Le 10 d¨¦cembre 2008, les Nations Unies ont comm¨¦mor¨¦ le soixanti¨¨me anniversaire de la D¨¦claration universelle des droits de l'homme par des c¨¦l¨¦brations dans le monde entier. Il y a six d¨¦cennies, la communaut¨¦ internationale affirmait que la force des id¨¦es partag¨¦es ainsi qu'une vision commune d'une coexistence pacifique et d'une coop¨¦ration entre les peuples pouvaient repousser la brutalit¨¦, la haine et la destruction.

N¨¦e des atrocit¨¦s commises durant la Seconde Guerre mondiale avec son lot de douleurs et de honte, la D¨¦claration a repr¨¦sent¨¦ et continue de repr¨¦senter l'une des r¨¦alisations les plus importantes de l'humanit¨¦. Elle incarne l'espoir d'un monde meilleur, o¨´ les aspirations de libert¨¦ et de bien-¨ºtre convergent. Les auteurs de la D¨¦claration, issus de divers pays et de diverses cultures, ont r¨¦ussi ¨¤ formuler pour la premi¨¨re fois un syst¨¨me de valeurs universelles ainsi que des droits qui garantissent ¨¤ tous, partout dans le monde, dignit¨¦, justice et ¨¦galit¨¦.

La D¨¦claration universelle a envisag¨¦ un monde o¨´ chaque homme, chaque femme et chaque enfant vivrait dans la dignit¨¦, ne conna¨ªtrait pas la faim et serait prot¨¦g¨¦ de la violence et de la discrimination, avec tous les b¨¦n¨¦fices du logement, des soins de sant¨¦, de l'¨¦ducation et des chances ¨¦gales. Cette vision repr¨¦sente la culture mondiale des droits de l'homme que nous nous attachons ¨¤ promouvoir et qui devrait nous unir au lieu de nous diviser, tant dans notre propre culture qu'entre les cultures.

N¨¦s de la formidable intuition et du travail pr¨¦liminaire des auteurs de la D¨¦claration, le discours et l'action sur les droits de l'homme ont, par la suite, soulign¨¦ avec une plus grande acuit¨¦ les ¨¦l¨¦ments fondamentaux qui d¨¦coulent de l'universalit¨¦ des droits de l'homme. Le droit relatif aux droits de l'homme et la d¨¦fense des droits de l'homme ont mis l'accent sur les valeurs communes inh¨¦rentes ¨¤ l'¨ºtre humain ainsi que sur le caract¨¨re indivisible des droits. Ils ont soulign¨¦ le devoir premier des ?tats d'assurer le plein effet de l'ensemble des droits ainsi que la responsabilit¨¦ de la communaut¨¦ internationale et de ses institutions de promouvoir une culture de solidarit¨¦ et de renforcer les capacit¨¦s de mise en ?uvre, de fa?on ¨¤ assurer le plein effet de ces droits.

Universalit¨¦ inh¨¦rente et indivisibilit¨¦ des droits

Les divers auteurs de la D¨¦claration universelle ont insist¨¦ sur la parent¨¦ des droits, notre droit ¨¤ tous de mener une vie dans la dignit¨¦ et d'¨ºtre pris en compte quels que soient le pass¨¦, le sexe, la couleur, le statut et les opinions. La D¨¦claration a ¨¦t¨¦ cruciale ¨¤ envisager la libert¨¦ et les droits comme des valeurs qui se renforcent mutuellement, issues des m¨ºmes aspirations humaines. Elle a li¨¦ sans aucune ¨¦quivoque la destitution et l'exclusion ¨¤ la discrimination et ¨¤ l'in¨¦galit¨¦ d'acc¨¨s aux ressources et ¨¤ l'¨¦galit¨¦ des chances. Les auteurs ont aussi compris que la stigmatisation sociale et culturelle a emp¨ºch¨¦ la pleine participation ¨¤ la vie publique, notamment la capacit¨¦ d'exercer une influence sur les politiques et d'obtenir justice. En d'autres termes, ils ont clairement indiqu¨¦ que tous les droits civils, politiques, ¨¦conomiques, sociaux et culturels ¨¦taient non seulement universels mais aussi indivisibles et li¨¦s entre eux dans leur application - individuellement et globalement. Ce qui signifie qu'on ne peut pleinement jouir d'un ensemble de droits sans l'autre. Comme l'a d¨¦clar¨¦ le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l'ONU, Ban Ki-moon, nous ne pouvons pas ? choisir les droits que nous voulons ?.

