La crise liée au COVID-19 a servi de signal d’alarme pour repenser notre relation à la nature qui s’est détériorée et a réaffirmé que la biodiversité est fondamentale pour la santé humaine et le développement durable.
La perte de biodiversité et le risque de futures pandémies ont de nombreuses causes communes?: la dégradation des forêts et la fragmentation des habitats qui amènent les humains et les animaux sauvages à entrer de plus en plus en contact. Des politiques plus efficaces peuvent réduire le risque de futures pandémies ?— avec, éventuellement, une part minime des co?ts économiques et sociaux liés à une pandémie mondiale.
Travailler en harmonie avec la nature offre des avantages et des solutions d’un bon rapport co?t-efficacité qui s’étendent à d’autres domaines, y compris la sécurité alimentaire, la sécurité de l’approvisionnement en eau et les changements climatiques. Heureusement, cette réalité est de mieux en mieux comprise, alors que l’on commence à réaliser l’importance de la biodiversité pour notre santé, notre bien-être et notre prospérité.?
Lors du Sommet des Nations Unies sur la diversité, qui s'est tenu en septembre dernier, de l'?et du sommet? qui se sont tenus en janvier, les dirigeants mondiaux ont réaffirmé leur volonté politique et pris des engagements en faveur de la biodiversité pour assurer un développement durable tout en soulignant les efforts déployés pour réduire la déforestation, mettre fin aux méthodes de pêche non viables, éliminer les subventions préjudiciables et assurer la transition vers des systèmes de production durables.
Ils ont attiré l’attention sur le fait que la destruction de la nature augmentait le risque de futures pandémies. Suite à ces engagements, l’initiative?,? la première initiative mondiale visant à prévenir la prochaine pandémie dans le cadre de projets de recherche menés en collaboration et à réduire les pressions sur la biodiversité, a été lancée. Pour réduire les chocs futurs et renforcer la résilience des populations, le relèvement après l’épidémie doit être centré sur le bien-être et l’inclusivité, stimuler les investissements et engendrer des changements de comportement.
En reconstruisant en mieux, nous protégeons la biodiversité et nous nous orientons sur une voie durable. Mais pour y parvenir, nous devrons élaborer des mesures audacieuses, interdépendantes sur plusieurs fronts — chacune d’elles étant nécessaires et ne se suffisant pas à elle seule. Nous devrons redoubler d’efforts pour conserver et restaurer la biodiversité, lutter contre les changements climatiques de fa?on à limiter l’augmentation de la température mondiale sans imposer des pressions involontaires sur la biodiversité et transformer les modes de production et de consommation ainsi que la commercialisation des biens et des services qui dépendent de la biodiversité et l’impactent. Les subventions préjudiciables doivent être réorientées vers des incitations positives en faveur de la nature.
La nature détient la solution aux nombreuses questions liées au développement durable auxquelles nous faisons face, d’où la nécessité de travailler avec elle. Des solutions naturelles, définies par l’ (UICN), comme ??des approches visant à protéger, à gérer durablement et à restaurer les écosystèmes naturels et modifiés, qui relèvent les défis sociétaux de manière efficace et adaptative tout en assurant le bien-être et la biodiversité??, permettent non seulement de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de mieux stocker le carbone, mais renforcent la résilience face aux changements climatiques. Elles permettent aussi de filtrer l’eau, d’assurer une protection contre les inondations et de réduire le risque de catastrophe tout en améliorant la qualité des sols et la biodiversité.?
En effet, ces solutions, qui assurent l’équilibre entre les objectifs socio-économiques et les objectifs écologiques, pourraient permettre de réaliser des avantages immédiats et à long terme sur le plan co?t-efficacité afin d’atténuer les changements climatiques et de s’y adapter. Sans une action en faveur de la biodiversité et du climat, il ne peut y avoir de développement durable.
Mais comment pouvons-nous y parvenir?? Le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020, actuellement en cours de négociation pour adoption à la , qui se tiendra à la fin de cette année, définit cinq objectifs à long terme correspondant à la Vision pour 2050 ??Vivre en harmonie avec la nature??.
Le cadre propose de prévenir la perte des zones protégées et d’en créer davantage à long terme afin d’assurer la résilience des écosystèmes. Le fait de protéger la nature et d’éviter que les êtres humains n'entrent en contact avec des régions sauvages vierges permettent de réduire le risque de futures pandémies. Ce cadre comprend aussi des propositions visant à garantir aux populations des avantages offerts par la nature et à les augmenter de manière durable afin d’améliorer la nutrition mondiale et l’accès à l’eau potable, de renforcer la résilience aux catastrophes naturelles ainsi que de soutenir les efforts menés pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Tous ces objectifs font partie intégrante des objectifs de développement durable (ODD) et peuvent jouer un r?le considérable en matière de résilience. Appliquer les enseignements tirés de la mise en ?uvre du Plan stratégique contribuera à s’assurer que le cadre est ambitieux et axé sur le changement, ce qui est important.
