01 ao?t 2009

?On sait qu'avec une ¨¦l¨¦vation d'un niveau de la mer de 1,5 m, des centaines de millions de personnes mourront. Ils seront tout simplement balay¨¦s?, a d¨¦clar¨¦ ¨¤ la Chronique de l'ONU le Pr¨¦sident Mohamed Nasheed de la R¨¦publique des Maldives deux jours seulement apr¨¨s avoir ¨¦voqu¨¦ la situation de son pays devant les autres dirigeants mondiaux au Sommet sur le changement climatique de l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale de l'ONU en 2009.

La menace pos¨¦e par l'¨¦l¨¦vation du niveau de la mer est la pierre angulaire des n¨¦gociations sur le changement climatique, la question principale mise en avant par les petits ?tats insulaires en d¨¦veloppement, appel¨¦s PEID.

? moins d'un mois avant la Conf¨¦rence sur le changement climatique des Nations Unies qui aura lieu en d¨¦cembre 2009 ¨¤ Copenhague, ceux qui consid¨¨rent le r¨¦chauffement climatique comme un ph¨¦nom¨¨ne assez vague commencent peut-¨ºtre ¨¤ se demander quelles cons¨¦quences il pourra avoir sur leur vie. Mais il n'y a pas besoin d'attendre pour voir que les PEID sont d¨¦j¨¤ menac¨¦s par de grandes mar¨¦es, des cyclones, des inondations, des cultures endommag¨¦es, l'augmentation de la fr¨¦quence des maladies, l'inondation des r¨¦gions c?ti¨¨res et la perte des ressources en eau douce. Ces petits ?tats insulaires sont sur ? la ligne de fron ? des changements climatiques. Au cours de l'¨¨re post-industrielle, la consommation de combustibles fossiles a augment¨¦ de mani¨¨re drastique la quantit¨¦ de dioxyde de carbone (CO2), provoquant des d¨¦g?ts dans l'environnement et l'infrastructure de nombreux petits ?tats insulaires et d'autres r¨¦gions de faible ¨¦l¨¦vation.

Les pays plus pauvres entour¨¦s de vastes masses d'eau - qui ont contribu¨¦ le moins au r¨¦chauffement climatique, y compris ¨¤ l'¨¦l¨¦vation rapide du niveau de la mer - se trouvent aujourd'hui ¨¤ la merci des pollueurs. Les pays du Nord perdent de leur cr¨¦dibilit¨¦ tr¨¨s rapidement, a d¨¦clar¨¦ ¨¤ la Chronique de l'ONU Ronny Jumeau, l'ambassadeur des Seychelles, Repr¨¦sentant permanent de ce pays aux Nations Unies. ?Disons que ma maison a ¨¦t¨¦ inond¨¦e et a subi d'importants d¨¦g?ts ¨¤ cause de mon voisin et que je n'y suis pour rien. Pourtant, je dois emprunter de l'argent ¨¤ ce voisin et lui payer des int¨¦r¨ºts le reste de ma vie afin de nettoyer les d¨¦g?ts qu'il a caus¨¦s. C'est malhonn¨ºte.?

LES GRAINES D'UNE ALLIANCE
Aux Nations Unies, 43 des plus petites ¨ªles insulaires et des r¨¦gions c?ti¨¨res de faible ¨¦l¨¦vation, repr¨¦sentant les ?tats Membres ayant le plus de chances d'¨ºtre touch¨¦s par les changements climatiques, ont forg¨¦ une alliance appel¨¦e l'Alliance des petites ¨ªles insulaires (AOSIS). Alors qu'AOSIS repr¨¦sente plus d'un quart des pays du monde, ces pays sont responsables de moins d'1%des ¨¦missions mondiales de carbone. Apr¨¨s le discours virulent de l'ancien Pr¨¦sident de la R¨¦publique des Maldives, Maumoon Abdul Gayoom, ¨¤ la r¨¦union des chefs de Gouvernement du Commonwealth ¨¤ l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale des Nations Unies en octobre 1987 o¨´ il a parl¨¦ pour la premi¨¨re fois de ?la mort d'une nation?, l'id¨¦e d'un bloc de nations insulaires a pris un nouvel essor. Trois ans plus tard, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'¨¦volution du changement climatique (GEIEC) a publi¨¦ sa premi¨¨re ¨¦valuation sur le changement climatique co?ncidant avec la Deuxi¨¨me Conf¨¦rence sur le changement climatique ¨¤ Gen¨¨ve, et le PEID est n¨¦. Les ambassadeurs des petits ?tats insulaires appellent le Pr¨¦sident Gayoom le ?cr¨¦ateur? de leur coalition. Vingt ans apr¨¨s, ¨¤ l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale de l'ONU, le Pr¨¦sident Nasheed a dit aux dirigeants mondiaux qu'ils devaient ?changer les habitudes qui ont conduit ¨¤ 20 ans d'exc¨¨s de confiance et de promesses non tenues sur le changement climatique? depuis 1990.

