¦ mondiale et l'inclusion sociale.


L'engagement de l'ONU avec les entreprises priv¨¦es n'est pas seulement limit¨¦ aux politiques et aux rapports ¨¦crits, il se manifeste ¨¦galement dans un grand nombre d'activit¨¦s quotidiennes et de projets dans le monde entier. Un des r¨¦sultats de cette collaboration est que les Nations Unies montrent aux soci¨¦t¨¦s transnationales (STN) comment les valeurs universelles peuvent se traduire en valeur commerciale, renfor?ant ainsi la contribution de nouveaux acteurs ¨¤ la r¨¦alisation des objectifs de l'ONU. Peut-¨ºtre tout aussi important, ces nouveaux partenariats exposent le syst¨¨me de l'ONU aux principes de la gestion financi¨¨re des soci¨¦t¨¦s les plus dynamiques au monde.


Le Pacte mondial des Nations Unies est au centre de ces efforts. Cette initiative volontaire d'entreprises la plus importante dans le monde entier a pour la mission d'assurer que les entreprises--en partenariat avec d'autres acteurs sociaux, notamment les gouvernements, les syndicats, les organisations non gouvernementales (ONG) et les universit¨¦s--jouent un r?le essentiel dans la r¨¦alisation du projet de l'ONU : une ¨¦conomie mondiale plus viable et plus ¨¦quitable. Les partenaires s'engagent volontairement ¨¤ appliquer les dix principes universels dans les domaines des droits de l'homme, des normes du travail, de la protection de l'environnement et de la lutte contre la corruption, qui sont inspir¨¦s des trait¨¦s fondamentaux de l'ONU (voir page 29). Les entreprises sont invit¨¦es ¨¤ appliquer ces principes dans leurs activit¨¦s quotidiennes et de mener ¨¤ bien des projets pour promouvoir des objectifs sociaux plus larges.


Lanc¨¦ en 2000, le Pacte mondial touche un grand nombre de personnes. Pr¨¨s de 3 000 entreprises venant de 100 pays l'ont sign¨¦, y compris 103 entreprises composant le Global 500 du Financial Times. Le ? Global 103 ? seul emploie pr¨¨s de 10 millions de salari¨¦s, avec une capitalisation du march¨¦ d'environ 5 000 milliards de dollars et des recettes record d'environ 3 500 milliards en 2005. Aux participants commerciaux se sont joints ¨¤ plus de 700 organisations de la soci¨¦t¨¦ civile, syndicats, municipalit¨¦s, fondations et partenaires universitaires. Des r¨¦seaux de pays, qui offrent un lieu de dialogue aux participants qui s'engagent sur le terrain, ont ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦s dans plus de 50 pays.


L'impact du Pacte mondial va au-del¨¤ des membres. En fournissant une v¨¦ritable plate-forme internationale permettant aux participants et aux parties prenantes de partager les pratiques et les d¨¦fis, il a consid¨¦rablement contribu¨¦ ¨¤ la formation d'un consensus mondial sur l'importance de la responsabilit¨¦ ¨¤ la fois de la soci¨¦t¨¦ et des entreprises. On a progressivement r¨¦alis¨¦ que des pratiques commerciales responsables pouvaient favoriser l'inclusion sociale et ¨¦conomique et contribuer ¨¤ promouvoir la coop¨¦ration internationale, la paix et le d¨¦veloppement. Les entreprises constatent de premi¨¨re main l'importance de ces valeurs. Alors que de plus en plus d'entreprises adoptent des pratiques responsables, leur engagement dans une d¨¦marche citoyenne a pris une plus grande importance. En une ann¨¦e seulement, des acteurs importants du monde de l'investissement, tels que les fonds de pension de plus de 5 000 milliards de dollars d'actifs g¨¦r¨¦s ou retenus, ont pr¨¦conis¨¦ une approche commerciale qui place la valeur au centre de leurs activit¨¦s et pris des mesures pour int¨¦grer cette philosophie dans leurs d¨¦cisions en mati¨¨re d'investissement.