Je t¨¦moigne des caract¨¦ristiques communes aux droits de l'homme universels et des dangers de ne pas reconna¨ªtre leur indivisibilit¨¦. J'ai grandi ¨¤ Durban dans un syst¨¨me d'apartheid qui a institutionnalis¨¦ la discrimination raciale en d¨¦niant l'¨¦galit¨¦ des droits et la citoyennet¨¦ ¨¤ tous ceux qui n'¨¦taient pas blancs. Mais l'exp¨¦rience de l'Afrique du Sud montre qu'avec une volont¨¦ politique, l'engagement international et la d¨¦termination, il est possible de surmonter la discrimination, l'in¨¦galit¨¦ et l'intol¨¦rance et d'affirmer les droits civils, quels que soient les obstacles.

Je connais aussi de premi¨¨re main les b¨¦n¨¦fices des droits ¨¦conomiques, sociaux et culturels, notamment l'acc¨¨s ¨¤ l'¨¦ducation, ainsi que les effets des obstacles ¨¤ cet acc¨¨s. ? 16 ans, j'ai ¨¦crit un essai sur le r?le des femmes sud-africaines dans l'¨¦ducation des enfants sur les droits de l'homme. Quand l'essai a ¨¦t¨¦ publi¨¦, les membres de ma communaut¨¦ ont collect¨¦ des fonds pour envoyer ¨¤ l'universit¨¦ une jeune femme pleine de promesses et sans ressources. Malgr¨¦ leurs efforts et leur bonne volont¨¦, j'ai failli ne pas devenir avocate parce que, pendant le r¨¦gime d'apartheid, la s¨¦gr¨¦gation ¨¦tait omnipr¨¦sente. J'ai cependant pers¨¦v¨¦r¨¦. Apr¨¨s avoir obtenu mon dipl?me, j'ai recherch¨¦ un poste de stagiaire, ce qui ¨¦tait obligatoire dans le cadre de la loi, mais, en tant que femme noire, j'ai d? combattre de nombreuses discriminations et surmonter de nombreux obstacles. Finalement, un avocat noir a accept¨¦ de me prendre dans son ¨¦quipe, mais pas avant de lui avoir promis de ne pas tomber enceinte. J'ai aussi cr¨¦¨¦ mon propre cabinet d'avocats, pas par choix, mais parce qu'une avocate noire n'avait aucune chance de trouver un emploi.

En r¨¦sum¨¦, tant mon exp¨¦rience personnelle que mes convictions me poussent ¨¤ r¨¦affirmer que les droits politiques et civils ainsi que les droits ¨¦conomiques, culturels et sociaux sont ¨¦troitement li¨¦s entre eux. Je voudrais simplement souligner l'importance de l'¨¦ducation pour assurer un emploi, son impact positif sur la participation politique et sociale et l'acc¨¨s aux soins de sant¨¦ ainsi que le r?le d¨¦cisif qu'elle joue en mati¨¨re d'¨¦galit¨¦ entre les femmes et les hommes. Les violations d'un droit amoindrissent les autres droits et ont des r¨¦percussions en cascade.

On comprend mieux aujourd'hui comment les aspects du bien-¨ºtre humain et de la dignit¨¦ humaine, c'est-¨¤-dire les droits de l'homme, le d¨¦veloppement et la s¨¦curit¨¦, sont ¨¦troitement li¨¦s. Aujourd'hui, un vaste organe de droit international - allant du droit relatif aux droits de l'homme au droit humanitaire international en passant par le droit international des r¨¦fugi¨¦s et le droit p¨¦nal international - renforce la protection en temps de guerre, de paix et de situations d'urgence. Aucun ensemble de droits n'a ¨¦t¨¦ n¨¦glig¨¦.

La r¨¦cente Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forc¨¦es, la Convention relative aux droits des personnes handicap¨¦es et son Protocole facultatif et, aujourd'hui, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits ¨¦conomiques, sociaux et culturels t¨¦moignent du fait que la cr¨¦ation de normes est un processus continu qui peut ¨ºtre perfectionn¨¦ et agr¨¦ment¨¦ de nouvelles id¨¦es et de solutions pour r¨¦pondre aux d¨¦fis actuels et ¨¦mergents.

