« Le NEPAD est un esprit africain de renouveau »
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« Le NEPAD est un esprit africain de renouveau »
Dix ans après le lancement du Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique, quel regard portez-vous sur cette période?
Le NEPAD a été une conception brillante des dirigeants africains. Les 10 dernières années ont donné confiance et généré davantage d'espoirs dans le futur de l'Afrique. Le continent a prouvé sa faculté d'adaptation, en brûlant les étapes sur la voie d'un développement viable, aux côtés de la Chine, de l'Inde et d'autres pays. On a le sentiment que l'élan a été relancé grâce au NEPAD.
Peu de plans de développement ont une durée de vie comparable à celle du NEPAD. Dix ans, c'est tout à fait remarquable. Le NEPAD est un esprit africain de renouveau qui transformera les économies du continent. Sur le plan de la sécurité, la dynamique (vers la paix) est sans précédent. Il y a aussi la détermination croissante des dirigeants africains à affecter des ressources à leurs secteurs privés.
Les actions engagées par nos dirigeants avec le Groupe des Huit et autres dirigeants du monde indiquent clairement que la communauté internationale commence à s'intéresser et à réagir aux priorités de développement de l'Afrique. Certes, la communauté internationale aurait pu mieux faire pour ce qui est de sa participation et du financement, mais ses premières réactions sont visibles.
Les associations de la société civile africaine et les médias demandent souvent: où sont les résultats concrets?
C'est exact. Nombreux sont ceux qui voudraient constater l'impact sur le terrain. Mais n'oublions pas que la planification est aussi importante que l'impact. Regardez la Chine. Il a fallu des dizaines d'années de planification pour que les premiers résultats commencent à se manifester. La planification est indispensable. Et si vous examinez les aspects qualitatifs du processus de planification en Afrique, vous remarquerez qu'il accorde une place croissante aux notions de bonne gouvernance, de transparence et de responsabilisation prônées par le NEPAD. On a fait du chemin depuis les années 1960, '70 et '80, lorsque les associations de la société civile n'avaient pas leur mot à dire sur la gestion des affaires publiques.
Aujourd'hui celles-ci font entendre leurs voix. Les choses se font bien plus ouvertement. Il y a littéralement des milliers d'associations de la société civile sur le terrain, qui participent activement aux débats nationaux sur le développement, la démocratie, la bonne gouvernance.
Vous évoquez la participation de la société civile au niveau national. Qu'en est-il de la société civile à l'échelle continentale?
Nous travaillons sur des structures axées sur les associations de la société civile pour voir comment mieux les inciter à participer au niveau continental.
Notre collaboration avec la Commission de l'Union africaine pour faciliter la mise en place d'un projet destiné aux associations agricoles à l'échelle continentale en est un excellent exemple. Il permet à ces associations de commencer à échanger leurs données d'expérience et sert de cadre pour l'apprentissage mutuel et l'examen critique par les pairs. Ces associations encouragent la participation de leurs membres, et nous avons bon espoir que le programme continental permettra également de transmettre des idées aux dirigeants africains - sur le développement des marchés régionaux par exemple. Mais il faudra évidemment en faire plus, s'intéresser aux associations de la société civile autres qu'agricoles.
Nous espérons aussi jouer un rôle décisif dans la modernisation de la société civile dont les organisations seront à l'avant-garde des réformes en Afrique. Elles ont la capacité de traiter avec les pouvoirs publics, de faire en sorte que les autorités rendent des comptes à leurs citoyens sur toute une série de questions. Leur fournir des moyens supplémentaires d'action sera une priorité absolue.
L'an dernier, le NEPAD a tenu un sommet sur les transports et l'infrastructure, et lors de l'examen des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) par l'Assemblée générale de l'ONU, on a souvent entendu les dirigeants africains souligner l'importance de l'infrastructure. Quelle place réserve le programme à cette question?
Les dirigeants africains sont tout à fait clairs sur l'importance qu'ils attachent au développement des infrastructures, au même titre qu'à celui de l'agriculture, de l'éducation, de la santé et ainsi de suite, à vrai dire, à la réalisation de tous les OMD. Les infrastructures constituent un secteur qui permettra d'accélérer l'intégration régionale, reliant les personnes par-dessus les frontières, de rapprocher les communautés rurales des zones urbaines et de garantir l'acheminement des denrées alimentaires des campagnes éloignées vers les zones urbaines. Les infrastructures faciliteront l'accès des communautés locales aux services de santé, réduisant le temps nécessaire pour se rendre dans les hôpitaux. Les dirigeants africains ont accepté de plaider pour une augmentation du financement des programmes d'infrastructures, notamment en matière d'énergie, qui manque tant à l'Afrique, malgré d'énormes réserves de ressources naturelles et un formidable potentiel hydroélectrique.
Pourtant le financement ne peut pas provenir uniquement du secteur public, il doit engager aussi le secteur privé?
La future croissance économique des pays africains devra être stimulée par la participation croissante du secteur privé. Tout aussi important sera le renforcement des partenariats public-privé, pas simplement avec le secteur privé africain, mais également avec le secteur privé international. On constate que l'Afrique est en passe de devenir une destination privilégiée pour les investissements de demain. Dans le domaine agricole, l'Afrique dispose d'un excédent de terres fertiles. Ses ressources naturelles, pétrole, gaz ou autres minerais, suscitent l'intérêt. Le retour sur investissement est bien plus élevé en Afrique que partout ailleurs. La difficulté est de faire en sorte que les gouvernements créent un environnement propice au développement du secteur privé.
