Sur les 6 milliards d'habitants dans le monde, plus de la moiti¨¦ consomment du riz comme aliment de base. Or, les prix mondiaux du riz augmentent depuis le d¨¦but de 2003. Des augmentations mod¨¦r¨¦es de 9 % en 2006 et de 17 % en 2007 ont ¨¦t¨¦ enregistr¨¦es, mais, depuis le d¨¦but de 2008, les prix internationaux du riz ont montr¨¦ une forte tendance ¨¤ la hausse, refl¨¦tant un acc¨¨s limit¨¦ aux disponibilit¨¦s de riz1. En mars 2008, le riz tha? 100 pour cent B de qualit¨¦ sup¨¦rieure (riz blanc) ¨¦tait cot¨¦ 562 dollars la tonne, soit une augmentation de 74 % depuis mars 2007, et a atteint 898 dollars la tonne ¨¤ la mi-mai 2008. De m¨ºme, le riz tha? A1 super 100 pour cent de brisures, a connu une augmentation soutenue de 94 %, passant de 263 dollars la tonne en mars 2007 ¨¤ 522 dollars en mars 2008, et est mont¨¦ en fl¨¨che pour atteindre 764 dollars la tonne deux mois plus tard. En mai 2008, les prix mondiaux du riz avaient plus que doubl¨¦ par rapport ¨¤ leur niveau de 2007.
Les plus durement touch¨¦s par cette envol¨¦e des prix ont ¨¦t¨¦ les grands pays importateurs de riz, en particulier les Philippines, le premier pays importateur de riz dans le monde. L'augmentation des prix mondiaux a ¨¦galement entra¨ªn¨¦ une hausse des prix int¨¦rieurs du riz, qui ont augment¨¦ de mars 2007 ¨¤ mars 2008 de 100% au Bangladesh et au Cambodge, de 70 % en Afghanistan, de 55 % au Sri Lanka et de 40 % aux Philippines2. Les ¨¦changes de riz repr¨¦sentent seulement 6 ¨¤ 7 % de la production mondiale chaque ann¨¦e1. Ce march¨¦ r¨¦duit explique pourquoi le prix du riz a subi les plus fortes fluctuations parmi les produits de base mondiaux.
La crise du riz caus¨¦e par l'envol¨¦e des prix et les difficult¨¦s d'approvisionnement ont des cons¨¦quences graves. Le riz repr¨¦sente environ 60 % de la consommation alimentaire en Asie du Sud-Est et environ 35 % en Asie de l'Est et du Sud. Selon un rapport de l'Institut international de recherche sur le riz, 700 millions de personnes, soit deux tiers des pauvres de la plan¨¨te, vivent dans les pays producteurs de riz en Asie. Elles d¨¦pensent jusqu'¨¤ 30 ¨¤ 40 % de leurs revenus ¨¤ l'achat de riz seulement. Les pauvres sont donc vuln¨¦rables ¨¤ la flamb¨¦e des prix du riz, car elle diminue consid¨¦rablement leur pouvoir d'achat et entra¨ªne une privation et une malnutrition alimentaires graves2. Au cours des derniers mois, la crise du riz a provoqu¨¦ des troubles sociaux, des manifestations massives et des ¨¦meutes dans plusieurs pays3.
Dans cet article, nous examinerons les causes fondamentales de la crise r¨¦cente du riz et ¨¦valuerons dans quelle mesure la R¨¦serve de riz pour les situations d'urgence de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), la R¨¦serve de riz pour les situations d'urgence en Asie de l'Est et la R¨¦serve pour la s¨¦curit¨¦ alimentaire de l'Association sud-asiatique de coop¨¦ration r¨¦gionale (ASACR) sont efficaces pour faire face aux crises mondiales du riz pass¨¦es et pr¨¦sentes. Nous formulerons aussi des propositions pour constituer une r¨¦serve alimentaire mondiale comme alternative aux r¨¦serves de riz r¨¦gionales existantes. Nous proposerons aussi des mesures pour am¨¦liorer la productivit¨¦ des pays producteurs de riz, renforcer l'information li¨¦e au march¨¦ afin d'accro¨ªtre les stocks et de mieux d¨¦terminer la capacit¨¦ de production et la demande de chaque pays participant et sa contribution ¨¤ la r¨¦serve alimentaire mondiale.

LES CAUSES FONDAMENTALES DE LA CRISE DU RIZ
L'envol¨¦e mondiale des prix du riz sur le march¨¦ international depuis six ans est en grande partie due au d¨¦clin des stocks mondiaux de riz, alors que la consommation mondiale a d¨¦pass¨¦ la capacit¨¦ de production. Depuis dix ans, la consommation mondiale de riz progresse plus rapidement que la production de riz, soit ¨¤ un rythme annuel l¨¦g¨¨rement sup¨¦rieur ¨¤ 2 % contre 1,07 % (tableau 1), ce qui a entra¨ªn¨¦ une chute des stocks de 12 %, qui sont pass¨¦s de 119 millions de tonnes en 2003 ¨¤ 104,5 millions en 2007 (tableau 2). Selon les pr¨¦visions de l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO), les stocks de riz diminueront encore pour atteindre 103,5 millions de tonnes, ce qui implique que la demande surpassera encore plus la capacit¨¦ de production. La Chine d¨¦tient actuellement environ la moiti¨¦ des stocks mondiaux de riz.

LES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
De nombreux facteurs ont contribu¨¦ au d¨¦s¨¦quilibre entre la demande et l'offre. Dans de nombreux pays, la production du riz a ¨¦t¨¦ affect¨¦e par le d¨¦r¨¨glement climatique. La s¨¦cheresse prolong¨¦e en Australie au cours des quatre derni¨¨res ann¨¦es a entra¨ªn¨¦ une chute de la r¨¦colte de riz qui a atteint jusqu'¨¤ 98 % par rapport aux niveaux pr¨¦c¨¦dents. Le cyclone Nargis qui a frapp¨¦ le Myanmar en mai 2008 a d¨¦truit une grande partie de la production de riz paddy en submergeant les rizi¨¨res d'eau sal¨¦e; les inondations importantes au Bangladesh, en 2007, les typhons aux Philippines de 2006 ¨¤ 2008, les temp¨¦ratures anormalement basses au Vietnam et la s¨¦cheresse qui a s¨¦vi en Inde et en Chine en 2002 ont ¨¦galement contribu¨¦ ¨¤ la baisse de la production. De plus, l'insuffisance de la production mondiale de riz est aggrav¨¦e depuis 2005 par la r¨¦surgence des organismes nuisibles et des maladies pendant la saison de croissance. En Chine, en Indon¨¦sie, en R¨¦publique de Cor¨¦e, au Japon et au Vietnam, des temp¨¦ratures anormalement ¨¦lev¨¦es et l'utilisation d'insecticides r¨¦siduels ¨¤ spectre ¨¦tendu, qui perturbent les m¨¦canismes de d¨¦fense naturelle contre les organismes nuisibles, ont aussi contribu¨¦ au d¨¦clin de la production de riz. Rien qu'au Vietnam, ces organismes ont d¨¦truit 200 000 tonnes de riz.
