13 juillet 2020 ¡ª Le SARS-CoV-2, le virus qui cause la COVID-19, se propage-t-il plus largement dans l¡¯air que ne le laissaient croire les premi¨¨res ¨¦tudes ? Apr¨¨s l¡¯alarme sonn¨¦e par plus de 200 scientifiques internationaux, l' a reconnu que de nouvelles preuves confirment le potentiel de transmission a¨¦rienne du nouveau coronavirus, un aspect crucial ¨¤ prendre en compte dans tout dispositif de r¨¦ouverture des lieux publics.
? Nous reconnaissons que des preuves ¨¦mergent dans ce domaine, comme dans d¡¯autres domaines concernant le virus de la COVID-19 et la pand¨¦mie. Par cons¨¦quent, nous devons ¨ºtre ouverts ¨¤ cette possibilit¨¦ et comprendre ses implications pour le mode de transmission et les pr¨¦cautions qui doivent ¨ºtre prises ?, a Benedetta Allegranzi, responsable technique de l'OMS pour la pr¨¦vention et le contr?le des infections, le 7 juillet, lors d¡¯une conf¨¦rence de presse en visioconf¨¦rence.
Selon elle, la possibilit¨¦ d¡¯une transmission a¨¦rienne dans les lieux publics ne peut ¨ºtre exclue, ? en particulier dans des conditions tr¨¨s sp¨¦cifiques, comme les endroits surpeupl¨¦s, ferm¨¦s, mal ventil¨¦s ?. Cependant, a-t-elle soulign¨¦, ? les preuves doivent ¨ºtre rassembl¨¦es et interpr¨¦t¨¦es, ce que nous continuons ¨¤ encourager ?.
La veille, dans une lettre ouverte publi¨¦e par la revue Clinical Infectious Diseases, 239 chercheurs de 32 pays avaient appel¨¦ ? la communaut¨¦ m¨¦dicale et les organismes nationaux et internationaux comp¨¦tents ?, ¨¤ commencer par l¡¯OMS, ¨¤ reconna?tre l¡¯existence d¡¯un ? potentiel important d¡¯exposition par inhalation aux virus dans les gouttelettes respiratoires microscopiques ¨¤ de courtes et moyennes distances ?.
Jusqu¡¯alors, l¡¯agence onusienne affirmait que le coronavirus ¨¦tait principalement transmis par des gouttelettes projet¨¦es dans un p¨¦rim¨¨tre de 1 m¨¨tre par la toux, l¡¯¨¦ternuement ou la parole et retombant au sol rapidement apr¨¨s avoir ¨¦t¨¦ expuls¨¦es. S¡¯agissant de la transmission a¨¦rienne du virus, elle pr¨¦f¨¦rait ne pas prendre position, faute de ? preuves solides ou claires ?.
Interrog¨¦e sur ce courrier, Mme Allegranzi a fait ¨¦tat d¡¯¨¦changes entre l¡¯institution sanitaire de l¡¯ONU et ? de nombreux signataires ? au cours des derniers mois. ? Nous avons discut¨¦ de la preuve disponible qui est ¨¦voqu¨¦e et nous avons ¨¦galement re?u des contributions de la part de plusieurs signataires de cet article ?, a-t-elle assur¨¦.
L¡¯¨¦pid¨¦miologiste Maria Van Kerkhove, en charge de l'unit¨¦ des maladies ¨¦mergente ¨¤ l'OMS, a ³¦´Ç²Ô´Ú¾±°ù³¾¨¦ lors du m¨ºme point de presse que les discussions avec le groupe de chercheurs signataires du texte avaient lieu depuis le mois d¡¯avril. Elle a ajout¨¦ que l¡¯agence pr¨¦voyait de mettre ¨¤ disposition de nouveaux ¨¦l¨¦ments d¡¯information sur la transmission du virus, ce qu¡¯elle a fait d¨¨s le 9 juillet.
Mise au point sur les gouttelettes
Dans cette , version actualis¨¦e de celle qu¡¯elle avait publi¨¦e le 29 mars, l¡¯OMS ¨¦nonce les diff¨¦rents modes de transmission possibles pour le SRAS-CoV-2 : par contact, par le biais de gouttelettes et par voie a¨¦rienne, mais aussi par des objets ou surfaces contamin¨¦s (fomites), par l¡¯urine et les excr¨¦ments, par le sang, de la m¨¨re ¨¤ l'enfant et de l'animal ¨¤ l'homme.