Nous devons déployer de plus grands efforts pour examiner les facteurs directs et indirects qui participent à la perte de biodiversité. Il s’agit, notamment, d’adopter des mesures intégrées et globales en matière de planification et de mise en ?uvre et d’encourager une plus grande interaction entre les ministères, les secteurs économiques et la société; de définir des objectifs bien con?us et des cibles formulées dans un langage simple et clair, avec des indicateurs mesurables, un suivi plus efficace et plus transparent et des ressources adéquates; de réduire les délais dans la planification et la mise en ?uvre des stratégies en matière de biodiversité et des programmes d’action; de prendre l’engagement d’adopter une approche intégrée, rassemblant l’ensemble des pouvoirs publics et de la société civile afin d’améliorer la fa?on dont nous gérons l’environnement naturel et les interactions avec la société; de mieux intégrer les questions liées au genre et de renforcer le r?le des populations autochtones, des communautés locales, des entreprises, du secteur financier ainsi que l’engagement de toutes les parties prenantes; et, compte tenu de la crise actuelle liée à la pandémie, d’adopter le principe ??Un monde, une santé?? qui met l’accent sur la gestion des écosystèmes, y compris des systèmes agricoles et urbains, ainsi que sur?l’exploitation des espèces sauvages dans le cadre d’une approche intégrée afin de promouvoir des écosystèmes sains et d’assurer la santé des populations. ?
En outre, la cinquième édition récente des (GBO-5) a souligné les trois le?ons essentielles tirées qui permettront de guider les actions que nous devrons mener et présente huit transitions importantes à réaliser afin de ralentir le déclin croissant de la nature et, ensuite, de le freiner afin de faire avancer nos sociétés vers une coexistence plus durable avec la nature.?
Les pays doivent redoubler d’efforts pour protéger la nature; ils doivent s’assurer que les actions menées au niveau national ont la portée des objectifs mondiaux et s’attacher à placer la biodiversité au centre des décisions dans tous les aspects de la vie, des gouvernements et des économies. Nous devons travailler avec la nature afin de relever les multiples défis auxquels nous faisons face — réaliser les objectifs de développement durable, ralentir les changements climatiques et inverser la perte de biodiversité.
Les huit transitions majeures comprennent entre autres?: (i)?la transition relative aux terres et aux forêts?: conserver et restaurer les écosystèmes, lutter contre leur dégradation et leur appauvrissement et utiliser la planification spatiale au niveau des paysages afin d’éviter, de réduire et d’atténuer le changement d’affectation des terres; (ii) la transition relative à des systèmes alimentaires durables?: adopter des régimes alimentaires plus sains en mettant l’accent sur une diversité d’aliments et une consommation plus modérée de viande et de poisson ainsi qu’une réduction considérable des déchets et du gaspillage dans la cha?ne alimentaire et de consommation; (iii) la transition relative à la pêche et aux océans durables?: protéger et restaurer les écosystèmes marins et c?tiers, reconstruire les ressources halieutiques et gérer l’aquaculture et les autres utilisations des océans de manière durable et améliorer la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance; et (iv) la transition relative à la santé citée plus haut.
Dans de nombreux cas, des mesures ont déjà été mises en ?uvre. Par exemple, nous avons constaté une réduction du taux de déforestation de 30?%, représentant des gains nets en termes de superficie des forêts et autres écosystèmes naturels. Nous avons atteint le niveau convenu concernant la protection des terres et de la mer; 10 à 15?% concernant les zones terrestres, 3 à 7 % concernant les zones marines. Nous avons aussi fait des progrès importants concernant les espèces envahissantes et le nombre d’extinctions a été réduit de deux à quatre fois.
Malheureusement, les enjeux sont considérables. Plus de la moitié du produit intérieur brut (PIB) dépend modérément ou considérablement de la nature et des services qu’elle rend; en 2020,
Nous ne pouvons pas continuer comme si de rien n’était. On estime qu’en 2050, le co?t de l’inaction atteindra au moins 14?000 milliards de dollars, 7 % du produit intérieur brut, la perte de biodiversité et la dégradation des écosystèmes affectant déjà de manière disproportionnée les populations marginalisées.?
Le fait est que la perte continue de biodiversité et la dégradation des écosystèmes réduisent leur capacité à fournir les services essentiels au maintien de la vie, de la sécurité alimentaire et de la nutrition à la réglementation relative à la qualité de l’eau et de l’air à la lutte contre les ravageurs et les maladies.
En conséquence, la biodiversité est devenue une question très préoccupante à l'échelle mondiale, mais la volonté des dirigeants mondiaux de prendre ces questions à bras-le-corps est de bon augure pour l’avenir. Nous avons une occasion unique de repenser et de changer notre relation avec la nature tout en promouvant la santé communautaire et mondiale. Nous devons saisir cette occasion, car nous faisons tous partie de la solution.
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