11 juillet 2011

Lorsque Dag Hammarskj?ld a ¨¦t¨¦ nomm¨¦ Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies le 7 avril 1953, une guerre totale avait lieu dans la p¨¦ninsule cor¨¦enne. L'Organisation ¨¦tait divis¨¦e entre l'Est et l'Ouest et l'Union sovi¨¦tique boycottait le Conseil de s¨¦curit¨¦ devant le refus des Nations Unies de donner au r¨¦gime chinois communiste un si¨¨ge au Conseil. On pouvait facilement parier que l'ONU allait ¨ºtre plus efficace que son pr¨¦d¨¦cesseur, la Soci¨¦t¨¦ des Nations, ¨¤ emp¨ºcher qu'une nouvelle guerre mondiale ne se d¨¦clare.

L'homme qui a men¨¦ ¨¤ bien cette mission ¨¦tait cependant convaincu du r?le des Nations Unies en tant qu'organisation internationale ?uvrant ¨¤ assurer le maintien de la paix et ¨¤ prot¨¦ger les int¨¦r¨ºts et l'int¨¦grit¨¦ des nations moins puissantes. Il croyait aussi au pouvoir de la diplomatie. Il savait que m¨ºme les conflits les plus intenses devaient trouver une solution politique et que c'¨¦tait le r?le de la diplomatie internationale d'ouvrir la voie pour y parvenir.

On ne s'attend pas n¨¦cessairement ¨¤ ce qu'une personne dot¨¦e d'une vision et de principes soit aussi pragmatique et cr¨¦atrice. C'est pourquoi Dag Hammarskj?ld, cinquante ans apr¨¨s sa mort, continue de fasciner et d'inspirer un grand nombre de personnes dans le monde entier. Il a r¨¦ussi ¨¤ combiner de mani¨¨re remarquable ces qualit¨¦s apparemment oppos¨¦es. Son objectif ambitieux, souvent cit¨¦, de faire de l'ONU un instrument dynamique pour ses ?tats Membres a essentiellement transform¨¦ le pragmatisme en vision car il avait compris que la pertinence de l'Organisation reposait sur sa capacit¨¦ ¨¤ s'adapter constamment aux nouveaux d¨¦fis.

Le maintien de la paix est peut-¨ºtre l'exemple le plus notable de cette adaptation. Lorsque la crise de Suez a ¨¦clat¨¦ en 1956, la Charte des Nations Unies ne contenait aucune disposition relative ¨¤ l'utilisation des forces de l'ONU impartiales et arm¨¦es pour stabiliser les situations fragiles. Elle n'en contient toujours pas - mais elle n'a jamais emp¨ºch¨¦ non plus cette possibilit¨¦. Pour Dag Hammarskj?ld, cette lacune ¨¦tait une opportunit¨¦ plut?t qu'une contrainte. Sur les suggestions du Ministre canadien des affaires ¨¦trang¨¨res, Lester Pearson, il a cr¨¦¨¦ le concept de maintien de la paix en quelques jours et a ¨¦tabli la Force d'urgence des Nations Unies (FUNU) en quelques semaines. Le fait qu'¨¤ ce jour les principes de base de l'op¨¦ration de la FUNU continuent d'¨ºtre un ¨¦l¨¦ment central de toutes les interventions de l'ONU t¨¦moigne de la sagesse de cet homme. Alors que nous r¨¦fl¨¦chissons ¨¤ l'avenir des op¨¦rations de maintien de la paix de l'ONU, nous devrions voir la FUNU comme l'exemple m¨ºme du pragmatisme et de la cr¨¦ativit¨¦ de Dag Hammarskj?ld.

Un nombre d'¨¦v¨¦nements ont modifi¨¦ fondamentalement le principe du maintien de la paix depuis la crise de Suez. La fin de la guerre froide a donn¨¦ lieu ¨¤ des conflits internes li¨¦s ¨¤ des enjeux politiques ainsi qu'ethniques et religieux, conflits que la tension bipolaire a emp¨ºch¨¦ de d¨¦g¨¦n¨¦rer. La mondialisation et l'am¨¦lioration de l'ensemble des moyens de communication ont r¨¦duit les distances en dur¨¦e et dans l'espace. L'apparition d'organisations r¨¦gionales a cr¨¦¨¦ des structures qui, parfois, compl¨¨tent les activit¨¦s de l'ONU ou font double emploi avec celles-ci. Alors que ces circonstances ont permis aux op¨¦rations de maintien de la paix d'intervenir dans des conflits beaucoup plus divers qu'auparavant, elles ont aussi cr¨¦¨¦ des d¨¦fis importants.

