31 d¨¦cembre 2012

La lutte contre la corruption aux niveaux national et international continue d'¨ºtre un sujet d'une grande importance pour l'ONU et ses ?tats Membres, l'intol¨¦rance ¨¤ l'¨¦gard la corruption augmentant dans le monde.
? l'occasion de la premi¨¨re R¨¦union de haut niveau de l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale sur l'¨¦tat de droit aux niveaux national et international, qui s'est tenue le 24 septembre 2012, les Chefs d'?tat et de gouvernement ainsi que les chefs de d¨¦l¨¦gation ont adopt¨¦ une D¨¦claration politique importante par consensus qui souligne l'importance fondamentale de l'¨¦tat de droit pour le dialogue politique et la coop¨¦ration parmi tous les ?tats et le d¨¦veloppement des trois principaux piliers sur lesquels l'ONU est construite : la paix et la s¨¦curit¨¦ internationales, les droits de l'homme et le d¨¦veloppement. Ils ont fait valoir que la r¨¦ponse collective aux d¨¦fis et aux opportunit¨¦s issus des nombreuses transformations politiques, sociales et ¨¦conomiques complexes que nous connaissons doit ¨ºtre guid¨¦e par l'¨¦tat de droit, car celui-ci est le fondement des relations amicales et ¨¦quitables entre les ?tats et la base sur laquelle les soci¨¦t¨¦s justes et ¨¦quitables sont b?ties.
Il est remarquable que la D¨¦claration contienne un paragraphe distinct sur la question de la corruption, qui est trait¨¦e de mani¨¨re assez approfondie :
25. Nous sommes convaincus que la corruption est nuisible, car elle fait obstacle ¨¤ la croissance et au d¨¦veloppement ¨¦conomiques, entame la confiance du citoyen dans la l¨¦gitimit¨¦ et la transparence des institutions et entrave l'adoption de lois justes et efficaces, ainsi que l'administration et l'ex¨¦cution des lois et l'action des tribunaux, et insistons, en cons¨¦quence, sur l'importance de l'¨¦tat de droit en tant que condition essentielle de la pr¨¦vention et de la r¨¦pression de la corruption, dans le cadre, notamment, d'une coop¨¦ration
plus ¨¦troite entre les ?tats en mati¨¨re p¨¦nale.
Il semble aller de soi que la corruption a des effets nuisibles importants. Toutefois, le fait que la D¨¦claration adopt¨¦e ¨¤ l'unanimit¨¦ traite de la question de la corruption d'une mani¨¨re aussi approfondie montre clairement que l'ensemble des membres de l'ONU attache, ¨¤ juste titre, une grande importance ¨¤ cette question et ¨¤ l'¨¦tat de droit.
La corruption est un ph¨¦nom¨¨ne qui touche tous les pays. Aucun ?tat n'y ¨¦chappe, quel que soit son niveau ¨¦conomique ou social. Les affaires de corruption apparaissent r¨¦guli¨¨rement dans la presse de nos pays. Ses formes et son ampleur peuvent varier d'un pays ¨¤ un autre. Certaines soci¨¦t¨¦s sont plus touch¨¦es que d'autres, mais il suffit de lire les statistiques de Transparency International pour se rendre compte qu'elle existe partout. D'un c?t¨¦, les scandales sont une pilule difficile ¨¤ avaler, mais, d'un autre c?t¨¦, ils peuvent permettre de faire un grand nettoyage parfois n¨¦cessaire, et toujours salutaire, dans la soci¨¦t¨¦. En plus des proc¨¦dures juridiques fond¨¦es sur les dispositions anti-corruption efficaces du droit p¨¦nal, les commissions d'enqu¨ºte parlementaires peuvent permettre de mettre en ¨¦vidence les responsabilit¨¦s politiques impliquant le gouvernement dans les all¨¦gations de corruption.
La corruption est un ph¨¦nom¨¨ne qui touche chaque citoyen. Que vous soyez une petite ou une grande entreprise, ou que vous travailliez dans un service public, que vous soyez employeur ou travailleur ind¨¦pendant, pauvre ou riche, vous ¨ºtes touch¨¦ par la corruption, directement ou indirectement, car ses co?ts sont support¨¦s par toute la soci¨¦t¨¦. Toutes les parties de la soci¨¦t¨¦ ont donc un int¨¦r¨ºt ¨¤ contenir ce ph¨¦nom¨¨ne et doivent en partager la responsabilit¨¦. La corruption ne doit jamais ¨ºtre per?ue comme ¨¦tant un fait in¨¦luctable de la vie. Nous pouvons et devrions tous prendre part ¨¤ la promotion d'une culture de la transparence, de l'int¨¦grit¨¦ et de la responsabilit¨¦.
