Malgr¨¦ les efforts concert¨¦s de nombreux acteurs, les progr¨¨s mondiaux en mati¨¨re de survie des enfants se sont ralentis par rapport aux progr¨¨s accomplis ces derni¨¨res d¨¦cennies. La mortalit¨¦ maternelle - le nombre de femmes qui meurent durant la grossesse ou l'accouchement - est pratiquement au m¨ºme niveau qu'il y a 20 ans. ? mi-chemin de l'¨¦ch¨¦ance de 2015, la cible fix¨¦e en 2000 par les dirigeants mondiaux pour atteindre les Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD) 4 et 5 relatifs ¨¤ la sant¨¦ infantile et maternelle sont loin d'¨ºtre en voie de r¨¦alisation1.


Les chiffres traduisent une situation pr¨¦occupante. En 2005, seulement 7 des 60 pays ayant des taux de mortalit¨¦ infantile ¨¦lev¨¦s ont fait les progr¨¨s n¨¦cessaires pour atteindre les OMD 42. Environ 10 millions d'enfants de moins de cinq ans meurent chaque ann¨¦e, dont 40 % de nouveau-n¨¦s dans le mois qui suit leur naissance. Trop souvent n¨¦glig¨¦e par les d¨¦cideurs politiques, la sant¨¦ n¨¦onatale n'a jamais re?u l'attention ni l'aide financi¨¨re n¨¦cessaires pour faire face ¨¤ ce grave probl¨¨me. L'OMD 4 vise ¨¤ r¨¦duire de deux tiers la mortalit¨¦ des enfants de moins de cinq ans et l'OMD 5 vise ¨¤ r¨¦duire de 75 %, entre 2000 et 2015, le taux de mortalit¨¦ maternelle.


En 2007, les organisations charg¨¦es de la sant¨¦ maternelle ont conclu que les progr¨¨s en vue de la r¨¦alisation de l'OMD 5 ¨¦taient trop lents. Le nombre total de femmes qui meurent durant la grossesse ou l'accouchement n'a pratiquement pas chang¨¦ entre 1990 (576 000) et 2005 (536 000). Le taux de mortalit¨¦ maternelle a donc baiss¨¦ de 1 %, alors que les pays se sont fix¨¦ comme objectif une baisse de 5,5 %3,4. La situation est particuli¨¨rement pr¨¦occupante en Afrique subsaharienne o¨´ le nombre de d¨¦c¨¨s li¨¦s ¨¤ la maternit¨¦ a m¨ºme augment¨¦ depuis 1990.


Pourquoi le monde semble-t-il si peu concern¨¦ par ce probl¨¨me et accepter le fait que les risques de d¨¦c¨¨s dus ¨¤ la grossesse sont 200 fois plus ¨¦lev¨¦s pour une femme d'un pays en d¨¦veloppement que pour celle d'un pays d¨¦velopp¨¦ ? Et pourquoi le monde ne semble-t-il pas remarquer que pr¨¨s de 10 millions d'enfants meurent chaque ann¨¦e de causes qui peuvent ¨ºtre ¨¦vit¨¦es ? La r¨¦ponse est ¨¤ la fois ¨¦vidente et complexe. Pendant des d¨¦cennies, la sant¨¦ maternelle, n¨¦onatale et infantile a occup¨¦ une place peu importante dans l'agenda de la sant¨¦ mondiale et du d¨¦veloppement, cette question n'¨¦tant pas consid¨¦r¨¦e comme une priorit¨¦ par les dirigeants politiques. Cela a cr¨¦¨¦ un cercle vicieux. Les investissements insuffisants dans les services de sant¨¦, ¨¤ la fois dans la formation du personnel et dans l'infrastructure, ont limit¨¦ la couverture des soins essentiels en mati¨¨re de survie, comme la pr¨¦sence d'un personnel qualifi¨¦ au moment de l'accouchement, la protection des nouveau-n¨¦s, le traitement des maladies diarrh¨¦iques et de la pneumonie chez les enfants de moins de cinq ans.


