? La participation des peuples autochtones aux Nations Unies leur a permis de collaborer de mani¨¨re pacifique et en partenariat avec les ?tats pour faire avancer les questions les concernant et leurs droits. ?

¡ªLa Conf¨¦rence mondiale sur les peuples autochtones, les 22 et 23 novembre 2014, Nations Unies, ¨¤ New York.

La premi¨¨re Conf¨¦rence mondiale sur les peuples autochtones (CMPA) s¡¯est tenue le 22 septembre 2014 au Si¨¨ge des Nations Unies,?¨¤ New York. Durant cette r¨¦union pl¨¦ni¨¨re de haut niveau de l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale qui a dur¨¦ deux jours, les repr¨¦sentants des peuples autochtones du monde entier ont rencontr¨¦ les ?tats Membres, les entit¨¦s du syst¨¨me des Nations Unies, des organisations non gouvernementales (ONG) et des institutions sp¨¦cialis¨¦es pour faire conna?tre leurs aspirations et partager leurs meilleures pratiques pour la r¨¦alisation de leurs droits. La Conf¨¦rence a adopt¨¦ un document final1 orient¨¦ vers l¡¯action qui a r¨¦affirm¨¦ l¡¯engagement ¨¤ promouvoir et ¨¤ favoriser les droits inali¨¦nables des peuples autochtones et ¨¤ atteindre les objectifs d¨¦finis dans la D¨¦claration des droits des peuples autochtones, adopt¨¦e par l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale le 13 septembre 2007.

Il ne fait aucun doute que la pr¨¦sence et la collaboration des peuples autochtones ¨¤ l¡¯ONU ont pris une grande importance au cours des derni¨¨res d¨¦cennies gr?ce ¨¤ la diplomatie de conf¨¦rence. La laur¨¦ate du prix Nobel Rigoberta Mench¨² a dit, dans un entretien ¨¤ la T¨¦l¨¦vision des Nations Unies, que pour les peuples autochtones, des ¨¦v¨¦nements comme la CMPA ¨¦taient ? un signe d¡¯espoir ? pour ? une vie pleine et pas simplement une survie2 ?. Replac¨¦s dans le contexte de l¡¯histoire de la relation entre les peuples autochtones et les Nations Unies, les propos de Mme Mench¨² sont un t¨¦moignage clair des objectifs et des aspirations des quelque 370 millions d¡¯autochtones dans le monde qui ? sont aujourd¡¯hui confront¨¦s ¨¤ la discrimination et exclus du pouvoir politique et ¨¦conomique3 ?.