Une autre raison importante du d¨¦s¨¦quilibre persistant entre l'offre et la demande est la faible croissance des rendements de riz, qui depuis dix ans est de moins de 1 % en Asie et dans le monde (tableau 1). En Chine, le premier pays producteur de riz au monde, et au Myanmar, les rendements de riz ont diminu¨¦ respectivement de 0,10 ¨¤ 0,73 % en moyenne au cours des dix derni¨¨res ann¨¦es. Au Japon, ils se sont stabilis¨¦s sur la m¨ºme p¨¦riode, avec une croissance annuelle moyenne de seulement 0,29 %. La Tha?lande, le premier pays exportateur de riz au monde, a enregistr¨¦ un taux de croissance annuel inf¨¦rieur de 1,38 % par rapport ¨¤ celui des Philippines, le premier pays importateur, qui a atteint 3,48 %. En 2007, les rendements de riz de la Tha?lande (2,71 tonnes par hectare) ont ¨¦t¨¦ moins ¨¦lev¨¦s que ceux des Philippines (3,86 tonnes par hectare). Toutefois, la surface totale consacr¨¦e au riz (10 430 hectares) ¨¦tait deux fois et demie plus importante en Tha?lande qu'aux Philippines (4,250 hectares) cette ann¨¦e-l¨¤.
BAISSE DES INVESTISSEMENTS DANS L'AGRICULTURE
Les rendements de riz limit¨¦s sont aussi dus au d¨¦clin des investissements dans la recherche et le d¨¦veloppement de la riziculture et dans les infrastructures agricoles de nombreux pays producteurs de riz. Comme l'indique le rapport de l'Institut international de recherche sur le riz, les bailleurs de fonds internationaux n'ont pas apport¨¦ un soutien suffisant ¨¤ la recherche et au d¨¦veloppement agricole. Sans une aide ext¨¦rieure importante, ce probl¨¨me est aggrav¨¦, car le manque de capitaux emp¨ºche de nombreux gouvernements de soutenir ce secteur et de maintenir les syst¨¨mes d'irrigation. En Asie, l'investissement public annuel destin¨¦ ¨¤ l'agriculture a connu un taux de croissance annuel de 3,9 % dans les ann¨¦es 1990, en comparaison de 4,3 % dans les ann¨¦es 1980. En 2000, seulement 0,4 % du produit national brut ¨¦tait consacr¨¦ ¨¤ la recherche et au d¨¦veloppement dans les pays asiatiques, en comparaison de 0,53 % dans l'ensemble des pays en d¨¦veloppement et de 2,36 % dans les pays d¨¦velopp¨¦s5.
En outre, la hausse des prix des engrais, du carburant et de l'¨¦nergie ont entra¨ªn¨¦ une augmentation des co?ts de production de riz. Avec l'introduction de vari¨¦t¨¦s de riz ¨¤ rendement ¨¦lev¨¦ qui n¨¦cessitent le recours aux engrais non organiques et ¨¤ l'irrigation, la production mondiale de riz est devenue une industrie ¨¤ haute intensit¨¦ ¨¦nerg¨¦tique.
PRIX DE L'?NERGIE ?LEV?S
Une ¨¦tude asiatique de la Banque mondiale r¨¦alis¨¦e en 2008 r¨¦v¨¨le que les prix mondiaux de l'¨¦nergie ont rapidement augment¨¦ dans les ann¨¦es 2002/07, avec une hausse annuelle du prix du p¨¦trole d'environ 10 dollars par baril en termes nominaux. Malgr¨¦ d'importantes subventions dans les pays asiatiques, les prix de l'¨¦nergie ont enregistr¨¦ une hausse de 20 ¨¤ 50 % dans ces pays et les co?ts des engrais, de l'irrigation et des transports une hausse de 30 ¨¤ 50 %. Une ¨¦tude financ¨¦e par la Banque mondiale6 note ¨¦galement que la hausse des prix de l'¨¦nergie et la chute du dollar ont entra¨ªn¨¦ une hausse des prix des denr¨¦es alimentaires d'environ 35 %. Aux Philippines, l'augmentation de 24 % du prix ¨¤ la production du riz paddy et du prix en gros du riz blanc de janvier 2006 ¨¤ mars 2008 a en grande partie ¨¦t¨¦ due au co?t des engrais d'ur¨¦e qui a enregistr¨¦ une hausse de 17 %. Ceci montre que la flamb¨¦e des prix des engrais a contribu¨¦ aux pressions inflationnistes exerc¨¦es sur le prix des denr¨¦es alimentaires.
PERTE DES RIZI?RES
Une autre raison de la faible croissance de la production mondiale de riz est la conversion des rizi¨¨res en zones industrielles et r¨¦sidentielles dans de nombreux pays producteurs. La surface cultiv¨¦e en riz a seulement augment¨¦ de 0,22 % dans le monde et de 0,21 % en Asie (tableau 1) dans les dix derni¨¨res ann¨¦es. Des pays comme le Japon, la Chine et le Vietnam, sous la pression d'une urbanisation et d'une industrialisation rapides, ont r¨¦duit respectivement de 1,5 %, 0,67 % et de 0,03 % la surface des terres consacr¨¦es ¨¤ la culture de riz. En dix ans, la Chine a perdu 8,8 millions d'hectares. De m¨ºme, en Australie, la superficie cultiv¨¦e en riz a ¨¦t¨¦ r¨¦duite ¨¤ 6 000 hectares, apr¨¨s avoir atteint jusqu'¨¤ 126 000 hectares7. De leur c?t¨¦, le Br¨¦sil, l'Inde, l'Indon¨¦sie et la Tha?lande ont affich¨¦ des taux de croissance des surfaces cultiv¨¦es en riz de moins de 1 % sur la m¨ºme p¨¦riode, ce qui refl¨¨te une r¨¦duction des terres agricoles pour une production croissante de riz. Bien qu'aux Philippines, la superficie des terres cultiv¨¦es en riz ait augment¨¦ de 2 % depuis 1997, pr¨¨s de la moiti¨¦ des terres irrigu¨¦es ont ¨¦t¨¦ perdues au cours des 20 derni¨¨res ann¨¦es ¨¤ cause de l'urbanisation croissante.
En ce qui concerne la demande, la croissance d¨¦mographique, associ¨¦e ¨¤ une demande croissante et ¨¤ une production limit¨¦e en Afrique et au Moyen-Orient, a contribu¨¦ au d¨¦s¨¦quilibre entre l'offre et la demande mondiales de riz et ¨¤ la hausse du prix de cette c¨¦r¨¦ale. Le taux annuel de la croissance d¨¦mographique de 1,14 % depuis 1997 a engendr¨¦ une forte hausse annuelle de la consommation mondiale de riz de 2,05 % (tableau 1). La consommation mondiale est pass¨¦e de 420 millions de tonnes en 2005 ¨¤ 435,7 millions en 2007 - une augmentation de 3,7 % (tableau 2). Selon les estimations de la FAO, la demande mondiale de riz a augment¨¦ d'environ 5 millions de tonnes par an.
