En octobre 2010, les Nations Unies comm¨¦moreront le dixi¨¨me anniversaire d'une ¨¦tape majeure importante mais insuffisamment reconnue dans le domaine du d¨¦veloppement : la r¨¦solution 1325 du Conseil de s¨¦curit¨¦ qui a reconnu l'importance de l'impact des conflits arm¨¦s sur les femmes et les filles et qui a garanti la protection et la pleine participation de celles-ci aux accords de paix. Bien qu'ils aient ¨¦t¨¦ lents ¨¤ venir, on constate aujourd'hui des signes de renforcement de l'engagement et des mesures prises pour assurer la r¨¦alisation des objectifs de la r¨¦solution.
Ãå±±½ûµØGRAND SILENCE Lorsque le Conseil de s¨¦curit¨¦ a adopt¨¦ la r¨¦solution, il y a dix ans, il a mis en lumi¨¨re l'un des plus grands silences de l'histoire - la violence syst¨¦matique, brutale et fr¨¦quente dont sont victimes les femmes et les filles dans un conflit arm¨¦. L'¨¦lan en faveur de l'adoption de la r¨¦solution 1325 a ¨¦t¨¦ fort. Les guerres r¨¦centes, en ex-Yougoslavie, au Rwanda, en Sierra Leone, au Lib¨¦ria, au N¨¦pal ou en Afghanistan, ainsi que dans d'autres zones de conflit, ont ¨¦t¨¦ marqu¨¦es par des actes de violence ¨¤ l'encontre des femmes et des filles. On estime que 70 % des victimes parmi les non-combattants lors des r¨¦cents conflits ¨¦taient principalement des femmes et des enfants. Jusqu'¨¤ 500 000 femmes ont ¨¦t¨¦ viol¨¦es au Rwanda durant le g¨¦nocide de 1994. Quelque 60 000 femmes ont ¨¦t¨¦ viol¨¦es durant la guerre en Croatie et en Bosnie-Herz¨¦govine et, entre 1991 et 2001, on estime que 64 000 femmes ont ¨¦t¨¦ victimes de violences sexuelles li¨¦es ¨¤ la guerre en Sierra Leone. Les corps des femmes et des filles sont devenus des champs de bataille sur lesquels ne sont pas n¨¦cessairement d¨¦vers¨¦s des bombes et des obus mais sur lesquels ?uvrent les mains calleuses et les esprits insensibles des milices arm¨¦es et de leurs associ¨¦s ainsi que de ceux qui profitent du chaos de la guerre pour infliger des violences aux membres les plus vuln¨¦rables de leur communaut¨¦.
L'adoption de la r¨¦solution 1325 par les 192 ?tats Membres de l'ONU a fondamentalement chang¨¦ l'image des femmes dans les situations de conflit - de celle de victimes ¨¤ celle de participantes ?uvrant activement au maintien et ¨¤ la consolidation de la paix ainsi qu'aux n¨¦gociations. C'est ainsi que, pour la premi¨¨re fois, une r¨¦solution du Conseil de s¨¦curit¨¦ s'est concentr¨¦e sur une question fondamentale autre que l'arr¨ºt des hostilit¨¦s pour traiter l'impact plus insidieux et ¨¤ long terme de la violence arm¨¦e sur les femmes.
LES FEMMES ET LES ACCORDS DE PAIX La r¨¦solution 1325 a pr¨¦conis¨¦ une approche globale. Elle a exhort¨¦ les ?tats membres ¨¤ assurer une plus grande repr¨¦sentation des femmes ¨¤ la prise de d¨¦cision dans les institutions et les m¨¦canismes nationaux, r¨¦gionaux et internationaux en vue de la pr¨¦vention, de la gestion et du r¨¨glement des diff¨¦rends. Elle a demand¨¦ aux parties aux conflits arm¨¦s de prendre des mesures sp¨¦ciales pour prot¨¦ger les femmes et les filles contre les actes de violence pendant les guerres et de leur donner la possibilit¨¦ de participer aux processus de paix afin de trouver des solutions ¨¤ long terme. La r¨¦solution a exhort¨¦ le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l'ONU de nommer plus de femmes parmi les repr¨¦sentants et les envoy¨¦s sp¨¦ciaux charg¨¦s de missions de bons offices en son nom et, ¨¤ cet ¨¦gard, a demand¨¦ aux ?tats Membres de communiquer au Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral le nom de candidates pouvant ¨ºtre inscrites sur une liste centralis¨¦e r¨¦guli¨¨rement mise ¨¤ jour. Elle a demand¨¦ ¨¦galement ¨¤ tous les int¨¦ress¨¦s, lors de la n¨¦gociation et de la mise en ?uvre d'accords de paix, d'adopter une d¨¦marche soucieuse d'¨¦quit¨¦ entre les sexes, en particulier de tenir compte des besoins particuliers des femmes et des filles lors du rapatriement et de la r¨¦installation et en vue du rel¨¨vement, de la r¨¦insertion et de la reconstruction apr¨¨s les conflits. La r¨¦solution a fourni un cadre global g¨¦n¨¦ralisant une perspective antisexiste dans tous les processus de paix, y compris le maintien de la paix, la consolidation et la paix, la reconstruction apr¨¨s les conflits ainsi que le maintien g¨¦n¨¦ral de la paix et de la s¨¦curit¨¦.
