Les jeunes sont des éléments moteurs dans la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement. C’est du moins ce qui a été rappelé avec insistance aux délégations qui assistaient à la semaine africaine du climat, à Accra, au Ghana, en mars dernier. Ce premier des trois rassemblements régionaux prévus en amont du Sommet Action Climat du Secrétaire général de l’ONU de septembre, était organisé par le gouvernement ghanéen et le Partenariat Cadre de Nairobi, qui aide les pays en développement à concevoir et mettre en œuvre des plans de lutte contre le changement climatique, ainsi que par des organisations partenaires.
Lors de la conférence, de jeunes activistes locaux ont arboré des pancartes colorées sur lesquelles on pouvait lire des slogans tels que : « Zéro déchet c’est sexy, Agissez » ou « Plastique ou Papier = arbre mort, Agissez ». Parmi les jeunes africains qui participaient à la semaine africaine du climat, nombreux sont ceux qui ont créé des start-ups pour lutter contre le changement climatique, protéger l’environnement et créer des emplois.
Plusieurs idées d’entreprises innovantes et écologiques ont été présentées lors de la conférence, dont un projet de fabrication de vélos à partir de bambous, afin d’exploiter le réel potentiel écologique de cette plante, une entreprise de recyclage de plastique, ou encore la fabrication de chaussures à partir de pneus et textiles recyclés.
Alors qu’il aidait un ami à redresser son entreprise de chaussures, Peter Kweku Anowie s’intéressa à la tendance « écolo » et à la possibilité de fabriquer des chaussures à partir de matériaux recyclés.
“Je suis un ancien banquier devenu fabricant de chaussures à partir de matériaux recyclés », explique Peter Kweku Anowie.
L’entreprise de M. Anowie, Koliko Wear, fabrique des chaussures à partir de jeans, de tissus et de draps usés, de sacs en toile de jute et de caoutchouc de vieux pneus.
C’est par hasard que cet ancien banquier est devenu entrepreneur. « Je suis de Takoradi, dans l’ouest du Ghana. Un jour, j’ai croisé un ami fabricant de chaussures dont l’entreprise périclitait. Je lui ai dit que je pouvais l’aider en investissant un peu dans son entreprise afin qu’il puisse continuer ».
C’est alors que M. Anowie s’est rendu compte du potentiel du secteur : « Je me suis dit que ce pouvait être cool et créatif, et j’ai démissionné de mon travail pour m’y consacrer à plein temps. J’ai étudié la gestion d’entreprise et j’ai un diplôme en finances, je connais les affaires ».
M. Anowie voulait aussi contribuer à la formation des jeunes et « leur montrer comment l’indépendance financière et l’entrepreneuriat peuvent améliorer les conditions de vie. »
Après trois ans, l’entreprise emploie une douzaine de personnes. « Je suis très heureux car d’autres personnes apprennent à fabriquer des chaussures. Ils ne font pas que gagner de l’argent pour eux-mêmes, ils peuvent aussi aider leurs amis et leur famille, même éloignée. »
Comme d’autres start-ups écologiques au Ghana, les responsables de Koliko Wear veulent s’agrandir pour avoir plus d’impact social. Le Ghana Climate Change Innovation Centre (Centre d’innovation contre le changement climatique du Ghana, GCCIC) leur apporte un soutien financier, des formations et une aide technique.
« Je me suis inscrit auprès du GCCIC l’an dernier. Ils m’accompagnent en s’assurant que tous mes comptes sont bien tenus afin de pouvoir attirer les investisseurs », conclut M. Anowie.
“Comment pouvons-nous utiliser au mieux les matières premières locales tel que le bambou pour créer des emplois selon un modèle inclusif d’entreprise – c’est-à-dire une entreprise qui place les problèmes socioéconomiques et environnementaux au cœur de ses préoccupations ? » C’est la question que s’est posée Bernice Kapaa lorsqu’elle a lancé le Ghana Bamboo Bikes Initiative (GBBI) il y a dix ans.
Située à Kumasi dans le sud du Ghana, GBBI emploie près de 50 ouvriers, principalement des femmes. L’entreprise vend des vélos fabriqués à la main entre 150 et 300$ la pièce.