La note rappelle que la transmission du nouveau coronavirus peut se produire par contact direct, indirect ou ¨¦troit avec des personnes contamin¨¦es, par le biais de s¨¦cr¨¦tions infect¨¦es telles que la salive et les s¨¦cr¨¦tions respiratoires ou par des gouttelettes expuls¨¦es lorsqu'une personne infect¨¦e tousse, ¨¦ternue, parle ou chante.
Les gouttelettes respiratoires, observe-t-elle, ont un diam¨¨tre sup¨¦rieur ¨¤ 5-10 microns. En s¡¯¨¦vaporant, certaines d¡¯entre elles g¨¦n¨¨rent des a¨¦rosols microscopiques, au diam¨¨tre inf¨¦rieur ¨¤ 5 microns, qui restent en suspension en int¨¦rieur. Ces a¨¦rosols peuvent ¨ºtre produits par une respiration et une conversation normales, entra?nant un risque de contamination par inhalation s¡¯ils contiennent le virus en quantit¨¦ suffisante.
Concr¨¨tement, la transmission des gouttelettes respiratoires peut se produire lorsqu'une personne est en contact ¨¦troit - ¨¤ moins de 1 m¨¨tre - avec une personne infect¨¦e qui pr¨¦sente des sympt?mes respiratoires, par exemple la toux ou des ¨¦ternuements, ou qui parle ou chante. Dans ces circonstances, il est possible que des gouttelettes respiratoires contenant le virus atteignent la bouche, le nez ou les yeux d'une personne sensible et entra?nent une infection.
La transmission du virus par voie a¨¦rienne peut notamment se produire dans des ¨¦tablissements de sant¨¦, o¨´ des g¨¦n¨¨rent des a¨¦rosols. Comme le confirme d¨¦sormais l¡¯OMS, la possibilit¨¦ existe aussi que de telles gouttelettes microscopiques se propagent dans l¡¯air ¨¤ l¡¯int¨¦rieur de lieux clos, mal ventil¨¦s et abritant un grand nombre de personnes, par exemple dans des salles de chorale, de restaurant ou de cours de fitness.
Les gouttelettes respiratoires d'individus infect¨¦s peuvent ¨¦galement se d¨¦poser sur des objets, cr¨¦ant des fomites. De nombreux rapports de contamination de l'environnement ont fait appara?tre que des personnes pouvaient ¨¦galement ¨ºtre infect¨¦es en ayant un contact avec ces surfaces puis en touchant leurs yeux, leur nez ou leur bouche avant de se nettoyer les mains.
? D'apr¨¨s ce que nous savons actuellement, la transmission de la COVID-19 se produit principalement ¨¤ partir de personnes pr¨¦sentant des sympt?mes et peut ¨¦galement survenir juste avant qu'elles ne d¨¦veloppent des sympt?mes, lorsqu'elles sont ¨¤ proximit¨¦ imm¨¦diate d¡¯autres personnes pendant des p¨¦riodes prolong¨¦es ?, confirme l¡¯OMS. En revanche, l¡¯agence admet ne pas encore savoir dans quelle mesure une personne qui ne d¨¦veloppe jamais de sympt?mes peut transmettre le virus ¨¤ d'autres.
? Des recherches suppl¨¦mentaires sont n¨¦cessaires dans ce domaine ?, indique l¡¯OMS, ajoutant que d¡¯autres points essentiels restent ¨¦galement ¨¤ ¨¦lucider, tels que l'importance relative des diff¨¦rentes voies de transmission, le r?le de la transmission a¨¦rienne en l'absence de proc¨¦dures de g¨¦n¨¦ration d'a¨¦rosols, la dose de virus requise pour que la transmission se produise et l'¨¦tendue de la transmission asymptomatique et pr¨¦symptomatique.
La possible propagation par voie a¨¦rienne ¨¦tay¨¦e par plusieurs ¨¦tudes
Avant de publier cette note, l'OMS dit avoir ? activement discut¨¦ et ¨¦valu¨¦ ? avec la communaut¨¦ scientifique le fait que le SRAS-CoV-2 puisse se propager par voie a¨¦rienne en l'absence de proc¨¦dures de g¨¦n¨¦ration d'a¨¦rosols. Elle explique s¡¯¨ºtre forg¨¦ un avis sur la base d¡¯hypoth¨¨ses s¡¯appuyant sur la physique de l¡¯air expir¨¦ et la physique des flux.