Pendant pr¨¨s d¡¯un si¨¨cle, les peuples autochtones ont port¨¦ leurs revendications ¨¤ l¡¯attention de la communaut¨¦ internationale. M¨ºme avant la cr¨¦ation des Nations Unies en 1945, ils ont revendiqu¨¦ leurs droits en faisant part de leurs pr¨¦occupations ¨¤ la Soci¨¦t¨¦ des Nations. Dans les ann¨¦es 1920, le chef Deskaheh, de la Conf¨¦d¨¦ration Haudenosaunee, et le chef religieux maori T.W. Ratana se sont rendus ¨¤ Gen¨¨ve pour d¨¦fendre leur droit ¨¤ leurs terres et ¨¤ leurs pratiques religieuses. Ils n¡¯ont pas ¨¦t¨¦ autoris¨¦s ¨¤ prendre la parole, une d¨¦cision motiv¨¦e par des si¨¨cles de discrimination ¨¤ l¡¯¨¦gard des peuples autochtones et de d¨¦ni de leurs droits en vertu du droit international4. Ce premier ¨¦chec a, toutefois, fourni l¡¯impulsion qui a suscit¨¦ d¡¯autres d¨¦marches de la part des g¨¦n¨¦rations suivantes. ? la fin des ann¨¦es 1970, des chefs des peuples autochtones se sont rendus une fois de plus aux Nations Unies pour d¨¦fendre leurs droits ainsi que leur droit ¨¤ l¡¯autod¨¦termination5. En 1982, le Conseil ¨¦conomique et social des Nations Unies a constitu¨¦ le Groupe de travail sur les populations autochtones dans le cadre de la Sous-Commission sur la promotion et la protection des droits de l¡¯homme (appel¨¦e alors Sous-Commission sur la pr¨¦vention de la discrimination et la protection des minorit¨¦s). En 1985, le Groupe de travail a commenc¨¦ ¨¤ r¨¦diger une D¨¦claration sur les droits des peuples autochtones qui a ¨¦t¨¦ termin¨¦e ¨¤ l¡¯¨¦tat de projet en 1993, ann¨¦e qui a ¨¦galement ¨¦t¨¦ proclam¨¦e l¡¯Ann¨¦e internationale des peuples autochtones. En juin de la m¨ºme ann¨¦e, les peuples autochtones ont particip¨¦ ¨¤ la Deuxi¨¨me Conf¨¦rence sur les droits de l¡¯homme ¨¤ Vienne o¨´ certains ont m¨ºme pris la parole. Durant cette Conf¨¦rence, les ?tats Membres des Nations Unies ont reconnu leur responsabilit¨¦ dans la promotion et l¡¯affirmation des droits des peuples autochtones et ont fait des recommandations pour la cr¨¦ation d¡¯une Instance permanente sur les questions autochtones au sein de la structure des Nations Unies. En 1994, l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale des Nations Unies a proclam¨¦ la D¨¦cennie internationale des peuples autochtones (1995-2004) afin d¡¯accro?tre l¡¯engagement des Nations Unies ¨¤ promouvoir les droits autochtones dans le monde. Une Deuxi¨¨me D¨¦cennie des peuples autochtones (2005-2015) a ensuite eu lieu afin de renforcer la coop¨¦ration internationale et rechercher des solutions aux probl¨¨mes auxquels les communaut¨¦s autochtones sont confront¨¦es. Surtout, elle a soulign¨¦ le besoin urgent de d¨¦velopper des programmes orient¨¦s vers l¡¯action visant ¨¤ am¨¦liorer la vie de ces peuples dans des domaines comme la culture, l¡¯¨¦ducation, la sant¨¦, les droits de l¡¯homme, l¡¯environnement et le d¨¦veloppement social et ¨¦conomique6. Les peuples autochtones sont aussi au centre du Programme de d¨¦veloppement pour l¡¯apr¨¨s-2015, car il a ¨¦t¨¦ reconnu que la mise en ?uvre d¡¯une approche fond¨¦e sur les droits de l¡¯homme dans le domaine du d¨¦veloppement devrait englober la question des peuples autochtones et des in¨¦galit¨¦s7.

Actuellement, trois organes principaux au sein du syst¨¨me des Nations Unies sont charg¨¦s des questions autochtones :?l¡¯Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones (UNPFII), le Rapporteur sp¨¦cial sur les droits de peuples autochtones et le M¨¦canisme d¡¯experts sur les droits des peuples autochtones.

L¡¯UNPFII, qui a remplac¨¦ le Groupe de travail sur les populations autochtones, est un organe unique de haut niveau charg¨¦ de fournir des conseils sur les questions autochtones, d¡¯encourager la coordination des activit¨¦s les concernant et de sensibiliser?¨¤ ces questions. Compos¨¦ de 16 membres, dont 8 sont des experts autochtones, l¡¯instance a pour mandat d¡¯? examiner les questions autochtones li¨¦es au d¨¦veloppement ¨¦conomique et social, ¨¤ la culture, ¨¤ l¡¯environnement, ¨¤ l¡¯¨¦ducation, ¨¤ la sant¨¦ et aux droits de l¡¯homme8 ?.

Le Rapporteur sp¨¦cial, nomm¨¦ en 2001 par la Commission des droits de l¡¯homme, a pour mission de promouvoir ? des accords constructifs entre les ?tats et les peuples autochtones ?. Il est charg¨¦ de ? rendre compte de la situation g¨¦n¨¦rale des droits de l¡¯homme des peuples autochtones ? en communiquant directement avec les Gouvernements o¨´ ces violations ont eu lieu. Il effectue aussi des ¨¦tudes p¨¦riodiques sur des questions ayant trait sp¨¦cifiquement ¨¤ ? la promotion et ¨¤ la protection des droits des peuples autochtones9 ?.