N?GOCIER POSITIONS CONTRE INT?R?TS
? une conf¨¦rence de presse au si¨¨ge de l'ONU en juillet 2009, l'ambassadrice Desama Williams, Repr¨¦sentante permanente de la Grenade aupr¨¨s des Nations Unies et pr¨¦sidente actuelle d'AOSIS, a soulign¨¦ la n¨¦cessit¨¦ de limiter la hausse des temp¨¦ratures ¨¤ moins de 1,5 °C, ¨¤ la fois ¨¤ court terme comme ¨¤ moyen terme. ?Si des engagements mondiaux appropri¨¦s ne sont pas pris pour limiter la hausse des temp¨¦ratures caus¨¦e par les ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre, les petites ¨ªles seront submerg¨¦es?, a-t-elle indiqu¨¦.

Pour emp¨ºcher que ces ¨ªles ne soient englouties par l'oc¨¦an, chaque ?tat Membre devrait abandonner l'attitude attentiste face aux questions difficiles relatives ¨¤ l'adaptation et ¨¤ l'att¨¦nuation et se concentrer sur leurs int¨¦r¨ºts collectifs. Jusqu'ici, les arguments de position, un terme employ¨¦ dans les n¨¦gociations indiquant que les discussions portent sur des chiffres pr¨¦cis, ont eu peu de succ¨¨s. Ce qu'il faut maintenant pour surmonter les d¨¦fis politiques, c'est une solution durable et concr¨¨te ¨¤ laquelle tous les ?tats Membres se rallient - une politique sur le climat r¨¦aliste et ambitieuse qui assure une croissance ¨¦conomique et un d¨¦veloppement durables dans toutes les r¨¦gions du monde.

Mais comment les petites ¨ªles comme les Comores ou les Palaos peuvent-elles avoir des arguments de poids pour convaincre la communaut¨¦ internationale qu'il est temps de lancer un appel ¨¤ l'action ? La cruelle ironie, selon M. Jumeau, c'est que les petites ¨ªles insulaires ont un champ de man?uvre limit¨¦ : ?Nous ne pouvons pas partir en croisade dans le monde. Plus nous nous faisons entendre, plus nous effrayons les investisseurs et les touristes et d¨¦truisons nos moyens de subsistance?, a-t-il expliqu¨¦.

Alors que ces pays font face aux limites de la responsabilit¨¦ des pays industrialis¨¦s du Nord, M. Jumeau fait remarquer que ?le d¨¦bat sur le changement climatique ne peut avoir lieu dans le videsorte que nous ne pouvons pas nous manifester et nous opposer ¨¤ elles. Et nous n'avons pas d'alli¨¦s dans le Sud non plus; pour cela aussi, il faut engager des n¨¦gociations acharn¨¦es. Ce que nous avons, c'est un groupe d'?tats de plus en plus frustr¨¦s.?

LES PHARES DU MONDE
Mais si un sentiment de frustration domine dans les petites ¨ªles, des acteurs ont d¨¦ploy¨¦ des efforts importants pour placer le changement climatique ¨¤ l'ordre du jour des Nations Unies et, dans le pass¨¦, ont jou¨¦ un r?le important dans les n¨¦gociations d'accords internationaux. Par exemple, le r?le que la Papouasie-Nouvelle-Guin¨¦e a jou¨¦ dans les discussions sur l'initiative ?missions r¨¦sultant de la d¨¦forestation et de la d¨¦gradation des for¨ºts (REDD) lors de la conf¨¦rence sur le changement climatique de l'ONU qui s'est tenue en d¨¦cembre 2007 ¨¤ Bali, en Indon¨¦sie. L'initiative redd de cr¨¦dits carbone pour les for¨ºts vise essentiellement ¨¤ r¨¦duire les ¨¦missions dans les pays en d¨¦veloppement en finan?ant la conservation des for¨ºts, la reforestation et la r¨¦duction de la pauvret¨¦ tout en luttant contre le changement climatique.