Aujourd'hui, les acteurs sont plus nombreux et les questions ¨¤ traiter plus vastes. Depuis la fin de la guerre froide, l'Organisation du trait¨¦ de l'Atlantique Nord a jou¨¦ un r?le important dans le nombre d'op¨¦rations men¨¦es dans les Balkans, au Moyen-Orient et en Afghanistan. L'Union europ¨¦enne met actuellement en ?uvre son Service d'action ext¨¦rieure afin d'augmenter sa puissance diplomatique et sa pertinence politique. La Ligue arabe et l'Union africaine sont des acteurs importants en Afrique. En Asie, la coop¨¦ration au sein de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est est en d¨¦veloppement constant. En ce qui concerne l'¨¦largissement de l'ordre du jour, la bo¨ªte ¨¤ outils comprend aujourd'hui des mesures pour pr¨¦venir les conflits et soutenir l'¨¦dification des ?tats ainsi que le d¨¦veloppement institutionnel et ¨¦conomique en plus des activit¨¦s traditionnelles du maintien de la paix. L'ONU joue ¨¦galement un r?le central dans la cr¨¦ation d'un cadre juridique international pour les codes de conduite, les r¨¨gles d'engagement et pour faire face aux cons¨¦quences des conflits arm¨¦s.

Au cours des derni¨¨res ann¨¦es, le d¨¦bat sur les nouveaux d¨¦fis a ¨¦t¨¦ guid¨¦ par deux publications de r¨¦f¨¦rence : le Rapport du Groupe d'¨¦tude sur les op¨¦rations de paix des Nations Unies de 2000 (le ? Rapport Brahimi ?) et un document interne du Secr¨¦tariat de l'ONU intitul¨¦ Un partenariat renouvel¨¦ : d¨¦finir un nouvel horizon pour les op¨¦rations de maintien de la paix des Nations Unies de 2009 (l'initiative ? Nouvel horizon ?).

Le groupe d'¨¦tude Brahimi a conclu que les op¨¦rations de maintien de la paix ¨¦taient de plus en plus d¨¦ploy¨¦es non pas dans les situations de post-conflits, mais dans des situations d'impasse o¨´ au moins l'une des parties n'¨¦tait pas vraiment pr¨ºte ¨¤ mettre fin au conflit. Le groupe est donc conscient de la n¨¦cessit¨¦ que les forces de l'ONU soient pr¨ºtes ¨¤ ? affronter les forces r¨¦manentes de la guerre et de la violence avec les moyens et la volont¨¦ de les vaincre ?. Il a soulign¨¦ que l'impartialit¨¦ des op¨¦rations de l'ONU doit signifier l'adh¨¦sion aux principes de la Charte. Lorsqu'une partie en viole les clauses de fa?on claire et irr¨¦fragable, le fait que l'ONU continue d'accorder le m¨ºme traitement ¨¤ toutes les parties risque de la rendre complice du crime. En outre, le droit d'utiliser la force dans une op¨¦ration doit ¨ºtre sp¨¦cifi¨¦, et ses r¨¨gles d'engagement doivent ¨ºtre suffisamment fermes pour que les contingents de l'ONU ne soient pas contraints d'abandonner l'initiative aux agresseurs.

Le document interne ? Nouvel Horizon ? a pris en compte l'ampleur et la complexit¨¦ croissantes des op¨¦rations de maintien de la paix de l'ONU au cours des dix premi¨¨res ann¨¦es du nouveau mill¨¦naire. Il a soulign¨¦ la n¨¦cessit¨¦ de cr¨¦er un consensus politique plus large, de mettre l'accent non pas sur la quantit¨¦ mais sur la qualit¨¦ et les moyens des soldats, d'am¨¦liorer la responsabilisation des parties concern¨¦es par le maintien de la paix de l'ONU et d'¨¦laborer une strat¨¦gie coh¨¦rente d'appui aux missions.

Le Rapport Brahimi et le document interne ? Nouvel horizon ? ont d¨¦fini de nouvelles lignes directrices tout en honorant l'esprit et la lettre de la Charte et en r¨¦it¨¦rant les principes fondamentaux du maintien de la paix de l'ONU. Les documents reconnaissent, comme Dag Hammarskj?ld l'a fait pour l'ensemble des Nations Unies, que le maintien de la paix est un instrument imparfait, mais indispensable pour la communaut¨¦ internationale.

Le nombre croissant d'acteurs internationaux et de questions ¨¤ traiter ne diminuent pas le r?le et l'importance que l'ONU joue dans le maintien de la paix dans le monde. Au contraire, cela t¨¦moigne de l'importance de la t?che et indique que l'on a pris conscience que de nombreux ?tats et acteurs r¨¦gionaux actuels se sentent tenus de participer aux activit¨¦s mondiales pour la paix et la pr¨¦vention des conflits. Le r?le de l'ONU sera diff¨¦rent de celui qu'il jouait dans les ann¨¦es cinquante et soixante, mais il ne sera pas moins important. L'ONU continuera d'assurer la l¨¦gitimit¨¦ des actions ¨¤ mener et de coordonner la riposte internationale aux futures crises mondiales et r¨¦gionales. De par sa diversit¨¦, l'ONU sera toujours la principale plate-forme du dialogue international sur le maintien de la paix ainsi que sur la pr¨¦vention et la r¨¦solution des conflits.