L'importance instrumentale des principes des droits de l'homme, comme l'¨¦galit¨¦, la participation, la responsabilit¨¦ et l'¨¦tat de droit, est aujourd'hui largement accept¨¦e. L'information et la libert¨¦ de r¨¦union et d'expression sont des ¨¦l¨¦ments vitaux dans l'¨¦laboration des politiques et la mise en ?uvre mesurable. Les droits socio-¨¦conomiques sont essentiels ¨¤ l'exercice efficace de ces libert¨¦s, et l'¨¦galit¨¦ des sexes a ¨¦galement ¨¦t¨¦ une condition pr¨¦alable indispensable pour promouvoir et diffuser l'¨¦ducation, le d¨¦velopement et am¨¦liorer la vie des populations dans le monde.

Pourtant l'universalit¨¦ des droits de l'homme est souvent remise en cause, plus souvent par les d¨¦biteurs de l'obligation que par les d¨¦tenteurs de droits. Ce scepticisme n'est pas tant d? ¨¤ des objections conceptuelles au d¨¦fi de l'universalit¨¦, mais est plut?t un moyen pour certains ?tats d'¨¦viter de mettre en ?uvre l'ensemble des droits de l'homme. Je suis toutefois persuad¨¦e que tous les peuples partagent les m¨ºmes id¨¦es sur les actions ¨¤ mener pour vivre dans la dignit¨¦, ¨¤ l'abri du besoin et de la peur. Alors que la promotion et la mise en ?uvre des normes des droits de l'homme demandent une prise de conscience du contexte, l'universalit¨¦ des valeurs fondamentales et des aspirations incarn¨¦es dans ces engagements est incontestable.

Les attaques sur l'universalit¨¦ des droits sont souvent des obstacles ¨¤ la mise en ?uvre des droits de l'homme. Certains critiques maintiennent que la D¨¦claration universelle est all¨¦e trop loin en promouvant la libert¨¦ et les valeurs des traditions lib¨¦rales. D'autres consid¨¨rent que ses auteurs ne sont pas all¨¦s assez loin et que la libert¨¦ occupe une place plus importante que le bien-¨ºtre mat¨¦riel. En fait, la D¨¦claration ne privil¨¦gie pas certaines cultures au d¨¦triment d'autres. Parlant au nom de notre humanit¨¦ commune, elle tire ses principes de nombreuses traditions et les ¨¦tablit sur une base solide par une codification uniforme.

La n¨¦cessit¨¦ d'une mise en ?uvre universelle

Malgr¨¦ les engagements solennels et les avanc¨¦es normatives, la mise en ?uvre pr¨¦sente d'importantes lacunes. Nous n'avons pas mis fin ¨¤ l'impunit¨¦, aux conflits arm¨¦s, ¨¤ la discrimination et au r¨¦gime autoritaire. Il est regrettable que les droits de l'homme soient parfois bafou¨¦s au nom de la s¨¦curit¨¦. Il est ¨¦galement d¨¦plorable qu'un compromis entre la justice et la paix soit souvent invoqu¨¦ quand les soci¨¦t¨¦s sortent d'un conflit et que les combattants retournent chez eux. La pauvret¨¦, les diverses manifestations de la discrimination, comme la race, l'appartenance ¨¤ un groupe ethnique, le sexe, le handicap, les conditions de sant¨¦ et l'orientation sexuelle, ainsi que les violations des droits de l'homme commis lors des mouvements massifs de personnes, constituent une des plus grandes pr¨¦occupations.

Alors que nous continuons ¨¤ ¨¦tablir des normes internationales, nous ne devrions jamais perdre de vue que ces normes sont pour les individus et les populations dans le monde particuli¨¨rement importantes au niveau national. Il faut redoubler d'efforts pour mettre en ?uvre les droits sur le terrain. Un premier pas indispensable est d'encourager les ?tats qui ne l'ont pas encore fait ¨¤ ratifier et ¨¤ mettre en ?uvre sans r¨¦serve tous les trait¨¦s internationaux des droits de l'homme. En plus d'int¨¦grer les normes internationales dans les syst¨¨mes l¨¦gaux nationaux, les autres ¨¦l¨¦ments n¨¦cessaires pour promouvoir le respect des droits de l'homme comprennent la mise en place de services judiciaires et l¨¦gislatifs ind¨¦pendants et d'institutions nationales des droits de l'homme. L'examen rigoureux r¨¦alis¨¦ par ces institutions, ainsi que par les m¨¦dias et d'autres organisations de la soci¨¦t¨¦ civile, est essentiel pour assurer la responsabilit¨¦ pour les actions men¨¦es ou pour l'omission de ces actions.