Le professeur Graciela Chichilnisky de l'Universit¨¦ de Columbia qui a particip¨¦ ¨¤ l'¨¦laboration du Protocole de Kyoto a dit ¨¤ la Chonique de l'ONU : ?Bien que la Papouasie-Nouvelle-Guin¨¦e soit un ?tat minuscule, son intervention a pouss¨¦ les ?tats-Unis ¨¤ participer au processus de Kyoto et ¨¤ accepter le reboisement en ¨¦change de cr¨¦dits carbone.?Le dernier jour de la Conf¨¦rence de Bali, apr¨¨s que Paula Dobriansky, une d¨¦l¨¦gu¨¦e am¨¦ricaine, avait indiqu¨¦ que les ?tats-Unis ¨¦taient peu dispos¨¦s ¨¤ soutenir la Feuille de route de Bali (la Feuille de route fixe un nouveau cadre aux n¨¦gociations sur le climat qui devront ¨ºtre termin¨¦es en 2009), Kevin Conrad, un membre de la d¨¦l¨¦gation de la Papouasie-nouvelle-guin¨¦e, a r¨¦pondu : Un proverbe dit : ?Si vous n'¨ºtes pas dispos¨¦s ¨¤ mener, laissez-nous prendre les r¨ºnes. Ne vous mettez pas sur notre chemin?, a lanc¨¦ M. Conrad. La salle a applaudi avec effusion et plusieurs minutes plus tard, Mme Dobrianski est revenue sur la position des ?tats-Unis.

En tant que voix unifi¨¦e soutenue par le syst¨¨me de l'ONU, l'Alliance AOSIS est exemplaire dans la fa?on dont elle exerce une influence pour faire conna¨ªtre ses positions et la strat¨¦gie pour promouvoir la politique sur le climat. ?Il serait difficile pour le G-77 (groupe de pays en d¨¦veloppement) de rejeter les accords que les ?tats insulaires acceptent. Dans ce sens, ils ont le pouvoir de d¨¦cision.? Dans un entretien avec la Chronique de l'ONU, l'ambassadeur Ahmed Khaleel, Repr¨¦sentant permanent des Maldives aux Nations Unies a d¨¦clar¨¦ : ?Le succ¨¨s d'AOSIS est d? au fait que nous partageons une passion commune et que nous ?uvrons comme un seul homme. Sur les principes majeurs du changement climatique, nous ne c¨¦dons pas.? LA S?CURIT? MONDIALE
S'adressant ¨¤ la Chronique de l'ONU, le Pr¨¦sident Nasheed a mis en garde que le conflit sur le changement climatique pourrait se durcir et engendrer des perturbations dans de nombreuses r¨¦gions du monde, expliquant que ??les pays sont maintenant menac¨¦s par les changements climatiques et par les pressions qu'ils exercent sur les ressources. Il ne s'agit pas seulement de l'environnement; il s'agit aussi de la s¨¦curit¨¦ mondiale. ?

Le Pr¨¦sident Nasheed a ¨¦voqu¨¦ la question de la s¨¦curit¨¦ mondiale, un point important soulev¨¦ en juin par un groupe r¨¦gional de petits ?tats insulaires en d¨¦veloppement du Pacifique et qui a donn¨¦ lieu ¨¤ une r¨¦solution de l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale reconnaissant les cons¨¦quences possibles du changement climatique sur la s¨¦curit¨¦. Alors que la r¨¦solution, coparrain¨¦e par tous les membres de l'AOSIS, n'est pas contraignante, elle repr¨¦sente une victoire symbolique, conf¨¨re un poids moral au changement climatique et place le changement climatique ¨¤ l'ordre du jour du Conseil de s¨¦curit¨¦ de l'ONU beaucoup plus puissant.

Dans un entretien accord¨¦ ¨¤ la Chronique de l'ONU, Caleb Christopher, conseiller juridique ¨¤ la Mission permanente de la R¨¦publique des ¨ªles Marshall aupr¨¨s des Nations Unies, dit que son pays consid¨¨re que le changement climatique constitue une menace ¨¤ la s¨¦curit¨¦ nationale et ¨¤ la stabilit¨¦ mondiale. L'argument est essentiellement le suivant : si vous perdez un membre des Nations Unies, cela constitue en soi une question internationale grave. M. Christopher a fait remarquer que ? selon la formulation de l'article 1 de la Charte de l'ONU, il n'y a pas une grande diff¨¦rence entre une arm¨¦e qui envahit un pays et l'¨¦l¨¦vation du niveau la mer qui entra¨ªne la disparition d'une ¨ªle ?. Dans ce contexte de la s¨¦curit¨¦ li¨¦e au changement climatique, il est aussi important de d¨¦terminer comment les ressources seront utilis¨¦es pour r¨¦duire la vuln¨¦rabilit¨¦ au changement climatique.

