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Les musulmans de l'ouest de la RCA au cour d'une lutte sans merci

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Les musulmans de l'ouest de la RCA au cour d'une lutte sans merci

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Photo: Nicholas Long/IRIN
Un anti-balaka à Boda, RCA Photo: Nicholas Long/IRIN

BODA (OUEST DE LA RCA), 26 mars 2014 (IRIN) - Les miliciens anti-balaka de la ville minière de Boda, en République centrafricaine (RCA), ont rejeté une initiative parrainée par le gouvernement visant le maintien sur place d'une communauté musulmane d'environ 12 000 membres.

Le porte-parole d'un groupe de combattants anti-balaka de la ville de Boda, qui s'est présenté sous le nom d'Edgar Flavien, a dit à IRIN le 19 mars qu'il ne pouvait tolérer la présence continue de musulmans en ville.

« Nous ne voulons pas que les musulmans restent ici », a-t-il dit. « Ils ont incendié nos maisons et tué nos familles. Nous ne voulons pas d'eux en RCA ou à Boda. »

Il commentait les propos d'un conseiller gouvernemental affirmant que les anti-balaka de Boda s'étaient engagés à ne pas s'en prendre aux musulmans et à coopérer pleinement avec les soldats de maintien de la paix français.

Boda est l'un des derniers bastions musulmans de l'ouest de la RCA, alors que le gros de la communauté a fui le pays depuis décembre, et l'une des rares villes en dehors de la capitale où des troupes de la mission française de maintien de la paix, Sangaris, ont été déployées.

« Si nous devons partir d'ici, l'ouest du pays en aura fini avec nous », a dit à IRIN Mahamat Adoum, un négociant en diamants, en ajoutant qu'il avait peu d'espoir que sa communauté puisse rester malgré les efforts conjoints des soldats de maintien de la paix et des travailleurs humanitaires. Les musulmans de Boda avec lesquels les journalistes d'IRIN ont pu s'entretenir - lors d'une brève visite de trois heures seulement - ont tous répondu par l'affirmative à la question de savoir s'ils souhaitent partir.

Des musulmans piégés en centre-ville de Boda

Les habitants de la région, y compris les combattants anti-balaka, s'accordent à dire que Boda était paisible l'année dernière, lorsqu'elle était sous contrôle de l'alliance majoritairement musulmane de la Séléka qui a pris le pouvoir de la capitale en mars 2013 et est accusée de nombreuses atrocités. Les affrontements ont éclaté presque aussitôt après le départ de la Séléka le 28 janvier, a dit M. Flavien, l'anti-balaka.

Un marché et de nombreux autres bâtiments ont été rasés en quelques jours de combat à peine, dont le lourd bilan des pertes a été largement relayé. Depuis, les musulmans sont piégés dans ce qui subsiste du centre-ville, tandis qu'entre 30 000 et 40 000 chrétiens - des déplacés pour l'essentiel, qui passent la nuit dans l'enceinte ou aux abords des écoles et des églises - occupent d'autres quartiers de Boda.

Joachim Kokaté, un conseiller gouvernemental qui se présente comme étant le coordonnateur militaire des anti-balaka depuis quelques mois, a mené une mission de médiation à Boda la semaine dernière, où il s'est entretenu avec les responsables communautaires et les anti-balaka.

« Les anti-balaka se sont engagés à ne plus s'en prendre aux musulmans, et à collaborer pleinement avec la mission française Sangaris, notamment en lui communiquant des informations », a-t-il dit à Ndeke Luka, une station de radio de la capitale, à son retour de mission.

« L'atmosphère à Boda était mauvaise. Nous avons rencontré la communauté musulmane le matin et les chrétiens l'après-midi, ainsi que les anti-balaka. Mais à aucun moment il n'y a eu de rencontre entre les deux communautés », a-t-il toutefois ajouté.

« Les musulmans se sont dits prêts à dialoguer avec les chrétiens, mais les chrétiens ne veulent pas en entendre parler. Les deux communautés se rejettent mutuellement la responsabilité de la destruction et des massacres. »

Pourtant, un rapport rédigé par un collectif d'organisations humanitaires s'étant rendues à Boda du 12 au 14 mars affirme qu'en privé certains chrétiens expriment le souhait de voir les musulmans rester.

Les troupes françaises favorisent la sécurité

La population musulmane locale a constaté une amélioration de la sécurité depuis le déploiement de 80 troupes françaises, mais des membres de la communauté continuent de disparaître. Les corps de trois musulmans ont été repêchés dans un cours d'eau le 13 mars, et deux grenades ont été lancées dans leur périmètre quatre jours plus tard.

