10 juillet 2020 ¡ª Pr¨¦venir les prochaines pand¨¦mies implique de r¨¦duire les possibilit¨¦s d¡¯¨¦mergence des , les maladies infectieuses transmissibles de l¡¯animal ¨¤ l¡¯homme, mais aussi d¡¯en savoir davantage sur l¡¯origine de la COVID-19, derni¨¨re en date de ces affections ¨¦mergentes. Les Nations Unies explorent ces deux versants, d¡¯une part en identifiant les risques zoonotiques, d¡¯autre part en mettant en place une ¨¦tude internationale sur la source animale du nouveau coronavirus.

Afin de pr¨¦parer les termes de l¡¯¨¦tude en gestation ainsi que son programme de travail, une ¨¦quipe de l¡¯ se rendra en Chine le week-end prochain. L¡¯objectif est de ? faire progresser la compr¨¦hension des animaux h?tes de la COVID-19 et de d¨¦terminer comment la maladie est pass¨¦e de l¡¯animal ¨¤ l¡¯homme ?, a indiqu¨¦ mardi le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur g¨¦n¨¦ral de l¡¯institution sanitaire.

L¡¯¨¦quipe, compos¨¦e de deux experts du si¨¨ge de Gen¨¨ve, l¡¯un sp¨¦cialiste de la sant¨¦ animale, l¡¯autre ¨¦pid¨¦miologiste exp¨¦riment¨¦, elle se joindra au personnel local de l¡¯agence pour d¨¦finir, en concertation avec la communaut¨¦ scientifique chinoise, ? la port¨¦e et le mandat d'une mission internationale dirig¨¦e par l'OMS ?, a-t-il lors d¡¯un point de presse virtuel.

Peu auparavant, le Dr Michael Ryan, Directeur ex¨¦cutif de l¡¯OMS en charge de la gestion des situations d¡¯urgence, avait attendre beaucoup de cette collaboration et des enqu¨ºtes men¨¦es avec la Chine et d¡¯autres pays sur la source zoonotique de la COVID-19. C¡¯est, selon lui, ? un pas de plus pour que les pays invitent des ¨¦quipes internationales et collaborent ouvertement avec elles ?.

L¡®OMS travaille d¡¯ores et d¨¦j¨¤ ¨¤ la question de l¡¯origine du virus par diff¨¦rent biais. Ses investigations sur les premiers cas humains lui ont permis de produire une sur les sp¨¦cificit¨¦s du nouveau coronavirus et le r?le qu¡¯a pu jouer le march¨¦ d¡¯animaux de Wuhan, en Chine, dans la propagation de la maladie. Elle a aussi pris contact avec les auteurs d¡¯¨¦tudes selon lesquelles des traces de COVID-19 auraient ¨¦t¨¦ d¨¦couvertes dans les eaux us¨¦es de villes europ¨¦ennes avant m¨ºme la d¨¦tection des premiers cas.

L¡¯agence a par ailleurs , le 1er mai, l¡¯avis de son Comit¨¦ d¡¯urgence lui demandant de s¡¯atteler ¨¤ l¡®identification de la source animale du virus au travers de missions ?scientifiques internationales men¨¦es en collaboration avec ?l¡¯ et l¡¯.

Ce que l¡®on sait de l¡¯origine de la COVID-19

Tout indique, selon l¡¯OMS, que la maladie de COVID-19 est caus¨¦e par le , un nouveau coronavirus d¡¯origine animale, dont le premier r¨¦servoir est probablement la chauve-souris, plus ±è°ù¨¦³¦¾±²õ¨¦ment la chauve-souris de genre Rhinolophus, ou chauve-souris fer ¨¤ cheval.

Ce groupe h¨¦berge en effet deux coronavirus ¨¦troitement li¨¦s au SRAS-CoV-2. L'un d¡¯eux, le RATG13, a ¨¦t¨¦ trouv¨¦ chez des chauves-souris fer ¨¤ cheval interm¨¦diaires (Rhinolophus affinis) dans la province chinoise du Yunnan en 2013 et son g¨¦nome est identique ¨¤ 96 % ¨¤ celui du SRAS-CoV-2. L¡¯autre coronavirus le plus proche est le RmYN02.  D¨¦couvert chez les chauves-souris malaisiennes (Rhinolophus malayanus), il partage 93 % de sa s¨¦quence g¨¦n¨¦tique avec le SARS-CoV-2.

Une analyse r¨¦cente de plus de 1 200 coronavirus pr¨¦lev¨¦s sur des chauves-souris en Chine confirme que les chauves-souris fer ¨¤ cheval du Yunnan constituent l'origine probable du nouveau coronavirus. Toutefois, l¡¯¨¦tude n'exclut pas la possibilit¨¦ que le virus provienne de chauves-souris de cette esp¨¨ce pr¨¦sentes dans des pays voisins comme le Myanmar, le Laos et le Vietnam.