Ãå±±½ûµØDANGER IMMINENT :
LE POINT DE NON-RETOUR

Alors que le changement climatique est devenu une menace ¨¤ la s¨¦curit¨¦, la communaut¨¦ internationale est parvenue en 2009 ¨¤ se mettre d'accord pour reconna¨ªtre le bien-fond¨¦ des arguments scientifiques sur le r¨¦chauffement climatique. ? Vu les effets r¨¦els et imm¨¦diats du r¨¦chauffement climatique, ceux qui r¨¦cusaient les cons¨¦quences du changement climatique mettent la t¨ºte dans le sable ?, a d¨¦clar¨¦ ¨¤ la Chronique de l'ONU Raymond Wolfe, Repr¨¦sentant permanent de la Jama?que aupr¨¨s des Nations Unies. ? Pour la r¨¦gion des Cara?bes, les ouragans pr¨¦sentent un danger clair et pr¨¦sent; ils sont plus intenses et provoquent d'importants d¨¦g?ts. ? En fait, l'ouragan Ivan, qui a frapp¨¦ l'¨ªle de la Grenade situ¨¦e dans les Cara?bes, a d¨¦truit 90 % de l'infrastructure, ce qui repr¨¦sente un co?t ¨¦quivalant ¨¤ deux fois le produit int¨¦rieur brut (PIB) du pays. En plus des ouragans, ? nous avons connu un triple tsunami - une crise alimentaire, ¨¦nerg¨¦tique et financi¨¨re - qui a ¨¦t¨¦ exacerb¨¦ par le changement climatique ?, a expliqu¨¦ M. Wolfe.

Un sc¨¦nario similaire se d¨¦veloppe aux Maldives, a reconnu M. Khaleel : ? Nous voyons les effets n¨¦gatifs du changement climatique tous les jours. Personne ne peut nier le contraire. Il suffit de voir le niveau d'¨¦rosion des plages. ? Pour les petits ?tats insulaires qui ne sont pas prot¨¦g¨¦s par le plateau continental, les r¨¦cifs coralliens constituent une protection naturelle contre la mer. ? Quand le niveau de la mer augmente, les r¨¦cifs sont endommag¨¦s; quand les r¨¦cifs coralliens sont d¨¦truits, notre survie est en jeu. La mort des r¨¦cifs coralliens, c'est aussi la mort de l'industrie de la p¨ºche et du tourisme ?, a-t-il soulign¨¦.

L'?CONOMIE ? EFFET DE BOOMERANG
Le tsunami dans l'oc¨¦an Indien en 2004 a eu des cons¨¦quences dramatiques pour l'¨¦conomie des Maldives; dans notre lutte pour notre survie, nous devons maintenant g¨¦rer la crise des r¨¦fugi¨¦s de l'environnement. Le tsunami qui a fait de nombreux morts dans d'autres pays de l'oc¨¦an Indien a ¨¦pargn¨¦ les habitants des Maldives. En effet, le fait qu'elles ne soient pas entour¨¦es d'un plateau continental a emp¨ºch¨¦ l'amplification des vagues et leur d¨¦ferlement sur les terres, comme cela s'est produit dans les pays voisins comme l'Inde, le Sri Lanka et ailleurs. ? Si les Maldives ont ¨¦t¨¦ mod¨¦r¨¦ment touch¨¦es par le tsunami (le bilan est de 120 morts), l'¨¦conomie a beaucoup souffert de la catastrophe. Nous avons perdu six ports de mer et notre principale source en eau douce. Plus de 68 % de notre PIB s'est envol¨¦ en deux minutes. ?

Les effets durables du tsunami indiquent ¨¤ quel point l'¨¦l¨¦vation du niveau de la mer peut avoir des effets d¨¦vastateurs. Apr¨¨s quatre ans d'efforts pour retrouver des conditions de vie d¨¦centes, ¨¦vacuer les populations vivant sur les ¨ªles submerg¨¦es et faire face ¨¤ une dette ¨¦lev¨¦e par rapport ¨¤ leur revenu, les Maldives ont d? faire face ¨¤ une crise alimentaire deux ans plus tard, suivie par la crise financi¨¨re mondiale. Pourtant, malgr¨¦ tous ces revers, elles s'adaptent aux codes stricts de l'environnement et se mettent au vert. Le Pr¨¦sident Nasheed a d¨¦clar¨¦ ¨¤ la Chronique de l'ONU : ? Nous investissons dans des projets de capture de carbone et consacrons davantage de ressources aux usines d'¨¦nergies renouvelables - les ¨¦oliennes et les panneaux solaires - que nous pouvons exploiter. ? Expliquant que plus de 30 % des ¨¦missions mondiales de carbone sont directement g¨¦n¨¦r¨¦es par les habitations, le Pr¨¦sident a ajout¨¦ : ? Nous avons mis en vigueur des codes de construction stricts pour r¨¦duire l'¨¦nergie et am¨¦liorer l'efficacit¨¦. En un sens, nous d¨¦velopperons un kit de survie qui nous permettra aussi d'atteindre nos objectifs. ?