Le M¨¦canisme d¡¯experts sur les droits des peuples autochtones a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦ en 2007 en tant qu¡¯organe subsidiaire du Conseil des droits de l¡¯homme. Compos¨¦ de cinq experts ind¨¦pendants en mati¨¨re de droits des peuples autochtones, issus des cinq r¨¦gions g¨¦opolitiques du globe, le M¨¦canisme d¡¯experts est charg¨¦ de ? fournir au Conseil des droits de l¡¯homme une expertise th¨¦matique en mati¨¨re de droits des peuples autochtones sous forme d¡¯¨¦tudes et de recherches ?. Il peut aussi pr¨¦senter des propositions pour examen et approbation10. Bien qu¡¯ayant des champs d¡¯action et des mandats diff¨¦rents, ces trois organes distincts remplissent leur mission de fa?on coordonn¨¦e et sont consid¨¦r¨¦s comme compl¨¦mentaires. Ils se r¨¦unissent chaque ann¨¦e?pour coordonner leurs activit¨¦s et ¨¦changer des informations11. Ils? t¨¦moignent de l¡¯acc¨¨s sans de droits des peuples autochtones r¨¦pondent que la plupart des dispositions correspondent pr¨¦c¨¦dent que les peuples autochtones ont obtenu au syst¨¨me de protection des droits de l¡¯homme des Nations Unies ces derni¨¨res d¨¦cennies et la reconfiguration g¨¦n¨¦rale des droits de l¡¯homme au sein de ce syst¨¨me.

Toutefois, en mati¨¨re de promotion des droits des peuples autochtones, la D¨¦claration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la D¨¦claration)12 repr¨¦sente, jusqu¡¯¨¤ ce jour,?l¡¯exemple de diplomatie de conf¨¦rence le plus r¨¦ussi. L¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale a adopt¨¦ ce document historique le 13 septembre 2007, mettant un terme ¨¤ pr¨¨s de 25 ans de n¨¦gociations entre les ?tats et les peuples autochtones. D¨¦crite comme ? le texte le plus complet jamais ¨¦labor¨¦ exposant les droits des peuples autochtones dans la l¨¦gislation et la politique internationales13 ?, elle a ¨¦t¨¦ c¨¦l¨¦br¨¦e comme une r¨¦alisation innovante pour les peuples autochtones et le syst¨¨me des Nations Unies et comme un succ¨¨s pour le droit international. Comme l¡¯a indiqu¨¦ le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies, Ban Ki-moon, ? la D¨¦claration est une mesure en avance sur son temps qui vise ¨¤ garantir les droits de l¡¯homme des populations autochtones. Elle ¨¦tablit un cadre sur lequel les ?tats peuvent faire fond pour ¨¦tablir ou r¨¦tablir leurs relations avec les populations autochtones [¡­], elle offre aux ?tats et aux populations autochtones une occasion capitale de renforcer leurs relations, de promouvoir la r¨¦conciliation et d¡¯¨¦viter que les probl¨¨mes du pass¨¦ ne r¨¦apparaissent14 ?.

