23 octobre 2013

Contrairement ¨¤ l¡¯opinion populaire, la migration internationale ne provient pas de l¡¯absence de d¨¦veloppement ¨¦conomique, mais fait partie du d¨¦veloppement lui-m¨ºme. Le principal moteur de la migration est la mondialisation de l¡¯¨¦conomie et l¡¯int¨¦gration mondiale des facteurs de march¨¦. La mondialisation des march¨¦s des biens, des capitaux financiers, des informations, des produits de base et des services va de pair avec la mondialisation des march¨¦s du travail et du capital humain. Nous observons l¡¯int¨¦gration mondiale des march¨¦s de la main-d¡¯?uvre qualifi¨¦e et non qualifi¨¦e comme l¡¯immigration.

In¨¦vitablement, l¡¯extension des march¨¦s dans les nations principalement agraires et les anciens pays ¨¤ ¨¦conomie dirig¨¦e induit des changements positifs et n¨¦gatifs, d¨¦pla?ant de nombreuses personnes et les privant de leurs moyens d¡¯existence traditionnels. Dans le contexte du d¨¦veloppement rapide, la migration devient une strat¨¦gie accessible que les gens ordinaires peuvent utiliser pour s¡¯adapter aux changements qui surviennent autour d¡¯eux. La plupart de ceux qui sont d¨¦racin¨¦s de cette fa?on se d¨¦placent simplement ¨¤ l¡¯int¨¦rieur de leur pays, vers des villes en pleine expansion, et contribuent ¨¤ l¡¯urbanisation. Historiquement, cependant, un faible taux a toujours migr¨¦ vers l¡¯¨¦tranger pour y rechercher des emplois et des opportunit¨¦s dans des secteurs mieux r¨¦mun¨¦r¨¦s.

Au fur et ¨¤ mesure que l¡¯industrialisation s¡¯est d¨¦velopp¨¦e en Europe au cours du XIXe si¨¨cle et au d¨¦but du XXe si¨¨cle, des vagues successives de migrants ont d¨¦ferl¨¦ dans les pays et plus de 50 millions d¡¯Europ¨¦ens ont quitt¨¦ le continent ¨¤ destination de l¡¯Am¨¦rique et de l¡¯Oc¨¦anie. De m¨ºme, alors que la mondialisation s¡¯est acc¨¦l¨¦r¨¦e durant les 25 derni¨¨res ann¨¦es du XXe si¨¨cle et que les nations ont ¨¦t¨¦ davantage li¨¦es aux flux internationaux commerciaux? et d¡¯investissement, aux transports et ¨¤ la communication, l¡¯immigration a de nouveau progress¨¦ ¨C seulement, cette fois les flux migratoires se sont effectu¨¦s de l¡¯Asie, de l¡¯Afrique et de l¡¯Am¨¦rique latine vers les nations d¨¦sormais d¨¦velopp¨¦es ¨C l¡¯Europe, l¡¯Am¨¦rique et l¡¯Oc¨¦anie.

Comme auparavant, les migrants d¡¯aujourd¡¯hui ne viennent pas de r¨¦gions sous-d¨¦velopp¨¦es, mais de r¨¦gions qui connaissent des changements sociaux, politiques et ¨¦conomiques dynamiques. Ce qui est surprenant ¨¤ bien des ¨¦gards, ce n¡¯est pas pourquoi il y a beaucoup d¡¯immigrants aujourd¡¯hui, mais pourquoi ils sont si peu nombreux, compte tenu des in¨¦galit¨¦s ¨¦conomiques colossales qui pr¨¦valent entre les nations. Actuellement, seulement 3 % de personnes dans le monde vivent ¨¤ l¡¯ext¨¦rieur de leur pays natal. Toutefois, la moiti¨¦ d¡¯entre elles sont des personnes d¨¦plac¨¦es dans leur propre pays qui ont simplement franchi une fronti¨¨re internationale ou des immigrants qui ont afflu¨¦ des ?tats multinationaux apr¨¨s leur dissolution ¨¤ la fin du XXe si¨¨cle, comme l¡¯Union sovi¨¦tique. Seule 1,5 % de l¡¯immigration venant de pays ¨¦loign¨¦s est li¨¦e au fonctionnement actuel de l¡¯¨¦conomie mondiale.

