Dans le contexte de l'¨¦pid¨¦mie de VIH en Papouasie-Nouvelle-Guin¨¦e, les travailleurs du sexe et les hommes qui ont des rapports sexuels avec d'autres hommes (MSM) ont des pratiques sexuelles ¨¤ risque qui sont sanctionn¨¦es par des lois p¨¦nales archa?ques1. Ces personnes continuent d'¨ºtre confront¨¦es aux pr¨¦jug¨¦s, ¨¤ la condamnation morale et ¨¤ la violence de certains secteurs de la soci¨¦t¨¦ ainsi qu'au harc¨¨lement et au chantage de la police qui s'en prend particuli¨¨rement aux MSM. Leur vuln¨¦rabilit¨¦ ¨¤ la violence les contraint ¨¤ se cacher, les privant ainsi des services de prise en charge, ce qui a des cons¨¦quences sur la riposte nationale au sida. Les activit¨¦s d'¨¦ducation, men¨¦es actuellement par des groupes de MSM et des travailleurs du sexe, semblent toutefois am¨¦liorer l'attitude de la police.
La Papouasie-Nouvelle-Guin¨¦e est signataire de conventions r¨¦gionales et internationales qui veillent au respect des droits de l'homme et des droits des personnes vuln¨¦rables en mati¨¨re de pr¨¦vention, de traitement et de soins li¨¦s au VIH. Le Rapport 2009 de la Commission sur le sida dans le Pacifique a ¨¦galement recommand¨¦ ? une r¨¦forme l¨¦gislative pour abroger les lois qui p¨¦nalisent les comportements ¨¤ haut risque et encouragent la discrimination li¨¦e au VIH2. ?.
LE CADRE L?GISLATIF ET LA RIPOSTE NATIONALE
Le cadre l¨¦gislatif pour la riposte nationale ¨¤ l'¨¦pid¨¦mie est la loi de 2003 sur la pr¨¦vention et la prise en charge du VIH et du sida (HAMP) qui pr¨¦conise le d¨¦pistage volontaire et librement consenti du VIH ainsi que les mesures ¨¤ prendre pour encourager les personnes ¨¤ se prot¨¦ger et ¨¤ prot¨¦ger leurs partenaires. Cette loi met l'accent sur la protection des droits des personnes vivant avec le VIH et de celles qui risquent d'¨ºtre infect¨¦es ainsi que sur l'importance de r¨¦duire la stigmatisation et la discrimination, d¨¦finit les principes qui sont ¨¤ la base de la riposte nationale au VIH/sida en Papouasie-Nouvelle-Guin¨¦e. Malgr¨¦ ces protections, le travail du sexe et les relations homosexuelles continuent d'¨ºtre des infractions p¨¦nales.
LOIS P?NALES EXISTANTES RELATIVES AUX RAPPORTS HOMOSEXUELS ET AU TRAVAIL DU SEXE
La loi de 1974 relative au code p¨¦nal, sections 210, 212 et 231, et le Summary Offences Act de 1977, sections 55, 56 et 57, contiennent des dispositions qui pr¨¦voient des peines pour l'homosexualit¨¦ et le commerce du sexe3. Alors que ces dispositions l¨¦gales ont donn¨¦ ¨¤ la police le droit de harceler ou d'arr¨ºter les travailleurs du sexe4 et les homosexuels, elles continuent d'emp¨ºcher la fourniture de services de traitement essentiels du VIH, de nombreux travailleurs du sexe et homosexuels ¨¦tant peu enclins ¨¤ se rendre dans les centres de soins dont le personnel est aussi parfois harcel¨¦ par la police.
La contradiction est claire : alors que la loi HAMP met l'accent sur le droit d'acc¨¨s de tous les citoyens aux services de sant¨¦, certains peuvent ¨ºtre arr¨ºt¨¦s lorsqu'ils le font.
L'INITIATIVE POUR UNE R?FORME DE LA LOI : STRAT?GIE ET PROGR?S
Initialement, dans le contexte de la r¨¦forme de la loi sur la sant¨¦ sexuelle et procr¨¦ative, des secteurs de la profession m¨¦dicale et de l'?glise avaient exprim¨¦ leurs inqui¨¦tudes concernant les droits de l'homme et la sant¨¦ publique. Ces inqui¨¦tudes m'ont ¨¦t¨¦ pr¨¦sent¨¦es en 2000, alors que simple d¨¦put¨¦e, je d¨¦fendais les questions li¨¦es aux droits de l'homme et au d¨¦veloppement humain.