Cependant, malgr¨¦ ces points positifs, d'importants d¨¦fis demeurent. Plus de 70 000 soci¨¦t¨¦s transnationales ne participent pas ¨¤ l'initiative de l'ONU. Les entreprises am¨¦ricaines, qui repr¨¦sentent seulement 4 % des membres actuels du Pacte, se sont montr¨¦es particuli¨¨rement peu dispos¨¦es ¨¤ le signer. La question essentielle est de savoir si celui-ci pourra responsabiliser un nombre important d'entreprises et les amener ¨¤ s'engager ¨¤ respecter les dix principes, et faire du concept de l'entreprise citoyenne--la mise en ?uvre des principes universels dans les pratiques commerciales des entreprises et l'engagement dans des projets de partenariat afin de r¨¦pondre ¨¤ des objectifs sociaux majeurs--une norme mondiale. Une approche moins stricte en mati¨¨re de responsabilit¨¦ des entreprises pourrait ¨ºtre plus populaire, mais elle ne r¨¦pondrait pas aux d¨¦fis communs auxquels font face les entreprises et la soci¨¦t¨¦ au XXIe si¨¨cle.


Le Pacte mondial est une ¨¦tape cruciale pour les Nations Unies. Il y a dix ans, l'Organisation et le secteur priv¨¦ entretenaient des relations de d¨¦fiance. M¨ºme si elles ¨¦taient initialement soutenues par les dirigeants du monde des affaires, qui voyaient la n¨¦cessit¨¦ d'un syst¨¨me multilat¨¦ral solide, les Nations Unies, face aux r¨¦alit¨¦s de la guerre froide ont ¨¦t¨¦ contraintes ¨¤ adopter une position neutre sur la question de l'entreprise priv¨¦e. Pendant les ann¨¦es 1970 et 1980, les gouvernements des pays en d¨¦veloppement ont cherch¨¦ ¨¤ cr¨¦er des trait¨¦s visant ¨¤ restreindre l'investissement ¨¦tranger direct et d'autres composantes du commerce mondial. Mais, dix ans plus tard, les choses ont bien chang¨¦. Au cours des ann¨¦es 1990, la communaut¨¦ internationale a progressivement r¨¦alis¨¦ le r?le important des soci¨¦t¨¦s transnationales dans les affaires mondiales. Les groupes de la soci¨¦t¨¦ civile ont davantage orient¨¦ leurs campagnes de protection de l'environnement et des droits de l'homme et du travail pour sensibiliser les STN ainsi que les institutions financi¨¨res et commerciales internationales. Les protestations massives qui ont eu lieu ¨¤ Seattle, ¨¤ G¨ºnes, ¨¤ Gen¨¨ve, ¨¤ Cancun et dans d'autres lieux de conf¨¦rence ont permis de placer le d¨¦bat sur la mondialisation en t¨ºte de l'ordre du jour mondial.


Les id¨¦aux universels sur lesquels les Nations Unies ont ¨¦t¨¦ fond¨¦es--o¨´ le ? progr¨¨s ? et la ? paix ? comptent parmi les motivations de base de l'Organisation--se trouvent au c?ur de ces combats. Mais alors que l'¨¦conomie mondiale connaissait une forte expansion, beaucoup se sont inqui¨¦t¨¦s de voir que les travailleurs, l'environnement et les pauvres restaient ¨¤ la tra¨ªne. Une partie du probl¨¨me semblait venir du fait que l'int¨¦gration ¨¦conomique changeait la fronti¨¨re entre responsabilit¨¦ et capacit¨¦s du public et du priv¨¦. La question ¨¦tait donc de savoir ? comment pr¨¦server les droits et promouvoir le d¨¦veloppement durable dans une ¨¦conomie de plus en plus mondialis¨¦e ? ? Beaucoup pr¨¦conisaient un retour aux tentatives pr¨¦c¨¦dentes visant ¨¤ mettre un frein au commerce mondial en imposant des r¨¦glementations ? de commandement et de contr?le ?. Certains activistes ont appel¨¦ ¨¤ l'abolition de l'Organisation mondiale du commerce et des accords de libre-¨¦change r¨¦gionaux, tandis que d'autres ont appel¨¦ ces institutions ¨¤ inclure des r¨¦glementations environnementales et sociales. La Commission des droits de l'homme de l'ONU a propos¨¦ un projet de normes sur la responsabilit¨¦ des soci¨¦t¨¦s transnationales. ? l'instar des efforts men¨¦s dans les ann¨¦es 1970 et 1980, aucune de ces mesures n'a re?u un soutien suffisant pour donner lieu ¨¤ une l¨¦gislation.