La crise financi¨¨re mondiale peut compromettre davantage la situation des petits ?tats insulaires. Au premier trimestre de 2009, le tourisme haut de gamme aux Maldives a chut¨¦ de 11 %, a indiqu¨¦ M. Khaleel. Mais certains touristes ais¨¦s continueront de se rendre dans leur destination de vacances favorite. Le changement climatique arr¨ºtera les touristes de venir bien avant une crise financi¨¨re. ? Chaque crise a des bons c?t¨¦s ?, a-t-il soulign¨¦, ajoutant que ? le temps nous est compt¨¦. Nous devons agir d¨¨s maintenant. C'est une question de vie ou de mort ?. Malgr¨¦ le nombre de questions qui restent ¨¤ r¨¦gler et une ¨¦conomie d¨¦pendant principalement du tourisme, les Maldives prennent les mesures n¨¦cessaires pour devenir le premier pays du monde ¨¤ bilan de carbone neutre d'ici ¨¤ 2020. ? Il n'y a aucune raison pour qu'un autre pays ne fasse pas la m¨ºme chose. Nous comprenons que le remplacement de l'¨¦nergie existante est co?teux. Nous voulons nous concentrer sur ce qui doit ¨ºtre fait, pas sur ce qui ne devrait pas ¨ºtre fait ?, a-t-il comment¨¦.

LES QUESTIONS HUMANITAIRES
Selon M. Khaleel, les questions humanitaires auxquelles sont confront¨¦es les populations des petits ?tats insulaires qui sont d¨¦plac¨¦es ¨¤ l'int¨¦rieur de leur pays ou ont ¨¦t¨¦ ¨¦vacu¨¦es vers d'autres pays sont ignor¨¦es par la communaut¨¦ internationale. M¨ºme avec la menace de la migration massive et les actions intent¨¦es contre les plus grands pollueurs de la plan¨¨te, le probl¨¨me des r¨¦fugi¨¦s de l'environnement n'a pas encore ¨¦t¨¦ r¨¦solu. ? La p¨¦nurie des sources en eau douce est une question majeure qui cr¨¦e des tensions et provoque la migration ?, a-t-il expliqu¨¦. En vertu du droit international, les personnes d¨¦plac¨¦es en raison des changements climatiques ne sont pas reconnues comme un groupe ayant des droits d¨¦finis ou n¨¦cessitant une protection sp¨¦ciale. Ces personnes n'entrent pas dans la d¨¦finition de la Convention de 1951 relative au statut des r¨¦fugi¨¦s et ne b¨¦n¨¦ficient donc pas des m¨ºmes droits.

Apr¨¨s un lobbying intense men¨¦ par les Maldives, les petites ¨ªles ont r¨¦alis¨¦ un progr¨¨s d¨¦cisif dans le domaine des droits de l'homme en mars 2008 lorsque le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a vot¨¦ une r¨¦solution qui reconna¨ªt que le changement climatique ? pose une menace imm¨¦diate et lourde de cons¨¦quences pour les peuples et les collectivit¨¦s du monde entier ?.