Selon la revue scientifique Nature, la diff¨¦rence de 4 % entre les g¨¦nomes de RATG13 et SARS-CoV-2 repr¨¦sente ? des d¨¦cennies d'¨¦volution ?. Le nouveau coronavirus pourrait ainsi avoir ¨¦t¨¦ transmis ¨¤ un h?te interm¨¦diaire avant de se propager ¨¤ l¡¯homme, ¨¤ l¡¯instar du virus ¨¤ l¡®origine du syndrome respiratoire aigu s¨¦v¨¨re (SRAS), pass¨¦ des chauves-souris fer ¨¤ cheval aux civettes avant d'atteindre les humains.

Le , mammif¨¨re le plus braconn¨¦ au monde en raison des vertus th¨¦rapeutiques suppos¨¦es de ses ¨¦cailles, fait partie des animaux le plus souvent soup?onn¨¦s d¡¯avoir servi d¡¯interm¨¦diaire entre la chauve-souris et l¡¯homme. Des ¨¦tudes ont ¨¦tabli que des coronavirus h¨¦berg¨¦s par des pangolins malais (Manis javanica) partagent jusqu'¨¤ 92 % de leurs g¨¦nomes avec le SARS-CoV-2. Rien ne prouve cependant que le nouveau coronavirus soit pass¨¦ du pangolin aux humains.

Pour tracer sans ¨¦quivoque le parcours du virus vers les humains, les chercheurs devraient trouver un animal h¨¦bergeant ? une version semblable ¨¤ plus de 99 % au SRAS-CoV-2 ?, souligne Nature. Or cette perspective est compliqu¨¦e par le fait que le virus s'est largement propag¨¦ parmi les humains, lesquels l¡¯ont ¨¦galement transmis ¨¤ d'autres animaux, notamment les chats, les chiens et les visons d'¨¦levage.

Des maladies imputables ¨¤ des facteurs humains

Un chercheur de l'Institut international de recherche sur l'¨¦levage (ILRI) pr¨¦l¨¨ve des ¨¦chantillons de s¨¦rum de moutons.

La COVID-19, qui a d¨¦j¨¤ caus¨¦ la mort de plus de 550 000 personnes dans le monde, selon le dernier d¨¦compte de l¡¯OMS, appartient ¨¤ la famille des zoonoses, ces maladies dont la propagation des animaux aux populations humaines a ¨¦t¨¦ intensifi¨¦e par les pressions exerc¨¦es par l¡¯homme sur son environnement.

Parmi les zoonoses apparues ou r¨¦apparues r¨¦cemment figurent le virus Ebola, dont une nouvelle flamb¨¦e dans l¡¯est de la R¨¦publique d¨¦mocratique du Congo (RDC), mais aussi la grippe aviaire, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), le virus Nipah, la fi¨¨vre de la vall¨¦e du Rift, le SRAS, le virus du Nil occidental et la maladie virale de Zika. Toutes sont li¨¦es ¨¤ l'activit¨¦ humaine.

Dans un publi¨¦ lundi sur les moyens de ? briser la cha?ne de transmission ? des zoonoses pour mieux pr¨¦venir les prochaines pand¨¦mies, le et l' identifient sept tendances ¨¤ l'origine de l'¨¦mergence croissante de ces maladies.

Ils pointent en particulier la demande humaine accrue de prot¨¦ines animales, l¡¯intensification des pratiques agricoles non durables et l¡¯exploitation des esp¨¨ces sauvages et de la faune. Autres facteurs cit¨¦s : l¡¯utilisation non durable des ressources naturelles, acc¨¦l¨¦r¨¦e par l¡¯urbanisation, le changement d¡¯affectation des sols et les industries extractives, l¡¯augmentation des voyages et des transports, les ¨¦volutions de la cha?ne agroalimentaire et le changement climatique.

? La science est claire : si nous continuons ¨¤ exploiter la faune et ¨¤ d¨¦truire nos ¨¦cosyst¨¨mes, nous pouvons nous attendre ¨¤ voir un flux constant de ces maladies passer des animaux aux humains dans les ann¨¦es ¨¤ venir ?, a averti Inger Andersen, Directrice ex¨¦cutive du PNUE, ¨¤ l¡¯occasion de la publication de ce rapport destin¨¦ ¨¤ les d¨¦cideurs gouvernementaux, les entreprises et les repr¨¦sentants de la soci¨¦t¨¦ civile dans le monde entier. ? Pour pr¨¦venir de futures ¨¦pid¨¦mies, nous devons devenir beaucoup plus conscients de la protection de notre environnement naturel ?.

Environ 75 % des nouvelles maladies infectieuses humaines ¨¦mergentes franchissent la barri¨¨re des esp¨¨ces et sont transmises aux humains par des animaux. Leur pr¨¦vention est d¡¯autant plus urgente que le co?t de ces zoonoses est extr¨ºmement ¨¦lev¨¦. ? Selon le Fonds mon¨¦taire international (FMI), la pand¨¦mie de COVID-19 devrait co?ter ¨¤ l'¨¦conomie mondiale 9 000 milliards de dollars au cours des deux prochaines ann¨¦es ?, a °ù²¹±è±è±ð±ô¨¦ lundi le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU, Ant¨®nio Guterres.