Cependant, la volont¨¦ politique n'est pas le seul probl¨¨me. M¨ºme dot¨¦e d'un mandat pour r¨¦glementer les entreprises transnationales, aucune organisation mondiale actuelle--certainement pas les Nations Unies--n'a les capacit¨¦s n¨¦cessaires pour surveiller et r¨¦glementer les entreprises dans le monde entier. M¨ºme si les ?tats acceptaient de le faire eux-m¨ºmes, beaucoup ont un pi¨¨tre bilan concernant le respect des accords mondiaux sur l'environnement ou sur les droits de l'homme et du travail. Face ¨¤ cette ? absence de pouvoir ¨¤ faire respecter ?, de nombreuses initiatives volontaires et des normes ont ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦es pour aligner les pratiques commerciales mondiales avec les objectifs sociaux et environnementaux. Certaines sont purement bas¨¦es sur l'industrie, d'autres sont parrain¨¦es par des organisations de la soci¨¦t¨¦ civile ou des organismes intergouvernementaux, comme l'Organisation de coop¨¦ration et de d¨¦veloppement ¨¦conomiques, d'autres encore impliquent la participation de parties prenantes venant de diff¨¦rents secteurs. Des initiatives, comme dans les secteurs du bois, de l'habillement et du caf¨¦, visent ¨¤ certifier que certains produits sont sans danger pour l'environnement et la soci¨¦t¨¦. D'autres, comme l'Initiative mondiale sur les rapports de performance (GRI), fournissent un cadre pour que les entreprises ¨¦tablissent des rapports sur leurs cons¨¦quences sociales et environnementales. D'autres encore visent simplement ¨¤ ¨¦laborer des codes de conduite pour mettre en avant les meilleures pratiques. Nombre de ces initiatives se chevauchent et sont parfois en concurrence. Par exemple, dans le secteur de l'habillement aux ?tats-Unis, un code de conduite soutenu par de nombreuses entreprises est en concurrence avec une initiative plus stricte soutenue par des groupes de la soci¨¦t¨¦ civile pour gagner la confiance des membres et des consommateurs.


Un r¨¦seau d'apprentissage mondial orient¨¦ vers l'action

Le Pacte mondial joue un r?le particulier concernant les initiatives volontaires en mati¨¨re de responsabilit¨¦ sociale des entreprises (RSE). Aucune autre initiative ne couvre autant de questions ni de r¨¦gions g¨¦ographiques, n'est appuy¨¦e par autant de pays ni ne b¨¦n¨¦ficie d'une autorit¨¦ morale similaire et de l'appui des 192 ?tats Membres de l'ONU.


Le Pacte mondial pr¨¦sente aussi des caract¨¦ristiques propres : il n'est ni un code de conduite sp¨¦cifique, ni un syst¨¨me de certification ou d'¨¦tablissement de rapports mais, plut?t, un appel lanc¨¦ aux entreprises pour qu'elles s'engagent ¨¤ respecter les principes universels et ¨¤ prendre des mesures concr¨¨tes pour les r¨¦aliser en suivant l'exemple de leurs pairs et des groupes de la soci¨¦t¨¦ civile. Il compl¨¨te ainsi les autres initiatives volontaires de RSE. Nombre de participants pensent que des projets comme le GRI ou les codes de conduite sp¨¦cifiques au secteur industriel sont le meilleur moyen de tenir leurs engagements dans le cadre du Pacte. Ces entreprises peuvent s'informer sur les pratiques et les initiatives de RSE employ¨¦es par leurs pairs ainsi que sur les mesures pr¨¦conis¨¦es par les groupes ¨¦cologiques et sociaux. Cette approche volontaire, bas¨¦e sur l'apprentissage, exploite les comp¨¦tences de base de l'ONU--port¨¦e universelle, pouvoir de rassemblement in¨¦gal¨¦ et autorit¨¦ morale--tout en ¨¦vitant ses faiblesses, comme l'in¨¦vitable lenteur propre ¨¤ une bureaucratie mondiale qui r¨¦pond ¨¤ pr¨¨s de 200 dirigeants souverains. Le Pacte mondial exerce un effet de levier pour l'ONU en tant qu'instance apte ¨¤ attirer et ¨¤ accueillir le plus vaste ¨¦ventail de parties prenantes. Aucun autre environnement ne peut offrir un tel lieu de d¨¦bat et de partage d'exp¨¦rience.