La corruption compromet le d¨¦veloppement humain et p¨¨se lourdement sur les progr¨¨s d'un pays, y compris sur la r¨¦alisation des Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD). En d¨¦tournant les ressources publiques vers des profits priv¨¦s et en r¨¦duisant l'acc¨¨s aux services publics, elle va ¨¤ l'encontre des int¨¦r¨ºts de base de chaque soci¨¦t¨¦ et repr¨¦sente une menace au d¨¦veloppement ¨¦conomique et ¨¤ la stabilit¨¦ sociale. Elle est pr¨¦sente dans tous les pays, quel que soit leur d¨¦veloppement social et ¨¦conomique, mais porte un pr¨¦judice bien plus grand aux pauvres et sape les efforts visant ¨¤ r¨¦aliser les OMD, l'¨¦radication de la pauvret¨¦ et le d¨¦veloppement humain en r¨¦duisant l'acc¨¨s aux services et en d¨¦tournant les ressources devant ¨ºtre investies dans l'infrastructure, l'¨¦ducation et les services sociaux. Les programmes de d¨¦veloppement doivent tenir compte du lien entre le d¨¦veloppement et le crime organis¨¦ et les mesures anti-corruption devraient ¨ºtre d?ment prises en compte dans les activit¨¦s de d¨¦veloppement.
La corruption nuit ¨¤ la croissance ¨¦conomique. Modifiant les d¨¦cisions des agents ¨¦conomiques, elle d¨¦courage les investisseurs et nuit ¨¤ la comp¨¦titivit¨¦. La lutte contre la corruption est maintenant solidement ¨¦tablie comme un des principes du Pacte mondial des Nations Unies, l'initiative la plus importante dans le monde au niveau des entreprises et l'une des principales relations de l'ONU avec le monde du travail. Le secteur priv¨¦ joue un r?le crucial en tant qu'acteur essentiel dans cette lutte. Sa coop¨¦ration et ses efforts sont cruciaux. Lors d'un ¨¦v¨¦nement organis¨¦ conjointement par l'Australie, l'Estonie, le Japon et la Tunisie en marge de la R¨¦union de haut niveau des Nations Unies sur l'¨¦tat de droit, un repr¨¦sentant de la soci¨¦t¨¦ Mitsubishi a d¨¦clar¨¦ que lorsque certaines entreprises estiment qu'elles peuvent passer outre la loi contre la corruption, cela d¨¦savantage celles qui sont pr¨ºtes ¨¤ respecter les r¨¨gles. Les ressources ¨¦conomiques qui pourraient ¨ºtre utilis¨¦es ¨¤ des fins sociales sont d¨¦tourn¨¦es au profit d'une ¨¦lite fermement enracin¨¦e et parfois corrompue. Partout, les gouvernements, les entreprises et les citoyens devraient donc avoir un int¨¦r¨ºt ¨¤ cr¨¦er une loi contre la corruption qui soit davantage respect¨¦e ¨¤ tous les niveaux de la soci¨¦t¨¦ et ¨¤ promouvoir l'¨¦tat de droit afin d'oeuvrer pour le bien public. Si les pots-de-vin sont un outil commercial, cela donne lieu ¨¤ un combat in¨¦gal lorsque les entreprises qui respectent la loi sont exclues de certains march¨¦s. Face ¨¤ ces d¨¦fis, il n'est pas rare que ces entreprises rejettent un projet ou refusent de travailler avec un pays. Ce sont les citoyens respectueux de la loi, ceux qui se tuent ¨¤ la t?che qui en sont affect¨¦s.
La corruption a un effet n¨¦gatif sur le fonctionnement des institutions d¨¦mocratiques. Elle est une menace ¨¤ la gouvernance et ¨¤ la stabilit¨¦ des jeunes et souvent des d¨¦mocraties fragiles. Elle nuit ¨¤ la l¨¦gitimit¨¦ du gouvernement et aux valeurs d¨¦mocratiques et affaiblit l'?tat car elle mine sa cr¨¦dibilit¨¦ et fragilise la confiance des populations dans les institutions publiques. La lutte contre la corruption doit donc aller de pair avec le renforcement de l'¨¦tat de droit et de la bonne gouvernance ainsi qu'avec l'¨¦tablissement d'institutions solides qui, ¨¤ leur tour, sont la base du d¨¦veloppement humain.
Selon les estimations de la Banque mondiale, 1 000 ¨¤ 2 000 milliards de dollars sont perdus ¨¤ cause de la corruption, soit 10 fois le budget annuel des 34 pays membres de l'Organisation de coop¨¦ration et de d¨¦veloppement ¨¦conomiques r¨¦unis. La corruption n'est pas seulement un probl¨¨me national, mais aussi un probl¨¨me international et transnational qui exige des solutions mondiales.
La Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC), qui est entr¨¦e en vigueur en 2005, sert de base aux efforts men¨¦s ¨¤ l'¨¦chelle internationale. C'est le seul instrument contraignant, de port¨¦e universelle, de lutte contre la corruption, qui compte un nombre impressionnant d'?tats parties qui ne cessent d'augmenter. Le 9 novembre 2012, on d¨¦nombrait 164 ?tats signataires. L'adh¨¦rence universelle ¨¤ la Convention et sa mise en oeuvre dans son int¨¦gralit¨¦ doivent ¨ºtre notre objectif commun. Nous devons surtout nous concentrer sur la pr¨¦vention. Un chapitre entier de la Convention consacr¨¦ ¨¤ la pr¨¦vention pr¨¦conise des mesures visant les secteurs public et priv¨¦. En ce qui concerne la criminalisation, elle met l'accent sur les actes de corruption comme les pots-devin et le d¨¦tournement des fonds publics; le trafic d'influence; la dissimulation et le blanchiment du produit de la corruption; et les d¨¦lits commis pour soutenir la corruption, comme le blanchiment d'argent et l'obstruction ¨¤ la justice. Comme je l'ai dit plus haut, la corruption est un probl¨¨me transnational. C'est pourquoi la Convention traite de la coop¨¦ration entre les ?tats parties dans chaque aspect de la lutte contre la corruption. Ceux-ci sont tenus de se pr¨ºter une assistance mutuelle en recherchant des preuves et en les communiquant au tribunal afin d'extrader les coupables et de prendre des mesures pour faciliter la recherche, le gel, la saisie et la confiscation du produit de la corruption. Ils se sont ¨¦galement accord¨¦s pour ¨¦riger le recouvrement d'avoirs en principe fondamental de la Convention - un point particuli¨¨rement important pour de nombreux pays en voie de d¨¦veloppement o¨´ la corruption de hauts fonctionnaires a pill¨¦ les richesses nationales et o¨´ des ressources sont indispensables pour permettre aux soci¨¦t¨¦s de se reconstituer et de se d¨¦velopper.
Le r?le de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) est crucial en tant que garant de la Convention. Les diverses activit¨¦s de lutte contre la corruption men¨¦es par l'ONUDC, y compris la facilitation du M¨¦canisme d'examen de la mise en oeuvre de la Convention, les activit¨¦s d'assistance technique pour faire avancer la mise en oeuvre de la Convention, la coop¨¦ration avec la Banque mondiale sous la forme de l'Initiative pour le recouvrement des avoirs vol¨¦s, ainsi que la sensibilisation mondiale et les efforts de pr¨¦vention, sont tout ¨¤ fait louables. Tous les ?tats membres devraient apporter leur appui continu au travail important men¨¦ par l'ONUDC ¨¤ cet ¨¦gard.
Avec l'ONUDC, l'Autriche a avanc¨¦ pendant des ann¨¦es l'id¨¦e d'une acad¨¦mie internationale de lutte contre la corruption. Cette institution a ¨¦t¨¦ ¨¦tablie en Autriche sur la base de l'Accord portant sur la cr¨¦ation de l'Acad¨¦mie internationale de lutte contre la corruption (IACA) en septembre 2010. Depuis, le nombre d'?tats et d'organisations internationales constituant la partie principale des membres de cette Acad¨¦mie est pass¨¦ de 36 ¨¤ 61. En peu de temps, l'IACA est devenue op¨¦rationnelle et a offert des programmes de formation, des s¨¦minaires et des ateliers. ? la fin de 2012, elle a cr¨¦¨¦ un programme de master de deux ans en ¨¦tudes anti-corruption consistant en des modules de douze jours ayant lieu sur le campus de l'IACA en Autriche et un module, en coop¨¦ration avec la Commission de lutte contre la corruption en Malaisie et d'autres partenaires dans ce pays. L'IACA est une institution novatrice qui vise ¨¤ rem¨¦dier aux carences en connaissances et en pratiques actuelles en mati¨¨re de lutte contre la corruption. Elle est un centre d'excellence ind¨¦pendant pour l'¨¦ducation, la formation, les r¨¦seaux et la coop¨¦ration ainsi que la recherche universitaire dans ce domaine. Elle poursuit une approche internationale, interdisciplinaire, intersectorielle, int¨¦gratrice et durable.
Le maintien d'un ¨¦tat de droit fort ne se fait pas automatiquement. C'est un d¨¦fi quotidien. Chaque jour, nous sommes tous appel¨¦s ¨¤ promouvoir l'¨¦tat de droit dans nos activit¨¦s. Cela n'est pas toujours ais¨¦, en particulier dans les p¨¦riodes ¨¦conomiques difficiles. ?

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