28 septembre 2012

Le sujet trait¨¦ ici comporte trois concepts qui sont ouverts ¨¤ toutes sortes d'interpr¨¦tation, sont accompagn¨¦s de jugements de valeur et de st¨¦r¨¦otypes et suscitent des espoirs - la conciliation, la diversit¨¦ des cultures et les particularit¨¦s propres ¨¤ chaque sexe. Je pourrais l'aborder ¨¤ partir de nombreux points de vue. Nous pourrions parler de la diversit¨¦ culturelle dans les comportements et les pratiques par rapport ¨¤ l'¨¦ducation et ¨¤ la formation des filles et des femmes, ¨¤ leurs droits en mati¨¨re de sant¨¦, ¨¤ leur autonomisation ¨¦conomique et ¨¤ leur participation en tant que citoyennes, ¨¤ la tol¨¦rance et aux actes de violence dont elles sont victimes ainsi qu'au role des femmes dans le travail par-del¨¤ les clivages culturels.
D'origine allemande, j'ai poursuivi ma carri¨¨re en Australie et travaill¨¦ dans des cultures diff¨¦rentes. Je pourrais dire que j'ai int¨¦gr¨¦ la diversit¨¦ culturelle dans ma vie et que ma vie professionnelle a ¨¦t¨¦ enrichie par mon appartenance ¨¤ deux cultures. En tant que femme, l'autre dimension culturelle a pos¨¦ plus de probl¨¨mes, mais a offert aussi des possibilit¨¦s de conciliation. Toutefois, ce n'est pas de l'action instinctive ou intuitive dont je voudrais parler ici, mais de l'action men¨¦e par les femmes pour concilier la diversit¨¦ des cultures.
Ceux qui vivent en Australie et pour qui l'anglais n'est pas la langue maternelle, comme les immigrants et les populations autochtones, continuent d'¨ºtre confront¨¦s ¨¤ des obstacles dans leur vie civique et professionnelle. Bien que beaucoup d'entre eux aient termin¨¦ leurs ¨¦tudes et m¨ºme re?u une education universitaire, ils sont sous-repr¨¦sent¨¦s aux postes de direction dans les professions ou dans les conseils d'administration, les comit¨¦s ou le Parlement. En tant que femme non originaire d'Australie vivant dans un pays anglophone, je suis sensible ¨¤ la question de la marginalisation.
Les postes de responsabilit¨¦ dans les ¨¦glises et en politique sont largement occup¨¦es par les hommes, m¨ºme si les fonctions de Premier Ministre et de Gouverneur g¨¦n¨¦ral sont exerc¨¦es par deux femmes et que des femmes ont ¨¦t¨¦ ordonn¨¦es pr¨ºtres, ¨¦lues ministres et quelques-unes ¨¦v¨ºques. La culture dominante masculine est contest¨¦e par les femmes ordonn¨¦es pr¨ºtres, mais moins par les femmes politiques, car si la conciliation des cultures ¨¤ l'int¨¦rieur du pays est inscrite ¨¤ leur ordre du jour, la diversit¨¦ transculturelle l'est rarement.
Des organisations de femmes r¨¦gionales, nationales et internationales se focalisent sur les valeurs, les situations, les questions et les espoirs communs1, comme le sort des enfants soldats dans les conflits; la paix et le d¨¦sarmement; l'application des r¨¦solutions de l'ONU; l'¨¦ducation des filles; le respect des pays voisins et la compr¨¦hension au-del¨¤ des fronti¨¨res.
La Ligue internationale de femmes pour la paix et la libert¨¦ (LIFPL), l'une des organisations les plus anciennes, dont je suis membre, a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦e en 1915 ? par 1 300 femmes d'Europe et d'Am¨¦rique du Nord, de pays en guerre et d'autres neutres, qui se sont r¨¦unies dans un Congr¨¨s de femmes pour protester contre les tueries et la destruction de la guerre qui faisait alors rage en Europe ?. Les buts et les objectifs de la Ligue sont les suivants:
? Rassembler des femmes de divers horizons politiques et convictions philosophiques, unies dans leur volont¨¦ d'¨¦tudier, de partager le savoir et de contribuer ¨¤ l'abolition des causes et de la l¨¦gitimation de la guerre; promouvoir la paix mondiale; un d¨¦sarmement total et universel; l'abolition de la violence et de la coercition dans la r¨¦solution des conflits et leur substitution par la n¨¦gociation et la r¨¦conciliation; le renforcement du syst¨¨me des Nations Unies; le d¨¦veloppement et la mise en oeuvre continus de la l¨¦gislation internationale; l'¨¦galit¨¦ politique, sociale et ¨¦conomique; la coop¨¦ration entre tous les peuples; et un d¨¦veloppement ¨¦cologiquement viable2. ?
