01 juin 2007

Vingt ans apr¨¨s que le rapport Brundtland affirmait qu'il ¨¦tait dans l'int¨¦r¨ºt de tous les peuples et de toutes les nations d'¨¦tablir des politiques de d¨¦veloppement durable, le rythme s'est enfin acc¨¦l¨¦r¨¦. Malgr¨¦ les graves questions politiques et de s¨¦curit¨¦ que les hommes politiques s'efforcent de traiter avec efficacit¨¦, l'importance du d¨¦veloppement durable dans le contexte mondial a ¨¦t¨¦ davantage reconnue et m¨ºme g¨¦n¨¦ralis¨¦e dans certains pays au cours des deux derni¨¨res ann¨¦es.


Les Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD), les initiatives en mati¨¨re de lutte contre la corruption et celles concernant les droits de l'homme et le changement climatique ont contribu¨¦ ¨¤ l'id¨¦e que non seulement une action collective entre les secteurs public et priv¨¦ est n¨¦cessaire pour relever ces d¨¦fis, mais aussi que le d¨¦veloppement durable peut ¨ºtre lucratif pour les entreprises.


Les technologies d'information ont modifi¨¦ notre monde qui est devenu ? plus plat ?, plus petit et plus inclusif (m¨ºme envahissant) n'offrant ni l'espace ni le temps de s'isoler. L'interconnectivit¨¦ engendre une plus grande interd¨¦pendance et une plus grande volatilit¨¦ - les diff¨¦rences culturelles, politiques et ¨¦conomiques sont de plus en plus visibles et donnent lieu ¨¤ des tensions et ¨¤ des conflits. Nous devons donc r¨¦tablir l'¨¦quilibre fragile de nos diverses existences, ce qui n¨¦cessite la remise ¨¤ niveau et la r¨¦vision des normes, directions, structures de gouvernance et priorit¨¦s, ainsi que la participation active et la responsabilit¨¦ partag¨¦e des pays ? Asie + Est ? en d¨¦veloppement, r¨¦sultant en une nouvelle forme de logique et de solidarit¨¦ mondiale. ? Nous ne pouvons plus faire cavalier seul ?.


Vingt ans avant le rapport Brundtland, la course ¨¦tait lanc¨¦e pour envoyer un homme sur la lune - nous y sommes all¨¦s, avons regard¨¦ en arri¨¨re et r¨¦alis¨¦ qu'il nous restait des choses importantes ¨¤ faire sur Terre, alors que 9 milliards de personnes y vivront dans 50 ans, ce qui exercera de graves contraintes sur un capital naturel d¨¦j¨¤ appauvri. De plus, si le monde actuel peut ¨ºtre caract¨¦ris¨¦ comme ? une majorit¨¦ qui survit et une minorit¨¦ qui accumule de la richesse et gaspille ?, il est cependant possible qu'au cours des 50 prochaines ann¨¦es - alors que la prosp¨¦rit¨¦, la cr¨¦ation de richesse dans le monde et la r¨¦alisation des OMD, d'un point de vue optimiste, sont anticip¨¦es - la recherche du profit devienne un ¨¦l¨¦ment moteur dominant, l'autonomisation et la cr¨¦ation d'entreprises rempla?ant la d¨¦pendance actuelle vis-¨¤-vis de l'aide et de la philanthropie.


Cette nouvelle course pour cr¨¦er un monde juste, pacifique et durable a commenc¨¦. Contrairement ¨¤ la course ¨¤ la lune qui a ¨¦t¨¦ financ¨¦e par les gouvernements, la nouvelle course sera essentiellement financ¨¦e par le secteur priv¨¦ et soutenue par des cadres de r¨¦glementation et des incitations ad¨¦quats. Dans ce contexte, nous r¨¦alisons ¨¦galement que nos d¨¦cisions en mati¨¨re d'investissement, ¨¤ la fois dans les secteur priv¨¦ et public, sont fond¨¦es sur un certain nombre de pr¨¦jug¨¦s : nous fonctionnons avec une ? boussole ¨¦conomique d¨¦r¨¦gl¨¦e ?. Nos analyses ne prennent pas ad¨¦quatement en compte l'impact de nos d¨¦cisions. Nous prenons des d¨¦cisions erron¨¦es et surtout, souvent sans le savoir, faisons supporter les cons¨¦quences au reste de la soci¨¦t¨¦, aux g¨¦n¨¦rations futures ou ¨¤ d'autres populations de cette plan¨¨te plut?t que d'int¨¦grer ces ? param¨¨tres externes ? ¨¤ notre ¨¦conomie. Le probl¨¨me des ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre (GES) est devenu une question urgente que les universitaires, les entreprises et les hommes politiques doivent examiner. En outre, le r?le de l'?tat-nation est en jeu. L'internationalisation et la dynamique de la soci¨¦t¨¦ modifient la primaut¨¦ de notre d¨¦mocratie politique vers une forme de gouvernance plus globale, plus instantan¨¦e : ? la d¨¦mocratie du march¨¦ ?, le terme ? march¨¦ ? d¨¦signant les biens et les services offerts ¨¤ tous les peuples, que ce soit dans leur r?le d'¨¦lecteur, d'investisseur, de consommateur ou de travailleur.