? Il y a donc lieu d'esp¨¦rer ?, a jug¨¦ M. Christopher, en expliquant que le Haut-Commissariat de l'ONU pour les r¨¦fugi¨¦s a pr¨¦sent¨¦ en mai dernier un rapport ¨¤ la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC) sur l'apatridie des populations vivant sur des terres submerg¨¦es. Alors que les ? r¨¦fugi¨¦s climatiques ? ne b¨¦n¨¦ficient pas n¨¦cessairement des droits des r¨¦fugi¨¦s, ils sont reconnus au titre de l'article 1 de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides qui d¨¦finit un apatride comme ? une personne qu'aucun ?tat ne consid¨¨re comme son ressortissant par application de sa l¨¦gislation. Lorsqu'un ?tat cesse d'exister, la nationalit¨¦ dispara¨ªt ¨¦tant donn¨¦ que les citoyens perdent tout lien de rattachement avec leur ?tat ?. La question est alors de d¨¦terminer dans quelle mesure le changement climatique affecte le statut d'?tat. LA CONFRONTATION DIPLOMATIQUE
De retour ¨¤ New York, les n¨¦gociateurs des petits ?tats insulaires qui attendent de plus en plus des pays industriels qu'ils montrent l'exemple se rendent compte que l'attention des pays d¨¦velopp¨¦s est principalement tourn¨¦e vers la Chine et l'Inde. Comme les grandes puissances ¨¦conomiques de l'Est, le Br¨¦sil occupe le troisi¨¨me rang dans les ¨¦missions de carbone dans le monde en d¨¦veloppement et a les m¨ºmes pr¨¦occupations que la Chine et l'Inde en ce qui concerne les n¨¦gociations sur les changements climatiques. Paulo Chiarelli, Premier Secr¨¦taire ¨¤ la mission permanente du Br¨¦sil ¨¤ New York a dit ¨¤ la Chronique de l'ONU que ?le Br¨¦sil a att¨¦nu¨¦ les changements climatiques en investissant beaucoup dans les sources renouvelables d'¨¦nergie, comme l'¨¦thanol. Nous pouvons tenir lieu d'exemple et montrer aux autres pays comment cr¨¦er une ¨¦conomie ¨¤ faibles ¨¦missions de carbone. Mais pour y parvenir, il faut que les pays d¨¦velopp¨¦s apportent leur appui financier et technologique?. Et c'est pr¨¦cis¨¦ment sur ces questions que les n¨¦gociations sont au point mort. Singapour, qui est membre d'oasis, se dit pr¨¦occup¨¦ par les questions fondamentales qui touchent les PEID. L'ambassadeur du Br¨¦sil, M. Vanu Gopala Menon, Repr¨¦sentant permanent de ce pays aupr¨¨s des Nations Unies, a dit ¨¤ la Chronique de l'ONU : ?Nous pensons que le fardeau le plus lourd devrait ¨ºtre support¨¦ par les pays qui ont ¨¦t¨¦ les plus grands pollueurs. Les pays d¨¦velopp¨¦s devraient en particulier aider les ?tats en d¨¦veloppement, surtout les petits ?tats insulaires.? Avant de faire des concessions, les pays d¨¦velopp¨¦s veulent des engagements fermes de la part des pays en d¨¦veloppement. Mais ?si vous voulez que les pays en d¨¦veloppement embo¨ªtent le pas, il faut leur apporter une aide financi¨¨re et technologique. Nous ne voulons pas d'une situation o¨´ vous (les pays d¨¦velopp¨¦s) mettez au point la technologie et l'envoyez dans les pays en d¨¦veloppement pour qu'ils l'ach¨¨tent et leur demandez de se mettre au normes?, a-t-il soulign¨¦.

Alors que la communaut¨¦ internationale a pris des engagements sur les changements climatiques, personne n'est encore dispos¨¦ ¨¤ donner des chiffres. ? Les pays de l'Annexe 1? ne veulent pas s'engager avant de savoir ce que les autres pays font. C'est la raison principale pour laquelle personne n'approuve le texte ni les termes exacts ?, a-t-il ajout¨¦. Selon lui, les deux s¨¦ries de n¨¦gociations qui ont eu lieu ¨¤ Bonn, en Allemagne, en juin 2008, puis en ao?t 2009, n'auront servi qu'¨¤ r¨¦duire et ¨¤ am¨¦liorer les 200 pages du projet de texte. Toute contrepartie ¨¦tait absente. Les milliers de crochets qui ont ¨¦t¨¦ mis pour signifier un point de d¨¦saccord n'ont pas ¨¦t¨¦ enlev¨¦s.

L'Alliance des petits ?tats insulaires pense que les pays de l'Annexe 1 ne peuvent se laisser guider par l'opportunisme lorsqu'ils n¨¦gocient sur les changements climatiques. ? Quand cela vous convenait, vous avez pollu¨¦ la plan¨¨te pour vous enrichir et renforcer vos ¨¦conomies. Maintenant vous devez montrer l'exemple avant de nous demander de r¨¦duire de mani¨¨re drastique nos ¨¦missions ?, a dit M. Wolfe. De son c?t¨¦ M. Jumeau s'interroge : ?Mais qu'est-ce qu'on nous raconte? Pr¨¦senter les pays pauvres comme des fautifs est vraiment d¨¦plorable. On ne consid¨¨re tout simplement pas l'Inde et la Chine dans la m¨ºme perspective. La pollution par habitant dans ces deux pays est assez peu importante. Quelle est l'empreinte carbone d'un Chinois par rapport ¨¤ un Am¨¦ricain ou un autre ressortissant d'un pays du Nord??