Pour participer au Pacte mondial, le directeur g¨¦n¨¦ral d'une entreprise doit envoyer au Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l'ONU une lettre d'intention dans laquelle il affirme l'engagement de son entreprise aux dix principes. L'entreprise figure alors sur le site Internet du Pacte mondial. Une fois par an, elle est cens¨¦e soumettre un rapport de ? communication sur le progr¨¨s ? d¨¦crivant comment elle int¨¨gre les dix principes ¨¤ sa strat¨¦gie et contribue aux objectifs de d¨¦veloppement de l'ONU. Celles qui ne communiquent pas ces informations sont consid¨¦r¨¦es comme ? inactives ? et peuvent ¨ºtre ult¨¦rieurement retir¨¦es de la liste. Des ? forums d'information ? permettent aux participants de conna¨ªtre les actions concr¨¨tes fond¨¦es sur les dix principes prises par leurs pairs et re?oivent des informations des partenaires sociaux et environnementaux. ? ces activit¨¦s s'ajoutent des ¨¦v¨¦nements locaux parrain¨¦s par les r¨¦seaux nationaux ou r¨¦gionaux.


Travaillant ¨¦troitement avec les parties prenantes, le Pacte mondial a publi¨¦ des guides et des outils pratiques destin¨¦s ¨¤ aider les participants ¨¤ appliquer les principes. Il a ¨¦t¨¦ aussi un point de liaison de l'ONU dans ses efforts visant ¨¤ faciliter la cr¨¦ation de partenariat avec le secteur priv¨¦ et a organis¨¦ des activit¨¦s de formation ¨¤ l'intention de l'ensemble du personnel de l'ONU.


L'importance des valeurs


Pourquoi les entreprises sont-elles si nombreuses ¨¤ adh¨¦rer au Pacte mondial ? Probablement parce que les march¨¦s r¨¦compenseront de plus en plus les bonnes performances dans les domaines que le Pacte met en avant, de sorte que les entreprises qui prennent en compte les questions environnementales, sociales et de gouvernance dans leurs activit¨¦s am¨¦lioreront leurs r¨¦sultats. Leurs pratiques commerciales responsables leur ont apport¨¦ de nombreux avantages, notamment le recrutement et la r¨¦tention d'un personnel qualifi¨¦, la r¨¦duction des co?ts, la hausse de la productivit¨¦, la construction de l'image de marque, l'instauration de la confiance ainsi que la r¨¦putation aupr¨¨s des parties prenantes. En outre, des gains significatifs peuvent ¨ºtre obtenus quand les consommateurs et les investisseurs r¨¦pondent aux crit¨¨res sociaux et ¨¦cologiques. Cela a d¨¦j¨¤ ¨¦t¨¦ prouv¨¦ tandis que les investisseurs lient de plus en plus la performance environnementale, sociale et de gouvernance ¨¤ la valeur de l'entreprise. ? long terme, l'investissement des entreprises pour am¨¦liorer les conditions sociales et environnementales se traduira par une plus grande stabilit¨¦ des march¨¦s qui seront moins vuln¨¦rables aux risques et aux facteurs externes.


L'int¨¦r¨ºt suscit¨¦ par le Pacte est ¨¦galement d? ¨¤ la nature de plus en plus internationale des entreprises. Pour celles qui sont ¨¦tablies ou qui exercent leurs activit¨¦s dans des pays en d¨¦veloppement, le contexte soci¨¦tal est essentiel. Les entreprises ne peuvent pas prosp¨¦rer si la soci¨¦t¨¦ ne fonctionne pas. Le bien-¨ºtre de la soci¨¦t¨¦ fait donc partie de la mission et de la strat¨¦gie de l'entreprise, n¨¦cessitant des approches innovantes qui servent ¨¤ la fois les int¨¦r¨ºts de la soci¨¦t¨¦ et ceux de l'entreprise. Le Pacte s'est rendu compte que les entreprises qui exer?aient leurs activit¨¦s dans des conditions difficiles avaient un enjeu particulier dans les questions abord¨¦es par l'initiative. Pour elles, la philosophie de responsabilit¨¦ et d'engagement de la communaut¨¦ rev¨ºt un sens plus profond. Ce n'est pas un hasard si plus de la moiti¨¦ des 3 000 entreprises adh¨¦rant au Pacte se trouvent dans les pays en d¨¦veloppement. Face ¨¤ ces arguments, il n'est pas surprenant que la notion de RSE soit devenue partie int¨¦grante de la strat¨¦gie g¨¦n¨¦rale des entreprises. Celles-ci reconnaissent qu'en th¨¦orie, l'am¨¦lioration des conditions sociales et environnementales r¨¦duit les risques et contribue ¨¤ une meilleure gestion de la marque et devrait donc ¨ºtre inh¨¦rente aux mod¨¨les commerciaux r¨¦ussis. Pourtant, beaucoup ont des difficult¨¦s ¨¤ adopter des strat¨¦gies de RSE concr¨¨tes et efficaces. Ce probl¨¨me est particuli¨¨rement important pour celles expos¨¦es aux risques dans divers march¨¦s du monde entier.