Le rapport Brundtland a propos¨¦ une d¨¦finition universelle du d¨¦veloppement durable : c'est ? le d¨¦veloppement qui r¨¦pond aux besoins du pr¨¦sent sans compromettre la capacit¨¦ des g¨¦n¨¦rations futures ¨¤ r¨¦pondre aux leurs ?. Si ces d¨¦finitions sont utiles, elles varient selon les pays et les communaut¨¦s. Pour l'Inde, les questions essentielles peuvent ¨ºtre la r¨¦duction de la pauvret¨¦, l'eau ou la biodiversit¨¦. Pour le Br¨¦sil, il peut s'agir de la d¨¦forestation et de la pau-vret¨¦, pour l'Afrique subsaharienne, l'eau et la paix; pour de nombreux pays en d¨¦veloppement, l'acc¨¨s aux opportunit¨¦s, ¨¤ l'¨¦ducation, au financement et aux march¨¦s; pour l'Union europ¨¦enne (UE), les ?tats-Unis et la Chine, il peut s'agir de la s¨¦curit¨¦ ¨¦nerg¨¦tique et du changement climatique. Au niveau mondial, la question du d¨¦veloppement durable, c'est ? l'¨¦galit¨¦ mondiale ?.


L'heure n'est plus aux paroles mais ¨¤ l'action. Il nous faut modifier nos styles de vie et nos comportements, r¨¦¨¦valuer nos priorit¨¦s environnementales et notre agenda commercial. Collectivement et individuellement, nous faisons tous partie de la solution. ? Voir grand ? certes, mais ? commencer par se concentrer sur de petits projets ¨¤ r¨¦aliser dans sa propre sph¨¨re d'influence ? et ? agir vite ?. Faire sa propre analyse des impacts et agir en cons¨¦quence. Les gouvernements devraient offrir un environnement propice en mettant en place les structures de gouvernance ad¨¦quates, en influen?ant l'orientation des politiques, en supervisant l'¨¦tablissement de cadres r¨¦glementaires, comportant des limites, incitations ou garanties, et en apportant un soutien technologique au stade initial, compl¨¦t¨¦ ensuite par des accords multilat¨¦raux, les Nations Unies jouant un r?le essentiel en mati¨¨re d'organisation. Les groupes de la soci¨¦t¨¦ civile, les universit¨¦s et les m¨¦dias devraient participer ¨¤ la sensibilisation du public et collaborer activement afin de trouver les meilleures solutions. La d¨¦finition des principes de base devrait ¨ºtre int¨¦gr¨¦e dans le syst¨¨me d'¨¦ducation (comme les principes de la Charte de la Terre), dans les op¨¦rations commerciales (comme les principes du Pacte mondial) et dans les codes plus sp¨¦cifiques de l'industrie. L'engagement actif de la ? prochaine g¨¦n¨¦ration ? est crucial.