L¡¯agence fait ainsi ¨¦tat d¡¯une ¨¦tude exp¨¦rimentale qui a quantifi¨¦ les gouttelettes de diff¨¦rentes tailles qui restent dans l'air pendant la parole normale. D¡¯autres exp¨¦riences r¨¦centes ont permis de confirmer que des personnes en bonne sant¨¦ peuvent produire des a¨¦rosols en toussant et en parlant. Il appara?t que le taux d¡¯¨¦mission de particules pendant la parole est variable selon les individus, en fonction de l¡¯amplitude de vocalisation.
Toutefois, rel¨¨ve l¡¯OMS, ? ¨¤ ce jour, la transmission du SRAS-CoV-2 par ce type de voie a¨¦rosol n'a pas ¨¦t¨¦ d¨¦montr¨¦e ?. De fait, explique l¡¯institution, ? beaucoup plus de recherches sont n¨¦cessaires ¨¦tant donn¨¦ les implications possibles d'une telle voie de transmission ?.
Cela ¨¦tant, la g¨¦n¨¦ration en laboratoire d¡¯a¨¦rosols d'¨¦chantillons infectieux ¨¤ l'aide de n¨¦buliseurs ¨¤ grande puissance a permis de trouver de l'ARN (acide ribonucl¨¦ique) du SRAS-CoV-2 dans l¡¯air pendant une p¨¦riode pouvant aller jusqu'¨¤ 3 heures dans une ¨¦tude et 16 heures dans une autre. L¡¯agence tient cependant ¨¤ pr¨¦ciser que ces r¨¦sultats proviennent d¡¯a¨¦rosols qui ne refl¨¨tent pas des conditions normales de toux humaine.
Des ¨¦tudes men¨¦es dans des ¨¦tablissements de soins de sant¨¦ o¨´ des patients symptomatiques ont ¨¦t¨¦ pris en charge, mais o¨´ des proc¨¦dures de g¨¦n¨¦ration d'a¨¦rosols n'ont pas ¨¦t¨¦ effectu¨¦es, ont ¨¦galement signal¨¦ la pr¨¦sence d'ARN du SARS-CoV-2 dans des ¨¦chantillons d'air. N¨¦anmoins, note l¡¯OMS, compte tenu de la faible quantit¨¦ d¡¯ARN trouv¨¦e, il n¡¯a pas ¨¦t¨¦ possible d¡¯identifier un virus viable dans ces ¨¦chantillons.
Dans ces m¨ºmes conditions, aucune transmission nosocomiale n¡¯a ¨¦t¨¦ rapport¨¦e lorsque les pr¨¦cautions contre le contact et les gouttelettes ¨¦taient prises de mani¨¨re appropri¨¦e, y compris le port de masques m¨¦dicaux en tant que protection individuelle. L¨¤ encore, explique l¡¯agence, d'autres ¨¦tudes sont n¨¦cessaires pour d¨¦terminer s'il est possible de d¨¦tecter un SARS-CoV-2 viable dans des ¨¦chantillons d'air alors qu¡¯aucune proc¨¦dure g¨¦n¨¦rant des a¨¦rosols n'est effectu¨¦e.
En dehors des installations m¨¦dicales, certains rapports d'¨¦pid¨¦mie li¨¦s aux espaces int¨¦rieurs ont sugg¨¦r¨¦ la possibilit¨¦ d'une propagation de microparticules virales flottantes. ? Dans ces ¨¦v¨¦nements, la transmission d'a¨¦rosols ¨¤ courte port¨¦e, en particulier dans des endroits int¨¦rieurs sp¨¦cifiques, tels que des espaces surpeupl¨¦s et insuffisamment ventil¨¦s pendant une p¨¦riode prolong¨¦e avec des personnes infect¨¦es, ne peut ¨ºtre exclue ?, admet l¡¯OMS.
D¡¯autres risques faibles mais ¨¤ ne pas n¨¦gliger
Objet de toutes les attentions, au moment o¨´ de nombreux ¨¦tablissements professionnels ou scolaires rouvrent ou envisagent de rouvrir leurs portes, ce mode de transmission dans des lieux non m¨¦dicaux continue de faire d¨¦bat. Des ¨¦tudes sugg¨¨rent en effet que des gouttelettes respiratoires classiques ou des fomites peuvent expliquer la transmission interhumaine, a fortiori si l'hygi¨¨ne des mains n'est pas pratiqu¨¦e et que les masques ne sont pas utilis¨¦s alors que la distance physique n'est pas maintenue.