C'est en Afrique que la consommation annuelle de riz a connu la plus forte hausse (3,92 %), en comparaison de l'Asie (1,01 %). Sur les deux continents, la consommation de riz a d¨¦pass¨¦ la production. Selon la FAO, bien que l'Afrique repr¨¦sente seulement 13 % de la population mondiale, elle importe pr¨¨s d'un tiers de la totalit¨¦ du riz. De mani¨¨re plus sp¨¦cifique, l'Afrique sub-saharienne importe 40 % de riz pour ses besoins, alors que l'Afrique de l'Ouest en importe jusqu'¨¤ 67 %.
Le Bangladesh, l'Indon¨¦sie, les Philippines et le Vietnam figurent parmi les pays producteurs de riz qui ont enregistr¨¦ la croissance d¨¦mographique la plus rapide et la consommation de riz la plus ¨¦lev¨¦e. En revanche, la Chine et le Japon ont enregistr¨¦ une croissance n¨¦gative de la consommation de riz et des taux de croissance d¨¦mographique annuels tr¨¨s faibles sur la m¨ºme p¨¦riode (0,05 % au Japon et 0,58 % en Chine). En plus d'une faible croissance d¨¦mographique, la baisse de la consommation de riz dans ces pays est aussi due ¨¤ l'augmentation des revenus qui aurait encourag¨¦ les gens ¨¤ consommer davantage de viande et de produits laitiers.
INTERDICTIONS D'IMPORTATION ET CONS?QUENCES IMPR?VUES
Pour contr?ler la hausse des prix nationaux des produits de base, ¨¦viter des troubles sociaux et assurer la disponibilit¨¦ du riz pour la consommation nationale, un certain nombre de pays exportateurs de riz importants, dont le Cambodge, la Chine, l'?gypte, l'Inde, le Pakistan et le Vietnam, ont impos¨¦ ¨¤ partir d'octobre 2007 des restrictions strictes ¨¤ l'exportation, des taxes ¨¤ l'exportation, des seuils ou des prix minimums. M¨ºme des importateurs de riz traditionnels comme le Br¨¦sil et l'?quateur ont prot¨¦g¨¦ leurs r¨¦serves de riz nationales. L'Indon¨¦sie a pr¨¦lev¨¦ une nouvelle taxe sur ses exportations de riz afin de d¨¦courager les exportations. Parmi les grands exportateurs de riz, seuls la Tha?lande et les ?tats-Unis ont export¨¦ du riz sans imposer de contraintes; bien que ces deux pays produisent seulement 6 % des cultures mondiales de riz, ils repr¨¦sentent environ 45 % des exportations de riz dans le monde8.
Avec ces restrictions ¨¤ l'exportation, les exportations mondiales de riz ont chut¨¦ de 31 000 millions ¨¤ 28,7 millions de tonnes en 2007 (tableau 2). Comme le march¨¦ du riz est peu d¨¦velopp¨¦ et que les exportations sont assur¨¦es par une poign¨¦e de pays, les mesures adopt¨¦es r¨¦cemment pour limiter les ventes internationales ont gravement fauss¨¦ le m¨¦canisme normal des ¨¦changes, limit¨¦ l'approvisionnement mondial de riz et engendr¨¦ une hausse des prix. Selon la FAO, la r¨¦duction de l'offre de riz a provoqu¨¦ de nombreux manquements des exportateurs, qui n'ont pas honor¨¦ les contrats. Par exemple, deux fournisseurs cambodgiens de riz n'ont pas honor¨¦ leurs contrats avec le Programme alimentaire mondial d¨¦clarant que les nouveaux prix plus ¨¦lev¨¦s compenseraient l'amende encourue pour le non-respect du contrat.
Les pays importateurs les plus importants - le Bangladesh, le Nigeria et les Philippines - ont ¨¦t¨¦ durement frapp¨¦s par la hausse des prix caus¨¦e en partie par les restrictions ¨¤ l'exportation impos¨¦es par certains pays producteurs de riz. Les Philippines importent environ 15 % de leur approvisionnement total de riz. De plus, la constitution de r¨¦serves, suite ¨¤ la sp¨¦culation des prix dans certains pays producteurs de riz, a limit¨¦ l'approvisionnement national et fait monter les prix. En Tha?lande, des meuniers de riz n'ont pas honor¨¦ les contrats d'approvisionnement avec les exportateurs afin de tirer profit des prix ¨¦lev¨¦s.
DEMANDE EN BIO?NERGIE
Face aux prix ¨¦lev¨¦s du p¨¦trole enregistr¨¦s ces derni¨¨res ann¨¦es et ¨¤ la pollution caus¨¦e par le diesel et/ou le p¨¦trole utilis¨¦s dans les transports, les gouvernements des pays d¨¦velopp¨¦s et des pays en d¨¦veloppement investissent rapidement dans d'autres sources d'¨¦nergie, comme l'¨¦thanol produit ¨¤ partir de la canne ¨¤ sucre, du manioc et du sorgho sucr¨¦, ou le biodiesel produit ¨¤ partir de la noix de coco et de l'huile de palme. Le d¨¦veloppement des cultures marchandes au d¨¦triment des cultures vivri¨¨res, qui repr¨¦sentent des march¨¦s lucratifs en termes d'utilisation des terres, a exacerb¨¦ encore plus la crise alimentaire. Toutefois, les ¨¦tudes ont montr¨¦ que ce changement ne devrait pas avoir un impact sur les prix du riz, car celui-ci n'est pas utilis¨¦ dans la production des biocarburants, contrairement ¨¤ d'autres c¨¦r¨¦ales ou graines ol¨¦agineuses. D'autre part, il n'est pas facile de convertir les terres allou¨¦es ¨¤ la culture du riz en terres destin¨¦es ¨¤ la production de biocarburants5. Toutefois, le prix du bl¨¦ est ¨¦troitement li¨¦ au prix du riz, ces deux c¨¦r¨¦ales se substituant dans la consommation et les importations.
N?CESSIT? D'UNE COOP?RATION MULTILAT?RALE
La r¨¦duction des approvisionnements de riz a pouss¨¦ les pays touch¨¦s ¨¤ adopter des mesures ¨¤ court terme pour stabiliser les prix. Ces mesures comprennent des restrictions aux exportations de riz, la distribution de nourriture sur une plus grande ¨¦chelle, une augmentation de l'aide ¨¤ la consommation, le maintien du contr?le des prix et la criminalisation de l'accumulation de stocks. Malgr¨¦ ces mesures, la gravit¨¦ de la crise du riz rend l'action nationale inad¨¦quate et n¨¦cessite une coop¨¦ration multilat¨¦rale.