Le changement climatique est devenu important pour l'agenda du d¨¦veloppement durable. Son impact et les besoins de mesures d'adaptation et d'att¨¦nuation vont au-del¨¤ des questions environnementales. Les effets qui sont pr¨¦vus en font une question mondiale ainsi qu'une question morale, avec des cons¨¦quences importantes en mati¨¨re de d¨¦mographie, d'¨¦galit¨¦ mondiale et m¨ºme de s¨¦curit¨¦. Un rapport publi¨¦ r¨¦cemment par le Groupe d'experts international sur l'¨¦volution du climat (GIEC) a conclu que ? les changements climatiques affectent aujourd'hui les syst¨¨mes physiques et biologiques sur tous les continents ?. Le rapport du Groupe de travail III estime qu'il existe un potentiel ¨¦conomique important pour le commerce d'att¨¦nuation des ¨¦missions mondiales de gaz ¨¤ effet de serre pendant les prochaines d¨¦cennies, qui sont financi¨¨rement abordables par rapport au produit int¨¦rieur brut mondial. Cependant les impacts, et donc les besoins financiers, seront r¨¦partis in¨¦galement dans le monde, le Sud ¨¦tant plus affect¨¦ que le Nord, ce qui pose la question importante de l'? ¨¦galit¨¦ ? mondiale. Les gains obtenus dans le cadre des OMD seront perdus et les cons¨¦quences sur le commerce seront ¨¦galement consid¨¦rables; les valeurs qui seront ¨¤ risque sont les valeurs mat¨¦rielles et les brevets technologiques ou s'appliquant ¨¤ une situation donn¨¦e deviendront obsol¨¨tes.


M¨ºme si une grande partie des investissements publics est n¨¦cessaire pour r¨¦pondre ¨¤ ce d¨¦fi mondial, il ne fait aucun doute que le secteur priv¨¦ fait partie de la solution. Les entreprises doivent voir et verront la lutte contre les changements climatiques sous l'angle des opportunit¨¦s. Il faudra mettre en place un cadre de r¨¦glementation couvrant un grand nombre de pays et de secteurs, qui donnera lieu ¨¤ l'adoption d'une devise commune bas¨¦e sur le march¨¦ : un prix de r¨¦f¨¦rence du carbone. Les op¨¦rations du Syst¨¨me d'¨¦change des ¨¦missions de l'UE et le m¨¦canisme de d¨¦veloppement propre dans le cadre du Protocole de Kyoto ont offert des le?ons pr¨¦cieuses pour un accord futur dans le cadre de la Convention-cadre de l'ONU sur les changements climatiques. Les entreprises doivent ¨¦galement jouer un r?le actif dans la d¨¦finition des actions politiques internationales et locales en faveur du climat.


Le r?le des entreprises est de ? faire les meilleures affaires le mieux possible ? d'abord dans l'int¨¦r¨ºt de leurs clients et dans celui de leurs actionnaires. Leur succ¨¨s et leur comp¨¦titivit¨¦ sont mesur¨¦s par le profit. Les march¨¦s lib¨¦ralis¨¦s leur permettent de r¨¦aliser leurs objectifs strat¨¦giques et financiers. Les informations sur la structure de la gouvernance, l'orientation strat¨¦gique et la performance financi¨¨re permettent aux march¨¦s de juger de la valeur d'une entreprise. Mais les entreprises et le march¨¦ ne peuvent pas fonctionner dans le vide : il faut ¨¦tablir un cadre r¨¦glementaire clair et efficace o¨´ ils peuvent fonctionner. C'est un paradigme traditionnel et, avec un tel cadre, le financement ne devrait pas ¨ºtre un probl¨¨me.


Mais les r¨¦glementations, les entreprises et les march¨¦s sont-ils adapt¨¦s ¨¤ cette fin ? Y a-t-il de nouvelles tendances qu'il faut examiner ? ? La r¨¦alisation de profits par l'entreprise pour le seul b¨¦n¨¦fice des actionnaires ? n'est-elle pas de plus en plus remplac¨¦e par une nouvelle notion de ? cr¨¦ation de valeurs qui n'est plus seulement ¨¤ l'avantage des parties prenantes, mais qu'ils doivent partager ¨¦quitablement ? Dans ce contexte, il convient d'examiner les imp¨¦ratifs et les d¨¦fis suivants :

Valeurs, principes commerciaux, gouvernance. Des normes et une gouvernance faibles dans les secteurs public et priv¨¦ sont des obstacles majeurs ¨¤ la contribution au d¨¦veloppement responsable, durable ? dans leur sph¨¨re d'influence ?. Les initiatives volontaires nationales et internationales men¨¦es dans certains secteurs, comme ceux des ressources naturelles, du b?timent et des finances, sont des ¨¦l¨¦ments moteurs importants qui placent la barre plus haute. Elles cr¨¦ent des normes plus ¨¦lev¨¦es pour les entreprises, exer?ant des pressions sur celles qui sont ¨¤ la tra¨ªne, ainsi qu'une approche fond¨¦e sur des principes, comme le Pacte mondial de l'ONU - l'initiative la plus importante au monde encourageant la citoyennet¨¦ des entreprises avec des participants dans plus de 100 pays.