Au cours des dix derni¨¨res ann¨¦es, divers acteurs se sont mobilis¨¦s pour promouvoir la r¨¦solution. Les bureaux de l'ONU ont pr¨¦par¨¦ un plan d'action ¨¤ l'¨¦chelle du syst¨¨me des Nations Unies afin d'¨¦laborer une approche de sa mise en ?uvre unifi¨¦e et coh¨¦rente. Environ 500 actions ont ¨¦t¨¦ entreprises, dont la protection des femmes durant un conflit arm¨¦, en particulier dans le contexte de l'instabilit¨¦ apr¨¨s la guerre et du danger des mines. Des progr¨¨s ont ¨¦t¨¦ r¨¦alis¨¦s pour int¨¦grer la r¨¦solution dans les travaux des organismes intergouvernementaux et des organes conventionnels du syst¨¨me de l'ONU. L'adoption, par de nombreux ?tats Membres, des plans d'action nationaux pour mettre en ?uvre la r¨¦solution est l'un des plus importants signes de progr¨¨s. Nombre de ces plans ont ¨¦t¨¦ adopt¨¦s dans le cadre d'un processus collaboratif, amenant les entit¨¦s des Nations Unies et les organisations de la soci¨¦t¨¦ civile ¨¤ partager leurs exp¨¦riences.
DIFFICULT? ? ATTEINDRE LES OBJECTIFS Malgr¨¦ de nombreux efforts, au cours des dix derni¨¨res ann¨¦es, la mise en ?uvre de la r¨¦solution 1325 n'a pas r¨¦pondu aux attentes. ? l'approche du 10e anniversaire de cette r¨¦solution, les femmes et les filles continuent d'¨ºtre victimes d'actes de violence sexiste pendant et apr¨¨s les conflits arm¨¦s. Elles sont viol¨¦es, tortur¨¦es, enlev¨¦es, humili¨¦es et nombre d'entre elles sont marginalis¨¦es apr¨¨s les conflits parce qu'elles ont subi des s¨¦vices sexuels ou sont tomb¨¦es enceintes. ? cet ¨¦gard, la mise en ?uvre de la r¨¦solution 1325 ne saurait ¨ºtre consid¨¦r¨¦e s¨¦par¨¦ment des r¨¦solutions 1888 et 1820 du Conseil de s¨¦curit¨¦ (adopt¨¦es respectivement en 2008 et en 2009), car la r¨¦solution 1325 est centr¨¦e sur le respect de la r¨¦solution 1820. Par ces r¨¦solutions, le Conseil de s¨¦curit¨¦ a envoy¨¦ un message clair indiquant que les violences sexuelles apr¨¨s les conflits ne seront pas tol¨¦r¨¦es.
L'arr¨ºt des hostilit¨¦s ne garantit pas n¨¦cessairement la fin des actes de violence ¨¤ l'¨¦gard des femmes et des filles. Au contraire, on constate que m¨ºme lorsqu'un conflit a pris fin, les violences sexuelles et sexistes tendent ¨¤ persister, cr¨¦ant des menaces ¨¤ long terme pour la s¨¦curit¨¦ et la sant¨¦ des femmes, leurs moyens de subsistance et leur capacit¨¦ ¨¤ participer ¨¤ la reconstruction et ¨¤ la consolidation de la paix.