L'action concr¨¨te la plus importante que j'ai men¨¦e vers la conciliation des cultures a ¨¦t¨¦ mon r?le au sein de l'Association internationale des recteurs d'universit¨¦ (IAUP) qui, en qualit¨¦ d'organisation non gouvernementale, b¨¦n¨¦ficie d'un statut sp¨¦cial aupr¨¨s des Nations Unies. Premi¨¨re femme ¨¤ occuper le poste de Pr¨¦sidente de l'IAUP, j'ai transform¨¦ le Conseil ex¨¦cutif majoritairement masculin et inclus des femmes aux postes de Tr¨¦sorier, de Vice-Pr¨¦sident, de Pr¨¦sidents r¨¦gionaux et de membres du Comit¨¦ - qui venaient d'Australie, du Botswana, des ?tats-Unis, du Japon, du Royaume-Uni, de Tha?lande et de Turquie.
En tant que Pr¨¦sidente, mon programme en 10 points sur le th¨¨me g¨¦n¨¦ral ? Acc¨¨s ¨¤ tous, qualit¨¦ pour tous ? comprenait la promotion de l'¨¦galit¨¦ dans l'enseignement. Nous nous sommes concentr¨¦es sur le nombre d'¨¦tudiantes dans l'enseignement sup¨¦rieur ainsi que sur les opportunit¨¦s de carri¨¨re qui y sont offertes aux femmes. En 2003, ¨¤ Monterrey, au Mexique, nous avons organis¨¦ avec la Secr¨¦taire g¨¦n¨¦rale de l'Association des Universit¨¦s une conf¨¦rence portant sur les femmes et l'exercice de responsabilit¨¦s dans l'enseignement sup¨¦rieur : ? Quelle est l'¨¦paisseur du plafond de verre ? ? Parmi les objectifs de la conf¨¦rence figuraient:
? ?la reconnaissance de l'importance du r?le des femmes dans l'enseignement sup¨¦rieur ¨¤ diff¨¦rents postes de direction dans l'administration universitaire;
? le profil de participation des femmes dans l'enseignement sup¨¦rieur dans diverses r¨¦gions du monde;
? la facilitation d'un dialogue ouvert et l'¨¦change d'id¨¦es entre les personnes occupant des postes ¨¦lev¨¦s dans l'enseignement sup¨¦rieur afin de promouvoir et de renforcer la participation des femmes dans ce domaine;
? l'appel lanc¨¦ aux gouvernements pour qu'ils soutiennent la l¨¦gislation dans leur pays afin d'encourager l'¨¦galit¨¦ des sexes en mati¨¨re d'acc¨¨s aux postes de direction dans l'enseignement sup¨¦rieur ¨¤ travers le monde3. ?
Nous avons abord¨¦ ces questions, ainsi que d'autres, avec un groupe de participantes tr¨¨s vari¨¦, y compris une repr¨¦sentante du Minist¨¨re russe de l'¨¦ducation, des repr¨¦sentantes officielles du Mexique et d'Afrique, et de nombreuses pr¨¦sidentes du monde entier. Nous avons cr¨¦¨¦ des r¨¦seaux et nous sommes employ¨¦es ¨¤ augmenter la participation et la visibilit¨¦ des pr¨¦sidentes dans l'organisation.
En 2001, le Professeur Liu Jinan, Pr¨¦sidente de Beijing Broadcasting University alors en fonction (appel¨¦e actuellement Communication University of China [CUC]), a organis¨¦ le premier Forum mondial des pr¨¦sidentes d'universit¨¦ ¨¤ Beijing. Les quatre premiers forums ont rassembl¨¦ plus de 500 pr¨¦sidentes d'universit¨¦ de 52 pays et r¨¦gions. Elles ont particip¨¦ ¨¤ des d¨¦bats intensifs, ont uni leurs efforts et nou¨¦ des liens d'amiti¨¦ au-del¨¤ des cultures et des fronti¨¨res. Liu Jinan est actuellement Pr¨¦sidente honoraire de CUC et Pr¨¦sidente du Forum. Elle nous a invit¨¦es au cinqui¨¨me Forum qui s'est tenu en novembre 2001 ¨¤ Xiamen City, en Chine, et qui a ¨¦t¨¦ co-anim¨¦ par Xiamen University, Shih Hsih University ¨¤ Taiwan et Communications University of China. Les questions abord¨¦es concernaient les ¨¦tudiantes, le personnel et les syst¨¨mes, l'enseignement, l'apprentissage, la recherche, le leadership et la gestion dans l'enseignement sup¨¦rieur. Toutes ces questions surviennent dans des cadres culturels particuliers. Aucun dialogue n'est possible sans une compr¨¦hension des diff¨¦rences et leur acceptation. Ce point a donc ¨¦t¨¦ soulign¨¦ durant ces conf¨¦rences.