La cr¨¦ation de r¨¦serves alimentaires r¨¦gionales ou mondiales envisag¨¦e dans le long terme permettrait de stabiliser les variations extr¨ºmes des prix du riz sur le march¨¦ international. Ces r¨¦serves sont constitu¨¦es de stocks de riz et d'autres c¨¦r¨¦ales alimentaires (comme le bl¨¦ et le ma?s) fournis par le biais de dons ou d'achats aupr¨¨s des pays qui sont de larges producteurs de riz afin de pourvoir aux besoins des pays qui sont confront¨¦s ¨¤ des probl¨¨mes d'approvisionnement caus¨¦s par la famine, les typhons et l'apparition d'organismes nuisibles et de maladies. Les r¨¦serves alimentaires seraient constitu¨¦es pendant les p¨¦riodes de r¨¦coltes abondantes et de bas prix et ouvertes aux pays ¨¤ d¨¦ficit vivrier, ce qui les prot¨¨gerait contre la hausse des prix.
R?SERVES ALIMENTAIRES MONDIALES : LEUR EFFICACIT?
Le riz est la c¨¦r¨¦ale de base la plus importante en Asie. En 2007, environ 91 % de la production mondiale de riz et 76 % des exportations de riz provenaient d'Asie8. Le succ¨¨s de la mise en ?uvre d'une r¨¦serve alimentaire r¨¦gionale d¨¦pend donc dans une large mesure de la coop¨¦ration multilat¨¦rale parmi les pays de la r¨¦gion.
Trois plans ont ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦s en Asie pour constituer des r¨¦serves de riz pour les situations d'urgence : la R¨¦serve de riz pour les situations d'urgence de l'ANASE, la R¨¦serve de riz pour les situations d'urgence en Asie de l'Est (EAERR) et la R¨¦serve alimentaire de l'Association sud-asiatique pour la coop¨¦ration r¨¦gionale (ASACR).
R?SERVES DE RIZ POUR LES SITUATIONS D'URGENCE DE l'ANASE
Ce plan a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦ dans le cadre de l'Accord sur les r¨¦serves alimentaires d'urgence de l'ANASE, sign¨¦ en 1979 par les ministres des Affaires ¨¦trang¨¨res de l'ANASE. Dans ce cadre de cet accord, les cinq pays membres fondateurs de l'ANASE (Indon¨¦sie, Malaisie, Philippines, Singapour et Tha?lande) se sont engag¨¦s sur une base volontaire ¨¤ constituer un stock commun de riz pour la r¨¦gion, avec comme objectif principal de r¨¦pondre aux situations d'urgence caus¨¦es par les catastrophes extr¨ºmes et impr¨¦vues, qu'elles soient naturelles ou provoqu¨¦es par l'homme. L'accord ne visait pas ¨¤ combler les d¨¦ficits continus des pays membres, qui ¨¦taient g¨¦n¨¦ralement compens¨¦s par les importations. Les r¨¦serves initiales de riz s'¨¦levaient ¨¤ 50 000 tonnes : la Tha?lande a fourni 15 000 tonnes, l'Indon¨¦sie 12 000 tonnes et les Philippines 12 000 tonnes, la Malaisie 6 000 tonnes et Singapour 5 000 tonnes. Quand le Brun¨¦i Darussalam et le Vietnam sont devenus membres de l'anase, apportant respectivement 3 000 tonnes et 14 000 tonnes, la r¨¦serve comprenait 67 000 tonnes en 1997. Mais malgr¨¦ ses quelque 27 ans d'existence, elle n'a pas augment¨¦ de mani¨¨re sensible, atteignant seulement 87 000 tonnes. En fait, elle ne suffisait m¨ºme pas ¨¤ fournir aux populations des dix pays membres de l'anase une ration de riz pour une demi-journ¨¦e9.

La r¨¦serve de riz d'urgence de l'ANASE n'ayant jamais ¨¦t¨¦ op¨¦rationnalis¨¦e et les stocks ¨¦tant insuffisants pour r¨¦pondre aux besoins d'urgence, l'Agence japonaise de coop¨¦ration internationale a charg¨¦ une ¨¦quipe d'¨¦tudier la situation. Celle-ci a recommand¨¦ la cr¨¦ation d'un projet pilote de trois ans pour la constitution d'une r¨¦serve de riz d'urgence pour l'Asie de l'Est semblable ¨¤ la r¨¦serve d'urgence de l'ANASE.

R?SERVE DE RIZ POUR LES SITUATIONS D'URGENCE EN ASIE DE L'EST
La r¨¦serve, approuv¨¦e en 2003, est un m¨¦canisme r¨¦gional de coop¨¦ration parmi les pays de l'ANASE plus la Chine, le Japon et la R¨¦publique de Cor¨¦e (l'ANASE plus 3). Le projet pilote de trois ans, qui a d¨¦but¨¦ en mars 2004, a ¨¦t¨¦ prolong¨¦ jusqu'en mars 2008. Bien que la r¨¦serve de riz d'urgence pour l'Asie de l'Est ait suivi en grande partie le mod¨¨le de l'ASANE, certains changements structurels et op¨¦rationnels ont ¨¦t¨¦ apport¨¦s (tableau 3). En plus des initiatives prises par l'anase, elle a adopt¨¦ des mesures pour assurer la s¨¦curit¨¦ alimentaire au sein de la r¨¦gion et renforcer les relations commerciales entre les pays membres et le reste du monde.
La r¨¦serve a ¨¦galement inclus un m¨¦canisme d¨¦taill¨¦ sur le d¨¦blocage des stocks et la distribution de riz dans les situations d'urgence dans le cadre de divers programmes, ¨¤ savoir les ¨¦changes commerciaux en cas d'urgence, l'aide alimentaire sous forme de pr¨ºts ¨¤ court ou ¨¤ long terme et la r¨¦duction de la pauvret¨¦. Outre ses objectifs de s¨¦curit¨¦ alimentaire, elle a ¨¦galement encourag¨¦ le commerce intra et interr¨¦gional et renforc¨¦ la comp¨¦titivit¨¦ des pays membres par le transfert de la technologie, la coop¨¦ration r¨¦gionale et la participation du secteur priv¨¦9. De plus, la r¨¦serve r¨¦pond aux probl¨¨mes d'approvisionnement pendant les situations d'urgence et normales et maintient des stocks physiques plut?t que des stocks th¨¦oriques.
Dans le cadre du programme de l'Asie de l'Est, chaque pays membre de l'ANASE plus 3 s'engage ¨¤ fournir une quantit¨¦ sp¨¦cifique de riz et contribue au stock d'urgence. Un des avantages de ce plan par rapport au mod¨¨le de l'anase est la mise en place d'une ¨¦quipe de gestion qui ¨¦value les conditions d¨¦ficitaires ou exc¨¦dentaires dans les pays membres et transf¨¨re les stocks entre les pays pendant une situation alimentaire d'urgence10. En cas d'urgence, cette ¨¦quipe pourrait puiser dans la r¨¦serve de riz d'un pays et la transf¨¦rer ¨¤ un autre pays confront¨¦ ¨¤ une catastrophe et dont les r¨¦serves d'urgence d¨¦passent les stocks pr¨¦vus. Les co?ts de transport et les co?ts op¨¦rationnels seraient toutefois ¨¤ la charge du pays en difficult¨¦.