Si on examine les courants d'investissements étrangers en Afrique, on constate une préférence marquée pour l'exploitation minière et pétrolière, plutôt que pour l'agriculture et autres secteurs susceptibles de produire des emplois supplémentaires. De quels moyens disposent les gouvernements africains pour attirer plus de capitaux vers les secteurs non-miniers?
Les gouvernements africains devront proposer des mesures incitatives aux investisseurs pour qu'ils puissent créer des emplois supplémentaires et faire bénéficier le plus grand nombre de personnes des effets positifs des investissements. L'Afrique a manqué le coche en encourageant le développement des industries extractives aux dépens des secteurs d'activité générateurs d'emplois, comme l'agriculture ou l'industrie manufacturière. Elle doit développer son assise industrielle en encourageant les investisseurs à se lancer dans la valeur ajoutée pour créer des emplois, stimuler la croissance et offrir de nouvelles compétences aux Africains.
Au départ on a souvent eu le sentiment qu'on vantait les mérites du NEPAD au Groupe des Huit et aux autres donateurs dans l'espoir d'obtenir davantage d'aide. Et malgré des annonces de contributions à l'occasion de plusieurs sommets du G8, l'effondrement de l'économie mondiale de 2008 n'a pas permis de tenir ces promesses. Est-ce que cela a constitué un coup de semonce pour l'Afrique?
L'Afrique se rend compte qu'il n'y aura pas de développement en s'appuyant uniquement sur l'aide extérieure et que le continent devra mobiliser ses propres ressources. L'Afrique a prouvé qu'elle avait les moyens de produire ses propres ressources mais elle devra soigner sa productivité et son efficacité et surveiller l'utilisation faite sur place des ressources disponibles. Cela peut se traduire par le développement des mécanismes du secteur financier, l'amélioration des politiques budgétaires et l'adoption de toute une gamme de mesures. Certes, le soutien extérieur est important, mais les capacités de production africaine ne le sont pas moins.
Au moment du lancement du NEPAD, le G8 était la principale instance mondiale consacrée aux questions économiques. À présent, il y a le G20 auquel participent la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud et d'autres pays du Sud. Est-ce que cette évolution permet à l'Afrique de mieux se faire entendre?
La configuration mondiale du développement est en mutation et le G20 symbolise ces changements rapides, avec l'arrivée de nouveaux acteurs qui s'affirment plus vigoureusement sur les questions d'intérêt global. L'Afrique doit trouver une place plus grande dans cette nouvelle structure, surtout dans le cadre du G20, pour que ses intérêts y soient correctement représentés et sa diversité prise en considération. Il appartient à l'Union africaine de faire avancer ce débat.         
Qu'est-ce que le NEPAD ?
Le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) a été adopté officiellement lors d'un sommet de Chefs d'État africains en juillet 2001. Ce plan régional souligne la détermination des peuples africains de « s'extraire et à extraire le continent de leur situation de sous-développement et d'exclusion à l'heure de la mondialisation ». Le programme préconise l'instauration de nouvelles relations entre l'Afrique et la communauté internationale dans le cadre desquelles les partenaires non-africains sont appelés à compléter les efforts du continent. Les Nations Unies, les principaux pays industrialisés et plusieurs organismes donateurs s'étaient engagés à offrir leur soutien.
Malgré le temps considérable consacré initialement à la mise en place institutionnelle du NEPAD et à l'explication de ses objectifs et principes aux publics africain et international, le plan a néanmoins enregistré une série de succès au cours de ses 10 premières années d'existence. On compte notamment :
- La mise en place du mécanisme africain d'évaluation par les pairs, en vertu duquel les gouvernements africains acceptent volontairement de soumettre leur bilan en matière de politique, de droits de l'homme et d'économie à l'examen d'éminentes personnalités africaines. En date du 1er janvier 2011, 30 pays ont adhéré au Mécanisme. Quatorze ont fait l'objet d'une évaluation complète.
- L'élaboration du Programme détaillé pour le développement de l'agriculture africaine (PDDAA) qui vise à aider les gouvernements, agriculteurs et hommes d'affaires africains à mieux prévoir et coordonner leurs efforts de productivité agricole et de sécurité alimentaire dans un esprit de préservation de l'environnement.
- À la fin mai 2011, 26 gouvernements africains avaient signé des « contrats PDDAA » par lesquels ils s'engageaient à augmenter leurs investissements agricoles (voir Afrique Renouveau, avril 2011).
- Le coup d'envoi de la construction d'un câble sous-marin en fibre optique (Uhurunet) au large des côtes africaines et d'un réseau de câbles terrestres transfrontaliers (Umojanet) afin d'améliorer la connectivité entre les pays africains.
- L'exécution d'une série de projets visant à renforcer les réseaux routiers et les réseaux électriques dans les pays africains pour améliorer les échanges commerciaux et la coopération régionale.
En 2010, les structures du NEPAD ont été intégrées plus étroitement au sein des institutions de l'Union africaine. Cette année-là , l'ancien Secrétariat du NEPAD a été remplacé par la nouvelle Agence de planification et de coordination du NEPAD, qui a siège en Afrique du Sud. Son directeur général est Ibrahim Assane Mayaki, du Niger.