L'interpr¨¦tation du droit international relatif aux droits de l'homme est cependant loin d'¨ºtre uniforme, des approches diff¨¦rentes ayant ¨¦t¨¦ adopt¨¦es pour faire respecter les normes en mati¨¨re de droits de l'homme. Les interpr¨¦tations qui font loi et les ¨¦valuations faites par des m¨¦canismes ind¨¦pendants, comme les organes cr¨¦¨¦s en vertu d'instruments internationaux, les proc¨¦dures sp¨¦ciales ou les cours r¨¦gionales des droits de l'homme, fournissent les meilleures orientations. Mais on ne peut ¨¦chapper au fait qu'il est du devoir des ?tats, quels que soient leurs syst¨¨mes politiques, ¨¦conomiques et culturels, de promouvoir et de prot¨¦ger tous les droits de l'homme ainsi que toutes les libert¨¦s fondamentales. Pour cela, les gouvernements devraient utiliser toutes les ressources disponibles de mani¨¨re ¨¦quitable. En particulier dans les pays qui sont dans des situations de transition, la protection judiciaire des droits ¨¦conomiques, sociaux et culturels est d'une grande importance strat¨¦gique. Les droits des minorit¨¦s, des femmes et des groupes vuln¨¦rables, d¨¦savantag¨¦s et marginalis¨¦s, notamment leur droit ¨¤ acc¨¦der ¨¤ la justice ainsi que le droit ¨¤ une restitution et ¨¤ une indemnisation, doivent ¨ºtre sauvegard¨¦s.

Je voudrais aussi faire remarquer que toute strat¨¦gie globale visant ¨¤ promouvoir la mise en ?uvre universelle des droits de l'homme comprend l'¨¦ducation des droits de l'homme. En d¨¦veloppant les valeurs et en renfor?ant les attitudes qui soutiennent les objectifs de la D¨¦claration universelle, l'¨¦ducation des droits de l'homme souligne la responsabilit¨¦ commune d'actualiser ces droits dans chaque communaut¨¦. Cette ¨¦ducation permet aux d¨¦tenteurs de droits d'identifier leurs besoins, d'y r¨¦pondre et de trouver des solutions conformes aux normes internationales.

Et je dirais m¨ºme que loin d'¨ºtre une simple aspiration id¨¦aliste, la mise en ?uvre universelle des droits de l'homme est dans l'int¨¦r¨ºt de tous les ?tats. Il est aussi dans leur int¨¦r¨ºt d'assurer que leurs voisins les respectent. La r¨¦pression et les conditions de vie difficiles incitent souvent ceux qui ont les moyens et les capacit¨¦s ¨¤ abandonner leur pays pour trouver refuge ailleurs. Cette situation entra¨ªne une perte de potentiel et de ressources - ¨¤ la fois du capital humain et du capital social - un prix lourd ¨¤ payer non seulement pour ceux qui sont directement impliqu¨¦s mais aussi pour le d¨¦veloppement du pays qu'ils quittent. Les r¨¦fugi¨¦s qui fuient la guerre et la d¨¦vastation peuvent m¨ºme d¨¦stabiliser les pays voisins. De plus, quand des personnes sont d¨¦plac¨¦es dans leur pays, des populations enti¨¨res et des moyens d'existence sont d¨¦truits. Faute d'une bonne gouvernance et du respect des droits, la raison d'¨ºtre et la coh¨¦sion d'une nation sont sap¨¦es. Les cons¨¦quences de ces ¨¦checs persistent souvent longtemps apr¨¨s le retour ¨¤ la normale. Pour y rem¨¦dier, des investissements et des ressources consid¨¦rables sont souvent n¨¦cessaires de la part du pays concern¨¦ et de la communaut¨¦ internationale.
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Interd¨¦pendance mondiale et solidarit¨¦

Rien n'illustre peut-¨ºtre de fa?on plus frappante la n¨¦cessit¨¦ de r¨¦unir des ressources que les nouveaux d¨¦fis des droits de l'homme. Ces d¨¦fis comprennent les r¨¦centes situations d'urgence alimentaires, les crises financi¨¨res continues, le changement climatique, la migration et le terrorisme. Nous devons cependant continuer ¨¤ lutter contre les fl¨¦aux que nous connaissons depuis un si¨¨cle, comme la discrimination raciale et l'in¨¦galit¨¦ des sexes, par une action collective plus cibl¨¦e et plus efficace.