Les experts ont montr¨¦ le caract¨¨re unique de la D¨¦claration en ce qu¡¯elle est le premier document juridique international qui ait ¨¦t¨¦ r¨¦dig¨¦ avec la participation et la collaboration des int¨¦ress¨¦s. Plus important encore, ils ont soulign¨¦ les droits de l¡¯homme fondamentaux que la D¨¦claration stipule pour les peuples autochtones, notamment ? les droits ¨¤ l¡¯¨¦galit¨¦, ¨¤ l¡¯autod¨¦termination, ¨¤ la propri¨¦t¨¦ et ¨¤ l¡¯int¨¦grit¨¦ culturelle15 ?. Les quatre pays qui ont initialement oppos¨¦ leur veto (l¡¯Australie, la Nouvelle-Z¨¦lande, le Canada et les ?tats-Unis d¡¯Am¨¦rique) ont, depuis, effectu¨¦ un revirement et se sont enti¨¨rement engag¨¦s ¨¤ promouvoir les droits des peuples autochtones dans leur pays, ce qui constitue un signe clair du consensus mondial dont a fait l¡¯objet la D¨¦claration gr?ce ¨¤ un mouvement autochtone international16. ? ceux qui continuent de se demander si la D¨¦claration, de par sa nature, peut ou non ¨ºtre consid¨¦r¨¦e comme un texte juridiquement contraignant, les experts juridiques internationaux en mati¨¨re de droits des peuples autochtones r¨¦pondent que la plupart des dispositions correspondent au droit international coutumier et, en tant que tel, les ?tats sont tenus de les respecter17. Dans son Rapport sur la situation des peuples autochtones aux ?tats-Unis de 2012, l¡¯ancien Rapporteur sp¨¦cial James Anaya fait valoir que la D¨¦claration ? s¡¯inscrit dans le droit fil de l¡¯engagement des ?tats Membres, y compris les ?tats-Unis, ¨¤ promouvoir et ¨¤ respecter les droits de l¡¯homme en vertu de la Charte des Nations Unies, du droit international coutumier et des trait¨¦s multilat¨¦raux relatifs aux droits de homme auxquels les ?tats-Unis sont parties18 ?.

Non moins importantes, comme l¡¯atteste le nombre croissant de travaux de recherche consacr¨¦s ¨¤ la D¨¦claration, ont?¨¦t¨¦ la controverse concernant la dichotomie apparente entre les droits individuels et les droits collectifs dans la D¨¦claration et la question de savoir dans quelle mesure les peuples autochtones, tel qu¡¯il est stipul¨¦ dans l¡¯article 3 de la D¨¦claration, ? ont le droit ¨¤ l¡¯autod¨¦termination ? et peuvent ? d¨¦terminer librement leur statut politique et assurer librement leur d¨¦veloppement ¨¦conomique, social et culturel19 ?. Ces ambigu?t¨¦s dans la formulation de la D¨¦claration ont ¨¦t¨¦ d¨¦battues par les sp¨¦cialistes qui ont pris en consid¨¦ration les articles relatifs aux droits aux terres, aux territoires et aux ressources (notamment les articles 25 et 26).

Les critiques ont port¨¦ sur le fait que les dispositions contenues dans la D¨¦claration concernant les droits des peuples autochtones ¨¤ leurs terres sont ancr¨¦es dans le langage des droits individuels (occidentaux) et n¡¯abordent pas les principes philosophiques et ¨¦pist¨¦mologiques complexes de la relation des peuples autochtones ¨¤ la terre. Pour les peuples autochtones des ?tats-Unis d¡¯Am¨¦rique en particulier, le langage de la D¨¦claration est un rappel douloureux d¡¯une longue histoire de d¨¦possession des terres sanctionn¨¦e dans les ? tribunaux du conqu¨¦rant ?, pour reprendre les termes du Pr¨¦sident de la Cour supr¨ºme John Marshall dans l¡¯affaire Johnson contre M¡¯Intosh (1823) et dont les cons¨¦quences continuent ¨¤ se faire sentir aujourd¡¯hui20. Dans le commentaire sur la D¨¦claration r¨¦dig¨¦ par le Comit¨¦ de l¡¯Association du droit international sur les droits des peuples autochtones en 2010, les auteurs soutiennent une interpr¨¦tation ? solide ? des droits des peuples autochtones ¨¤ leur terre consid¨¦rant que ? les terres, les territoires et les ressources des peuples autochtones [dans le texte de la D¨¦claration] n¨¦cessite une interpr¨¦tation plus? large? et? plus? conforme? ¨¤ leur? propre? compr¨¦hension de ? l¡¯espace symbolique dans lequel s¡¯est d¨¦velopp¨¦e une culture autochtone particuli¨¨re, comprenant non seulement la terre, mais aussi le paysage sacr¨¦ qui correspond ¨¤ leur vision du monde21 ?. Le degr¨¦ auquel les ?tats et la communaut¨¦ internationale entreprendront ce processus ¨¦ducatif sera essentiel pour la phase de mise en ?uvre.