COMPARAISON ENTRE LES PROGRAMMES
Ces deux programmes diff¨¨rent aussi en mati¨¨re de supervision et de coordination. Dans le cadre de la r¨¦serve de riz d'urgence de l'ANASE, la responsabilit¨¦ de la coordination n'incombait ¨¤ aucun pays sp¨¦cifique. Au lieu, la pr¨¦sidence du Comit¨¦ de la R¨¦serve de riz d'urgence de l'anase ¨¦tait assur¨¦e par roulement. Puisqu'il n'y avait pas de budget sp¨¦cifique allou¨¦ ¨¤ la r¨¦serve, les pays membres comme le Brun¨¦i Darussalam, l'Indon¨¦sie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Tha?lande et le Vietnam s'engageaient ¨¤ alimenter le stock de r¨¦serves de riz par des contributions volontaires. Contrairement au programme de l'ANASE, le projet pilote d'une r¨¦serve de riz d'urgence pour l'Asie de l'Est a ¨¦t¨¦ mis en ?uvre avec un pays coordonnateur, le Japon, qui a fourni un budget de 40 millions de yens ou 380 000 dollars pour financer les d¨¦penses du Secr¨¦tariat en 2004/059. La Tha?lande a ¨¦galement fait des contributions en nature. Avec le Japon comme acteur de premier plan et fournisseur des ressources financi¨¨res, on a estim¨¦ que les processus et les m¨¦canismes seraient adopt¨¦s pour mettre en ?uvre le nouveau mod¨¨le de r¨¦serve r¨¦gionale d'urgence, avec des r¨¦sultats concrets ¨¤ la cl¨¦. Les relations commerciales devraient ¨ºtre florissantes entre les pays membres et le reste du monde.
Bien que les deux programmes mettent l'accent sur le commerce du riz, le programme de l'anase ne comprend pas d'initiatives pour am¨¦liorer la productivit¨¦ de riz dans les pays membres qui connaissent des p¨¦nuries de riz de mani¨¨re chronique. La r¨¦serve pour l'Asie de l'Est reconna¨ªt cependant qu'il faudrait envisager des interventions pour assurer le transfert de la technologie et accro¨ªtre les investissements dans l'agriculture pour am¨¦liorer la productivit¨¦ de riz et la comp¨¦titivit¨¦ internationale.
Dans quelle mesure ces deux programmes ont-ils ¨¦t¨¦ efficaces ? En raison de la quantit¨¦ n¨¦gligeable des r¨¦serves de riz, la r¨¦serve de riz d'urgence de l'anase n'a pas ¨¦t¨¦ en mesure de r¨¦pondre aux situations alimentaires d'urgence dans la r¨¦gion de l'Asie du Sud-Est. Ne pouvant ¨ºtre utilis¨¦e qu'en cas d'urgence, les pays membres n'y ont pas eu recours, craignant peut-¨ºtre qu'admettre une crise alimentaire pourrait causer des troubles sociaux et affaiblir la situation politique du pays en difficult¨¦ dans la r¨¦gion9. C'est ce qui s'est produit en Indon¨¦sie en 1997 lors de la grave p¨¦nurie de riz : au lieu de puiser dans la r¨¦serve de riz d'urgence, le gouvernement a obtenu des pr¨ºts du Fonds mon¨¦taire international et de la Banque mondiale afin d'importer de la nourriture d'autres pays comme la Tha?lande et le Vietnam. De plus, de par la nature bilat¨¦rale des m¨¦canismes mis en place pour traiter les demandes d'acc¨¨s aux stocks de riz r¨¦serv¨¦s, les conditions et le prix de la transaction ¨¦taient impos¨¦es par le pays fournisseur. Un pays confront¨¦ ¨¤ une p¨¦nurie de riz ¨¦tait donc ¨¤ la merci de son voisin mieux loti, puisque l'anase ne jouait pas de r?le dans les n¨¦gociations commerciales. La r¨¦serve de riz d'urgence semble ¨ºtre plus b¨¦n¨¦fique pour le Japon et la Tha?lande, qui ont fermement soutenu son adoption. Les autres pays ont pris part ¨¤ la phase pilote, en grande partie pour des raisons diplomatiques et pour optimiser les ressources rendues disponibles par le Japon. Pour la Tha?lande, qui est l'un des plus grands pays producteurs mondiaux de riz, la r¨¦serve pour l'Asie de l'Est repr¨¦sente un march¨¦ potentiel pour ses exportations de riz, ¨¦tant donn¨¦ la concurrence serr¨¦e sur le march¨¦ mondial. Pour le Japon en revanche, qui est oblig¨¦ d'importer du riz en vertu d'accords avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le programme est une fa?on de prot¨¦ger le march¨¦ japonais du riz. D¨¦tenir un stock important de riz import¨¦ dans son march¨¦ aura un impact n¨¦gatif sur les producteurs de riz japonais, mais la r¨¦serve pour l'Asie de l'Est permettra au Japon d'avoir un deuxi¨¨me approvisionnement en riz en cas de demande dans son march¨¦ tout en se conformant ¨¤ son engagement ¨¤ l'¨¦gard de l'omc.
R?SERVE DE S?CURIT? ALIMENTAIRE DE L'ASACR La R¨¦serve alimentaire de l'Association sud-asiatique pour la coop¨¦ration r¨¦gionale (ASACR) a ¨¦t¨¦ ¨¦galement con?ue sur le mod¨¨le du fonds de r¨¦serve d'urgence en riz de l'ANASE. Elle est entr¨¦e en vigueur en 1988 pour r¨¦pondre aux situations d'urgence des pays membres fondateurs : le Bangladesh, le Bhoutan, l'Inde, les Maldives, le N¨¦pal, le Pakistan et le Sri Lance. La r¨¦serve s'¨¦levait ¨¤ 241 580 tonnes de riz et de bl¨¦.
Le Conseil de l'asacr, compos¨¦ de repr¨¦sentants des pays membres, est charg¨¦ d'examiner et d'¨¦valuer p¨¦riodiquement la situation alimentaire dans la r¨¦gion, notamment la production, la consommation, le commerce, les prix, la qualit¨¦ et les stocks des c¨¦r¨¦ales alimentaires. Il se r¨¦unit une fois par an pour ¨¦valuer la situation alimentaire g¨¦n¨¦rale en Asie du Sud et dans les autres pays du monde.
Similaire ¨¤ la r¨¦serve de riz de l'anase, la r¨¦serve de l'ASACR a rencontr¨¦ les m¨ºmes probl¨¨mes. L'un des probl¨¨mes venait du fait que dans les situations d'urgence, la coop¨¦ration bilat¨¦rale l'emportait sur la coop¨¦ration r¨¦gionale. Par exemple, en 2006, l'Inde a soutenu le Sri Lanka et le Bangladesh pour les aider ¨¤ faire face aux p¨¦nuries11. Un autre probl¨¨me concerne la non-utilisation de la r¨¦serve malgr¨¦ les situations alimentaires d'urgence dans certains pays membres12. Le processus compliqu¨¦ et les conditions op¨¦rationnelles difficiles sont la raison principale du mauvais fonctionnement de ce programme. L'une des conditions principales pour utiliser les c¨¦r¨¦ales alimentaires de l'asacr ¨¦tait qu'un pays membre d¨¦clare une situation d'urgence nationale, or aucun gouvernement n'¨¦tait pr¨ºt ¨¤ le faire pour puiser dans les r¨¦serves.