Afin de promouvoir la compr¨¦hension entre les cultures et les divers r?les des syst¨¨mes de l'enseignement sup¨¦rieur, la Pr¨¦sidente Liu Jinan a ¨¦galement demand¨¦ ¨¤ des professeurs et ¨¤ des ¨¦tudiantes de son universit¨¦ de produire une douzaine de documentaires vid¨¦o sur des ? Pr¨¦sidentes d'universit¨¦ ¨¦minentes ? dans le monde. L'une de ces ¨¦quipes s'est rendue dans mon universit¨¦, l'University of New England. Mon mari et moi, ainsi que des membres du personnel enseignant, avons ¨¦t¨¦ interview¨¦s, film¨¦s et photographi¨¦s. Les documentaires ont ¨¦t¨¦ diffus¨¦s ¨¤ la t¨¦l¨¦vision chinoise. Quelques ann¨¦es plus tard, une autre ¨¦quipe est venue pour ¨¦crire des biographies du m¨ºme groupe de femmes. Nous avons parl¨¦ de notre vie, de nos publications, de nos souvenirs et de nos analyses de sc¨¦narios pass¨¦s, pr¨¦sents et ¨¤ venir dans l'enseignement sup¨¦rieur. Une exp¨¦rience importante pour moi a ¨¦t¨¦ ma participation au programme des ?tats-Unis appel¨¦ Youth for Understanding - j'ai, en effet, pass¨¦ un an dans ce pays en classe de terminale dans le cadre d'un ¨¦change d'¨¦l¨¨ves. Cela m'a ouvert l'esprit et le coeur aux autres cultures et m'a fait comprendre la profondeur de la compr¨¦hension et de l'incompr¨¦hension.
En 2002, mon discours de cl?ture ¨¤ la Conf¨¦rence triennale, que nous avons organis¨¦e ¨¤ Sydney pour l'IAUP et que je pr¨¦sidais, s'est inspir¨¦ du th¨¨me de la conf¨¦rence : valeurs universitaires, r¨ºves nationaux, r¨¦alit¨¦s mondiales : ? Je pense qu'il faut respecter les r¨ºves nationaux et prendre en compte l'importance qu'ils peuvent avoir pour la population, y compris pour les professeurs d'universit¨¦, les ¨¦tudiants et les pr¨¦sidents. Du point de vue de l'IAUP, nous devons affirmer les valeurs auxquelles nous croyons et les exprimer dans notre charte. En tant qu'organisation et membres de cette association, nous devons dialoguer avec les gouvernements et les institutions gouvernementales ainsi qu'avec les m¨¦dias et soutenir ceux qui oeuvrent ¨¤ la paix et ¨¤ la justice sociale. Les efforts modestes, mais constants, de l'IAUP dans la Commission IAUP/ONU pour l'¨¦ducation du d¨¦sarmement, la r¨¦solution des conflits et la paix, qui est pr¨¦sid¨¦e par Eudora Petigrew, continueront. ? pr¨¦sent, les pays o¨´ la libert¨¦ universitaire est menac¨¦e ou inexistante sont n¨¦anmoins ouverts aux alliances et aux partenariats avec les universit¨¦s du monde entier. Nous pouvons prendre part ¨¤ cette initiative, non pas avec cynisme ou opportunisme, mais parce que nous croyons que la coop¨¦ration et la compr¨¦hension mutuelle entra¨ªneront une plus grande ouverture du syst¨¨me universitaire et de la soci¨¦t¨¦ et, en fin de compte, la reconnaissance des droits civils.?
Au d¨¦but de cette ann¨¦e, j'ai re?u un livre intitule Franchir la ligne de d¨¦marcation : le dialogue entre les civilisations, qui a pr¨¦sent¨¦ le rapport de personnes ¨¦minentes nomm¨¦es par le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral Kofi Annan pour r¨¦fl¨¦chir ¨¤ cette question. Permettez-moi d'en citer un extrait : ? Nous pensons que les forces positives n¨¦es de la mondialisation et de la recherche authentique de l'identit¨¦ peuvent cr¨¦er un cercle vertueux capable d'¨¦lever l'esprit humain pendant les d¨¦cennies suivantes. La mondialisation b¨¦n¨¦fique, celle qui c¨¦l¨¨bre la diversit¨¦ et met en valeur la communaut¨¦, est une question de confluence, de compr¨¦hension mutuelle et de reconnaissance de l'h¨¦ritage humain riche et divers. Cela tient compte des relations lat¨¦rales et mutuelles entre civilisations et rend possible un dialogue sinc¨¨re4 ?.