Mais ne nous m¨¦prenons pas : les plus chanceux parmi nous, ceux ¨¤ qui sont ¨¦pargn¨¦s les effets n¨¦gatifs de la catastrophe, ne peuvent ignorer les effets en cascade des abus et de l'indiff¨¦rence de chaque occupant de notre village mondial. Les droits, ou leurs violations, ainsi que la n¨¦gligence des obligations que les droits entra¨ªnent, engagent la solidarit¨¦ et la responsabilit¨¦ de tous. Nous avons vu comment des situations n¨¦glig¨¦es depuis longtemps ont pos¨¦ des dangers mondiaux au cours des r¨¦centes crises alimentaires et financi¨¨res. La p¨¦nurie de denr¨¦es alimentaires ¨¤ des prix abordables et le manque de moyens de subsistance, y compris l'acc¨¨s au cr¨¦dit, ont ¨¦t¨¦ particuli¨¨rement ressentis par les personnes, les familles et les populations qui ¨¦taient victimes de pratiques d'exclusion et de discrimination profond¨¦ment ancr¨¦es. Des crises de cette ampleur risquent de condamner des g¨¦n¨¦rations enti¨¨res ¨¤ la pauvret¨¦ extr¨ºme si nous n'examinons pas les causes structurelles de ces probl¨¨mes qui sont enracin¨¦es dans les violations des droits de l'homme.

En ne donnant pas aux groupes vuln¨¦rables les moyens de revendiquer leurs droits et en mettant en vigueur des politiques r¨¦pressives pour ¨¦touffer toute forme de contestation, nous aggravons encore plus la situation des populations marginalis¨¦es. Nous devons mettre en place des mesures pour y rem¨¦dier. Cela inclut non seulement des secours imm¨¦diats mais aussi des politiques ¨¦quitables sur la propri¨¦t¨¦ fonci¨¨re, l'acc¨¨s au cr¨¦dit et les services de base, l'¨¦galit¨¦ d'acc¨¨s aux autres ressources productives et l'intervention publique comme filet de s¨¦curit¨¦, ainsi que la cr¨¦ation de v¨¦hicules et de voies de communication pour faire conna¨ªtre les besoins, d¨¦noncer les abus et obtenir une r¨¦paration.

Pour mettre en ?uvre ces mesures, il faudrait d'abord tenir compte de l'appel du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l'ONU demandant ¨¤ redoubler d'efforts et ¨¤ promouvoir la r¨¦alisation des Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement, et s'assurer que cette d¨¦marche est fond¨¦e sur les droits de l'homme. L'une des ? valeurs ajout¨¦es ? de l'approche des droits de l'homme en mati¨¨re de r¨¦duction de pauvret¨¦ et de d¨¦veloppement, dont mon Bureau se fait le champion et le d¨¦fenseur ¨¤ chaque occasion, r¨¦side dans l'¨¦tablissement d'un cadre d'institutions et de normes pour r¨¦duire les disparit¨¦s et encourager la coop¨¦ration. Cette approche permet d'arbitrer les revendications conflictuelles qui se pr¨¦sentent in¨¦vitablement au cours du processus de d¨¦veloppement. Il est indiscutable que les normes en mati¨¨re de droits de l'homme fournissent un ensemble objectif de normes minimales qui nous permet d'identifier ceux qui ont ¨¦t¨¦ marginalis¨¦s, ou m¨ºme oubli¨¦s, dans le processus de changement social et de d¨¦veloppement.

Le changement climatique est une autre question internationale qui a souvent ¨¦t¨¦ trait¨¦e sans b¨¦n¨¦ficier de l'int¨¦gration d'une composante des droits de l'homme dans les interventions internationales. Les d¨¦fis li¨¦s au climat posent ¨¦galement une menace directe ¨¤ un ensemble de droits de l'homme universellement reconnus, comme le droit ¨¤ la vie, ¨¤ la nourriture, ¨¤ la sant¨¦ et ¨¤ un logement convenable. Les cons¨¦quences des conditions m¨¦t¨¦orologiques extr¨ºmes sont d¨¦j¨¤ visibles dans de nombreuses parties du monde. Une approche fond¨¦e sur les droits de l'homme nous am¨¨ne ¨¤ prendre en compte ceux dont la vie est la plus durement affect¨¦e. Elle fournit une raison l¨¦gale pour promouvoir l'int¨¦gration des obligations en mati¨¨re de droits de l'homme dans les politiques et les programmes qui traitent les effets n¨¦gatifs de l'environnement. Elle lie l'¨¦valuation des situations vuln¨¦rables critiques, qui sont volontairement ou non n¨¦glig¨¦es, ¨¤ la responsabilit¨¦ des actes d'engagement et d'omission de la part des ?tats.