En r¨¨gle g¨¦n¨¦rale, ces migrants internationaux ne cherchent pas d¨¦sesp¨¦r¨¦ment ¨¤ ¨¦chapper ¨¤ une mis¨¨re abjecte, mais agissent d¨¦lib¨¦r¨¦ment afin d¡¯am¨¦liorer leur vie et s¡¯adapter au changement en utilisant l¡¯un des outils les plus accessibles mis ¨¤ leur disposition. Ceux qui migrent vers l¡¯¨¦tranger ne sont pas les plus pauvres, ils ont acc¨¨s ¨¤ des moyens pour faciliter leur voyage, qu¡¯ils soient sociaux, financiers ou culturels. De plus, lors de leur d¨¦placement, ces migrants ne se dispersent pas de fa?on al¨¦atoire ni se rendent n¨¦cessairement ¨¤ la destination la plus proche. Au lieu, ils vont l¨¤ o¨´ ils sont connect¨¦s ¨¤ d¡¯importantes relations d¡¯investissement, commerciales, politiques ainsi qu¡¯¨¤ d¡¯anciennes p¨¦riodes coloniales qui cr¨¦ent des syst¨¨mes migratoires qui se perp¨¦tuent dans le temps et dans l¡¯espace.

Il existe actuellement quelques syst¨¨mes de ce type dans le monde et, dans ces cas, la t?che des d¨¦cideurs dans les pays de destination ne devrait pas ¨ºtre de recourir ¨¤ des mesures ¨¤ caract¨¨re r¨¦pressif pour emp¨ºcher une intrusion massive de pauvres venant des quatre coins de la plan¨¨te, mais de g¨¦rer les flux beaucoup moins importants qui d¨¦coulent du mod¨¨le d¡¯int¨¦gration particulier de chaque pays au sein de l¡¯¨¦conomie mondiale. Une fois que l¡¯infrastructure sociale et ¨¦conomique est mise en place pour assurer un syst¨¨me stable, les politiques restrictives ont g¨¦n¨¦ralement des effets contraires ¨¤ ceux attendus, emp¨ºchant la circulation dans le syst¨¨me et encourageant l¡¯installation ¨¤ long terme, souvent contre le d¨¦sir des migrants eux-m¨ºmes.

Lorsque les nations europ¨¦ennes ont mis fin au recrutement des travailleurs invit¨¦s dans les ann¨¦es 1970, par exemple, les travailleurs migrants qui ¨¦taient venus et qui ¨¦taient assur¨¦s de pouvoir revenir dans leur pays s¡¯ils le souhaitaient, ont fait tra?ner les choses et ont sollicit¨¦ le statut de r¨¦sident permanent. Au lieu de circuler, ils ont fait venir leur ¨¦pouse, leurs enfants et leurs proches, entra?nant une augmentation des populations ¨¦trang¨¨res plut?t d¡¯une diminution. De m¨ºme, lorsque les ?tats-Unis ont militaris¨¦ leur fronti¨¨re m¨¦ridionale apr¨¨s 1986, cela n¡¯a pas eu pour effet de r¨¦duire le flux des sans-papiers venant d¡¯Am¨¦rique latine; au contraire, cela a restreint leur migration de retour et transform¨¦ la migration circulaire des travailleurs hommes ayant lieu dans trois ?tats et cr¨¦¨¦ une population install¨¦e plus nombreuse compos¨¦e de familles dans 50 ?tats.

Les actions politiques n¨¦cessaires pour g¨¦rer efficacement la migration internationale ne sont pas un secret. Pour passer de la restriction ¨¤ la gestion, les responsables politiques des pays d¨¦velopp¨¦s doivent identifier les nations en d¨¦veloppement avec lesquelles ils ont des relations commerciales et d¡¯investissement solides et historiques qui sont actuellement ¨¦tablies pour fournir un nombre important d¡¯immigrants. Ils doivent ensuite travailler bilat¨¦ralement avec les dirigeants de ces nations pour promulguer des politiques qui facilitent le mouvement international, encouragent la circulation et tirent parti du dynamisme et des revenus des migrants pour promouvoir le d¨¦veloppement dans leur pays tout en fournissant ¨¤ ces nations une aide publique au d¨¦veloppement afin de faciliter la transition vers une ¨¦conomie bas¨¦e sur l¡¯industrie et les services.