L'IAUP a fait partie de ce dialogue. En tant que pr¨¦sidentes d'universit¨¦, nous encourageons les ¨¦changes universitaires. Cela ne peut se faire que si les professeurs et les ¨¦tudiants acqui¨¨rent les comp¨¦tences culturelles qui leur permettent de vivre dans d'autres soci¨¦t¨¦s en respectant leurs cultures. Nombre d'universit¨¦s le font. Les filles et les femmes font face ¨¤ des d¨¦fis sp¨¦cifiques. Une r¨¦cente ¨¦tude de recherche sur la mani¨¨re dont les ¨¦tudiants am¨¦ricains concilient les diff¨¦rences interculturelles entre les sexes, indique que les ¨¦tudiantes qui ¨¦tudient ¨¤ l'¨¦tranger rencontrent souvent des difficult¨¦s ¨¤ comprendre les r?les et les attentes sexosp¨¦cifiques propres ¨¤ la culture du pays o¨´ elles se trouvent5. En revanche, les pr¨¦sidentes, fortes de leur exp¨¦rience, n'ont g¨¦n¨¦ralement pas de difficult¨¦s dans ce domaine et sont actives dans le dialogue interculturel.
Une autre initiative visant ¨¤ rassembler les pr¨¦sidentes a ¨¦t¨¦ lanc¨¦e par l'IAUP et par Gulsun Saglamer, membre de l'Association europ¨¦enne de l'universit¨¦, ancienne Rectrice de l'Universit¨¦ technique d'Istanbul, en Turquie. En 2010 et 2012, elle a organis¨¦ des conf¨¦rences destin¨¦es aux rectrices d'universit¨¦s europ¨¦ennes sur le th¨¨me ? Au-del¨¤ du plafond de verre ?. Parmi les intervenantes et les participantes figuraient quelques femmes non europ¨¦ennes, telles que moi-m¨ºme et la chinoise Liu Jinan. Ces conf¨¦rences ont donn¨¦ lieu ¨¤ des projets de recherche, ¨¤ l'adoption de strat¨¦gies communes et ¨¤ la cr¨¦ation de r¨¦seaux. R¨¦trospectivement, je me demande si le fait d'¨ºtre des femmes nous a aid¨¦es ¨¤ mettre en place un programme pour le dialogue interculturel et la conciliation des cultures.
Nous avons besoin d'une organisation, comme la Ligue internationale des femmes pour la paix et la libert¨¦, o¨´ les femmes oeuvrent pour la paix et le d¨¦sarmement. Quel impact a-t-elle eu, quel impact avons-nous eu ? Un impact limit¨¦, mais les femmes concern¨¦es savent qu'il y a d'autres femmes dans le monde qui d¨¦fendent les m¨ºmes valeurs et les m¨ºmes causes. Le travail effectu¨¦ par ONU Femmes en faveur de l'¨¦ducation et de la sant¨¦ des filles, contre la violence et pour l'autonomisation civique et ¨¦conomique des filles et des femmes nous est n¨¦cessaire. Est-ce un progr¨¨s ? Oui, m¨ºme si la t?che semble illimit¨¦e. Les femmes de l'enseignement sup¨¦rieur qui croient au dialogue culturel et au respect interculturel, ¨¤ la compr¨¦hension et ¨¤ la collaboration contribuent ¨¤ changer peu ¨¤ peu les mentalit¨¦s, les pratiques et les politiques en donnant de l'importance aux gens. ?
Notes 1 - Lire l'excellent article de Shelley Anderson intitul¨¦ Women's Many Roles in Reconciliation. , acc¨¦d¨¦ consult¨¦ le 31/05/2012. 2 - ¨¦ le 2/06/2012. 3 - Alvaro Romo, rapport de conf¨¦rence. Bulletin d'informations de l'IAUP Lux Mundi, ao?t 2003, p.5. 4 - Giandomenico Picco et col., Crossing the Divide: Dialogue Among Civilizations, (School of Diplomacy & International Relations, Seton Hall University, 2001, p. 73). 5 - Judy Jessup-Anger, ? Gender Observations and Study Abroad: How Students Reconcile Cross-Cultural Differences Related to Gender ?, Journal of College Student Development, vol 49, n° 4, 2008, p. 362.

?

La?Chronique de l¡¯ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privil¨¨ge d¡¯accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingu¨¦s ne faisant pas partie du syst¨¨me des Nations Unies dont les points de vue ne refl¨¨tent pas n¨¦cessairement ceux de l¡¯Organisation. De m¨ºme, les fronti¨¨res et les noms indiqu¨¦s ainsi que les d¨¦signations employ¨¦es sur les cartes ou dans les articles n¡¯impliquent pas n¨¦cessairement la reconnaissance ni l¡¯acceptation officielle de l¡¯Organisation des Nations Unies.?