adultes handicapés n’atteint que 3?%, et 1?% seulement chez les femmes en situation de handicap. Le milliard de personnes handicapées, soit environ 15?% de la population mondiale, constitue la plus grande minorité de la planète. Il est donc impératif d’assurer leur inclusion à part entière dans la société, à commencer par garantir l’égalité d’accès à une éducation de qualité.
Néanmoins, les étudiants, personnels universitaires et chercheurs en situation de handicap demeurent sous-représentés, et comptent parmi les catégories les plus marginalisées et les plus vulnérables au sein des universités. Ils rencontrent des difficultés d’accès aux infrastructures et sont confrontés à diverses formes de stigmatisation et de discrimination, ainsi qu’à des obstacles à l’exercice de leurs droits. L’éducation inclusive joue un r?le essentiel, tant pour les étudiants, chercheurs et personnels universitaires en situation de handicap que pour la société dans laquelle ils vivent, car elle favorise la lutte contre la discrimination et contribue à promouvoir la diversité et la participation.
La série d’entretiens sur le handicap et l’enseignement supérieur que vous propose l’Impact Universitaire des Nations Unies (UNAI) met en lumière la contribution des intellectuels en situation de handicap dans le milieu universitaire et s’intéresse aux moyens de créer un environnement éducatif véritablement inclusif. Cet article aborde l’importance de reconna?tre, de légitimer et de tenir compte des handicaps non apparents, du handicap mental et de la manière dont cela peut influencer la réussite des étudiants sur le plan scolaire et personnel.
??Mais, tu n’as pas l’air handicapée??, ??Tu peux te servir de tes mains et de tes yeux, tu es valide, alors pourquoi tu cherches une excuse pour ne pas travailler???? Ce ne sont là que quelques exemples de remarques entendues par Oladoyin Idowu, jeune dyslexique. Ce trouble de l’apprentissage se traduit par des difficultés en lecture, en écriture et en compréhension, mais comme il ne se voit pas facilement, il passe fréquemment inaper?u.??
Oladoyin, 21?ans, est en dernière année de psychologie à l’Université Redeemer, située dans l’?tat d’Osun, au Nigéria. Elle agit également en tant que porte-parole des étudiants neuroatypiques et créatrice de la , un organisme de la société civile destiné à mieux faire connaitre les troubles spécifiques des apprentissages. Selon Oladoyin, sa dyslexie l’a poussée vers ses plus belles réussites à ce jour.?
??? sa première rentrée des classes, chaque enfant arrive avec le c?ur rempli de curiosité et d’espoir??, raconte Oladoyin en se remémorant le début de sa vie d’écolière atteinte d’un trouble de l’apprentissage non diagnostiqué. ??On s’aper?oit d’entrée que l’on est en difficulté, pas au même niveau que ses camarades de classe. Cela finit par saper la confiance en soi.?? Elle a toujours su qu’il y avait quelque chose de différent en elle, et elle se disait?: ??Doyin, tu n’es pas comme les autres.?? Cependant, les adultes de son entourage, y compris ses médecins, ne faisaient qu’ignorer ses questions à propos de cette ??différence??, souvent par manque de compréhension.?
Oladoyin a effectué toute sa scolarité primaire et secondaire sans qu’un diagnostic soit posé sur sa dyslexie et n’a donc pas re?u l’aide dont elle avait besoin pour atteindre le niveau que l’on attendait d’elle. Au cours d’une année scolaire typique, elle recevait des heures de soutien à domicile dans chaque matière à n’en plus compter, y compris pendant les vacances. Il lui est même arrivé plusieurs fois d’être punie, car ses résultats n’étaient pas satisfaisants. Cependant, ce genre de solutions symptomatiques se sont avérées guère efficaces. Pour ??survivre à l’école??, Oladoyin a d? trouver des méthodes de contournement lui permettant, à défaut de comprendre vraiment le contenu des cours, de le mémoriser pour réussir ses examens. En procédant ainsi, elle a pu terminer le lycée.??
Mais au moment d’entamer des études supérieures, elle a eu du mal à suivre les cours préparatoires aux examens d’entrée à l’université internationale. Pour préparer ces évaluations axées sur la compréhension et les aptitudes de mise en pratique, le par c?ur ??ne faisait plus l’affaire??. Au prix d’importants efforts pour réussir les épreuves standardisées d’entrée, Oladoyin a fini par être re?ue à l’université. Elle a cependant renoncé au bout de quelque temps, car les stratégies auxquelles elle a fait appel les années précédentes ne répondaient pas aux exigences de l’enseignement supérieur.??
Comme elle n’avait pas conscience de son handicap, et sans accompagnement adapté à ses besoins, Oladoyin a temporairement abandonné son rêve de poursuivre des études supérieures et a entamé une carrière dans le design d’intérieur. Ses parents se sont fortement opposés à cette décision. ? leurs yeux d’universitaires, obtenir un dipl?me d’enseignement supérieur représentait sa seule chance de mener une vie productive et épanouie. Même si Oladoyin pensait qu’une carrière dans le design aurait pu lui plaire, elle se sentait en décalage avec ses camarades à l’idée de savoir que contrairement à elle, qui s’était engagée dans une autre voie, ils réussissaient leurs études supérieures.?