Les d¨¦fenseurs autochtones et les sympathisants non autochtones ont indiqu¨¦ la n¨¦cessit¨¦ pour les ?tats de travailler avec les peuples autochtones dans un esprit de partenariat et de respect ¨¤ l¡¯¨¦gard des communaut¨¦s elles-m¨ºmes en vue d¡¯interpr¨¦ter et de mettre en ?uvre la D¨¦claration. Les communaut¨¦s autochtones ont cr¨¦¨¦ des programmes ¨¦ducatifs en distribuant des guides conviviaux mettant en avant le fait de ? faire de la D¨¦claration un document vivant22 ?. De son c?t¨¦, le syst¨¨me des Nations Unies a ¨¦galement relev¨¦ le d¨¦fi de continuer ¨¤ transformer la D¨¦claration dans son ensemble en droit actif. Comme il est express¨¦ment ¨¦nonc¨¦ dans l¡¯article 42 de la D¨¦claration, l¡¯Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones doit favoriser ? le respect et la pleine application ? des dispositions de la D¨¦claration, ce qui signifie qu¡¯elle a pour t?che de veiller ¨¤ ce que ces dispositions soient mises en ?uvre aux niveaux local et national et, plus important, que la D¨¦claration soit int¨¦gr¨¦e dans les lois et les politiques nationales. De m¨ºme, comme cela a ¨¦t¨¦ pr¨¦cis¨¦ dans une d¨¦claration du pr¨¦sident de l¡¯UNPFII, le grand chef Ed John, ¨¤ l¡¯occasion de la comm¨¦moration de haut niveau du cinqui¨¨me anniversaire de l¡¯adoption de la D¨¦claration, divers organes des Nations Unies cr¨¦¨¦s en vertu de trait¨¦s ont invoqu¨¦ les droits ¨¦nonc¨¦s dans la D¨¦claration dans leurs rapports p¨¦riodiques des ?tats parties, comme le Comit¨¦ des droits de l¡¯enfant et le Comit¨¦ pour l¡¯¨¦limination de la discrimination raciale. Le rapport indique aussi que ? les ?tats ont ¨¦galement invoqu¨¦ la D¨¦claration lors du processus d¡¯Examen p¨¦riodique universel du Conseil des droits de l¡¯homme23 ?.

La d¨¦fense des droits autochtones et la mise en ?uvre des dispositions de la D¨¦claration ne sont, cependant, qu¡¯un premier pas. J¡¯ai fait valoir ailleurs que le langage de la d¨¦claration contient les pr¨¦mices d¡¯une r¨¦orientation importante du discours sur les droits de l¡¯homme dans un cadre interculturel et inter¨¦pist¨¦mologique24. Reconna?tre la relation spirituelle profonde qu¡¯ont les peuples autochtones ¨¤ leurs terres, une relation fa?onn¨¦e par les notions de responsabilit¨¦ et d¡¯obligation mutuelle, signifie reconna?tre une autre vision du monde que celle qui a fa?onn¨¦ 500 ans d¡¯histoire marqu¨¦s par la conqu¨ºte et la d¨¦possession des terres et des cultures autochtones. Comme l¡¯a dit le grand chef Ed John : les Anciens nous rappellent que ? nous faisons partie de la terre, et qu¡¯elle fait partie de nous ?. Mais aujourd¡¯hui, nous n¡¯avons aucun pouvoir sur ces terres et les d¨¦cisions qui s¡¯y rapportent, d¨¦cisions qui autorisent l¡¯exploitation des mines, des for¨ºts ou la construction de barrages, ont des impacts profonds, bien souvent n¨¦gatifs, sur les peuples autochtones. Mais la D¨¦claration peut?¨ºtre la base de toutes les r¨¦clamations portant sur la reconnaissance et la protection du lien spirituel privil¨¦gi¨¦ que les peuples autochtones entretiennent avec la terre et le monde naturel25.