Pour surmonter les insuffisances de la r¨¦serve de s¨¦curit¨¦ alimentaire de l'ASACR et am¨¦liorer sa performance, les pays membres ont conclu un accord en 2007 lors du 14e Sommet de l'ASACR afin de cr¨¦er une banque alimentaire de l'asacr pour la s¨¦curit¨¦ alimentaire et le d¨¦veloppement agricole ¨¤ long terme. L'Afghanistan est devenu membre de l'asacr cette ann¨¦e-l¨¤. Le champ d'action de l'Association a ¨¦t¨¦ ¨¦largi au-del¨¤ des situations d'urgence pour agir non seulement comme r¨¦serve de s¨¦curit¨¦ alimentaire r¨¦gionale pendant les situations d'urgence, mais aussi pour apporter un appui r¨¦gional aux efforts nationaux de s¨¦curit¨¦ alimentaire, encourager l'int¨¦gration r¨¦gionale et r¨¦soudre les p¨¦nuries alimentaires r¨¦gionales par une action collective12.
La Banque alimentaire de l'ASACR disposera de 241 580 tonnes de r¨¦serves de riz et de bl¨¦, dont le Bangladesh fournira 40 000 tonnes, le Bhoutan 180 tonnes, l'Inde 153 200 tonnes, les Maldives 200 tonnes, le N¨¦pal 4 000 tonnes, le Pakistan 40 000 tonnes et le Sri Lanka 4 000 tonnes. La part de l'Afghanistan sera ¨¦tablie plus tard. En plus de la r¨¦serve nationale, les stocks resteront la propri¨¦t¨¦ des pays membres. Les c¨¦r¨¦ales alimentaires seront stock¨¦es dans les installations de stockage respectives13. D¨¨s qu'un pays membre de l'asacr fera face ¨¤ une p¨¦nurie, il pourra puiser dans son propre stock pour r¨¦pondre ¨¤ une situation d'urgence. Si la quantit¨¦ est insuffisante pour faire face ¨¤ la demande, le pays aura acc¨¨s ¨¤ un pr¨ºt lui permettant de se procurer des c¨¦r¨¦ales alimentaires dans un pays voisin membre de l'ASACR. Le pays qui a recours ¨¤ la banque alimentaire n'aura rien ¨¤ d¨¦bourser mais il devra r¨¦approvisionner le site de c¨¦r¨¦ales alimentaires une fois que la crise sera termin¨¦e.
De plus, l'accord de l'ASACR comprend des principes g¨¦n¨¦raux concernant la fixation du prix des c¨¦r¨¦ales alimentaires et les conditions de paiement12. Ils seront ¨¦tablis dans le cadre de n¨¦gociations directes entre les pays membres concern¨¦s appliquant les directives sur la fixation des prix, comme elles sont p¨¦riodiquement approuv¨¦es par le Conseil de la banque mondiale de l'asacr. L'accord de l'asacr vise ¨¤ rationaliser et ¨¤ am¨¦liorer les dispositions concernant les proc¨¦dures de retrait et de d¨¦blocage des c¨¦r¨¦ales. Il d¨¦finit le r?le du conseil de l'ASACR dans la gestion de la banque alimentaire. L'accent est mis sur la coop¨¦ration multinationale plut?t que sur des arrangements bilat¨¦raux et la participation du secteur priv¨¦ est encourag¨¦e.
Aujourd'hui, la banque alimentaire de l'ASACR n'est pas encore enti¨¨rement op¨¦rationnelle, seuls le Bangladesh, l'Inde, le Pakistan et le Sri Lanka ayant ratifi¨¦ jusqu'¨¤ ce jour la d¨¦claration de cr¨¦ation. La mise en ?uvre n¨¦cessitera la construction de nouveaux entrep?ts dans les pays membres, l'achat de c¨¦r¨¦ales alimentaires suppl¨¦mentaires aux niveau local et international ainsi que le d¨¦veloppement d'un r¨¦seau administratif et de distribution.
UNE R?SERVE ALIMENTAIRE MONDIALE G?R?E PAR LES NATIONS UNIES
?tant donn¨¦ les r¨¦serves de s¨¦curit¨¦ alimentaire limit¨¦es de l'ANASE et de l'ASACR pour l'Asie de l'Est, nous recommandons la cr¨¦ation d'une r¨¦serve alimentaire mondiale. Contrairement aux trois programmes de r¨¦serve existants qui sont ax¨¦s sur l'utilisation des r¨¦serves exclusivement dans les situations d'urgence et pour l'aide humanitaire mais qui n'ont pas inclus la stabilisation des prix comme un des objectifs majeurs, la proposition d'une r¨¦serve alimentaire mondiale comprendrait un double objectif : stabiliser les prix des denr¨¦es alimentaires, en particulier du riz, sur le march¨¦ mondial en utilisant le stock pour maintenir une fourchette de prix (limite sup¨¦rieure et inf¨¦rieure) et fournir une aide imm¨¦diate aux pays faisant face ¨¤ une catastrophe. Lorsque les prix baissent, le bas de la fourchette serait une s¨¦curit¨¦ pour les agriculteurs des pays exportateurs. Inversement, le haut de la fourchette prot¨¨gerait les consommateurs des pays ¨¤ d¨¦ficit vivrier ou des pays importateurs contre les effets n¨¦gatifs de la hausse des prix sur le march¨¦ mondial.
Le Programme alimentaire mondial (PAM), de par son exp¨¦rience en mati¨¨re de gestion de stocks alimentaires, est l'organisme qui semble le mieux habilit¨¦ ¨¤ g¨¦rer le projet d'une r¨¦serve alimentaire mondiale. De plus, il a particip¨¦ activement aux initiatives de soutien ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire pour les pays les moins avanc¨¦s, qui comptent une grande proportion des populations vuln¨¦rables et pauvres. Le stock initial serait constitu¨¦ de riz, puis d'autres c¨¦r¨¦ales, comme le bl¨¦ et le ma?s. Pour appuyer le pam dans sa gestion du programme, nous proposons la cr¨¦ation d'un service mondial de renseignements dont le r?le principal serait de fournir des conseils pour aider le PAM ¨¤ avoir acc¨¨s aux stocks d'urgence au moment voulu ainsi que de cr¨¦er et de mettre en place un syst¨¨me de fourchette de prix dynamique14.