La migration est aussi un autre d¨¦fi important qui n¨¦cessite une approche globale. La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leur famille fournit une base solide pour ¨¦laborer des politiques coh¨¦rentes entre les pays et respectueuses des droits des migrants ¨¤ la fois dans les pays d'accueil et les pays d'origine. J'encourage vivement tous les ?tats Membres de l'ONU ¨¤ ratifier cet instrument important car, pour r¨¦pondre efficacement aux d¨¦fis de la migration, il faut instaurer des normes uniformes permettant d'assurer une action concert¨¦e de la part des pays d'accueil et des pays d'origine. Nous ne devons aussi ¨¦pargner aucun effort dans la lutte contre la traite des ¨ºtres humains, un ph¨¦nom¨¨ne souvent li¨¦ aux flux migratoires. La traite est une industrie qui brasse des millions de dollars consid¨¦rant les ¨ºtres humains comme une marchandise. C'est une violation des droits de l'homme et une atteinte aux valeurs humaines.

En ce qui concerne le terrorisme, il est ind¨¦niable que ce fl¨¦au se d¨¦veloppe souvent dans des environnements o¨´ les droits de l'homme sont bafou¨¦s et viol¨¦s, o¨´ il n'existe pas de voies non violentes pour exprimer son m¨¦contentement, o¨´ la discrimination et l'exclusion sont une r¨¦alit¨¦ quotidienne. Il est largement reconnu que non seulement le respect des droits de l'homme est un ¨¦l¨¦ment essentiel d'une strat¨¦gie de lutte contre le terrorisme mais aussi que leur non-respect mine les efforts men¨¦s pour combattre ce fl¨¦au et engendre des conflits violents. Les droits de l'homme devraient ¨ºtre plac¨¦s au c?ur de la coop¨¦ration internationale en mati¨¨re de lutte contre le terrorisme. Les ?tats sont contraints juridiquement d'assurer que les mesures prises pour lutter contre les actes de terrorisme sont conformes ¨¤ leurs obligations dans le cadre du droit international relatif aux droits de l'homme, en particulier le droit d'¨ºtre reconnu en tant que personne devant la loi, les garanties d'une proc¨¦dure r¨¦guli¨¨re et le principe de non-refoulement*.

De par leur ampleur et leurs cons¨¦quences, les d¨¦fis mondiaux actuels en mati¨¨re de droits de l'homme seront probablement plus facilement reconnus comme des menaces courantes qui m¨¦ritent l'attention de la communaut¨¦ internationale. Pourtant, les abus profond¨¦ment enracin¨¦s qui sont dict¨¦s par le racisme, la x¨¦nophobie, la discrimination et l'intol¨¦rance sont des probl¨¨mes qui continuent d'¨ºtre une r¨¦alit¨¦ quotidienne dans le monde et qui sont trop souvent n¨¦glig¨¦s par la communaut¨¦ internationale. Il ne fait aucun doute que les rivalit¨¦s ethniques, la discrimination raciale et l'intol¨¦rance religieuse sont ¨¤ la base de nombreux conflits violents entre communaut¨¦s. La persistance du racisme apr¨¨s un conflit a ¨¦galement ¨¦t¨¦ une source importante d'instabilit¨¦ et un obstacle majeur ¨¤ une paix durable. La mobilit¨¦ croissante des personnes due ¨¤ la mondialisation ou au d¨¦placement forc¨¦ a engendr¨¦ des sentiments de haine et provoqu¨¦ la mont¨¦e de la x¨¦nophobie.

