Selon un nouveau rapport consacré exclusivement à l’Afrique, l’augmentation des températures et l’élévation du niveau de la mer, la modification du régime des précipitations et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes menacent la santé et la sécurité humaines, la sécurité alimentaire, l’approvisionnement en eau et le le développement socio-économique du continent.
, une publication interorganisations coordonnée par l’Organisation météorologique mondiale (OMM), donne un aperçu des tendances climatiques actuelles et futures et des impacts correspondants sur l’économie et dans des secteurs sensibles tels que l’agriculture. Il insiste sur les leçons à retenir pour lutter contre le changement climatique en Afrique et recense des moyens de remédier aux graves lacunes et difficultés recensées.
Ce rapport est publié le 26Ìýoctobre, lors d’un événement de niveau ministériel consacré à son lancementÌýafin de souligner l’urgence d’une action climatique en Afrique et de faire le point sur les capacités actuelles. Les risques sont de plus en plus importants.
«Le changement climatique a un impact croissant sur le continent africain. Il frappe plus durement les plus vulnérables et accroît l’insécurité alimentaire, les déplacements de population et les pressions exercées sur les ressources en eau. Ces derniers mois, nous avons assisté à des inondations dévastatrices et à une invasion de criquets pèlerins. ÀÌýprésent, la perspective inquiétante d’une sécheresse causée par un épisode La Niña se dessine. La pandémie de COVID-19 a aggravé le bilan humain et économique», a déclaré le Secrétaire général de l’OMM, M.ÌýPetteri Taalas.
«Les données scientifiques sur le climat représentent un pilier du renforcement de la résilience, une pierre angulaire de l’adaptation au changement climatique, ainsi qu’un terreau fertile pour les moyens d’existence et de développement durables. Le rapport sur l’état du climat en Afrique a donc un rôle essentiel à jouer à cet égard, notamment pour étayer les mesures que nous prenons afin d’atteindre les objectifs de l’AgendaÌý2063 pour l’Afrique», a expliqué la Commissaire à l’économie rurale et à l’agriculture de la Commission de l’Union africaine, MmeÌýJosefaÌýLeonelÌýCorreiaÌýSacko.
«L’une des raisons pour lesquelles les services d’information sur le climat sont peu utilisés pour planifier et mener des activités de développement en Afrique est que les données fiables et opportunes sur le climat sont rares. Ce rapport, qui se concentre sur l’Afrique, contribuera largement à combler cette lacune. La Commission économique pour l’Afrique a pris part à sa rédaction, par l’intermédiaire du Centre africain pour la politique en matière de climat, afin de mettre en évidence le lien qui existe entre le changement climatique et le développement, et de souligner que pour mieux rebondir après la pandémie de Covid-19, il faut envisager un développement vert, durable et résistant au changement climatique, fondé sur les meilleures données scientifiques disponibles. La participation de multiples institutions et organismes à l’établissement de ce rapport renforce nos principes et méthodes de travail collaboratifs», a indiqué laÌýa indiqué laÌýSecrétaire générale adjointe et Secrétaire exécutive de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique, Mme Vera Songwe.
Hausse des températuresÌý
En Afrique, l’annéeÌý2019 a été l’une des trois années les plus chaudes jamais constatées. Cette tendance devrait se poursuivre. Au cours des dernières décennies, le réchauffement de l’Afrique a progressé de manière comparable à celui de la plupart des autres continents, et donc légèrement plus rapidement que la moyenne mondiale.
Les dernières prévisions décennales, qui incluent la période quinquennaleÌý2020–2024, indiquent un réchauffement continu et une diminution des précipitations, notamment en Afrique du Nord et en Afrique australe, ainsi qu’une augmentation des précipitations au Sahel.
Selon les scénarios médians présentés dans le cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), de vastes régions africaines connaîtront, d’ici les deux dernières décennies de ce siècle, un réchauffement supérieur à 2Ìý°C par rapport aux niveaux préindustriels. Dans une grande partie de l’Afrique, la température a déjà augmenté de plus de 1Ìý°C par rapport à 1901, avec une multiplication des vagues de chaleur et des journées caniculaires. Selon le GIEC, il est probable que les précipitations diminuent en Afrique du Nord et dans le sud‑ouest de l’Afrique du Sud d’ici la fin du siècle.