L'ONU est une pierre angulaire de la politique ¨¦trang¨¨re de la Su¨¨de. Avec les autres membres de l'Union europ¨¦enne, nous avons accueilli avec satisfaction le Rapport Brahimi et soutenons le d¨¦veloppement plus pouss¨¦ de l'initiative Nouvel horizon. Nous avons maintenant atteint un consensus, nous devons le consolider et l'¨¦largir.

±Ê°ù±ð³¾¾±¨¨°ù±ð³¾±ð²Ô³Ù, il faut reconna¨ªtre l'importance de prot¨¦ger les civils. Le succ¨¨s ou l'¨¦chec de leur protection porte atteinte ¨¤ la cr¨¦dibilit¨¦ et ¨¤ la l¨¦gitimit¨¦ des op¨¦rations de maintien de la paix ainsi qu'¨¤ leur pr¨¦sence dans les zones de conflit. Il est encourageant de constater que les ?tats Membres de l'ONU ont abord¨¦ ce point pendant la session de 2010 du Comit¨¦ sp¨¦cial des op¨¦rations de maintien de la paix de l'ONU. Les missions doivent avoir des mandats clairement d¨¦finis par le Conseil de s¨¦curit¨¦ ainsi que des directives bien con?ues, un commandement solide, des syst¨¨mes de contr?le ainsi que les moyens et la d¨¦termination de r¨¦aliser cette t?che difficile.

¶Ù±ð³Ü³æ¾±¨¨³¾±ð³¾±ð²Ô³Ù, il faut renforcer les liens entre le maintien de la paix et la consolidation de la paix. En assurant la s¨¦curit¨¦ et en apportant leur appui, les soldats de la paix facilitent la t?che des acteurs nationaux et internationaux dans la mise en ?uvre des mesures de consolidation de la paix ¨¤ long terme dans des domaines comme la police, l'¨¦tat de droit, la R¨¦forme du secteur de la s¨¦curit¨¦ (RSS), le d¨¦sarmement, la d¨¦mobilisation et la r¨¦insertion.

°Õ°ù´Ç¾±²õ¾±¨¨³¾±ð³¾±ð²Ô³Ù, la demande de comp¨¦tences sp¨¦cialis¨¦es ¨¤ caract¨¨re civil dans des domaines comme l'¨¦tat de droit, la justice et la RSS, est en hausse, en particulier dans les op¨¦rations de maintien de la paix complexes. Nous devons y r¨¦pondre en renfor?ant l'apport en personnel civil, sa fid¨¦lisation et son appui. Il est important que les pays du Sud puissent ¨¦galement fournir du personnel.

²Ï³Ü²¹³Ù°ù¾±¨¨³¾±ð³¾±ð²Ô³Ù, nous devrions suivre l'exemple de l'?tude sommaire de Dag Hammarskj?ld, publi¨¦e en 1958, et tourner notre attention vers le syst¨¨me de l'ONU et ses m¨¦thodes de travail. Il est encourageant de noter que le fait d'entamer des consultations informelles afin de r¨¦examiner les m¨¦thodes de travail du Comit¨¦ sp¨¦cial, une initiative qui a ¨¦t¨¦ mise en avant pendant la pr¨¦sidence su¨¦doise de l'Union europ¨¦enne en 2009 et la pr¨¦sidence espagnole en 2010, a re?u un large soutien des ?tats Membres de l'ONU.

En conclusion, nous ne devons pas oublier que l'un des principaux engagements pris par Dag Hammarskj?ld a concern¨¦ l'¨¦volution de l'ONU. Qu'il en ait eu conscience ou non, il a admirablement dirig¨¦ l'ONU durant ce voyage. Son point de vue selon lequel l'ONU travaillait ¨¤ ? d¨¦terminer le d¨¦veloppement de la soci¨¦t¨¦ humaine ? en ?uvrant ¨¤ ? la fronti¨¨re de l'inconnu ? demeure un noble projet.

?

La?Chronique de l¡¯ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privil¨¨ge d¡¯accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingu¨¦s ne faisant pas partie du syst¨¨me des Nations Unies dont les points de vue ne refl¨¨tent pas n¨¦cessairement ceux de l¡¯Organisation. De m¨ºme, les fronti¨¨res et les noms indiqu¨¦s ainsi que les d¨¦signations employ¨¦es sur les cartes ou dans les articles n¡¯impliquent pas n¨¦cessairement la reconnaissance ni l¡¯acceptation officielle de l¡¯Organisation des Nations Unies.?