Le mod¨¨le qui retient le plus l¡¯attention en la mati¨¨re est celui de l¡¯Union europ¨¦enne (UE) qui, lors de l¡¯admission de nouveaux membres, engage une p¨¦riode de transition pour une mobilit¨¦ professionnelle compl¨¨te en fournissant des fonds afin d¡¯att¨¦nuer les perturbations li¨¦es ¨¤ l¡¯ajustement structurel, s¡¯appuie sur des comptes sp¨¦ciaux comme le Fonds social europ¨¦en, le Fonds europ¨¦en de d¨¦veloppement r¨¦gional et le Fonds de coh¨¦sion, qui sont r¨¦guli¨¨rement aliment¨¦s par les nations europ¨¦ennes les plus riches. Un bon exemple est ce qui s¡¯est pass¨¦ lors de l¡¯entr¨¦e de l¡¯Espagne dans l¡¯UE. Pendant une centaine d¡¯ann¨¦es, l¡¯Espagne avait ¨¦t¨¦ un pays d¡¯¨¦migration, d¡¯abord vers des pays ¨¦trangers, puis vers des pays de l¡¯UE. Malgr¨¦ un ¨¦cart de 30 % entre le produit int¨¦rieur brut (PIB) par habitant de l¡¯Espagne et celui de l¡¯Europe du Nord, le pays est finalement devenu membre de plein droit de l¡¯Union europ¨¦enne et a ¨¦t¨¦ mis sur la voie de la libre circulation de la main-d¡¯?uvre.

Plut?t que de construire un mur dans les Pyr¨¦n¨¦es pour emp¨ºcher l¡¯intrusion massive de migrants espagnols, l¡¯UE a transf¨¦r¨¦ 59 milliards de dollars dans les fonds d¡¯ajustement structurel pour aider le pays ¨¤ am¨¦liorer ses infrastructures sociales, ¨¦conomiques et physiques et a rendu les conditions en Espagne conformes aux normes de base de l¡¯UE. En cons¨¦quence, lors de l¡¯adh¨¦sion ¨¤ l¡¯UE en 1986, de nombreux Espagnols sont rentr¨¦s au pays et, comme d¡¯autres pays de l¡¯UE, l¡¯Espagne est rapidement devenue un pays d¡¯accueil d¡¯immigrants issus de pays ¨¦trangers.

Depuis 1986, les ?tats-Unis ont d¨¦pens¨¦ 35 milliards de dollars pour renforcer leur fronti¨¨re avec le Mexique malgr¨¦ l¡¯Accord de libre ¨¦change nord-am¨¦ricain (ALENA) dont ces deux nations sont membres depuis 1963. Comme l¡¯UE, cependant, l¡¯ALENA constitue un espace de libre circulation transfrontali¨¨re des marchandises, du capital, des biens de base, de l¡¯information et des services. Mais contrairement ¨¤ l¡¯UE, il ne pr¨¦voit pas la libre circulation de la main-d¡¯?uvre. Bien que le PIB par habitant du Mexique soit, sans aucun doute, tr¨¨s inf¨¦rieur ¨¤ celui des ?tats-Unis, l¡¯¨¦cart n¡¯est pas plus important que celui entre la Pologne et l¡¯Europe de l¡¯Ouest lors de l¡¯adh¨¦sion de ce pays ¨¤ l¡¯UE. Si les ?tats-Unis avaient vers¨¦ au Mexique 35 milliards de dollars au titre de l¡¯aide ¨¤ l¡¯ajustement structurel plut?t que renforcer leur fronti¨¨re et s¡¯ils avaient cr¨¦¨¦ des voies l¨¦gales pour la circulation des migrants de part et d¡¯autres de la fronti¨¨re, il est probable que la population des sans-papiers aurait ¨¦t¨¦ une infime portion des 11 millions de personnes qu¡¯elle repr¨¦sente aujourd¡¯hui. Paradoxalement, en mati¨¨re de flux migratoires, une plus grande souplesse et une meilleure gestion peuvent assurer un meilleur contr?le et diminuer le nombre d¡¯immigrants ¨¤ long terme.?

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