Élévation du niveau de la mer et érosion côtière
Il existe une grande variabilité régionale pour ce qui concerne les tendances du niveau de la mer autour du continent. L’élévation du niveau de la mer a atteint 5Ìýmm/an dans plusieurs zones océaniques entourant le continent et a dépassé cette valeur dans le sud‑ouest de l’océan Indien, de Madagascar à Maurice, et plus à l’est. Cette élévation est supérieure à l’augmentation moyenne du niveau de la mer à l’échelle mondiale, qui est de 3 à 4Ìýmm/an.
La dégradation et l’érosion des côtes constituent également un problème majeur, en particulier en Afrique de l’Ouest. Environ 56Ìý% des côtes du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Togo sont en train de s’éroder et cette situation devrait s’aggraver. L’élévation du niveau de la mer n’est actuellement pas le facteur dominant des changements environnementaux, mais elle devrait se combiner par la suite à d’autres facteurs pour en exacerber les conséquences négatives.
Phénomènes extrêmes
Le rapport sur l’état du climat en Afrique rassemble des informations sur les événements à fort impact de l’annéeÌý2019. Le cyclone tropicalÌýIdaiÌýa été l’un des cyclones tropicaux les plus destructeurs jamais enregistrés dans l’hémisphère Sud. Il a fait des centaines de victimes et entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes.
L’Afrique australe a souffert d’une sécheresse étendue en 2019. En revanche, dans la corne de l’Afrique, les conditions très sèches qui ont prévalu en 2018 et pendant la majeure partie de 2019 ont laissé la place à des inondations et des glissements de terrain dus à de fortes précipitations finÌý2019. De mai à octobreÌý2019, des inondations ont également été enregistrées au Sahel et dans les zones environnantes.
Impacts sur la sécurité alimentaire
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), depuis 2012, le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté de 45,6Ìý% dans les pays d’Afrique subsaharienne exposés à la sécheresse.
L’agriculture est l’épine dorsale de l’économie africaine. Elle englobe la plupart des moyens de subsistance du continent. Le continent est donc très exposé et vulnérable aux impacts de la variabilité du climat et du changement climatique.
Les projections du GIEC suggèrent que le réchauffement aura des effets dévastateurs sur la production agricole et la sécurité alimentaire.
Parmi les principaux risques pour l’agriculture figurent la baisse de rendement des cultures due au stress thermique et hydrique et l’augmentation des dégâts causés par les ravageurs, les maladies et les inondations sur l’infrastructure des systèmes alimentaires. Une telle situation compromettrait gravement la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des ménages, des régions et des nations.
D’ici le milieu du siècle, les principales cultures céréalières d’Afrique seront touchées, avec toutefois des différences en fonction des régions et les cultures.
Selon le scénario de changement climatique le plus pessimiste, le rendement moyen diminuerait de 13Ìý% en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, de 11Ìý% en Afrique du Nord et de 8Ìý% en Afrique de l’Est et en Afrique australe. Le millet et le sorgho sont les cultures les plus prometteuses, avec une perte de rendement d’ici 2050 limitée à 5Ìý% et 8Ìý%, respectivement, en raison de leur plus grande résistance au stress thermique, tandis que le riz et le blé devraient être les cultures les plus malmenées, avec une perte de rendement d’ici 2050 estimée à 12Ìý% et 21Ìý%, respectivement.
Conséquences sanitaires
La hausse des températures et la modification des régimes de précipitations ont également un impact significatif sur la santé des populations africaines. L’augmentation des températures et des précipitations rend l’habitat plus favorable aux insectes piqueurs et à la transmission de maladies à vecteur comme la dengue, le paludisme et la fièvre jaune.
Par ailleurs, des maladies apparaissent dans des régions où elles n’étaient pas présentes. En 2017, on estime que 93Ìý% des décès dus au paludisme dans le monde sont survenus en Afrique. Les épidémies de paludisme se déclenchent souvent après des périodes de précipitations exceptionnellement fortes. En outre, le réchauffement des hauts plateaux d’Afrique de l’Est permet aux moustiques porteurs du paludisme de survivre à des altitudes plus élevées.
Impacts économiques
Selon le Fonds monétaire international, les conséquences négatives du changement climatique sont surtout ressenties dans les régions à climat relativement chaud, dont font partie un nombre excessivement élevé de pays à faible revenu.