La gestion de la diversit¨¦ humaine, l'un des d¨¦fis du XXIe si¨¨cle, n¨¦cessitera une strat¨¦gie int¨¦grant plusieurs approches. La D¨¦claration et le Programme d'action, adopt¨¦s lors de la Conf¨¦rence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la x¨¦nophobie et l'intol¨¦rance qui y est associ¨¦e a fourni des outils pour aider les ?tats ¨¤ ¨¦radiquer la discrimination raciale et ethnique et les in¨¦galit¨¦s. Le d¨¦bat sur ce sujet a ¨¦t¨¦ raviv¨¦ par la d¨¦cision d'organiser un suivi ¨¤ la Conf¨¦rence des Nations Unies contre le racisme, la discrimination raciale, la x¨¦nophobie et l'intol¨¦rance qui y est associ¨¦e qui aura lieu en avril 2009 ¨¤ Gen¨¨ve. Elle sera charg¨¦e d'¨¦valuer la mise en ?uvre des engagements pris par les gouvernements il y a sept ans ¨¤ Durban pour ¨¦radiquer la haine et la discrimination.

Ce sujet a r¨¦cemment fait l'objet de nombreuses discussions et pol¨¦miques dont les propos n'ont pas toujours ¨¦t¨¦ mod¨¦r¨¦s ou exacts mais, fondamentalement, personne n'a contest¨¦ l'importance des questions qui seront examin¨¦es lors du suivi de la conf¨¦rence. Il est imp¨¦ratif que tous les ?tats participent et contribuent ¨¤ ce processus crucial afin de consolider la base commune pour les droits de l'homme fondamentaux. Pour optimiser nos chances de succ¨¨s dans ce processus, une participation active de tous est n¨¦cessaire pour promouvoir le d¨¦bat et la lutte contre le racisme. C'est pourquoi j'exhorte les gouvernements qui ont exprim¨¦ l'intention de ne pas participer ¨¤ la conf¨¦rence de reconsid¨¦rer leur position.

Cette discussion m'am¨¨ne aussi ¨¤ souligner une r¨¦alit¨¦ fondamentale : malgr¨¦ les meilleures des intentions, les instruments, les m¨¦canismes et les processus des droits de l'homme ne sont pas auto-valid¨¦s. Nous devons nous engager plus ¨¤ fond dans une action collaborative afin de maximiser le potentiel de changement et d'¨¦volution. La coop¨¦ration a lieu sous diverses formes et dans de nombreux lieux ? au niveau international principalement sous l'¨¦gide des Nations Unies, en particulier de l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale et du Conseil des droits de l'homme, ainsi que d'autres organes de l'ONU, comme le Conseil de s¨¦curit¨¦. Une caract¨¦ristique importante du Conseil des droits de l'homme est le m¨¦canisme d'examen p¨¦riodique universel (EPU) qui a d¨¦j¨¤ ¨¦t¨¦ soumis ¨¤ l'examen de 32 ?tats et obtenu des informations d'une vari¨¦t¨¦ de parties prenantes, dont la soci¨¦t¨¦ civile.

Nous devrions reconna¨ªtre que L'EPU constitue un potentiel prometteur, m¨ºme si je pense qu'une certaine forme d'expertise ind¨¦pendante devrait faire partie de la proc¨¦dure. Il n'a pas ¨¦t¨¦ possible d'inclure cette expertise au stade initial du suivi, mais les choses devraient ¨¦voluer lors de la pr¨¦paration du deuxi¨¨me cycle en 2011. De plus, le Conseil est un organe permanent. La fr¨¦quence de ses s¨¦ances officielles et officieuses peut permettre de mieux adapter les op¨¦rations et les r¨¦ponses aux situations chroniques de violation de droits de l'homme. Ce travail assidu peut ¨¦galement permettre de construire une base de compr¨¦hension solide et de cr¨¦er plus d'opportunit¨¦s en mati¨¨re de renforcement des capacit¨¦s parmi les membres du Conseil que ne le permettraient des interactions sporadiques.

La coop¨¦ration a lieu aux niveaux r¨¦gional et national. Je pense que dans ce cadre le Haut Commissariat aux droits de l'homme (HCR) occupe une position unique pour aider les organisations r¨¦gionales, les gouvernements, les institutions nationales des droits de l'homme et la soci¨¦t¨¦ civile ¨¤ prot¨¦ger et ¨¤ promouvoir les droits humains. L'expansion de ses op¨¦rations sur le terrain et son interaction plus fr¨¦quente et plus intensive avec les organismes de l'ONU et les autres partenaires cruciaux comme les gouvernements, les organisations internationales et la soci¨¦t¨¦ civile sont des ¨¦tapes importantes dans cette direction. C'est dans ce cadre que nous pouvons facilement d¨¦velopper une coop¨¦ration pratique en vue de cr¨¦er des syst¨¨mes nationaux qui encouragent les droits de l'homme et fournissent une protection et des recours aux victimes des violations.

