22 juillet 2020 — La pandémie de COVID-19 poursuit inexorablement sa progression en Afrique, mena?ant des vies, des moyens de subsistance et des années de développement. Mais des risques plus graves encore se profilent, liés en particulier aux impacts du changement climatique. Pour répondre à cette autre urgence aux implications à long terme, les Nations Unies soutiennent les initiatives africaines visant à une reconstruction ? verte ? du continent.

Pour l’heure, l’ s’inquiète de ? l’accélération ? de l’épidémie en Afrique, même si le continent, avec environ 10 000 décès dus à la COVID-19, reste aujourd’hui le deuxième moins touché au monde, devant l’Océanie. Il compte désormais plus de 600 000 cas confirmés de la maladie et plusieurs pays d’Afrique australe et orientale ont enregistré une augmentation supérieure à 50 % au cours de la semaine écoulée.

L’Afrique du Sud, où le coronavirus a déjà tué plus de 5 000 personnes, soit la moitié du total régional, ? peut malheureusement être un précurseur de ce qui va se passer dans le reste de l’Afrique ?, a lundi le Dr Michael Ryan, Directeur exécutif de l’institution en charge des situations d’urgence, lors d’un point de presse en téléconférence depuis Genève.

? la menace sanitaire s'ajoutent les risques de faim et de pauvreté sur un continent où trois personnes sur quatre souffrent d'insécurité alimentaire. Plus de 320 millions de personnes n'ont pas accès à une eau potable gérée de manière s?re et plus de la moitié de la population ne bénéficie d’aucun système d'assainissement.

Pour l’ONU, il est d’autant plus urgent de venir en aide à ce continent que sa croissance économique risque de se contracter de 2,6 % cette année, poussant 29 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté. Mais cette assistance immédiate doit s’assortir d’un soutien continu en vue d’une reconstruction post-COVID-19 durable.

Adaptation au changement climatique 

? Si rien n'est fait, le changement climatique, la destruction de l'environnement, l'élévation du niveau des mers, les sécheresses, les inondations et d'autres risques environnementaux pourraient déclencher des migrations massives, aggraver les conflits et perturber, voire inverser, une décennie de croissance économique ?, , conseiller technique de l’équipe nature, énergie et climat du .

? Il est impératif que les plans de relance post-COVID-19 intègrent les impacts climatiques à court et long terme et débloquent des solutions technologiques et financières appropriées ?, plaide pour sa part Seyni Nafo, ambassadeur du Mali pour le climat et coordonnateur de l'. Il y voit la clé ? pour une reprise économique solide et une meilleure résilience pour le bien-être des populations et des écosystèmes ?.

Lancée en décembre 2015, lors de la 21e Conférence des parties (COP), organe chargé de contr?ler la mise en ?uvre de la , l’IAA est une initiative dirigée et coordonnée par l’Afrique pour intensifier les actions d’adaptation du continent aux problématiques liées au climat.  

Bien que le soutien international soit nécessaire et qu'il soit programmé dans l'ensemble du système des Nations Unies, notamment par le biais du Cadre des Nations Unies pour une réponse socio-économique immédiate à la COVID-19, dont le PNUD assure la coordination technique, ? les efforts de reconstruction viendront principalement de l'ingéniosité africaine, de la résilience africaine, des institutions africaines et des dirigeants africains ?, souligne M. Labate.

Solutions africaines pour l’Afrique 

Face aux défis multiples que conna?t le continent, des solutions africaines se font jour, à l’image de l‘application Covi-ID développée par des universitaires sud-africains à partir de la technologie dite de la ? cha?ne de blocs ?. Ses objectifs : améliorer la recherche des contacts des patients infectés, permettre aux utilisateurs de fournir un statut COVID-19 vérifié et récompenser les personnes confinées pour leur comportement responsable.

Le Rwanda s‘est quant à lui distingué en déployant des dans deux de ses centres de soins ainsi qu’à l’aéroport international de Kigali. Rendue possible gr?ce à un partenariat entre le gouvernement rwandais et le laboratoire d’accélération local du PNUD, cette initiative vise à soutenir les efforts nationaux de lutte contre la maladie.

Vue d'un aérogénérateur dans un parc éolien.

Soucieux que la COVID-19 n’éclipse pas les efforts menés contre le dérèglement climatique, le Rwanda est par ailleurs devenu en mai le premier pays africain à aligner son action climatique sur les objectifs retenus dans l’Accord de Paris. Sa ? contribution nationale déterminée ? (NDC) actualisée prévoit la réduction de 16 % de ses émissions par rapport à sa trajectoire actuelle d’ici 2030.

Dans le même ordre d’idées, plusieurs pays africains installent des systèmes électriques alimentés à l’énergie solaire dans des établissements de santé et des cliniques difficiles d’accès gr?ce au soutien apporté par le PNUD via son initiative ? ?.  D’ores déjà, 7 000 m2 de panneaux solaires ont été posés sur le toit de l’entrep?t médical national de Zambie et plus de 400 centres de soins au Zimbabwe en sont également équipés, ce qui leur permet de fonctionner en continu et de préserver la cha?ne de froid pour les vaccins et les médicaments.

L'Afrique montre aussi la voie à suivre aux niveaux politique et stratégique. Pour preuve, 54 dirigeants africains ont approuvé, fin mai, un ensemble de recommandations formulées par l’IAA et la , organisme fondé et codirigé par l’ancien Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, dans le cadre de leurs ? réponses intégrées pour renforcer la résilience au climat et aux pandémies en Afrique ?.  

