Le représentant permanent du Botswana auprès des Nations Unies, l'ambassadeur Collen Vixen Kelapile, est l'actuel président du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), qui est chargé de coordonner les efforts des Nations Unies en matière de développement durable et de faire progresser les objectifs convenus au niveau international. Il a pris ses fonctions dans un contexte de pandémie mondiale, de crise climatique, de pauvreté croissante et d'inégalités grandissantes, entre autres défis. Dans la première partie de cet entretien avec Kingsley Ighobor d'Afrique Renouveau, l'ambassadeur Kelapile explique ce qu'il souhaite réaliser cette année et ce que sa présidence signifie pour l'Afrique. En voici des extraits :
Vous avez été élu président de la 77e session de l'ECOSOC à un moment très difficile. À quoi ressemblera le succès pour vous à la fin de votre mandat l'année prochaine ?
En effet, nous avons la COVID-19 et d'autres situations préexistantes comme le changement climatique, l'extrême pauvreté et les inégalités. Et puis il y a l'impératif de mettre en œuvre les objectifs de développement durable (ODD). Mais je dois dire que, même en temps normal, le leadership en soi est déjà une responsabilité assez sérieuse car il y a tellement d'attentes pour livrer tous les objectifs convenus.
Dans mon cas, la mise en œuvre doit se faire au milieu des défis posés par la COVID-19. Cependant, je suis convaincu que même dans des moments difficiles comme celui-ci, on peut devenir un leader solide.
Tout d'abord, le succès serait si l'ECOSOC, sous ma direction, est en mesure d'avoir une analyse claire sur les situations que vous avez mentionnées : COVID-19, l'extrême pauvreté, le changement climatique, et ainsi de suite, afin que nous soyons en meilleure position pour offrir des orientations politiques appropriées aux États membres sur la façon de relever ces défis, y compris se remettre de la pandémie tout en progressant dans la mise en œuvre des ODD.
Deuxièmement, le succès se mesurera à l'aune de notre capacité à mobiliser la volonté politique autour du changement climatique, en particulier si nous parvenons à améliorer la compréhension de ses dimensions sociales et économiques. Les pays les plus vulnérables - les petites nations insulaires, les pays les moins avancés et les pays enclavés - sont les plus touchés par le changement climatique.
Troisièmement, si nous sommes en mesure de renforcer le mandat de l'ECOSOC lui-même. Nous devrions utiliser le pouvoir de convocation de l'ECOSOC pour agir comme une formidable plateforme multipartite qui se concentre également sur la promotion du dialogue entre les États membres.
Vous n'avez cessé d'appeler à la réduction de la fracture numérique. À quoi ressemblerait le monde si cette fracture était comblée et que pouvons-nous faire pour y parvenir ?
La réponse à votre question comporte plusieurs aspects. Les approches que nous adoptons doivent être multidimensionnelles. Tout d'abord, nous devons comprendre ce qui constitue l'accès, puis nous pencher sur la qualité.
Pendant les périodes de confinement de la COVID-19, nous avons fait plus de télétravail et de réunions virtuelles, ce qui n'avait jamais été fait auparavant. Les technologies numériques ont donc été essentielles pour ceux qui y avaient accès. Par ailleurs, comment pouvons-nous faire les choses que nous faisions bien avant la pandémie en utilisant ces technologies tout en obtenant des résultats ?
Je pense qu'il faut un effort mondial de renforcement des capacités numériques plus coordonné et plus important. Et nous en avons besoin, à coup sûr, dans les pays en développement. Il faut un environnement favorable. Nous avons besoin de ressources suffisantes. Nous avons besoin de l'infrastructure elle-même. Nous devons éduquer notre population, les utilisateurs également. Nous avons besoin d'une connectivité de qualité. Et elle doit être inclusive.
Je dois ajouter que de nombreux efforts sont déjà en cours. Par exemple, la Banque de technologie des Nations Unies pour les pays les moins avancés facilite l'accès aux technologies numériques pour ces pays, les aidant à transformer leur façon de faire des affaires et à avoir une meilleure chance de parvenir à un développement durable.
Le mécanisme de facilitation de la technologie, hébergé par le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA) et soutenu par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), permet également d'accéder à de nombreuses technologies, notamment numériques.
Comment les technologies numériques pourraient-elles aider la jeunesse africaine à contribuer davantage au développement économique du continent et que peut faire de plus l'ECOSOC pour les soutenir ?
La jeunesse africaine est l'un de nos avantages comparatifs. Les innovateurs, les plus créatifs, les plus énergiques, ce sont les jeunes africains. Le continent dispose d'un énorme avantage démographique, et nous pouvons en tirer parti dans les domaines de la science, de la technologie et de l'innovation.
Mais nous devons traduire leur énergie en dividendes réels en investissant dans la science, la technologie et l'innovation. La population africaine en âge de travailler va augmenter de 450 millions de personnes entre 2015 et 2035. Bien entendu, nous assistons également à une transition des services manufacturiers vers les services liés à l'information, ce qui nous donne une bonne occasion de tirer parti à la fois des technologies et des jeunes.
Mais pour que nous puissions en tirer tous les avantages, nous devons renforcer les capacités des jeunes eux-mêmes, en les dotant des connaissances et des compétences dont ils ont besoin.
En Afrique, 57,8 % des technologies innovantes, depuis le début de la pandémie, sont issues des TIC, notamment les chatbots en Afrique du Sud et les outils d'autodiagnostic en Angola.
Les jeunes ont été directement impliqués dans d'autres aspects technologiques de la réponse à l'épidémie COVID-19, notamment en développant des outils de lavage automatique des mains alimentés par l'énergie solaire et des applications mobiles qui s'appuient sur la connectivité en plein essor de l'Afrique. Il est donc clair que nous bénéficions d'un avantage énorme si nous pouvons tirer parti de l'énergie, de la vitalité et de l'intégration de la population jeune d'Afrique.