? ce constat s¡¯ajoute la possibilit¨¦ que le virus se propage par d¡¯autres voies. L¡¯ARN du SRAS-CoV-2 a ainsi ¨¦t¨¦ d¨¦tect¨¦ dans d'autres ¨¦chantillons biologiques, y compris l'urine et les mati¨¨res f¨¦cales de certains patients. Une ¨¦tude a notamment trouv¨¦ le SARS-CoV-2 viable dans l'urine d'un patient. Le virus a aussi ¨¦t¨¦ cultiv¨¦ ¨¤ partir d'¨¦chantillons de selles. Mais, pour l¡¯heure, ? aucun cas de transmission du SRAS-CoV-2 par les mati¨¨res f¨¦cales ou l'urine n'a ¨¦t¨¦ publi¨¦ ?, indique l¡¯OMS.
De m¨ºme, si des ¨¦tudes ont signal¨¦ la pr¨¦sence d¡¯ARN du SRAS-CoV-2 dans le plasma ou le s¨¦rum, certaines sugg¨¦rant m¨ºme que le virus peut se r¨¦pliquer dans les cellules sanguines, ? le r?le de la transmission par le sang reste incertain ?, tranche l¡¯OMS, ¨¦voquant un risque de niveau ? faible ?.
En revanche, ajoute-t-elle, sur la base des donn¨¦es disponibles, qui restent limit¨¦es, ? il n'y a aucune preuve de transmission intra-ut¨¦rine du SRAS-CoV-2 des femmes enceintes infect¨¦es au f?tus ?. Dans une r¨¦cente sur l'allaitement maternel et la COVID-19, l¡¯agence explique que des fragments d'ARN viral ont ¨¦t¨¦ d¨¦couverts gr?ce ¨¤ la technique dite RT-PCR, d¨¦riv¨¦e du nucl¨¦aire, dans quelques ¨¦chantillons de lait maternel de m¨¨res infect¨¦es. Toutefois les ¨¦tudes men¨¦es n¡¯ont jusqu¡¯¨¤ pr¨¦sent trouv¨¦ aucun virus viable.
Selon l¡¯OMS, la transmission du SRAS-CoV-2 de la m¨¨re ¨¤ l'enfant n¨¦cessiterait que le virus infectieux pr¨¦sent dans le lait maternel puisse atteindre les sites cibles du nourrisson et parvienne ¨¤ surmonter ses syst¨¨mes de d¨¦fense, ce qui n¡¯est pas le cas. Dans ces conditions, l¡¯institution onusienne recommande que les m¨¨res possiblement ou effectivement infect¨¦es par la COVID-19 soient encourag¨¦es ¨¤ commencer ou ¨¤ continuer d'allaiter.
Quant ¨¤ la transmission de l¡¯animal ¨¤ l¡¯homme, les preuves rassembl¨¦es ¨¤ ce jour montrent que le SRAS-CoV-2 est le plus ¨¦troitement li¨¦ aux b¨ºtacoronavirus identifi¨¦s chez les chauves-souris. Cependant, le r?le jou¨¦ par un h?te interm¨¦diaire dans la facilitation de la transmission dans les premiers cas humains reste incertain. Outre les enqu¨ºtes men¨¦es sur ce cha?non manquant, un certain nombre d'¨¦tudes sont ¨¦galement en cours pour mieux comprendre la sensibilit¨¦ du SRAS-CoV-2 ¨¤ diff¨¦rentes esp¨¨ces animales.
Les preuves actuelles sugg¨¨rent ¨¦galement que les humains infect¨¦s par le SRAS-CoV-2 peuvent contaminer d'autres mammif¨¨res, y compris les chiens, les chats et les visons d'¨¦levage, poursuit l¡¯agence, tout en faisant preuve, l¨¤ aussi, d¡¯une grande prudence s¡¯agissant des dangers pour l¡¯homme. D¡¯apr¨¨s elle, ? il reste incertain que ces mammif¨¨res infect¨¦s pr¨¦sentent un risque important de transmission aux humains ?.