M. Flavien a nié toute implication de son groupe dans l'affaire des grenades.

« Nous n'avons que des couteaux et des machettes », a-t-il dit. « Nous n'avons pas de grenades ou de fusils. »

Il a également dit que son groupe reconnaissait Patrice-Edouard Ngaissona comme étant le coordonnateur national des anti-balaka, et non pas M. Kokaté. Les procureurs de la République centrafricaine ont lancé un mandat d'arrêt à l'encontre de M. Ngaissona, qui se trouve toujours en fuite.

Selon la communauté musulmane locale, les récentes attaques à la grenade n'ont fait aucun mort et le maire de Boda, Mahamat Awal - un musulman - a confirmé que sa communauté était désormais plus en sécurité.

« Mais nous n'avons aucune liberté », a-t-il dit. « On ne peut pas s'éloigner à plus de 100 mètres de notre périmètre sous peine de se faire tuer, alors il est compliqué pour nous de rester ici. On préférerait être emmenés ailleurs en RCA en attendant qu'un dialogue se noue avec les chrétiens. »

Une passerelle délimite l'un des côtés du périmètre de sa communauté. Lors de leur brève visite sur place, les journalistes d'IRIN n'ont vu aucun membre de l'une ou de l'autre communauté la traverser. Le quartier général de la mission française à Boda surplombe le pont, et les anti-balaka ont installé des postes de contrôle à une centaine de mètres des deux côtés du bâtiment.

Il est impossible aux musulmans de Boda de se rendre dans les champs ou dans les mines de diamants, et les chrétiens ne leur vendent plus de diamants, tarissant de fait leur principale source de revenus, a expliqué Mahamat Adoum, le diamantaire.

D'après lui, 95 pour cent des négociants en diamants de la région de Boda sont musulmans, et la quasi-totalité des mineurs sont non-musulmans. De l'avis de M. Adoum, les non-musulmans auront des difficultés à reprendre cette branche d'activité, car elle repose sur une confiance difficile à gagner.

Mais M. Flavien, l'anti-balaka, a dit qu'un monopole musulman n'était pas nécessaire. « Nous pouvons trouver d'autres acheteurs pour nos diamants », a-t-il dit. « Même les blancs peuvent venir ici acheter nos diamants. »

Plus de denrées alimentaires et de bâches en plastique requises

Les organisations humanitaires, dont le Programme alimentaire mondial et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), viennent en aide aux habitants de Boda en leur fournissant des denrées alimentaires, des moustiquaires, des médicaments et d'autres articles et soins médicaux par le biais d'une organisation non gouvernementale (ONG) partenaire, AHA (the African Humanitarian Agency).

Une mission conjointe réunissant cinq organisations s'est rendue à Boda du 12 au 14 mars pour évaluer les besoins humanitaires et les tensions intercommunautaires.

Dans son rapport, la mission souligne un besoin en denrées alimentaires et bâches en plastique, le manque de soins portés aux enfants malnutris et l'insuffisance des précautions prises par le personnel médical en matière d'hygiène.

Il est ajouté que les anti-balaka harcèlent notoirement la population. Selon une source, ils auraient récemment volé quantité de téléphones portables aux chrétiens.

Le rapport note qu'en public, aussi bien les musulmans que les chrétiens affirment que les musulmans doivent partir, mais qu'en privé certains chrétiens disent vouloir qu'ils restent, notamment en raison de leur important rôle d'acheteurs de produits locaux. Une femme chrétienne a même parlé d'organiser une manifestation en faveur d'un maintien des musulmans.

L'intervention de la force Sangaris et les patrouilles qu'elle organise reçoivent une appréciation positive. Le déploiement d'un contingent de troupes de l'Union africaine (de la République démocratique du Congo) est également prévu à Boda. Un travailleur humanitaire a dit à IRIN que ces troupes congolaises accusaient au moins dix jours de retard sur leur programme de déploiement en raison de « problèmes logistiques ».

Le rapport préconise qu'une ONG se mette à l'ouvre à Boda, pour aider les habitants à trouver des activités rémunératrices en organisant des travaux de reconstruction et en accordant des microcrédits.

Il est également recommandé de poursuivre la planification de la relocalisation des musulmans qui souhaitent partir, et que les organisations humanitaires prennent contact avec les anti-balaka pour plaider en faveur de la protection des civils. Ìý

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