??Suis-je bête???? Cette question, Oladoyin l’a tapée un jour dans son navigateur web. En quelques millisecondes à peine, Internet lui a proposé tout un arsenal de mèmes, de citations et d’articles. Parmi ceux-ci, il s’en trouvait un qui l’a frappée. Enfin, il lui était donné de découvrir le nom de la fautive, celle qui lui échappait depuis si longtemps?: la dyslexie. ??Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie comprise. C’était comme si j’avais raconté à quelqu’un ce que je ressentais depuis tant d’années et qu’on l’avait écrit??, a-t-elle expliqué. Au cours des mois suivants, Oladoyin s’est plongée dans ses recherches sur la dyslexie et les autres troubles des apprentissages. En découvrant que les chercheurs se penchaient sur la question depuis plus d’un siècle, mais qu’en Afrique, on en savait peu sur le sujet et qu’il existait peu d’initiatives en la matière, elle a décidé de devenir porte-parole des apprenants neuroatypiques. ??J’ai pris conscience que mon trouble de l’apprentissage, en l’absence de diagnostic et de soutien adapté, a failli me co?ter mon avenir et ma vie. Penser que d’autres personnes ont vu leur avenir leur échapper à cause de cela, c’est ce qui me motive. C’est ce qui me frustre et ce qui me fait avancer.?????
Pour mettre fin au silence qui entoure la neurodiversité, Oladoyin a lancé One Word Africa, une organisation visant à susciter une prise de conscience à l’égard des troubles d’apprentissage chez les neuroatypiques et leur offrir un soutien. Depuis sa création, il y a quatre ans, One Word Africa organise des événements autour de la dyslexie et des autres troubles d’apprentissage pour informer et générer une prise de conscience. Tous les mois, l’organisation accueille Dyslexia Tribe, un groupe de soutien et de thérapie pour les personnes dyslexiques. Elle a par ailleurs édité un guide à l’usage des enseignants pour les aider à mieux répondre aux besoins de leurs élèves présentant des troubles d’apprentissage. Même si au départ elle a rencontré des difficultés pour mobiliser des fonds, la plupart des donateurs préférant orienter leur soutien vers des organisations consacrées aux handicaps physiques, Oladoyin est fière d’avoir réussi, par le biais de son organisation, à faire parler davantage des troubles d’apprentissage au Nigéria. ??Je trouve cela passionnant qu’aujourd’hui, lorsque l’on évoque la dyslexie, les personnes qui en souffrent n’aient pas honte de le dire. ? mon avis, c’est notre plus grande réussite.?? Oladoyin veut surtout que les gens sachent que rien ne leur est impossible, même s’ils ont des troubles d’apprentissage. Pour joindre le geste à la parole, et convaincre les autres qu’ils en sont aussi capables, elle a repris ses études après une interruption de deux ans afin de préparer une licence de psychologie.?
Certains aspects de la dyslexie sur le plan scolaire, à l’image des difficultés d’apprentissage, sont relativement bien compris, mais ??l’impact psychologique de la dyslexie sur la personne dyslexique, ses parents, ses soignants et ses enseignants est souvent laissé de c?té??, souligne Oladoyin. S’appuyant sur son expérience personnelle, elle explique que ce handicap peut facilement conduire les personnes qui en sont atteintes à douter d’elles-mêmes, à avoir une faible estime de soi et à souffrir de dépression, et que les traces psychologiques ainsi laissées ??sont indélébiles??. Ses cours de psychologie lui ont appris à ??considérer l’individu avant tout en tant que personne plut?t qu’en fonction de son handicap??. Cette vision l’a beaucoup aidée à élaborer et mettre en ?uvre des solutions par le biais de One Word Africa.?
Oladoyin tient à préciser qu’au Nigéria, le plus grand défi auquel font face les personnes atteintes de troubles d’apprentissage concerne le système, ??les politiques éducatives, les programmes, la manière dont ils sont con?us??. Selon elle, tenter une réforme de l’éducation est une démarche qui s’apparente à un ??manège?: parfois, vous pensez qu’il faut vous y prendre par le haut avant de vous rendre compte qu’il faut partir du bas?? et vice versa. Elle explique par ailleurs qu’en cas de réticence des représentants gouvernementaux quant à la refonte des programmes scolaires, on peut décider de travailler avec les enseignants. En les formant, on peut les aider à mieux connaitre la dyslexie et à adapter leur pédagogie aux besoins de leurs élèves. Certains enseignants peuvent néanmoins se montrer peu disposés à appliquer ces méthodes, car leur objectif est de préparer les élèves aux examens administrés par le gouvernement, épreuves qui ne tiennent pas compte des troubles d’apprentissage. ?voquant sa propre expérience, elle explique?: ??J’ai appris gr?ce à une méthode compréhensible pour moi, mais j’ai d? l’abandonner au profit d’une stratégie me permettant de réussir mes examens. La fa?on dont le système éducatif a été con?u influe sur l’impact que nous [les partenaires éducatifs] pouvons avoir.?????
Oladoyin propose d’actualiser les programmes et les politiques dans un souci de les mettre plus en phase avec l’évolution des mentalités et des besoins des étudiants. ??Ces changements devraient être apportés non pas par ceux et celles qui le font depuis des années??, mais par des personnes dont les connaissances approfondies et à jour font qu’elles ??comprennent les handicaps et ce qui est réalisable??. Elle appelle également les gouvernements à faciliter les partenariats avec les organisations de la société civile, en vue de dispenser aux enseignants une formation adéquate et holistique qui leur permettra d’adapter leur pédagogie aux apprenants présentant des besoins particuliers.??
Oladoyin rêve d’un avenir fait d’opportunités sans limites pour les étudiants présentant des troubles d’apprentissage, un avenir où ??le système [éducatif] permet aux dyslexiques d’exister, leur propose d’apprendre de fa?on accessible, sur un terrain d’égalité.???
Ressources?:
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- #Envision2030?: 17 objectifs pour transformer le monde des personnes handicapées?(en anglais)
- (en anglais)
- ONU DAES?: Outils sur le handicap pour l’Afrique?
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- Assurer aux personnes handicapées l’accès, sur un pied d’égalité, à une éducation inclusive de qualité?(en anglais)
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