Le Pacte mondial est un v¨¦ritable pas en avant dans le d¨¦bat sur la mondialisation, faisant partie d'une tendance croissante visant ¨¤ trouver de nouveaux outils de politique capables de relever le d¨¦fi de la gouvernance au XXIe si¨¨cle. Mais certaines suspicions h¨¦rit¨¦es du pass¨¦ persistent. D'un c?t¨¦, certains craignent que l'initiative soit une tentative visant ¨¤ renforcer la r¨¦glementation mondiale et, de l'autre, des groupes de la soci¨¦t¨¦ civile et des universit¨¦s y voient un moyen pour les entreprises de se pr¨¦valoir de la l¨¦gitimit¨¦ de l'ONU tout en poursuivant leurs mauvaises pratiques. La plupart de ces craintes sont dues ¨¤ une incompr¨¦hension de la nature et des objectifs du Pacte. Il n'est pas et n'aspire pas ¨¤ ¨ºtre un code de conduite contraignantjuridiquement. Certaines entreprises, en particulier celles qui sont ¨¦tablies dans le march¨¦ litigieux am¨¦ricain, craignent que m¨ºme la signature d'une lettre d'intention ¨¤ respecter les dix principes pourrait avoir des cons¨¦quences juridiques. Pour y r¨¦pondre, le Pacte s'est associ¨¦ ¨¤ l'Association du barreau am¨¦ricain pour r¨¦diger une lettre d'intention juridiquement non contraignante. Heureusement, apr¨¨s cinq ans d'activit¨¦, le Pacte a prouv¨¦ qu'il aidait les entreprises ¨¤ am¨¦liorer leur performance environnementale et sociale--celles-ci n'¨¦tant pas contraintes ¨¤ adopter des normes qui ne leur convenaient pas--et a, peu ¨¤ peu, dissip¨¦ les craintes.


Le Pacte mondial n'a pas d¨¦bouch¨¦ sur le ? blue-washing ? (par r¨¦f¨¦rence au bleu onusien) comme le craignaient certaines ONG. Il n'est pas un syst¨¨me de certification, ni un logo sugg¨¦rant une approbation, mais il repose sur l'apprentissage et l'engagement. L'utilisation du logo de l'ONU par une entreprise ne la prot¨¨ge pas contre les critiques mais signifie qu'elle s'efforce de maintenir des normes plus ¨¦lev¨¦es et qu'elle encourage un examen plus d¨¦taill¨¦ de ses pratiques. Celles qui adh¨¨rent au Pacte et qui ne r¨¦alisent aucun progr¨¨s risquent d'¨ºtre m¨ºme plus critiqu¨¦es. ?tant oblig¨¦es de soumettre un rapport annuel sur la mise en ?uvre des principes, celles qui adh¨¨rent seulement au Pacte pour en profiter seront vite expos¨¦es. En octobre 2006, 335 entreprises qui n'avaient pas pr¨¦sent¨¦ deux fois de suite un rapport d'¨¦valuation de leurs progr¨¨s ont ¨¦t¨¦ retir¨¦es de la liste--ce qui indique le niveau de responsabilit¨¦ et d'engagement des participants. En outre, le Bureau du Pacte mondial se r¨¦serve le droit d'agir en cas de violations des principes et, dans des cas extr¨ºmes, de r¨¦voquer le statut de participant ¨¤ l'initiative. Pour r¨¦sumer, alors qu'il permet aux entreprises qui promeuvent la RSE de montrer leurs r¨¦alisations et donne ¨¤ d'autres l'occasion de suivre des exemples positifs, le Pacte n'offre aucun b¨¦n¨¦fice ¨¤ celles qui sont ¨¤ la tra¨ªne.