Dans ce contexte, j¡¯ai fait valoir que la D¨¦claration peut ¨ºtre une base pour d¨¦coloniser la propri¨¦t¨¦ en droit international et construire une nouvelle architecture des droits de l¡¯homme. Pour le grand chef Ed John, les Nations Unies, la maison de l¡¯espoir pour tous les peuples, est aussi la maison de l¡¯espoir pour les peuples autochtones. C¡¯est l¨¤ o¨´ ces derniers viennent pr¨¦senter leurs cas et leurs probl¨¨mes, dans l¡¯espoir que la communaut¨¦ internationale les ¨¦coutera, leur accordera son attention et agira avec compassion26. La question est de savoir si les points de vue qu¡¯ils ne cessent de pr¨¦senter ¨¤ la ? maison ? des Nations Unies seront entendus et si celle-ci y donnera suite afin qu¡¯ils puissent jouir du droit ¨¤ vivre pleinement comme peuples conform¨¦ment au droit international. ?

Notes

1 R¨¦solution de l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale 69/2. Disponible sur le site .

2 UN/Indigenous Menchu Wrap, New York, 22 septembre 2014. Disponible sur le site.

3 L¡¯¨¦tat des peuples autochtones du monde (publications des Nations Unies, ST/ESA/328)m (New York, Nations Unies, 2009), p.1. Disponible sur le site .

4 En 1550, il a ¨¦t¨¦ d¨¦cid¨¦, lors du Conseil des Indes, l¡¯organe ex¨¦cutif supr¨ºme des colonies de l¡¯Espagne en Am¨¦rique, que les peuples autochtones ne pourraient pas se voir accorder de droits juridiques ni faire partie du syst¨¨me judiciaire des ?tats nations. Au nom du principe de la doctrine de la d¨¦couverte, les pays europ¨¦ens ont l¨¦gitim¨¦ la conqu¨ºte et l¡¯exploitation des territoires et des peuples non chr¨¦tiens. Pour en savoir plus sur le contexte historique, voir, entre autres, James Anaya, Indigenous Peoples in International Law (Oxford: Oxford UP, 2004) et Sharon Venne, Our Elders Understand Our Rights: Evolving International law Regarding Indigenous Peoples (Penticton: Theytus Books, 1998).

5 Parmi les organismes internationaux associ¨¦s aux Nations Unies, l¡¯Organisation internationale du travail (ILO) a ¨¦t¨¦ la premi¨¨re et la seule organisation ¨¤ avoir trait¨¦ les questions autochtones. En 1957, elle a adopt¨¦ la Convention 107 relative ¨¤ la protection et ¨¤ l¡¯int¨¦gration des populations autochtones et autres populations tribales et semi-tribales dans les pays ind¨¦pendants. Malgr¨¦ la d¨¦marche assimilationniste et paternaliste, ce fut le premier trait¨¦ mondial qui ait trait¨¦ sp¨¦cifiquement des droits des peuples autochtones. La Convention 107 a ¨¦t¨¦ r¨¦vis¨¦e en 1989 et est devenue la Convention 169 relative aux peuples autochtones et tribaux dans les pays ind¨¦pendants. Disponible sur le site

6 Histoire des peuples autochtones et du syst¨¨me international. Site de l¡¯UNPFII. Disponible sur le site ?

7 Une discussion en ligne sur ? les peuples autochtones et les in¨¦galit¨¦s ? a ¨¦t¨¦ anim¨¦e par le Secr¨¦tariat de l¡¯UNPFII et par l¡¯UNCIEF entre le 27 novembre et le 19 d¨¦cembre 2012. Voir . Les r¨¦sultats de la discussion sont accessibles sur le site ?

8 Fiche d¡¯information n¡ã 6 : L¡¯Instance permanente sur les questions autochtones. Disponible sur le site .

9? Droits de l¡¯homme des Nations Unies : Haut-Commissariat aux droits de l¡¯homme. Disponible sur le site .?Depuis juin 2014, Mme Victoria Tauli-Corpuz est la Rapporteuse sp¨¦ciale des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

10 Droits de l¡¯homme des Nations Unies : Haut-Commissariat aux droits de l¡¯homme. Disponible sur le site?

11 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l¡¯homme, Les peuples autochtones et le syst¨¨me des droits de l¡¯homme des Nations Unies, fiche d¡¯information n¡ã 9/Rev.2 (New York et Gen¨¨ve : Nations Unies, 2013),17.Disponible sur le site ?