Divulgation d'informations non financi¨¨res. Les rapports sur le d¨¦veloppement durable, y compris l'empreinte climatique, assurent la performance de march¨¦s orient¨¦s vers l'avenir, comme on peut le voir dans l'Initiative mondiale sur les rapports de performance. Les investisseurs devraient ¨ºtre en mesure d'¨¦valuer non seulement la rentabilit¨¦ financi¨¨re des capitaux, mais aussi le rendement (impact) social et environnemental du capital investi par les entreprises. Ils devraient aussi s'engager ¨¤ faire de meilleures analyses et am¨¦liorer la divulgation d'informations sur l'empreinte carbone et adopter une approche de l'investissement fond¨¦e sur des principes. Les rapports pr¨¦par¨¦s chaque ann¨¦e par les participants au Pacte mondial sur les progr¨¨s dans la mise en ?uvre des droits de l'homme, des politiques du march¨¦ du travail, de l'environnement et de la lutte contre la corruption, sont cruciaux pour permettre aux ? march¨¦s ? d'¨¦valuer les efforts des entreprises en mati¨¨re de d¨¦veloppement durable.

Des produits ¨¤ la cha¨ªne d'approvisionnement. Les grandes entreprises reconnaissent de plus en plus que les pauvres sont une ressource et un march¨¦ tr¨¨s int¨¦ressants et, plus important, une formidable plate-forme d'apprentissage. Les politiques des fournisseurs peuvent ¨ºtre un outil efficace pour mettre en place le d¨¦veloppement durable dans les PME et les microentreprises. Mais o¨´ est le consommateur responsable ? Quand va-t-il se r¨¦veiller ?


Secteur formel vs secteur informel. Un des grands d¨¦fis pour les pays en d¨¦veloppement est de trouver comment int¨¦grer le secteur informel dans l'¨¦conomie formelle afin d'am¨¦liorer leur acc¨¨s aux opportunit¨¦s, sans trop affecter les dynamiques de base existantes.


Nouvelles formes de coalition. Les partenariats public-priv¨¦, les groupes de la soci¨¦t¨¦ civile et les coalitions d'entreprises, ainsi que les alliances constitu¨¦es dans la cha¨ªne d'approvisionnement, d¨¦coulent de la n¨¦cessit¨¦ de plus en plus reconnue de regrouper les approches isol¨¦es. Les facteurs cl¨¦s pour r¨¦aliser un ? retour sur la collaboration ? sont, entre autres, la compr¨¦hension, la confiance et le partage d'objectifs communs.


Nouvelles technologies informatiques et mod¨¨les informatiques pour les entreprises. Elles comprennent par exemple la conservation des ressources naturelles, notamment l'¨¦nergie et l'eau, la s¨¦questration du dioxyde de carbone, l'¨¦nergie renouvelable propre, le d¨¦fi nucl¨¦aire, l'allocation ¨¦quitable des ressources rares et les ¨¦missions de GES.


L'int¨¦gration du d¨¦veloppement durable dans la strat¨¦gie commerciale et l'entreprise sont devenues des facteurs cruciaux, pour des raisons d¨¦fensives ou offensives. Il est difficile d'y ¨¦chapper et les exemples sont d¨¦j¨¤ visibles - les pairs, les consommateurs, les investisseurs et la soci¨¦t¨¦ continueront d'exercer leur pression. Dans une ¨¦poque de changement, les plus performants seront probablement ceux qui apprendront le plus vite, ceux qui seront conscients de la ? valeur des valeurs ? et suffisamment ouverts et souples pour s'adapter et adopter de nouvelles m¨¦thodes. D'ailleurs, comme l'indique le Rapport Stern sur le d¨¦fi climatique, l'inaction pourrait co?ter cher aux entreprises. Le prix du leadership est, toutefois, une source de cr¨¦ation de valeur consid¨¦rable.

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