20 février 2024

Dans le monde actuel, les environnements multilingues sont la norme plut?t que l’exception.

L’Atlas mondial des langues de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) montre qu’environ 7 000 langues parlées ou signées sont utilisées dans le monde. On estime qu’au moins la moitié des habitants de la planète sont bilingues et naviguent au quotidien entre au moins deux langues ou dialectes différents.

La langue est plus qu’un outil de communication. C’est une aptitude cognitive spécifique aux humains et la base de notre humanité commune. Il permet la transmission des expériences, des traditions, des savoirs et des identités de génération en génération.

Les langues jouent un r?le essentiel dans la promotion de la paix, du dialogue interculturel et du développement durable. Elles sont présentes dans tous les aspects de nos vies, de la vie familiale au travail en passant par l’éducation, la politique, les médias, la justice, la recherche et la technologie. Nos valeurs, nos croyances, nos connaissances, nos identités et nos visions du monde sont profondément influencées par les langues que nous parlons, reflétant ainsi la richesse de l’expérience humaine.

Les langues sont menacées et doivent être protégées

Les langues sont malheureusement fortement menacées. Les données de l’UNESCO indiquent que près de 600?langues ont disparu au cours du siècle dernier. Si les tendances actuelles se poursuivent, jusqu’à 90?% des langues du monde pourraient s’éteindre d’ici la fin du siècle.

La Journée internationale de la langue maternelle, célébrée tous les ans le 21?février, attire l’attention sur l’urgence de défendre la diversité linguistique et l’éducation multilingue basée sur la langue maternelle.

Depuis plus de 70?ans, l’UNESCO promeut l’éducation basée sur la langue maternelle et multilingue comme élément clé pour assurer un enseignement inclusif et de qualité.

Pourquoi l’éducation multilingue est importante

Amélioration de l’apprentissage.?Premièrement, et de toute évidence, les élèves apprennent mieux dans une langue qu’ils comprennent. Pourtant, les données de l’UNESCO montrent que 40?% des habitants de la planète n’ont pas accès à un enseignement dans une langue qu’ils parlent ou qu’ils comprennent. Nos recherches démontrent clairement les bénéfices d’un enseignement dans la langue maternelle?: dans les pays à revenu intermédiaire supérieur et les pays à revenu élevé, à la fin de l’école primaire, les enfants qui parlent la langue dans laquelle se fait leur instruction ont 14?% de chances de plus de comprendre ce qu’ils lisent comparé aux enfants qui ne parlent pas leur langue d’enseignement.

En France, les enfants qui parlent fran?ais à la maison ont 28?% de chances de plus de comprendre ce qu’ils lisent à la fin de la primaire comparé aux enfants qui ne parlent pas fran?ais à la maison. Ce chiffre monte à 60?% pour les enfants qui parlent leur langue d’enseignement à la maison en République islamique d’Iran, en Slovaquie, en Afrique du Sud et en Türkiye.

? la fin du premier cycle du secondaire, les adolescents qui parlent leur langue d’enseignement ont 40?% de chances de plus de comprendre ce qu’ils lisent que ceux qui ne la parlent pas. Ce chiffre est une moyenne, les valeurs par pays allant de 4?% au Canada à plus de 60?% en Tha?lande, en passant par 40?% en Allemagne et aux Pays-Bas.

Amélioration de l’accès à une éducation plus inclusive.?L’éducation multilingue basée sur la langue maternelle améliore l’accès à l’éducation et l’inclusivité de celle-ci, en particulier pour les populations qui parlent des langues non dominantes, minoritaires ou autochtones. Les études scientifiques montrent en effet qu’elle peut favoriser la participation en classe, augmenter le taux de rétention scolaire et encourager les familles et les communautés à participer à l’éducation des enfants. L’éducation multilingue basée sur la langue maternelle joue également un r?le essentiel pour limiter les difficultés rencontrées par les apprenants migrants ou réfugiés, en leur donnant un sentiment de sécurité et en encourageant leur résilience. Cependant, alors que le monde conna?t un nombre record de déplacements forcés, plus de 31?millions de jeunes ayant fui des guerres ou des situations de crise apprennent dans une langue différente de la langue officielle de leur pays d’origine.

Stefania Giannini, Directrice générale adjointe de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

Contribution à la paix et du développement durable.?La réalisation des objectifs de développement durable est intimement liée à la diversité linguistique et au multilinguisme. Le?, impulsé par l’UNESCO, souligne l’importance de laisser chacun utiliser la langue de son choix pour assurer le respect de la dignité humaine et favoriser la coexistence pacifique et le développement durable. C’est son engagement en faveur de ces idéaux qui pousse l’UNESCO à soutenir la mise en place d’une éducation inclusive, équitable et de qualité en langues autochtones dans des contextes éducatifs aussi bien formels que non formels et informels.

Promouvoir et soutenir l’éducation en langue maternelle

L’éducation multilingue recèle un potentiel énorme, mais pour le réaliser pleinement, un engagement ferme est nécessaire en faveur de l’apprentissage tout au long de la vie et une reconnaissance accrue de l’importance de la diversité linguistique.

Pour prospérer, l’éducation multilingue nécessite des politiques solides, un travail de plaidoyer et le recours à l’innovation. Cela inclut l’adoption de politiques qui encouragent l’éducation dans la langue maternelle dès le plus jeune ?ge, comme c’est le cas dans plusieurs pays tels que le Ghana, le Pérou, Singapour et l’Afrique du Sud. Cela suppose également de recruter et de former des enseignants et des membres de la communauté ma?trisant la langue maternelle des apprenants, ainsi que de réfléchir à des solutions innovantes, par exemple à des partenariats avec des plateformes numériques, pour répondre à la diversité des besoins linguistiques.

Les partenariats et les coopérations à tous les niveaux, notamment entre les universités, les centres de recherche et les institutions qui promeuvent l’acquisition des langues, peuvent aussi permettre de renforcer les capacités et d’améliorer l’accès à des ressources d’enseignement et d’apprentissage dans les langues locales sous forme imprimée ou numérique. L’utilisation de ces ressources doit s’accompagner d’évaluations formatives et sommatives appropriées pour suivre les acquis d’apprentissage des apprenants multilingues.

L’éducation multilingue basée sur la langue maternelle doit absolument faire partie des outils déployés pour faire face à la crise de l’éducation et à la pauvreté des apprentissages auxquelles sont actuellement confrontés de nombreux pays du monde.

Dans un contexte de mondialisation croissante, l’UNESCO reste déterminée à promouvoir l’éducation multilingue et la diversité culturelle et linguistique comme pierres angulaires de la durabilité de nos sociétés.

Stefania Giannini est Sous-Directrice générale pour l’éducation à l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

Cet article a été traduit par l'UNESCO. La version originale est?disponible?.

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