Le monde de Maria a bascul¨¦ lorsque l'infirmi¨¨re du dispensaire lui a dit qu'elle ¨¦tait enceinte et s¨¦ropositive. Elle avait ¨¦t¨¦ fid¨¨le. C'¨¦tait donc son mari, Josef, qui lui avait transmis le virus. En se rappelant comment le village avait trait¨¦ les femmes dont le test s'¨¦tait av¨¦r¨¦ positif, la peur a commenc¨¦ ¨¤ la gagner.
Elle ¨¦tait en col¨¨re contre Josef - pas seulement pour lui avoir transmis le virus, mais aussi parce que l'entreprise de camionnage o¨´ il travaillait allait le renvoyer lorsque son ¨¦tat serait connu. Elle aussi allait perdre son emploi dans la zone franche industrielle d'exportation parce qu'il suffit d'¨ºtre enceinte ou s¨¦ropositive pour ¨ºtre licenci¨¦e - les lois du travail ne s'appliquent pas dans cette zone. Les employeurs savent qu'il est ill¨¦gal de licencier les travailleurs infect¨¦s par le VIH, mais les lois ¨¦tant peu appliqu¨¦es, certains r¨¦ussissent toujours ¨¤ le faire sans ¨ºtre inqui¨¦t¨¦s. R¨¦cemment, Josef lui avait dit que son syndicat essayait de cr¨¦er un programme de pr¨¦vention contre le VIH, mais qu'il rencontrait des probl¨¨mes ¨¤ cause du manque de ressources.
L'histoire de Josef et de Maria est loin d'¨ºtre unique et, d'une certaine fa?on, r¨¦sume les priorit¨¦s essentielles de l'action men¨¦e par les organisations syndicales sur les lieux du travail : premi¨¨rement, elle illustre comment les droits des travailleurs - et, en fait, de toute personne - peuvent ¨ºtre viol¨¦s en raison de leur s¨¦ropositivit¨¦; deuxi¨¨mement, elle souligne la n¨¦cessit¨¦ d'¨¦tendre les programmes de pr¨¦vention, en particulier sur le lieu de travail; et, troisi¨¨mement, son message est un appel ¨¤ l'action pour mettre fin aux trag¨¦dies qui pourraient ¨ºtre ¨¦vit¨¦es.
En juin 2011, lorsque les dirigeants mondiaux se rencontreront ¨¤ New York lors de la R¨¦union de haut niveau de l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale consacr¨¦e au sida, dix ans se seront ¨¦coul¨¦s depuis l'adoption de la D¨¦claration d'engagement sur le VIH/sida en 2001. Il y a cinq ans, la communaut¨¦ internationale s'est engag¨¦e ¨¤ assurer l'acc¨¨s universel ¨¤ la pr¨¦vention, au traitement, aux soins et au soutien des personnes infect¨¦es. Elle n'a pas r¨¦ussi ¨¤ atteindre cet objectif. Si les dirigeants mondiaux redonnent une impulsion ¨¤ leur engagement et d¨¦montrent leur volont¨¦ politique de traduire la D¨¦claration en actes concrets, ils r¨¦affirmeront aussi que l'on peut esp¨¦rer une mise en ?uvre des engagements mondiaux semblables. La R¨¦union de haut niveau qui se tiendra en juin sera un moment d¨¦cisif, non seulement pour la lutte contre le sida, mais aussi pour la cr¨¦dibilit¨¦ des engagements mondiaux en g¨¦n¨¦ral.
De son c?t¨¦, tant que les droits des personnes vivant avec le VIH ne sont pas respect¨¦s et que l'acc¨¨s ¨¤ la pr¨¦vention, au traitement, aux soins et au soutien des personnes infect¨¦es n'est pas universel, l'Organisation internationale du Travail (OIT) prendra des mesures concr¨¨tes pour prot¨¦ger la vie des travailleurs et soulignera avec force la n¨¦cessit¨¦ d'une volont¨¦ politique et de ressources pour combattre le virus du sida.
Il est inacceptable qu'apr¨¨s trente ans de lutte contre le sida, les violations des droits des personnes vivant avec le VIH persistent. Les ¨¦tudes de l'Indicateur de stigmatisation des personnes vivant avec le VIH, une initiative de partenariat qui comprend l'ONUSIDA et des organisations non gouvernementales importantes, confirment que dans toutes les r¨¦gions, l'annonce de la s¨¦ropositivit¨¦ s'accompagne souvent de la perte de l'emploi et, donc, des revenus, et est un obstacle ¨¤ la recherche d'un emploi. En dehors du lieu de travail, les effets pernicieux de la stigmatisation et de la discrimination li¨¦s au VIH sont des obstacles r¨¦els ¨¤ pratiquement chaque aspect de la lutte contre le sida.
Les programmes de pr¨¦vention du VIH sur le lieu de travail et d'orientation en mati¨¨re de soins restent rares et souvent ponctuels, alors que 90% des personnes vivant avec le VIH sont en ?ge de travailler. Malgr¨¦ leur efficacit¨¦ en termes de co?ts, les programmes de pr¨¦vention manquent de ressources et, trop souvent, des obstacles politiques et juridiques emp¨ºchent la mise en place de programmes efficaces pour faire face aux risques li¨¦s au VIH. Ce qui est le plus dramatique c'est que toutes les souffrances dues au VIH/sida sont aujourd'hui ¨¦vitables, alors que cela n'a pas toujours ¨¦t¨¦ le cas.