Ces recommandations comprennent des mesures d'adaptation destinées à garantir l'approvisionnement alimentaire des populations vulnérables, à renforcer la cha?ne de valeur agricole et à accro?tre l'accès à l'eau et à l'assainissement. Parallèlement, elles visent à combler le déficit du continent en infrastructures résilientes et créatrices d’emplois, un besoin évalué par la Banque mondiale à 100 milliards de dollars par an pour la prochaine décennie.

Triple dividende pour l’Afrique

Pour l’IAA et la GCA, ces propositions de réponse devraient se traduire par un ? triple dividende ? pour les pays africains : réduction du risque de pandémie, augmentation de la résilience au climat et renforcement de la reprise économique.

Les pays à faible et moyen revenu pourraient, à eux seuls, tirer un bénéfice net de 4 200 milliards de dollars de l'investissement dans des infrastructures privilégiant la technologie, la résilience et la durabilité, assurent les deux organismes. Cela représenterait un rendement de 4 dollars pour chaque dollar dépensé. En revanche, un investissement dans des infrastructures non optimisées pour la résilience ne rapporterait que 1,5 dollar pour chaque dollar dépensé.

Quant à la crise induite par la COVID-19, son véritable impact sur le climat ? dépendra en fin de compte des choix que nous faisons pour récupérer ?, a fait valoir le président gabonais Ali Bongo Ondimba, coordonnateur du Comité des chefs d'?tat et de gouvernement africains sur les changements climatiques (CAHOSCC) et soutien de l’IAA.

Selon lui, ? atteindre les objectifs de l’ en matière d’atténuation et d’adaptation doit être au c?ur de ces démarches afin que nous puissions réduire la probabilité de futures pandémies ?.

Dans ce vaste effort d’adaptation au changement climatique, l’Afrique n’est pas seule. Une partie des 16,6 milliards d’euros que la Banque européenne d’investissement (BEI) s’apprête à déployer dans le monde pour financer des projets de riposte à la COVID-19 mais aussi de développement concernent des pays du continent africain.

Deux milliards d’euros doivent ainsi être débloqués pour la réalisation de deux nouvelles interconnexions électriques au Mali et à Madagascar, afin de réduire la dépendance aux combustibles fossiles. Plus d’un milliard d’euros seront par ailleurs investis par la BEI dans la transformation des transports publics dans des villes égyptiennes et la construction de logements à faible consommation d’énergie au Kenya.

En début d’année, l’Union européenne a également octroyé à l’IAA une nouvelle subvention d’un million d’euros pour des projets qui seront mis en ?uvre par le PNUD et d’autre partenaires tel que le , la Commission de l’Union africaine et la Banque africaine de développement.

? Gr?ce à ce capital d'amor?age, l'Initiative sert désormais d'intermédiaire et de catalyseur pour réunir les principales parties prenantes, discuter et concevoir des stratégies résilientes au climat pour le développement durable en Afrique ?, précise Umberto Labate.

La communauté internationale s'est rapidement portée au secours de l’Afrique pour l’aider à répondre aux impacts de la COVID-19, observent l’IAA et la GCA. Toutefois, ajoutent-elles, les fonds annoncés jusqu’à présent ? ne couvrent pas les plus de 100 milliards de dollars dont les pays africains ont immédiatement besoin pour faire face à cette crise, en termes de santé publique et de protection sociale ?.    

? Pendant ce temps, l’Afrique continue d’être confrontée aux mêmes défis, notamment l’urgence climatique ?, constatent les deux organismes, appelant à une ? réponse intégrée aux deux crises ?, afin que les programmes de reprise puissent ? propulser l’Afrique vers davantage de résilience ?.

Un grand besoin énergétique pour reconstruire

Dans l’optique d’une relance post-COVID-19, le continent doit garantir sa suffisance énergétique tout en intensifiant ses investissements dans les énergies renouvelables, a soutenu Vera Songwe, Secrétaire exécutive de la , le 15 juillet, lors d’un organisé par la Fondation Res4Africa.   

La situation énergétique de l’Afrique a cependant évolué ces derniers mois. Depuis l’apparition du coronavirus, les secteurs du commerce, de l’éducation et de la santé se sont fortement déportés sur les plateformes numériques, consommant environ 40 % de l’énergie du continent, a-t-elle .

? Donc, pour que nous puissions avoir sur le continent un secteur des TIC (technologies de l’information et des communications) viable, qui permette à nos économies de reb?tir sur des bases plus solides, nous allons avoir besoin de beaucoup d’énergie ?, a expliqué Mme Songwe. Selon elle, les investissements privés joueront un r?le crucial, notamment avec le lancement de la .

Pour la responsable onusienne, la question centrale en Afrique est moins la transition que la substitution énergétique.  ? Nous n’avons pas de problème de transition du même degré que l’Europe ?, a-t-elle précisé, notant que la priorité est aujourd’hui de ? remplacer les mauvais combustibles fossiles co?teux par quelque chose de plus propre et certainement moins cher ?, c’est-à-dire ? des énergies vertes et durables ?.

Outre la question du financement des infrastructures se pose également celle de la viabilité du secteur de l’énergie en Afrique. ? l’heure actuelle, a-t-elle indiqué, seuls l’Ouganda et les Seychelles ont un service public de l’énergie à flot, la grande majorité de autres pays du continent fonctionnant avec des pertes excessives.

? l’occasion de ce webinaire, Francesco La Camera, Directeur général de l’, a souligné l’importance des décisions énergétiques de l’Afrique pour l’atténuation du changement climatique et le développement socio-économique du continent. ? La nécessité d’électrifier les villes de manière durable doit être au c?ur des stratégies gouvernementales ?, a-t-il plaidé.

? ses yeux, la transition énergétique est essentielle ? non seulement pour la relance post-COVID-19 mais aussi pour la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et la prospérité à long terme de l’Afrique ?.