La r¨¦serve alimentaire mondiale comprendrait trois caract¨¦ristiques importantes diff¨¦rentes des trois r¨¦serves de riz existantes. Premi¨¨rement, les stocks physiques seraient d¨¦tenus, contr?l¨¦s et g¨¦r¨¦s par le PAM, contrairement aux programmes de r¨¦serves de riz existants dont les stocks r¨¦serv¨¦s sont d¨¦tenus et contr?l¨¦s par les pays membres et d¨¦bloqu¨¦s en cas de catastrophes et dans les situations d'urgence. Deuxi¨¨mement, l'acc¨¨s des pays ¨¤ la r¨¦serve alimentaire mondiale serait r¨¦gi par des r¨¨gles et des r¨¦glementations transparentes et non discriminatoires mises en place par le pam. Les probl¨¨mes li¨¦s aux n¨¦gociations bilat¨¦rales dans le cadre des programmes existants, qui d¨¦savantagent les pays importateurs, seraient donc ¨¦vit¨¦s. Troisi¨¨mement, la r¨¦serve alimentaire mondiale serait charg¨¦e de localiser les stocks soit dans les pays vuln¨¦rables aux catastrophes soit dans les pays voisins. Dans les programmes de r¨¦serves de riz existants, les pays ¨¤ d¨¦ficit vivrier n'ont pas acc¨¨s ¨¤ des stocks suppl¨¦mentaires pouvant ¨ºtre imm¨¦diatement disponibles en cas d'urgence puisque les pays participants ont conserv¨¦ les stocks pr¨¦vus dans leur pays respectif.
La r¨¦serve alimentaire mondiale serait ¨¦tablie par le biais de contributions volontaires, comme des esp¨¨ces, des stocks de riz ou des services d'h¨¦bergement. Les d¨¦penses encourues par le pays auquel serait confi¨¦ l'entreposage, le maintien, le r¨¦approvisionnement et la gestion des stocks seraient consid¨¦r¨¦es comme une contribution au programme. Dans le cadre de ce nouveau programme, le PAM pourra ¨¦galement acheter, vendre, emprunter et accepter les d¨¦p?ts de stocks de riz.
Augmenter la productivit¨¦ de riz : La r¨¦serve alimentaire mondiale propos¨¦e doit ¨ºtre durable. Pour ce faire, il faudra r¨¦duire les ¨¦carts entre l'offre et la demande dans les pays en d¨¦ficit vivrier en augmentant la productivit¨¦ alimentaire. ?tant donn¨¦ qu'il est difficile d'¨¦tendre les terres destin¨¦es ¨¤ la culture du riz ¨¤ cause de l'urbanisation rapide ou de la conversion des terres ¨¤ d'autres cultures, il est peu probable que leur surface totale augmente. Le surcro¨ªt de production viendra donc principalement de l'augmentation des rendements. L'augmentation de la croissance par le biais de la productivit¨¦ n¨¦cessite une solution ¨¤ long terme, qui doit ¨ºtre mise en place afin d'¨¦viter des famines de grande ampleur.
Selon l'Institut international de recherche sur le riz15, il existe un ¨¦cart entre le rendement potentiel et le rendement r¨¦el du riz. Selon les diverses conditions des terres, la plupart des rizi¨¨res pr¨¦sentent un potentiel inexploit¨¦ de 1 ¨¤ 2 tonnes par hectare. Il est possible de r¨¦duire cet ¨¦cart en investissant dans la recherche et le d¨¦veloppement pour mettre au point des vari¨¦t¨¦s ¨¤ haut rendement qui r¨¦sistent aux organismes nuisibles, aux typhons ou ¨¤ la s¨¦cheresse qui constituent un probl¨¨me majeur en Afrique et dans certaines parties de l'Asie, comme en Australie.
Les insectes ravageurs, comme les fulgores et les maladies qu'ils transmettent, comme le virus tungro, ont ¨¦t¨¦ une menace importante pour les programmes d'intensification de la culture du riz mis en place dans les ann¨¦es 1970 et 1980. Aujourd'hui, ces insectes constituent de nouveau une menace r¨¦elle pour les cultures de riz, due principalement ¨¤ la perte de r¨¦sistance des cultures et ¨¤ l'utilisation excessive d'insecticides ¨¤ large spectre d'action et ¨¤ effet r¨¦siduel long, qui perturbent les m¨¦canismes de d¨¦fense naturelle contre les insectes ravageurs. Depuis 2005, une invasion de fulgores a d¨¦truit plusieurs millions d'hectares en Chine, en Indon¨¦sie, au Japon, en R¨¦publique de Cor¨¦e et au Vietnam, en particulier pendant la saison des r¨¦coltes, et le probl¨¨me des insectes ravageurs est intensifi¨¦ par le changement climatique. Au Vietnam, une invasion de fulgores et le virus qu'ils transmettent ont contraint le gouvernement ¨¤ restreindre les exportations de riz. Il est donc indispensable d'investir des fonds dans le d¨¦veloppement de nouvelles vari¨¦t¨¦s de riz ¨¤ haut rendement.
Formation de jeunes scientifiques : Cette situation appelle ¨¤ un renforcement de l'¨¦ducation et de la formation des jeunes scientifiques et chercheurs issus des pays producteurs de riz. Il faut former de nouveaux chercheurs avant que la g¨¦n¨¦ration actuelle prenne sa retraite. Les gouvernements des pays producteurs de riz doivent trouver les moyens d'attirer les jeunes pour qu'ils poursuivent une carri¨¨re dans ce domaine. Ceci est crucial ¨¦tant donn¨¦ la migration croissante des plus jeunes g¨¦n¨¦rations vers les zones urbaines et la diminution des emplois li¨¦s ¨¤ l'agriculture au profit des emplois non agricoles dans de nombreux pays en d¨¦veloppement en Asie. Investissements dans l'irrigation : Les investissements dans les syst¨¨mes d'irrigation, qui ont culmin¨¦ pendant la R¨¦volution verte dans les ann¨¦es 1970 et 1980, ont consid¨¦rablement diminu¨¦ dans plusieurs pays producteurs de riz au cours des ann¨¦es successives. Insuffisamment soutenue par les fonds publics, l'infrastructure d'irrigation existante s'est d¨¦t¨¦rior¨¦e. Il est donc important d'augmenter les investissements dans les syst¨¨mes d'irrigation pour am¨¦liorer l'efficacit¨¦ et la fiabilit¨¦ de l'approvisionnement en eau n¨¦cessaire pour la productivit¨¦ des cultures et minimiser les pertes de r¨¦coltes.
Selon la Banque asiatique de d¨¦veloppement, les investissements devraient davantage se concentrer sur la r¨¦habilitation et la remise en ¨¦tat des syst¨¨mes d'irrigation existants plut?t que sur la construction de nouveaux syst¨¨mes ¨¤ grande ¨¦chelle. En plus du d¨¦veloppement des syst¨¨mes d'irrigation, des investissements suppl¨¦mentaires devraient ¨ºtre consacr¨¦s au contr?le des inondations et aux syst¨¨mes de drainage afin de conserver les sols et l'eau. Il est tout aussi important d'am¨¦liorer l'¨¦tat des routes et des ponts, ainsi que l'acc¨¨s au march¨¦ afin de stimuler et soutenir la productivit¨¦ du riz et faciliter le transport des mati¨¨res premi¨¨res et des produits. De m¨ºme, il faut financer le soutien aux agriculteurs pour qu'ils approfondissent leurs connaissances et am¨¦liorent leurs techniques dans des domaines comme la pr¨¦paration des terres, la gestion de l'eau et des nutriments et la lutte contre les ravageurs et les maladies. La mise en place de techniques efficaces et performantes qui augmentent la productivit¨¦ ne sera r¨¦alisable que si elles sont accompagn¨¦es de pratiques de gestion adapt¨¦es ¨¤ la culture. ? cet ¨¦gard, la formation des parties prenantes et les services de vulgarisation comme les d¨¦monstrations sur le terrain seront utiles.