“Nous avons différents modèles de vélo : des vélos pour homme ou pour femme, des vélos de route, de ville ou de montagne, ainsi que des vélos cargo que les fermiers utilisent pour le transport de marchandises », indique Mme Dapaah.
En 2018, l’entreprise a fabriqué un millier de vélos, sa production augmentant régulièrement chaque année. « Nous espérons produire davantage cette année car nous allons agrandir notre atelier et former de nouveaux jeunes », dit-elle. L’entreprise souhaiterait également fabriquer des vélos électriques, des vélos-ambulances et des cyclo-pousses en bambou.
“Actuellement, les vélos sont à 75-80% fabriqués en bambou. Le cadre est en bambou, mais les roues et les plateaux sont comme ceux des vélos normaux », explique Mme Dapaah, qui estime que ce projet n’est pas seulement commercial mais concerne aussi l’autonomisation des femmes.
Mme Dapaah est contente que l’entreprise ne soit pas “juste un symbole environnemental”. « Nous cultivons aussi des bambous pour alimenter l’industrie. Nous réduisons l’empreinte carbone et nous espérons faire encore davantage à l’avenir. »
“Nos compatriotes n’ont pas toujours conscience qu’il faut des siècles au plastique pour se décomposer dans le sol. Les effets ne s’en font pas ressentir immédiatement mais lorsque c’est finalement le cas, il est déjà trop tard car les émissions ne peuvent plus être maîtrisées. », explique Wisdom Kafui Honu..
M. Honu, qui est le cofondateur de Coliba Ventures, une entreprise de collecte de plastique basée à Accra, raconte qu’il est devenu entrepreneur écologiste après que l’un de ses amis est mort noyé lors dans une inondation provoquée par l’obstruction de drains par du plastique.
“C’était en juin 2015. Mon ami m’attendait et j’étais en retard. Il a commencé à pleuvoir et le carrefour où il se trouvait a rapidement été inondé par des torrents d’eau, qui ont détruit les bâtiments, emporté les véhicules et condamné les passants à la noyade », raconte-t-il.
Plus de cinquante personnes ont été tuées ce jour-là.
« Les pluies étaient torrentielles », se rappelle M. Honu. « Mais les égoûts étaient bouchés par des déchets en plastique ».
Bouleversé par la mort de son ami, M. Honu s’est demandé ce qu’il pouvait faire : « Au-delà du deuil douloureux, pourquoi ne pas agir ? Pourquoi ne pas résoudre le problème maintenant, pourquoi ne pas recycler le plastique qui met tant de temps à se dégrader ? ».
Il décide alors de créer Coliba Ventures, une entreprise « de collecte et de recyclage total du plastique », qui apprend aussi aux usagers à trier les déchets.
“C’est très difficile car c’est un schéma comportemental que reproduise les gens depuis des années et il est très difficile de leur demander de changer d’état d’esprit et de modifier leurs habitudes », dit-il.
L’entreprise offre des bons d’achat d’essence ou des cartes internet prépayées aux foyers qui acceptent de participer aux efforts de recyclage. « Nous disons aux gens, donnez-nous vos déchets plastique et nous vous donnerons de quoi alimenter votre voiture », explique M. Honu.
Et d’ajouter : « Les gens qui gagnent moins de 5$ par jour nous donnent leurs déchets plastique et nous leur donnons de l’argent ou des bons en échange. Ils doivent simplement nous apporter leurs déchets ou nous indiquer comment venir les récupérer, puis ils choisissent leur récompense ».
L’entreprise apporte ensuite les déchets collectés à des entreprises de recyclage.
Selon l’Agence de protection de l’environnement du Ghana, près de 2,58 millions de tonnes de plastique brut sont importées annuellement, dont 73% deviennent des déchets et 19% sont réutilisées. Moins de 0,1% est recyclée.
« Nous devons commencer à renverser la tendance », déclare M. Honu, conscient de la part minime de déchets plastique recyclés. En dépit du temps que cela risque de prendre, sa motivation ne décroît pas, surtout lorsqu’il repense à son ami disparu.