Le manque d'investissements dans les services de sant¨¦ pour les femmes et les enfants est d'autant plus ind¨¦fendable au XXIe si¨¨cle, ¨¦poque o¨´ la richesse atteint des proportions in¨¦dites. En 2000, quand les OMD ont ¨¦t¨¦ adopt¨¦s, la production ¨¦conomique mondiale ¨¦tait de 31 millions de milliards de dollars5. Pourtant, chaque ann¨¦e, les pays en d¨¦veloppement n'ont pas acc¨¨s aux 9 milliards de dollars dont ils ont besoin pour assurer les soins de sant¨¦ maternels, n¨¦onatals et infantiles6. Cette insuffisance a entra¨ªn¨¦ la mort d'environ 70 millions de m¨¨res, de nouveau-n¨¦s et d'enfants depuis 2000, dont la plus grande majorit¨¦ se trouvait dans les pays pauvres.


Or, l'OMD 4 est r¨¦alisable - et l'OMD 5 aussi. Un certain nombre de pays ont d¨¦j¨¤ d¨¦montr¨¦ qu'ils ¨¦taient capables de r¨¦duire les d¨¦c¨¨s maternels de 75 % en moyenne7. La Tha?lande a r¨¦duit son taux de 87,5 % entre 1960 et 1982. La Malaisie et le Sri Lanka ont ¨¦galement enregistr¨¦ une r¨¦duction de plus de 50 % pendant la m¨ºme p¨¦riode.


? partir des informations mondiales et des exp¨¦riences nationales, nous pouvons prendre quatre mesures essentielles aujourd'hui, qui pourraient sauver 50 millions de vies d'ici ¨¤ 2015.


Les dirigeants nationaux et les d¨¦cideurs politiques doivent faire de la sant¨¦ de la m¨¨re, du nouveau-n¨¦ et de l'enfant une priorit¨¦. La grossesse n'est pas une maladie. Nous ne pouvons laisser mourir des centaines de milliers de femmes qui donnent la vie. L'acc¨¨s aux soins de sant¨¦ est un droit de base dont les femmes et les m¨¨res devraient jouir, comme leurs nouveau-n¨¦s et leurs enfants.


Les femmes jouent un r?le essentiel dans leur foyer et leur communaut¨¦, ainsi que dans l'¨¦conomie mondiale. Elles sont ¨¤ la t¨ºte de 25 ¨¤ 33 % des m¨¦nages et assurent les besoins de leur famille avec leur seul revenu8. Quand nous ¨¦chouons ¨¤ sauver leur vie, nous ne laissons pas seulement les familles et les communaut¨¦s face ¨¤ des pertes tragiques et irrempla?ables, mais nous manquons aussi une occasion importante de promouvoir le d¨¦veloppement humain. On estime que la mortalit¨¦ maternelle et n¨¦onatale co?te 15 milliards de dollars par an en perte de productivit¨¦, dont la moiti¨¦ est associ¨¦e aux femmes et l'autre aux nouveau-n¨¦s9. Il faut donc tenir les hommes politiques et les dirigeants responsables de l'autonomisation des femmes et de leur famille afin qu'elles puissent jouir du droit fondamental ¨¤ la vie et ¨¤ la sant¨¦.