Ma nomination au poste de Ministre du d¨¦veloppement des collectivit¨¦s locales en 2002 a fourni une base plus solide sur laquelle lancer un effort multisectoriel pour r¨¦viser les sections du Code p¨¦nal et du Summary Offences Act. Le groupe multisectoriel a ¨¦t¨¦ recentr¨¦ en 2009 en tant que Groupe de r¨¦f¨¦rence avec, pour objectif, la d¨¦p¨¦nalisation de la prostitution et de l'homosexualit¨¦. Ce Groupe, compos¨¦ de repr¨¦sentants du secteur public et priv¨¦ et d'organisations non gouvernementales, comprend des travailleurs du sexe, des MSM, des personnes vivant avec le VIH/sida ainsi que des repr¨¦sentants des transgenres et est pr¨¦sid¨¦ par le Directeur du Secr¨¦tariat du Conseil national du sida.
En s'appuyant sur les ¨¦tudes initiales et le dialogue inclusif du Groupe de r¨¦f¨¦rence, une strat¨¦gie de sensibilisation ¨¤ plusieurs volets a ¨¦t¨¦ accept¨¦e qui devait ensuite ¨ºtre soumise au Conseil national ex¨¦cutif (NEC/Cabinet). Une aide juridique a ¨¦t¨¦ initialement offerte par la F¨¦d¨¦ration australienne des organisations du sida, puis par AusAIDS par le biais du Programme PNG-Australie sur le VIH et le sida.
SENSIBILISATION
Un travail de sensibilisation cibl¨¦e a ¨¦t¨¦ men¨¦ aupr¨¨s du Comit¨¦ parlementaire sur le VIH et le sida ainsi qu'aupr¨¨s d'autres parlementaires par le Pr¨¦sident du Groupe de r¨¦f¨¦rence qui a abord¨¦ des questions critiques et soulign¨¦ l'importance de r¨¦former les lois qui p¨¦nalisent les travailleurs du sexe et les MSM. La r¨¦ponse positive du petit nombre de participants pr¨¦sents ¨¤ la pr¨¦sentation a t¨¦moign¨¦ d'un soutien et d'une bonne compr¨¦hension de ces questions.
D'autres efforts de sensibilisation ont ¨¦t¨¦ men¨¦s, comme la participation des travailleurs du sexe, des MSM, des personnes vivant avec le VIH et des transgenres ¨¤ la formulation de la nouvelle Strat¨¦gie nationale sur le VIH et le sida 2011-2015. Les r¨¦sultats ont ¨¦t¨¦ encourageants, la strat¨¦gie, contrairement ¨¤ la pr¨¦c¨¦dente, ayant not¨¦ que ? les lois qui p¨¦nalisent le commerce du sexe et les rapports homosexuels sont des obstacles qui emp¨ºchent l'acc¨¨s aux services et renforcent la vuln¨¦rabilit¨¦, la stigmatisation et la discrimination5 ? et recommand¨¦ ? des r¨¦formes l¨¦gislatives pour am¨¦liorer la pr¨¦vention, le traitement ainsi que les soins du VIH et du sida ? comme objectif strat¨¦gique.
LA SOUMISSION AU CABINET
Face aux pr¨¦jug¨¦s associ¨¦s au commerce du sexe et ¨¤ l'homosexualit¨¦, la strat¨¦gie en vue de sa soumission au Conseil ex¨¦cutif national (Cabinet) a consist¨¦ ¨¤ adopter une approche de sant¨¦ publique visant au ? Renforcement de la riposte de la Papouasie-Nouvelle-Guin¨¦e ¨¤ l'¨¦pid¨¦mie du VIH et du sida ? et proposant ? un examen des lois p¨¦nales relatives au commerce du sexe et aux relations homosexuelles entre personnes consentantes du point de vue des implications sociales et de la sant¨¦ publique6 ?. Il a ¨¦t¨¦ aussi not¨¦ que ? les changements propos¨¦s encourageront un environnement social qui soutient l'inclusion des groupes vuln¨¦rables et marginalis¨¦s et leur donneront un sens plus aigu de leur appartenance ¨¤ la communaut¨¦.7 ?. Le texte demandait ¨¦galement que le Conseil ex¨¦cutif national ? donne son aval au Groupe de r¨¦f¨¦rence pour qu'il poursuive son travail sur le processus de r¨¦vision et mette au point un mandat pour guider ce processus et en informe le Conseil ex¨¦cutif national8 ?.