Chaque ann¨¦e, pr¨¦cise le rapport, deux millions de personnes meurent de zoonoses n¨¦glig¨¦es, principalement dans les pays ¨¤ revenu faible ou interm¨¦diaire. Ces flamb¨¦es peuvent aussi provoquer des pertes de productivit¨¦ parmi les populations de b¨¦tail dans le monde en d¨¦veloppement, un probl¨¨me majeur qui maintient des centaines de millions de petits agriculteurs dans une pauvret¨¦ extr¨ºme.

Une partie de la solution se joue en Afrique

Alors que les zoonoses sont en augmentation partout sur la plan¨¨te, bon nombre des pays africains ont r¨¦ussi ¨¤ g¨¦rer des ¨¦pid¨¦mies zoonotiques mortelles et peuvent tirer parti de cette exp¨¦rience pour faire face ¨¤ de futurs foyers gr?ce ¨¤ des approches int¨¦grant la sant¨¦ humaine, animale et environnementale, soulignent le PNUE et l¡¯ILRI, y voyant une ? source de solutions ? importante pour pr¨¦venir les pand¨¦mies ¨¤ venir.  

Le continent abrite en effet une grande partie des for¨ºts tropicales humides et autres terres sauvages encore intactes du monde. L¡¯Afrique a ¨¦galement la population humaine dont la croissance est la plus rapide au monde, ce qui entra?ne une augmentation des rencontres entre le b¨¦tail et la faune sauvage et, par cons¨¦quent, un fort risque de maladies zoonotiques.

? La situation actuelle sur le continent est propice ¨¤ l¡¯intensification de zoonoses existantes et peut favoriser l¡¯¨¦mergence et de la propagation de nouvelles maladies ?, confirme le directeur g¨¦n¨¦ral de l¡¯ILRI, Jimmy Smith.

Toutefois, ajoute-t-il, gr?ce ¨¤ leur gestion pass¨¦e et actuelle des ¨¦pid¨¦mies de zoonoses - du virus d¡¯immunod¨¦ficience humaine (VIH) ¨¤ la fi¨¨vre Lassa, en passant par Ebola et Zika - et d¡¯autres maladies ¨¦mergentes, les pays africains font preuve de r¨¦activit¨¦. ? Ils appliquent de nouvelles approches de contr?le des maladies fond¨¦es sur les risques plut?t que sur des r¨¨gles, qui sont mieux adapt¨¦es aux milieux pauvres en ressources ?.

En Ouganda, par exemple, les autorit¨¦s ont r¨¦ussi ¨¤ r¨¦duire les maladies zoonotiques et les d¨¦c¨¨s dus notamment au virus Ebola, au paludisme et ¨¤ la fi¨¨vre de la vall¨¦e du Rift. Les techniques utilis¨¦es comprennent l¡¯utilisation de syst¨¨mes satellitaires pour anticiper les fortes pr¨¦cipitations et la formation d¡¯essaims de moustiques susceptibles de d¨¦clencher des ¨¦pid¨¦mies.

Forts de leur exp¨¦rience, ces pays associent l¡¯expertise humaine, animale et environnementale dans des initiatives proactives, conform¨¦ment ¨¤ l¡¯approche ?  ?, soutenue par l¡¯OMS, la FAO et l¡¯OIE. Cette m¨¦thode, qui r¨¦unit les comp¨¦tences en mati¨¨re de sant¨¦ publique, de m¨¦decine v¨¦t¨¦rinaire et d¡¯environnement, est consid¨¦r¨¦e par la communaut¨¦ scientifique comme la plus efficace pour pr¨¦venir les ¨¦pid¨¦mies et les pand¨¦mies de zoonoses et organiser une riposte appropri¨¦e.

Adopter cette approche multisectorielle ? aidera les gouvernements, les entreprises et la soci¨¦t¨¦ civile ¨¤ veiller ¨¤ la bonne sant¨¦ des personnes, des animaux et des milieux naturels ?, meilleur gage de pr¨¦vention des maladies zoonotiques, assurent les auteurs du rapport, publi¨¦ ¨¤ l'occasion de la Journ¨¦e mondiale des zoonoses.

?galement impliqu¨¦e dans ces efforts de pr¨¦vention, a profit¨¦ de cette journ¨¦e symbolique pour rappeler que des techniques d¨¦riv¨¦es du nucl¨¦aire servent ¨¤ d¨¦tecter en temps r¨¦el la propagation des agents pathog¨¨nes zoonotiques, tels que les virus, et identifier l¡¯exposition ¨¤ ces infections. En r¨¦ponse ¨¤ la pand¨¦mie de COVID-19, l¡¯entit¨¦ onusienne a lanc¨¦ en juin l¡¯initiative (Zoonotic Disease Integrated Action), destin¨¦e ¨¤ renforcer les capacit¨¦s des pays en mati¨¨re de d¨¦tection pr¨¦coce, de diagnostic et de contr?le des flamb¨¦es de zoonoses.