Les entreprises ont compris que le Pacte mondial repr¨¦sente un progr¨¨s concret dans le d¨¦bat sur la mondialisation. Les controverses sous-jacentes demeurent les m¨ºmes : comment prot¨¦ger l'environnement et les droits sociaux dans une ¨¦conomie mondiale de plus en plus int¨¦gr¨¦e. Mais, cette fois, les entreprises peuvent jouer un r?le constructif sous l'¨¦gide de l'ONU. Cela ne veut pas dire que les manifestations et les campagnes ne continueront pas ¨¤ ¨ºtre des ¨¦l¨¦ments importants dans la protection de l'environnement et des droits sociaux; les groupes de la soci¨¦t¨¦ civile et les entreprises ont maintenant un forum pour discuter de ces diff¨¦rends.


En ouvrant les Nations Unies aux diff¨¦rentes et multiples fa?ons d'organiser les actions, ces partenariats servent de catalyseur ¨¤ l'innovation institutionnelle dans l'ensemble du syst¨¨me de l'ONU. Les entreprises ne sont plus les seules ¨¤ tirer des enseignements du Pacte. L'ONU, souvent per?ue comme un monstre bureaucratique agonisant, tire aussi profit de son engagement avec des organisations mondiales d?ment administr¨¦es du monde de l'entreprise et du secteur ¨¤ but non lucratif. Le Pacte mondial contribue aux efforts d¨¦ploy¨¦s par l'ONU pour encourager les partenariats avec des acteurs non gouvernementaux, partenariats qui se sont ¨¦tendus ¨¤ l'ensemble du syst¨¨me de l'ONU. Par exemple, des fabricants de vitamines travaillent avec le Programme des Nations Unies pour le d¨¦veloppement (PNUD) pour am¨¦liorer la nutrition dans les pays en d¨¦veloppement; des fabricants de savon se sont associ¨¦s au Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) pour promouvoir l'hygi¨¨ne; l'entreprise de logistique TNT aide le Programme alimentaire mondial ¨¤ distribuer des vivres en temps voulu lors de crises humanitaires; et la soci¨¦t¨¦ de t¨¦l¨¦communications Ericsson assure la liaison avec les premi¨¨res ¨¦quipes de l'ONU d¨¦p¨ºch¨¦es dans les zones de catastrophe. Le Pacte mondial a contribu¨¦ ¨¤ am¨¦liorer la capacit¨¦ de l'ONU ¨¤ tirer profit de ces partenariats en compilant les le?ons, en d¨¦veloppant des normes et en formant le personnel de l'ONU.


L'Organisation a ¨¦galement d¨¦cid¨¦ de mettre en pratique ce qu'elle pr?nait et s'est engag¨¦e ¨¤ appliquer les dix principes ¨¤ la gestion des achats, du personnel et des installations. En 2006, la Caisse commune des pensions du personnel de l'ONU a ¨¦t¨¦ l'une des premi¨¨res ¨¤ signer les Principes pour l'investissement responsable. Le Pacte mondial repr¨¦sente une r¨¦forme de l'ONU ¨¤ double titre : c'est non seulement un outil innovant pour rallier de nouveaux acteurs et de nouvelles m¨¦thodes aux objectifs de l'ONU mais aussi un catalyseur de changement pour nombre d'op¨¦rations quotidiennes de l'ONU.