Le HCR joue un r?le important dans les pays o¨´ ses bureaux sont ¨¦tablis, dans les missions de la paix ou avec les conseillers des droits de l'homme aupr¨¨s des ¨¦quipes de pays de l'ONU. Nos activit¨¦s sur le terrain comprennent actuellement 50 projets de coop¨¦ration technique qui consistent souvent ¨¤ assurer la surveillance des droits de l'homme et apporter une formation aux ?tats, aux institutions nationales des droits de l'homme et ¨¤ la soci¨¦t¨¦ civile pour les aider ¨¤ renforcer leurs capacit¨¦s, ¨¤ d¨¦velopper leur champ d'intervention et ¨¤ mieux surveiller les situations sur le terrain. Ces projets sont g¨¦n¨¦ralement mis en ?uvre en collaboration avec les organismes pertinents de l'ONU, les partenaires r¨¦gionaux et les organisations non gouvernementales. De plus, le HCR a ¨¦t¨¦ dot¨¦ d'une expertise solide dans les m¨¦canismes de justice transitionnelle mis en place pour traiter les crimes pass¨¦s. Ce sont des outils efficaces qui permettent de lutter contre l'impunit¨¦ et qui peuvent aussi encourager la r¨¦conciliation dans les soci¨¦t¨¦s qui sortent d'un conflit.

En conclusion, malgr¨¦ de nombreuses craintes et incertitudes, je suis encourag¨¦e par l'immense attention que la comm¨¦moration du soixanti¨¨me anniversaire de la D¨¦claration universelle a suscit¨¦e dans le domaine des droits de l'homme. Dans le monde entier, des organisations de b¨¦n¨¦voles, des institutions, des enseignants, des ¨¦tudiants, des avocats, des hommes politiques et les m¨¦dias ont port¨¦ leur attention sur la D¨¦claration, un document qui garde toute sa pertinence aujourd'hui. Mais nous ne pouvons pas en rester l¨¤. Soixante ans plus tard, il nous reste un long chemin ¨¤ parcourir pour atteindre les objectifs qui ont ¨¦t¨¦ ¨¦nonc¨¦s dans la D¨¦claration. Des dizaines de millions de personnes ignorent toujours qu'elles ont des droits qu'elles peuvent faire valoir, que leur gouvernement a l'obligation de leur rendre des comptes et qu'ils sont soumis ¨¤ un ensemble de lois nationales et internationales. Malgr¨¦ tous les efforts que nous menons depuis plus de soixante ans, il est essentiel de poursuivre notre action pour aider de plus en plus de personnes ¨¤ faire valoir leurs droits.
Nous savons qu'un grand nombre de d¨¦fis demeurent sur le chemin qui m¨¨ne ¨¤ la pleine r¨¦alisation des droits de l'homme. J'ai soulign¨¦ les plus difficiles, notamment ceux qui absorbent notre ¨¦nergie et notre attention, car le HCR accorde une grande importance aux questions prioritaires. Mais je voudrais souligner que les soixante ann¨¦es qui se sont ¨¦coul¨¦es depuis l'adoption de la D¨¦claration universelle ont ¨¦galement ouvert la voie de l'avenir. Nous comprenons mieux aujourd'hui que la poursuite des droits de l'homme requiert un engagement individuel et collectif. Cet engagement doit surmonter le sectarisme et les int¨¦r¨ºts mesquins, ce qui demande de l'imagination, de l'¨¦nergie, de la diplomatie, de la solidarit¨¦, de la d¨¦termination et de l'acharnement. Je suis s?re que les ?tats, les organisations internationales et la soci¨¦t¨¦ civile peuvent continuer ensemble ¨¤ exploiter ces qualit¨¦s et ¨¤ les mettre au service des droits de l'homme.

Nous ne pourrons honorer pleinement l'imposante vision de la D¨¦claration universelle que lorsque ses principes universels seront respect¨¦s partout dans le monde et par tous les peuples.

* Convention relative au statut des r¨¦fugi¨¦s. Article 33 (1). D¨¦fense d'expulsion ou de refoulement : ? Aucun des ?tats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque mani¨¨re que ce soit, un r¨¦fugi¨¦ sur les fronti¨¨res des territoires o¨´ sa vie ou sa libert¨¦ serait menac¨¦e en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalit¨¦, de son appartenance ¨¤ un certain groupe social ou de ses opinions politiques. ?