Il faut responsabiliser les prestataires des soins de sant¨¦. Tout en investissant dans les syst¨¨mes de sant¨¦ de base, il nous faut aussi exploiter un potentiel cach¨¦ en mati¨¨re de soins de sant¨¦, les prestataires de soins dont beaucoup sont des femmes et des m¨¨res. Globalement, 70 % du personnel soignant est compos¨¦ de femmes10. Se trouvant en premi¨¨re ligne et ¨¦tant t¨¦moin de trag¨¦dies, le personnel soignant - m¨¦decins, infirmi¨¨res et sages-femmes - joue indiscutablement un r?le essentiel dans la recherche de solutions, l'¨¦tablissement des priorit¨¦s et leur mise en ?uvre. Ils peuvent avoir un impact important en faisant pression et en demandant que des changements soient apport¨¦s dans la fourniture des soins maternels, n¨¦onatals et infantiles en sollicitant la participation des organisations mondiales et nationales des professionnels de la sant¨¦. En outre, ces professionnels sont de plus en plus appel¨¦s ¨¤ adopter des solutions efficaces et pratiques pour faire face aux probl¨¨mes actuels.


La communaut¨¦ internationale doit appuyer ? Un programme de sant¨¦ pour tous ?. Une cause majeure des progr¨¨s in¨¦gaux en mati¨¨re de sant¨¦ infantile et maternelle au cours des 20 derni¨¨res ann¨¦es r¨¦side dans la mani¨¨re dont l'aide internationale pour la sant¨¦ a ¨¦t¨¦ distribu¨¦e aux pays en d¨¦veloppement. Souvent, les organisations donatrices ont centr¨¦ leur attention sur des maladies ou des interventions sp¨¦cifiques, ce qui a emp¨ºch¨¦ l'adoption d'une approche globale visant ¨¤ renforcer les services de sant¨¦ de base. Avec le lancement, en septembre 2007, de la Campagne mondiale en vue de la r¨¦alisation des Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement li¨¦s ¨¤ la sant¨¦, des signes encourageants montrent que la communaut¨¦ internationale progresse sur la voie d'une approche plus ¨¦quilibr¨¦e et harmonis¨¦e pour soutenir les pays.


Afin de r¨¦aliser tous les objectifs li¨¦s ¨¤ la sant¨¦, nous devons veiller ¨¤ ce que : les organisations donatrices aident les pays ¨¤ attirer des ressources suppl¨¦mentaires en fonction de leurs besoins actuels en mati¨¨re de sant¨¦ et de leur fardeau des maladies; les pays b¨¦n¨¦ficient d'une aide financi¨¨re plus pr¨¦visible afin de les aider ¨¤ planifier et ¨¤ mettre en ?uvre les strat¨¦gies de sant¨¦ ¨¤ long terme; et les gouvernements nationaux et les donateurs collaborent dans le cadre d'un programme de sant¨¦ unique, y compris la sant¨¦ maternelle, n¨¦onatale et infantile. En effet, la disponibilit¨¦ et l'accessibilit¨¦ des services de qualit¨¦ de base pour les femmes et les enfants doivent ¨ºtre per?ues comme des indicateurs cl¨¦s de l'efficacit¨¦ d'un syst¨¨me de sant¨¦ d'un pays.


La soci¨¦t¨¦ civile et les communaut¨¦s doivent jouer un r?le central dans le mouvement mondial visant ¨¤ atteindre les OMD li¨¦s ¨¤ la survie maternelle et infantile. Dans de nombreuses communaut¨¦s pauvres et mal ¨¦quip¨¦es pour faire face aux besoins en sant¨¦, le manque d'informations contribue aux ? tabous ? et ¨¤ la fatalit¨¦ li¨¦s ¨¤ la mortalit¨¦ maternelle, n¨¦onatale et infantile. En R¨¦publique-Unie de Tanzanie, par exemple, moins de la moiti¨¦ des femmes (46 %) a b¨¦n¨¦fici¨¦ en 2005 de l'assistance d'un personnel qualifi¨¦ pendant l'accouchement11.


Dans de nombreuses communaut¨¦s des pays en d¨¦veloppement, le d¨¦c¨¨s survenant pendant la grossesse ou l'accouchement est m¨ºme consid¨¦r¨¦ comme une chose normale. Les communaut¨¦s et les organisations de la soci¨¦t¨¦ civile ont un r?le important ¨¤ jouer pour combler ensemble ce manque d'informations afin de sensibiliser la communaut¨¦ internationale sur l'importance de ces questions.