M. Jumeau a poursuivi en expliquant comment les pays du Nord utilisent les chiffres par habitant quand cela les arrange le plus, en particulier lorsque les chiffres sont contre eux. L'un des probl¨¨mes qui se posent pour les petits ?tats insulaires lorsqu'on utilise les chiffres par habitant est que beaucoup acc¨¨dent au statut de pays ¨¤ revenu moyen alors qu'ils demeurent les plus vuln¨¦rables aux changements climatiques. Ils perdront de nombreux avantages, ce qui affaiblira leur capacit¨¦ d'adaptation ¨¤ l'¨¦volution du climat. ?Nous allons acc¨¦der au statut de pays ¨¤ revenu moyen en janvier 2010, mais cela ne r¨¦duit pas notre vuln¨¦rabilit¨¦. En fait, cela aggrave encore les choses?, a soulign¨¦ M. Khaleel.

Dans un entretien ¨¤ la Chronique de l'ONU, l'ambassadeur du Danemark, Carsten Staur, Repr¨¦sentant permanent de ce pays aupr¨¨s des Nations Unies, s'explique : ?Bien s?r, le probl¨¨me a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦ par les pays industrialis¨¦s. On demande maintenant que tout le monde participe ¨¤ sa r¨¦solution. Il s'agit certes d'une t?che difficile. D'un autre c?t¨¦, m¨ºme si les pays de l'Organisation pour la coop¨¦ration et le d¨¦veloppement ¨¦conomiques (OCDE) cessaient d'¨¦mettre du CO2, nous ne pourrions pas limiter la hausse des temp¨¦ratures ¨¤ 2 °C. Les pays en d¨¦veloppement et les ¨¦conomies ¨¦mergentes doivent faire partie de la solution, avec notre soutien, bien entendu.?

Mais les pays en d¨¦veloppement abordent le changement climatique selon le principe des ? responsabilit¨¦s communes mais diff¨¦renci¨¦es ?, qui sert de base ¨¤ la CNUCC et reconna¨ªt les diff¨¦rences dans les contributions pass¨¦es des pays d¨¦velopp¨¦s et des pays en d¨¦veloppement aux probl¨¨mes environnementaux mondiaux. ?Si vous ¨ºtes en mesure de faire quelque chose, montrez l'exemple. Ce sont les pays occidentaux qui ont les moyens et les capacit¨¦s?, a indiqu¨¦ M. Jumeau. Que penseriez-vous s'ils retournaient l'argument des pays d¨¦velopp¨¦s et disaient : ?Puisque nous sommes les pays les moins pollueurs, nous devrions avoir le moins de responsabilit¨¦s.?

L'ASPECT CRUCIAL DE LA MONDIALISATION
Le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l'ONU, Ban Ki-moon, a dit que nous vivions des ?crises multiples? o¨´ la hausse du prix du p¨¦trole et des denr¨¦es alimentaires, la crise financi¨¨re et la crise de la grippe r¨¦duisent notre capacit¨¦ ¨¤ nous prot¨¦ger contre les changements climatiques. Mais il n'y a rien d'inh¨¦rent aux politiques mondiales, aux technologies ou ¨¤ la disponibilit¨¦ des ressources mondiales qui puisse emp¨ºcher les crises sociales et ¨¦cologiques r¨¦sultant des changements climatiques, indique Jeffrey Sachs dans son ouvrage Common Wealth. Selon l'auteur, c'est le manque de coop¨¦ration au niveau mondial qui emp¨ºche de parvenir ¨¤ un accord de fond. L'auteur ¨¦crit : ?Le paradoxe d'une ¨¦conomie mondiale unifi¨¦e et d'une soci¨¦t¨¦ mondiale divis¨¦e pose la plus grande menace ¨¤ la plan¨¨te car il rend impossible la coop¨¦ration n¨¦cessaire pour r¨¦soudre les probl¨¨mes qui subsistent.?

Le changement climatique est l'exemple le plus ¨¦vident de la mondialisation rapide, selon Caleb Christopher. ?C'est une question tr¨¨s complexe, la question probablement la plus difficile de notre temps. La coop¨¦ration mondiale est n¨¦cessaire pour pouvoir g¨¦rer efficacement ces probl¨¨mes?, a-t-il estim¨¦. Dans son discours liminaire ¨¤ la F¨¦d¨¦ration mondiale des Associations pour les Nations Unies, le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l'ONU Ban Ki-moon a soulign¨¦ que ?nous avons moins de dix ans pour enrayer la hausse des ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre si nous voulons ¨¦viter des cons¨¦quences catastrophiques pour les ¨ºtres humains et la plan¨¨te?.