Depuis des ann¨¦es les repr¨¦sentants des travailleurs reconnaissent que pour assurer la pr¨¦vention et la promotion des droits des travailleurs, les syndicats doivent s'attaquer ¨¤ un large ¨¦ventail de conditions sociales, y compris aux causes socio-¨¦conomiques de la pand¨¦mie du sida : la pauvret¨¦, l'in¨¦galit¨¦ des sexes, le ch?mage, la stigmatisation, la discrimination, l'absence de protection sociale et les politiques ¨¦ducatives inad¨¦quates. Ils (les repr¨¦sentants des travailleurs consid¨¨rent ¨¦galement que ces obstacles sont un frein ¨¤ l'accomplissement de progr¨¨s dans de nombreuses domaines prioritaires qu'ils partagent avec les Nations Unies, notamment les Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement, le Programme pour un travail d¨¦cent, la s¨¦curit¨¦ alimentaire, le droit ¨¤ l'acc¨¨s aux soins de sant¨¦, le changement climatique et, bien s?r, l'acc¨¨s universel ¨¤ la pr¨¦vention, au traitement, aux soins et au soutien des personnes infect¨¦es. C'est pourquoi la r¨¦ponse des syndicats au VIH/sida est ¨¦troitement li¨¦e aux objectifs de justice sociale et ¨¦conomique qu'ils poursuivent. C'est aussi pourquoi ils cherchent ¨¤ cr¨¦er des passerelles entre ces domaines pour forger des alliances qui ont un but commun.
Les syndicats repr¨¦sentent dix millions de travailleurs dans chaque r¨¦gion de la plan¨¨te, du travailleur professionnel le plus comp¨¦tent au travailleur migrant touchant un salaire de subsistance : c'est une grande richesse en ressources humaines. La diversit¨¦ des membres permet de d¨¦finir des strat¨¦gies pour transformer les priorit¨¦s mondiales en actions nationales adapt¨¦es aux conditions locales. Les priorit¨¦s mondiales qui exigent une action locale comprennent :
La garantie des droits des personnes vivant avec le VIH, en particulier ceux des travailleurs : Les syndicats feront pression pour mettre en ?uvre la nouvelle recommandation de l'OIT concernant le VIH/sida et le monde du travail. La mise en ?uvre nationale de la recommandation permettra de cr¨¦er un cadre juridique qui assurera la pr¨¦vention et le traitement des personnes infect¨¦es par le VIH ainsi que d'autres services essentiels. Un point sp¨¦cialement important de la recommandation est l'appel des pays ¨¤ int¨¦grer les programmes de pr¨¦vention du VIH sur les lieux de travail dans leurs strat¨¦gies nationales en mati¨¨re de VIH/sida, de d¨¦veloppement et de protection sociale.
Le lancement de la ? r¨¦volution de la pr¨¦vention ? du VIH sur les lieux de travail : Les syndicats appellent depuis plus de dix ans ¨¤ l'expansion des programmes de pr¨¦vention du VIH sur les lieux de travail. Il est inacceptable que plus de sept mille personnes soient infect¨¦es chaque jour par le VIH, dont 90% sont en ?ge de travailler. Les repr¨¦sentants des travailleurs peuvent soutenir l'appel lanc¨¦ par la Commission de haut niveau de l'ONUSIDA sur la pr¨¦vention du VIH en faveur d'une ? r¨¦volution de la pr¨¦vention ? :
? en recommandant une intensification des mesures de pr¨¦vention et un leadership fort pour les soutenir;
? en se joignant aux employeurs pour promouvoir la pr¨¦vention sur le lieu de travail du VIH et des maladies qui y sont associ¨¦es;
? en engageant notre responsabilit¨¦, celle des dirigeants politiques et communautaires et des organisations non gouvernementales pour soutenir le financement de la pr¨¦vention du VIH et la mise en ?uvre de programmes efficaces;
? en renfor?ant la protection des droits de l'homme et en ?uvrant ¨¤ mettre fin aux in¨¦galit¨¦s qui contribuent ¨¤ l'¨¦pid¨¦mie du sida aux niveaux mondial et local.
La sensibilisation qui met l'accent sur les droits, les ressources et la n¨¦cessit¨¦ de cr¨¦er des alliances crois¨¦es qui ont un but commun : La mobilisation des organisations syndicales a ¨¦t¨¦ cruciale dans l'adoption de la recommandation. Elles feront maintenant pression pour cr¨¦er des programmes de mise en ?uvre nationaux et poursuivront les efforts qu'elles m¨¨nent depuis cinq ans pour que les ?tats Membres du G8 tiennent leur engagement ¨¤ assurer l'acc¨¨s universel et fournissent les ressources n¨¦cessaires pour y parvenir. Ces efforts de sensibilisation ont permis de forger de nouvelles alliances et de renforcer les anciennes aux niveau mondial et national.
Les organisations syndicales n'ont jamais manqu¨¦ de reconna¨ªtre la n¨¦cessit¨¦ de forger des coalitions mondiales et nationales pour atteindre des changements significatifs et durables. Il est donc important que les forces ?uvrant ¨¤ ¨¦liminer les obstacles qui freinent les progr¨¨s vers la r¨¦alisation des priorit¨¦s de l'ONU, notamment l'¨¦pid¨¦mie du sida, travaillent ensemble chaque fois qu'il est possible et particuli¨¨rement au niveau des pays.
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