R?SULTATS
Le Conseil ex¨¦cutif national a refus¨¦ de prendre une d¨¦cision, comme le demandait la communication, pour des raisons morales, religieuse et coutumi¨¨res9. Il a toutefois demand¨¦ au Procureur g¨¦n¨¦ral d'adresser les questions ¨¤ la Commission de r¨¦forme du droit constitutionnel et a accept¨¦ que celle-ci collabore avec le Groupe de r¨¦f¨¦rence.
Donnant suite ¨¤ ces instructions, le Procureur g¨¦n¨¦ral a facilit¨¦ la collaboration entre son bureau et un groupe de travail issu du Groupe de r¨¦f¨¦rence afin d'¨¦laborer le mandat de la Commission de r¨¦forme. Cette derni¨¨re tiendra son premier s¨¦minaire public au d¨¦but de 2011, et le Groupe de r¨¦f¨¦rence qui travaille sur la r¨¦forme l¨¦gislative organisera un d¨¦bat sur le VIH et la l¨¦gislation en mai 2011.
D?FIS
La communaut¨¦ religieuse, les m¨¦dias et les personnes concern¨¦es dans la soci¨¦t¨¦ se sont braqu¨¦s, s'opposant ¨¤ un effort cens¨¦ l¨¦galiser le commerce du sexe et l'homosexualit¨¦. M¨ºme si les questions en jeu n'avaient pas ¨¦t¨¦ comprises, le Groupe de r¨¦f¨¦rence a reconnu que dans son action de sensibilisation du public, la diff¨¦rence entre la d¨¦p¨¦nalisation et la l¨¦galisation n'avait pas ¨¦t¨¦ suffisamment bien expliqu¨¦e. Il poursuit donc son travail de sensibilisation sur la sant¨¦ publique et les questions des droits de l'homme.
CONCLUSION
Alors que le refus par le Cabinet de porter cette question soit port¨¦e dans l'ar¨¨ne politique constitue un recul, cela a cependant ouvert la voie par le m¨¦canisme de la Commission de r¨¦forme ¨¤ un examen de la r¨¦forme de la loi et du VIH/sida dans le pays. Cela a aussi permis ¨¤ ceux qui sont le plus touch¨¦s par les lois r¨¦pressives de faire entendre leur voix et aux d¨¦fenseurs des droits de l'homme de faire pression pour qu'elles soient abrog¨¦es. M¨ºme si ces id¨¦es ont ¨¦t¨¦ mal re?ues au nom de la morale, le silence a ¨¦t¨¦ bris¨¦ et le travail de sensibilisation cibl¨¦e fond¨¦ sur les droits de l'homme et la sant¨¦ publique continuera.
Notes
1 Enqu¨ºte KAP sur la jeunesse de Bougainville, CARE, 2010. Voir aussi ASKIM NA SAVE : People who sell sex or exchange sex in Port Moresby, juin-juillet 2010, r¨¦sultats de l'enqu¨ºte d'Angela Kelly, et coll., University of New South Wales.
2 Rapport de la Commission sur le sida dans le Pacifique, 2009, ONUSIDA.
3 Le Code p¨¦nal de la Papouasie-Nouvelle-Guin¨¦e, 1974, Summary Offences Act, 1977.
4 Le fameux raid de la police contre les travailleurs du sexe en 2004. Voir aussi Karen Fletcher et Bomal Gonapa, ? Decriminalising Prostitution in Papua New Guinea ? ainsi que Vicki Luker et Sinclair Dinnen, eds., Civic Insecurity: Law, Order and HIV in Papua New Guinea, (ANU Press, 2011).
5 ? Strat¨¦gie nationale de la Papouasie-Nouvelle-Guin¨¦e 2011-2015 en mati¨¨re de VIH et de sida ?, Conseil national du sida de la Papouasie-Nouvelle-Guin¨¦e (2010): 52.
6 Ministre du d¨¦veloppement des collectivit¨¦s locales, projet de politique adress¨¦ au Conseil ex¨¦cutif national, avril, 2010.
7 Ibid, p. 6.
8 Ibid, p. 6.
9 Conseil ex¨¦cutif national, d¨¦cision 127/2010, r¨¦union sp¨¦ciale n° 11/2010.
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