Am¨¦lioration de la gestion des r¨¦coltes : La remise en ¨¦tat des installations et l'am¨¦lioration de la manutention et du traitement des graines apr¨¨s r¨¦colte permettraient d'augmenter la production en r¨¦duisant les pertes, de produire des cultures de meilleure qualit¨¦ et de g¨¦n¨¦rer des emplois. Pendant les activit¨¦s apr¨¨s r¨¦colte, la majorit¨¦ des agriculteurs asiatiques subissent de lourdes pertes de riz ¨¤ la fois en termes de qualit¨¦ et de quantit¨¦ du fait de l'inefficacit¨¦ des vieilles technologies de s¨¦chage et d'entreposage utilis¨¦es. Selon le Bureau of Postharvest Research and Extension in the Philippines16, les pertes de riz apr¨¨s r¨¦colte atteignent jusqu'¨¤ 33 % de la production totale. En g¨¦n¨¦ral, 21 % du riz sont perdus pendant le s¨¦chage, 30 % pendant l'usinage, 18 % pendant l'entreposage et 15 % pendant le battage17. La r¨¦duction de ces pertes permettrait de mieux pourvoir aux besoins de la population croissante. D'o¨´ l'urgence d'apporter un soutien budg¨¦taire ¨¤ la fourniture, ¨¤ la r¨¦paration et ¨¤ l'entretien des installations de s¨¦chage, d'entreposage et de battage afin d'assurer la s¨¦curit¨¦ alimentaire. Parall¨¨lement, il faut offrir aux agriculteurs et aux commer?ants une formation solide et continue sur les pratiques et les technologies de manutention apr¨¨s les r¨¦coltes.
De fait, les agriculteurs continuent d'utiliser des vari¨¦t¨¦s de riz traditionnelles ¨¤ faible rendement alors qu'il existe de nouvelles vari¨¦t¨¦s qui pourraient accro¨ªtre leur production. Le probl¨¨me vient de l'insuffisance des services de vulgarisation dans les pays les moins avanc¨¦s, principalement ¨¤ cause du manque de ressources. Il faut donc cr¨¦er un fonds pour aider ces pays ¨¤ introduire et ¨¤ adopter des vari¨¦t¨¦s ¨¤ haut rendement.
Renforcement du syst¨¨me d'information sur la commercialisation : La mise en ?uvre efficace de la r¨¦serve alimentaire mondiale n¨¦cessite la mise en place d'un syst¨¨me d'information sur la commercialisation. Bien que les technologies de l'information aient ¨¦t¨¦ introduites et adopt¨¦es dans de nombreux pays, un grand nombre d'agriculteurs des pays en d¨¦veloppement d¨¦plorent le manque d'acc¨¨s ¨¤ une information fiable et rapide concernant les march¨¦s. Les informations qui int¨¦ressent les agriculteurs et autres parties prenantes dans leur production et les d¨¦cisions concernant la commercialisation comprennent la situation de la production et de la demande int¨¦rieures, les stocks actuels, le commerce ext¨¦rieur ainsi que les prix du riz et des autres c¨¦r¨¦ales alimentaires mondiales.
Une partie des activit¨¦s du projet de r¨¦serve alimentaire mondiale comprendra l'estimation r¨¦guli¨¨re de l'offre et de la demande de riz et des autres c¨¦r¨¦ales alimentaires afin d'¨¦valuer le volume des stocks ¨¤ constituer dans les pays d¨¦sign¨¦s ainsi que leur allocation aux pays moins avanc¨¦s, frapp¨¦s par la pauvret¨¦ et d¨¦pendants des importations. Il faut aider les organismes des pays en d¨¦veloppement concern¨¦s ¨¤ mettre en place une base de donn¨¦es efficace et ¨¤ appliquer les m¨¦thodes appropri¨¦es pour ¨¦valuer la situation de l'offre et de la demande actuelle et future du riz et des autres c¨¦r¨¦ales alimentaires. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture pourrait fournir l'¨¦quipe d'experts ainsi que l'¨¦quipement et les composants logiciels pour mettre ¨¤ jour le syst¨¨me d'information sur la commercialisation. Les pays participants pourraient fournir des informations pertinentes et ponctuelles au service mondial de renseignements, lequel aiderait le Programme alimentaire mondial ¨¤ ¨¦valuer les besoins alimentaires d'urgence dans les pays d¨¦ficitaires dans la production de riz et les volumes exc¨¦dentaires dans les pays ayant enregistr¨¦ un surplus de riz.
Notes 1 FAO, 2008. Perspectives de r¨¦colte et situation alimentaire. Rome; FAO, 2008. Perspectives de l'alimentation : analyse des march¨¦s mondiaux. Rome, juin.
2 BAD, 2008. La hausse des prix des denr¨¦es alimentaires : r¨¦pondre ¨¤ la crise. Philippines.
3 Vail, M., 2008. Grain Prices Soar Globally Leading to Food Riots.
4 USDA , 2007. Review of World Rice Markets, D¨¦partement de l¨ªagriculture des ?tats-Unis FAS-FG-11-07/ novembre.
5 Brahmbhatt, M. and L. Christiaensen, 2008. Rising Food Prices in East Asia: Challenges and Policy Options. Banque mondiale.
6 Mitchell, D., 2008. A Note on Rising Food Prices. Banque mondiale, ron¨¦otyp¨¦.
7 Robinson, E., 2008. Global Rice Ending Stocks Continue to Fall. Farm Press.
8 Workman, D., 2008. Top Rice Producing Countries. 12 avril; Workman. D., 2008. Leading Rice Export Countries. 16 avril.
9 Da?o, E., 2006. ASEAN's Emergency Rice Reserve Schemes: Current Developments and Prospects for Engagement. Women in Action, n° 3.
10 Da?o, E. and E. Peria. Undated. Emergency or Expediency? A Study of Emergency Rice Reserve Schemes in Asia. Une publication commune de l'AFA et d'AsiaDHRA.
11 The Hindu, 2008. For a Food Secure Asia. 7 ao?t.
12 SAAR C, 2008. The SAARC Food Bank. Ao?t.
13 Daily Star, 2008. SAARC Food Bank in the Offing. 31 mai.
14 Von Braun, J. and M. Torero, 2008. Physical and Virtual Food Reserves to Protect the Poor and Prevent Market Failure. International Forestry Resources and Institutions (IFRI ) Policy Brief n°. 004.
15 IRRI, 2008. The Rice Crisis: What Needs to be Done? International Rice Research Institute, Los Ba?os, Laguna, Philippines.
16 BPRE, 22 janvier 2005. ()
17 Technical Education and Skills Development Authority (TESDA), janvier 2005. Labor Market/Intelligence Report ()