Le Centre africain pour la politique en matière de climat estime qu’une augmentation de la température mondiale entraînerait une baisse considérable du produit intérieur brut des cinq sous-régions africaines. Pour des scénarios allant d’une augmentation de 1Ìý°C à 4Ìý°C des températures mondiales par rapport aux niveaux préindustriels, le PIB global du continent diminuerait de 2,25Ìý% à 12,12Ìý%. L’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Est seraient davantage pénalisées que l’Afrique australe et l’Afrique du Nord.Ìý
Action climatique
Dans l’AgendaÌý2063 pour l’Afrique, établi en 2013, le changement climatique est présenté comme un défi majeur pour le développement du continent.
Depuis 2015, ce sont principalement les contributions déterminées au niveau national (CDN) au titre de l’Accord de Paris qui étayent les politiques publiques mises en place pour faire face au changement climatique. Cinquante-deux (52) pays africains ont déjà présenté leurs premières CDN et œuvrent cette année à les réviser.
Les pays africains et les petits États insulaires en développement sont les territoires qui présentent les plus grands déficits de capacités dans le domaine des services climatologiques. L’Afrique possède également le réseau d’observation terrestre le moins développé de tous les continents.
Elle a consenti de grands efforts pour faire avancer le programme mondial d’action pour le climat. Ainsi, plus de 90Ìý% des pays du continent ont ratifié l’Accord de Paris. De nombreux pays africains se sont engagés à passer à des énergies vertes dans un délai relativement court. Au total, 70Ìý% des pays africains font de l’énergie propre et de l’agriculture une priorité dans leurs CDN. De telles ambitions doivent faire partie intégrante des priorités de développement économique du continent.
Une approche prometteuse adoptée sur tout le continent pour diminuer les risques liés au climat et aux phénomènes extrêmes consiste à réduire la pauvreté en favorisant la croissance socio-économique, notamment dans le secteur agricole. Dans ce secteur, qui emploie 60Ìý% de la population africaine, les techniques de valorisation utilisant des sources d’énergie efficaces et propres seraient capables de réduire la pauvreté deux à quatre fois plus vite que la croissance de tout autre secteur.
Par exemple, l’utilisation de l’énergie solaire et d’une micro-irrigation efficace multiplie par 5 à 10 les revenus des exploitations agricoles, augmente les rendements jusqu’à 300Ìý% et réduit la consommation d’eau jusqu’à 90Ìý% tout en compensant les émissions de carbone grâce à une génération d’énergie propre pouvant atteindre 250ÌýkW.
À l’échelle mondiale, les femmes constituent un pourcentage important des pauvres et environ la moitié des actifs du secteur agricole. Dans les pays en développement et dans les pays à faible revenu et à déficit alimentaire, elles représentent, respectivement, 60Ìý% et 70Ìý% des agriculteurs. La réduction de la pauvreté grâce à la croissance du secteur agricole africain est donc particulièrement bénéfique pour les femmes. Il se peut également que, dans certains cas, les services météorologiques et climatologiques ne parviennent pas jusqu’aux femmes. Il est important que chaque personne ait accès à ces services afin d’améliorer sa résilience et sa capacité d’adaptation.
L’Organisation météorologique mondiale (OMM) est l’organisme des Nations Unies qui fait autorité pour les questions relatives au temps, au climat et à l’eau.
Les organisations suivantes ont contribué à l’élaboration de ce rapport:
AVISO (archivage, validation et interprétation des données de satellites océanographiques), Centre africain pour la politique en matière de climat (ACPC) de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique (UNECA), Centre africain pour les applications de la météorologie au développement (ACMAD), Centre de prévision et d’applications climatologiques (ICPAC) relevant de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), Centre mondial de climatologie des précipitations (GPCC), centres nationaux d’information sur l’environnement (NCEI) de l’Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA), Haut-Commissariat des NationsÌýUnies pour les réfugiés (HCR), Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS) (France), Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Organisation internationale pour les migrations (OIM), Organisation météorologique mondiale (OMM), Organisation mondiale de la Santé (OMS), Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Programme mondial de recherche sur le climat, Service météorologique allemand (DWD), Service météorologique britannique (Met Office) et Service météorologique australien (BoM).