Le Partenariat pour la sant¨¦ de la m¨¨re, du nouveau-n¨¦ et de l'enfant (PMNCH) a ¨¦t¨¦ ¨¦tabli en 2005 pour promouvoir la mobilisation et l'action en vue de la r¨¦alisation des OMD 4 et 5. Toutes les mesures cit¨¦es plus haut font partie de l'action du Partenariat qui s'articule autour de quatre piliers strat¨¦giques : la mobilisation mondiale; la coordination dans les pays; la promotion d'interventions efficaces; le suivi et l'¨¦valuation. Aujourd'hui, le Partenariat rassemble plus de 200 membres - organismes de l'ONU, gouvernements donateurs, pays en d¨¦veloppement, soci¨¦t¨¦ civile et organisations des professionnels de la sant¨¦ - engag¨¦s ¨¤ am¨¦liorer les soins de sant¨¦ pour les femmes, les nouveau-n¨¦s et les enfants dans les pays en d¨¦veloppement.


En novembre 2007, Masahiko Koumura, Ministre des Affaires ¨¦trang¨¨res du Japon, le pays qui accueille le Sommet du G8 en 2008, a annonc¨¦ l'intention de son pays des donner la priorit¨¦ aux OMD li¨¦s ¨¤ la sant¨¦ mondiale, y compris la sant¨¦ maternelle, n¨¦onatale et infantile pendant sa pr¨¦sidence du G8. Beaucoup consid¨¨rent que l'attention et l'engagement des leaders du G8, repr¨¦sentant les nations les plus riches au monde, pourraient avoir un effet important et positif sur ce domaine n¨¦glig¨¦. Nous sommes impatients de travailler dans les mois ¨¤ venir avec tous les partenaires et de profiter de cette occasion historique pour am¨¦liorer la survie et le bien-¨ºtre des femmes, des nouveau-n¨¦s et des enfants - les communaut¨¦s les plus expos¨¦es au manque de soins de sant¨¦. Ensemble, nous pouvons et devons am¨¦liorer notre efficacit¨¦.
Notes 1. Nations Unies , Rapport sur les Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement 2007 (New York, 2007).
2. PMNCH, ?valuation des progr¨¨s en mati¨¨re de survie des enfants : rapport 2005 (UNICEF, 2005).
3. K. Hill et al., ? Estimates of maternal mortality worldwide between 1990 and 2005: An assessment of available data ?, Lancet 370 (2007): 1311-19.
4. OMS, UNICEF, UNFPA et WB, ? Maternal Mortality Declining in Middle-income Countries; Women Still Die in Pregnancy and Childbirth in Low-income Countries ?, communiqu¨¦ de presse 56 (11 octobre 2007).
5. Fonds mon¨¦taire international, Base de donn¨¦es sur les perspectives de l'¨¦conomie mondiale (octobre 2007).
6. OMS, Rapport sur la sant¨¦ dans le monde 2005 : donnons sa chance ¨¤ chaque m¨¨re et ¨¤ chaque enfant (2005).
7. Carine Rosnmans et al., Maternal Mortality: Who, when, where, and why, Lancet 368 (2006): 1189-1200.
8. K. Gill, R. Pande and A. Malhotra, Women Deliver for Development, Washington, D.C.: Centre international de recherche sur les femmes (24 juillet 2007), 37-41.
9. ONUSAID Congressional Budget Justification FY2002: Program, performance and prospects -- The global health pillar, (Washington, D.C.: United States Agency for International Development, 2001).
10. OMS, Rapport de la sant¨¦ dans le monde 2006 : travailler ensemble pour la sant¨¦ (2005).
11. Enqu¨ºte d¨¦mographique et de sant¨¦ en Tanzanie, 2004/05, Bureau national des statistiques, Tanzanie ().