12 Disponible sur le site?.

13 Les peuples autochtones et le syst¨¨me des droits de l¡¯homme des Nations Unies, p. 4.

14 Message du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral, Journ¨¦e internationale des peuples autochtones, 9 ao?t 2008. Disponible sur le site?.

15 James Anaya, Rapport du Rapporteur sp¨¦cial sur les droits des peuples autochtones, 2012 (A/HRC/21/47/Add.1), p.19. Disponible sur le site ?.

16? La D¨¦claration a ¨¦t¨¦ approuv¨¦e ¨¤ l¡¯unanimit¨¦ par 144 voix contre 4, et 11 abstentions. L¡¯Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. D¨¦claration sur les droits des peuples autochtones. Disponible sur le site?.

17 Association de droit international, Conf¨¦rence de Sofia (2012), Les droits de peuples autochtones, rapport final p. 31. Disponible sur le site ?.

18 Anaya, Rapport du Rapporteur sp¨¦cial, p. 19. Pour un expos¨¦ d¨¦taill¨¦ sur ? la synergie? entre la D¨¦claration et le droit international relatif aux droits de l¡¯homme, voir Walter Echo-Hawk, In the Light of Justice: The Rise of Human Rights in Native America and the Ãå±±½ûµØDeclaration on the Rights of Indigenous Peoples (Golden, Co: Fulcrum, 2013): p. 91-94.

19 D¨¦claration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, p.3-4. Entre autres ouvrages universitaires consacr¨¦s ¨¤ la D¨¦claration, voir James Anaya, Indigenous Peoples and International Law, p. 36; voir aussi Alexandra Xanthaki, Indigenous Peoples and the United Nations Standards: Self-Determination, Culture, and Land (Cambridge: Cambridge University Press, 2007), p. 29.

20 L¡¯affaire Johnson contre M¡¯Intosh a ¨¦t¨¦ la premi¨¨re des trois affaires de justice port¨¦es devant la Cour supr¨ºme des ?tats-Unis au XIXe si¨¨cle qui d¨¦finira la l¨¦gislation f¨¦d¨¦rale am¨¦ricaine sur les Indiens. Dans Johnson, la Cour a jug¨¦ que ? la conqu¨ºte donne un titre [sur les terres des Indiens] et ? aussi extravagant que puisse para?tre la pr¨¦tention de transformer la d¨¦couverte d¡¯un continent habit¨¦ en une conqu¨ºte, cela devient la loi du pays et ne peut ¨ºtre contest¨¦ ?. Voir Echo-Hawk, In the Light of Justice, p. 13.

21 Rapport interm¨¦diaire de la 74e?Conf¨¦rence de l¡¯Association de droit?international,?La? Haye,?Pays-Bas,?2010.?Disponible?sur?le site?.

22 The Community Guide to the Ãå±±½ûµØDeclaration on the Rights of Indigenous Peoples (Sydney, Commission australienne aux droits de l¡¯homme, 2010), p.12.

23 D¨¦claration du Pr¨¦sident de l¡¯UNPFII, le grand chef Ed John,??v¨¦nement de haut niveau pour comm¨¦morer le 5e anniversaire?de l¡¯adoption de la D¨¦claration de l¡¯ONU sur les droits des peuples?autochtones, le 17 mai 2012. Disponible sur le site?.

24 Elvira Pulitano,? The Right to Enjoy all Human Rights¡¯: The Ãå±±½ûµØDeclaration on the Rights of Indigenous Peoples and the Potential for Decolonial Cosmopolitanism ? forthcoming in The World, The Text, and the Indian: Global Dimensions of Native American Literature, ed. Scott Lyons (New York: SÃå±±½ûµØY Press).

25 D¨¦claration du Pr¨¦sident de l¡¯UNPFII, le grand chef Ed John.