Jusqu'ici, les r¨¦sultats ont donn¨¦ tort aux d¨¦tracteurs qui consid¨¦raient cette initiative comme une mascarade de r¨¦glementation ou une trahison cynique d'objectifs uniquement ax¨¦s sur le profit. Elle montre de fait comment l'ONU s'adapte de diverses mani¨¨res au nouvel environnement mondial. Celle-ci apprend ¨¤ int¨¦grer ses principes dans le monde des affaires de vaste port¨¦e et les entreprises apprennent comment ajouter ces valeurs publiques aux leurs. Le d¨¦fi est maintenant d'¨¦tendre la port¨¦e et la qualit¨¦ du Pacte mondial. D'abord, un plus grand nombre d'entreprises doivent reconna¨ªtre les avantages que l'adh¨¦sion au Pacte peuvent apporter et les entreprises am¨¦ricaines, en particulier, doivent s'engagent plus qu'elles ne l'ont fait jusqu'ici. Ensuite, le Pacte doit continuellement am¨¦liorer sa capacit¨¦ ¨¤ faciliter l'apprentissage. Il faut trouver de nouvelles mani¨¨res de mettre en relation les entreprises qui recherchent des informations avec celles qui ont des le?ons utiles ¨¤ offrir. Les meilleures pratiques doivent ¨ºtre d¨¦velopp¨¦es de mani¨¨re ¨¤ g¨¦n¨¦raliser les le?ons importantes des exp¨¦riences des leaders du march¨¦ et ¨¤ disposer de suffisamment d'informations contextuelles ¨¤ appliquer ¨¤ des situations locales sp¨¦cifiques. De leur c?t¨¦, les universit¨¦s ont un r?le important ¨¤ jouer dans l'analyse objective et la synth¨¨se des exp¨¦riences recueillies par le Pacte.
Enfin, la capacit¨¦ du Pacte ¨¤ ¨¦tendre sa port¨¦e et ¨¤ offrir aux participants plus de possibilit¨¦s est li¨¦e. Avec un plus grand nombre d'adh¨¦rents, les pratiques collectives seront plus riches, plus diverses et mieux test¨¦es. De m¨ºme, alors que les le?ons seront plus utiles, les entreprises se rendront compte qu'elles ne peuvent se permettre d'¨ºtre ¨¦cart¨¦es du processus mondial en mati¨¨re de RSE. Les entreprises mondiales qui ont une vision ¨¤ long terme ont reconnu la transformation tranquille qui a lieu aux Nations Unies et participent ¨¤ ce mouvement pour am¨¦liorer leurs mod¨¨les commerciaux et mieux g¨¦rer les risques.
Les Principes du Pacte mondial
Les dix Principes du Pacte mondial dans le domaine des droits de l'homme, des normes du travail, de l'environnement et de la lutte contre la corruption sont inspir¨¦s de :
? la D¨¦claration des droits de l'homme
? la D¨¦claration relative aux principes et droits fondamentaux au travail
? la D¨¦claration de Rio sur l'environnement et le d¨¦veloppement
? la Convention des Nations Unies contre la corruption
Le Pacte Mondial engage les dirigeants des entreprises ¨¤ embrasser, promouvoir et faire respecter un ensemble de valeurs fondamentales dans le domaine des droits de l'homme, des normes du travail, de l'environnement et de la lutte contre la corruption :
Droits de L'homme
? Principe 1 : Les entreprises doivent promouvoir et respecter les droits de l'homme reconnus sur le plan international;
? Principe 2 : Les entreprises ne doivent pas se faire complices de violations des droits fondamentaux.
Normes du Travail
? Principe 3 : Les entreprises devraient respecter l'exercice de la libert¨¦ d'association et reconna¨ªtre le droit ¨¤ la n¨¦gociation collective;
? Principe 4 : ?limination de toutes les formes de travail forc¨¦ et obligatoire;
? Principe 5 : Abolition effective du travail des enfants;
? Principe 6 : ?limination de la discrimination en mati¨¨re d'emploi et d'exercice d'une profession.
Environnement
? Principe 7 : Promouvoir une approche prudente des grands probl¨¨mes touchant l'environnement;
? Principe 8 : Prendre des initiatives en faveur de pratiques environnementales plus responsables;
? Principe 9 : Encourager la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l'environnement.
Anti-corruption
? Principe 10 : Les entreprises sont invit¨¦es ¨¤ agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l'extorsion de fonds et les pots-de-vin.

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La?Chronique de l¡¯ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privil¨¨ge d¡¯accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingu¨¦s ne faisant pas partie du syst¨¨me des Nations Unies dont les points de vue ne refl¨¨tent pas n¨¦cessairement ceux de l¡¯Organisation. De m¨ºme, les fronti¨¨res et les noms indiqu¨¦s ainsi que les d¨¦signations employ¨¦es sur les cartes ou dans les articles n¡¯impliquent pas n¨¦cessairement la reconnaissance ni l¡¯acceptation officielle de l¡¯Organisation des Nations Unies.?