LE PARADIS APR?S L'EFFONDREMENT
Au lendemain de la crise financi¨¨re et de la r¨¦cession mondiale actuelle, ? le changement climatique exacerbe les menaces ?, a dit M. Staur ¨¤ la Chronique de l'ONU, ajoutant que ?les d¨¦penses ¨¤ engager pour d¨¦velopper une ¨¦conomie ¨¤ faibles ¨¦missions de carbone n¨¦cessitera l'engagement de tous les pays. Mais ce sera aussi une occasion de d¨¦finir une nouvelle trajectoire de croissance pour l'avenir?.

Les petits ?tats insulaires n'ont pas d'autre choix que de s'engager ¨¤ conclure un accord. Bon nombre de PEID importent 80 ¨¤ 90% des produits qu'ils consomment, n'ont pas suffisamment de terres pour parvenir ¨¤ l'autosuffisance agricole, sont m¨ºme plus expos¨¦s aux chocs mondiaux et n'ont pas le luxe d'injecter des millions dans leur ¨¦conomie. ?La crise financi¨¨re a affaibli notre r¨¦sistance et notre capacit¨¦ ¨¤ r¨¦soudre les questions li¨¦es aux changements climatiques. ? cette ¨¦tape cruciale de leur survie, les petits ?tats insulaires n'ont plus la capacit¨¦ d'organiser les ¨¦vacuations humanitaires, de reconstruire leur ¨¦conomie et de s'attaquer en m¨ºme temps ¨¤ un nouveau champ de bataille cr¨¦¨¦ par l'¨¦l¨¦vation du niveau de la mer?, a soulign¨¦ M. Jumeau. M. Christopher a expliqu¨¦ que l'¨¦l¨¦vation du niveau de la mer cr¨¦erait des incertitudes pour de nombreuses r¨¦gions autres que les ¨ªles et les ?tats c?tiers. Un grand nombre de pays conna¨ªtront un changement dans leurs limites des zones marines, qui pourrait entra¨ªner des conflits territoriaux li¨¦s aux ressources de la mer et aux droits d'acc¨¨s ¨¤ ces ressources. M¨ºme si les PEID ¨¦rigeaient des murs oc¨¦aniques pour prot¨¦ger leurs ¨ªles contre les vagues, ils ne seraient toujours pas en mesure de s'adapter aux ¨¦missions mondiales de carbone avant d'¨ºtre engloutis par la mer.

N?GOCIER Ãå±±½ûµØKIT DE SURVIE
Les dirigeants de l'Alliance disent qu'ils n'ont pas les moyens de pression g¨¦opolitique et ¨¦conomique que d'autres ?tats Membres influents apportent ¨¤ la table de n¨¦gociations. M. Jumeau s'interroge : ?Quels sont nos points forts? Nous avons les destinations de vacances. Mais si vous en perdez une, vous en trouverez bien une autre. Quoi d'autre ? Le thon. Il dispara¨ªtra probablement avant nous de toute fa?on.? C'est pourquoi AOSIS insiste pour le monde ait l'obligation de veiller ¨¤ ce qu'?aucune ¨ªle ne soit laiss¨¦e de c?t¨¦?. Apr¨¨s les n¨¦gociations, si la proposition de l'Alliance est prise en compte, la t?che imm¨¦diate sera de limiter la hausse des temp¨¦ratures en fixant des objectifs ¨¤ court et ¨¤ moyen termes ¨¤ moins de 1,5 °C; pour le long terme, il faudra amorcer une transition vers une croissance ¨¦conomique durable ¨¤ faibles ¨¦missions de carbone.

En attendant, les pays de l'Alliance des petits ?tats insulaires approchent du point de non-retour. ?C'est la montagne que nous escaladons. Nous n'avons pas peur. Les accords ne seront pas parfaits, mais nous pouvons parvenir au meilleur accord possible?, a consid¨¦r¨¦ Selvin Hart, Premier Secr¨¦taire ¨¤ la Mission permanente de la Barbade aupr¨¨s des Nations Unies. ? Mais si vous ¨¦coutez les PEID sur les changements climatiques, vous aurez le meilleur accord possible. En garantissant l'existence des petits ?tats insulaires, vous sauvez le monde entire.

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