La persistance de la violence envers les femmes dans les situations de conflits arm¨¦s nuit ¨¤ la r¨¦alisation des Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD) qui sont ¨¦troitement li¨¦s aux objectifs de la r¨¦solution 1325. Si les filles ont peur d'aller ¨¤ l'¨¦cole ¨¤ cause des graves violations qui sont g¨¦n¨¦ralement commises dans les conflits arm¨¦s, leur acc¨¨s ¨¤ l'¨¦ducation est limit¨¦ par rapport ¨¤ celui des gar?ons, ce qui compromet la r¨¦alisation du deuxi¨¨me OMD, assurer l'¨¦ducation primaire pour tous. La violence sexuelle pendant les conflits arm¨¦s entra¨ªne des risques ¨¦lev¨¦s d'infection par le VIH et menace la r¨¦alisation du sixi¨¨me OMD, combattre le VIH/sida, le paludisme et les autres maladies. La r¨¦alisation des OMD sera ¨¦galement compromise pour les femmes et les filles dont les droits sont viol¨¦s de mani¨¨re persistante, victimes de violences sexuelles qui, aujourd'hui, font partie int¨¦grante du conflit arm¨¦. En effet, pour r¨¦aliser le troisi¨¨me OMD promouvoir l'¨¦galit¨¦ des sexes et l'autonomisation des femmes, il est n¨¦cessaire que la communaut¨¦ internationale intensifie son action pour assurer que le corps des femmes ne fasse plus partie du champ de bataille pendant les p¨¦riodes de conflit arm¨¦.
CE QU'IL FAUT FAIRE Que faut-il donc faire pour renforcer la mise en ?uvre de la r¨¦solution 1325 ?
Il faut d'abord que la communaut¨¦ internationale reconnaisse que la violation flagrante des droits des femmes et des filles et de leur corps pendant les conflits arm¨¦s ne peut continuer en toute impunit¨¦. Le Conseil de s¨¦curit¨¦ et les ?tats Membres doivent renouveler leur engagement ¨¤ mettre pleinement en ?uvre la r¨¦solution et ¨¦laborer une loi appropri¨¦e pour assurer que ceux qui commettent des violations r¨¦pondent de leurs actes. Les parties aux conflits arm¨¦s ne se sont pas acquitt¨¦es de leurs engagements. Or jusqu'ici, aucun m¨¦canisme n'a ¨¦t¨¦ mis en place pour rem¨¦dier ¨¤ ce probl¨¨me. Cela doit changer.
Il faut veiller ¨¤ ce que l'autonomisation des femmes comme artisanes, b?tisseuses et agents de la paix, encourag¨¦e dans la r¨¦solution 1325, devienne une r¨¦alit¨¦. De plus en plus de preuves semblent en effet indiquer que la participation des femmes aux n¨¦gociations de paix am¨¦liore la qualit¨¦ des accords conclus et accro¨ªt les chances d'une mise en ?uvre fructueuse. Elle enrichit le processus, car celles-ci sont plus ¨¤ m¨ºme d'inscrire les questions relatives ¨¤ la probl¨¦matique hommes-femmes ¨¤ l'ordre du jour, de d¨¦terminer des priorit¨¦s diff¨¦rentes et, ¨¦ventuellement, de briser plus efficacement les clivages politiques. Pour y parvenir, il faut leur garantir l'acc¨¨s ¨¤ ¨¦ducation et ¨¤ la formation et leur offrir les possibilit¨¦s d'¨ºtre r¨¦ellement des partenaires actives. Il faut aussi qu'elles saisissent l'occasion de guider les processus de r¨¦conciliation et de maintien de la paix. Leur participation pleine et enti¨¨re ¨¤ la pr¨¦vention et ¨¤ la gestion des conflits, ¨¤ la consolidation de la paix et ¨¤ la gestion des catastrophes humanitaires contribuera ¨¤ la d¨¦mocratie et renforcera le respect des droits de l'homme et le d¨¦veloppement. Nombre d'organisations f¨¦minines sont pr¨ºtes ¨¤ relever le d¨¦fi, mais elles ont besoin du soutien national et international.
Enfin, il est n¨¦cessaire de trouver un meilleur moyen d'¨¦valuer les progr¨¨s. La mise en ?uvre de la r¨¦solution 1325 doit faire l'objet d'une rationalisation et ¨ºtre suivie de pr¨¨s en utilisant un ensemble d'indicateurs appropri¨¦s, comme l'a demand¨¦ la r¨¦cente r¨¦solution 1889 du Conseil de s¨¦curit¨¦, qui a r¨¦affirm¨¦ la r¨¦solution 1325. C'est alors seulement que la r¨¦solution 1325 pourra r¨¦aliser la promesse prise lorsqu'elle a ¨¦t¨¦ con?ue il y a dix ans. C'est alors seulement que les femmes et les filles auront l'espoir de sortir du cycle de violence qui les touche de mani¨¨re aussi cruelle. C'est alors seulement que le monde pourra dire avoir r¨¦ellement ouvert la voie aux femmes pour qu'elles participent effectivement aux diverses phases du processus de paix.
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