??Beaucoup pensaient que l’absence de normes en matière de droits de l’homme dans le monde était l’une des principales causes de friction entre les nations et que la reconnaissance de ces droits pourrait être l’une des pierres angulaires sur laquelle la paix pourrait finalement être fondée1??.?
Eleanor Roosevelt a écrit ses mots en avril 1948 dans la revue??et, en décembre de cette même année, la Déclaration universelle des droits de l’homme a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies. Comme la Charte des Nations Unies, la Déclaration des droits de l’homme avait pour but de fournir une norme mondiale en matière de droits de l’homme et d’égalité qui établirait non seulement une référence pour les individus, mais deviendrait un principe directeur sur lequel les pays pourraient s’aligner.
Alors que nous célébrons cette année le 75e anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme et que nous examinons les progrès accomplis dans l’expression des droits ainsi que le terrain de la liberté qui reste à développer, une question se pose?: en ce qui concerne le fondement de la liberté, de la justice et de la paix, que réserve l’avenir numérique à ceux qui sont encore laissés de c?té??
Cette question se pose alors que trois étapes essentielles convergent en 2023. Premièrement, la cinquième Conférence des pays les moins avancés (PMA) – la conférence consacrée au 46 PMA dans le monde, qui a lieu une fois par décennie et qui s’est réunie à Doha, au Qatar, au début de mars 2023 – avait pour but de galvaniser les engagements et les partenariats afin d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD) dans les pays les moins avancés. Deuxièmement, la , qui avait pour thème ??Innovation et évolution technologique, et éducation à l’ère du numérique aux fins de la réalisation de l’égalité des sexes et de l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles??, venait de s’achever. Et enfin, le soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme, qui sera officiellement célébré en décembre 2023.
La convergence de ces trois étapes importantes est porteuse d’un symbolisme puissant – à savoir que la réalisation des droits de l’homme est intrinsèquement liée à l’autonomisation économique des femmes dans les pays les moins avancés. Plus précisément, le ??dernier kilomètre numérique??, en termes d’autonomisation économique des femmes, reste à parcourir?: combler le fossé numérique entre les sexes afin de veiller à ce que personne ne soit laissé de c?té dans les économies qui sont de plus en plus numériques.
Pour vraiment apprécier l’importance de ce dernier kilomètre concernant l’autonomisation économique des femmes, il faut comprendre les obstacles spécifiques aux PMA, qui vont au-delà de ceux auxquels sont confrontées les femmes dans les pays plus développés.
Selon les ,? ?l’écart entre les sexes dans l’utilisation de l’Internet est de 6 points de pourcentage au niveau mondial, où 63 % des femmes sont connectées contre 69?% des hommes. En outre, dans les pays à revenu élevé, les femmes ont presque atteint la parité en ce qui concerne l’utilisation de l’Internet?: 88 % d’utilisatrices contre 89?% d’utilisateurs.
Pourtant, l’écart est important dans les PMA où seulement 30 % utilisent l’Internet, soit 13 points de pourcentage de moins que les hommes. La nature critique de ce défi, en termes d’écart entre les sexes et d’adoption du numérique par les femmes, appara?t plus clairement lorsque l’on compare les pays en développement sans littoral (PDSL) (33?% de femmes contre 40 % d’hommes), l’Afrique (34?% contre 45 %) et les ?tats arabes (65 % contre 75 %). Plus simplement, de toutes les régions géographiques évaluées par l’UIT en termes d’utilisation de l’Internet, c’est dans les PMA que le pourcentage de femmes est le plus faible.
Prenons l’exemple des femmes réfugiées comme exemple spécifique du dernier kilomètre. Selon le rapport de la GSMA, une association représentant les intérêts des opérateurs de téléphonie mobile dans le monde, intitulé ????, les femmes réfugiées ont difficilement accès à un téléphone portable et à l’Internet. ? Bidi Bidi, en Ouganda, l’un des plus grands camps de réfugiés dans le?monde, les femmes sont 47?% moins susceptibles de posséder un téléphone que les hommes et 89?% moins susceptibles d’utiliser l’Internet mobile. Les outils numériques peuvent donner aux femmes des camps de réfugiés un plus grand sentiment de sécurité, un meilleur accès à des informations importantes ainsi que la possibilité de communiquer avec leurs proches de la diaspora. Ils peuvent aussi permettre aux femmes entrepreneurs de créer des entreprises et d’être intégrées financièrement gr?ce à l’argent mobile. Pourtant, les principaux obstacles à la possession et à l’utilisation d’un téléphone portable par les femmes demeurent, notamment des possibilités limitées de gagner leur vie, une faible capacité à lire et à écrire, un manque de confiance dans la technologie ainsi que des normes sociales restrictives et autres nombreux facteurs.
Pour combler ce fossé, il faut une approche multipartite qui associe des compétences, des appareils abordables ainsi que des services adaptés aux besoins des femmes. En tant qu’entité financière catalytique des Nations Unies pour les 46 pays les moins avancés, l’une des t?ches essentielles du Fonds d’équipement des Nations Unies (FENU) consiste à soutenir la création d’économies numériques inclusives. Mais pour atteindre ce but, il faut bien plus que des outils innovants et une infrastructure numérique. Il faut une société civile engagée, des politiques inclusives et des plates-formes qui encouragent les prestataires de service ainsi que les utilisateurs finaux.
Promouvoir la participation diversifiée
L’élaboration de politiques inclusives requiert que les personnes directement concernées par les changements politiques participent à leur conception et à leur mise en ?uvre. Or, trop souvent, les gouvernements et le secteur privé excluent délibérément les consommatrices ou les représentantes de l’industrie et de la société civile.
Le centre de plaidoyer??est la nouvelle initiative phare du FENU en matière d’égalité des sexes visant à promouvoir la participation au changement de politiques en matière d’inclusion financière numérique des femmes et à soutenir la création d’économies numériques inclusives. Ce centre est apparu comme un mécanisme permettant de tirer parti de l’élan mondial en matière d’égalité des sexes et d’accélérer le changement en reliant les engagements mondiaux et les résultats locaux.
Il est composé de deux éléments interconnectés?: les coalitions locales en Indonésie et en ?thiopie, comprenant la société civile et des organisations des secteurs public et privé; ainsi que le centre de plaidoyer mondial. Les coalitions servent de plates-formes aux parties prenantes locales pour discuter, élaborer des stratégies et collaborer afin de maximiser l’impact. Le FENU soutient les membres des coalitions en facilitant l’accès à la formation et aux connaissances et en fournissant des ressources financières pour soutenir la mise en ?uvre de solutions pratiques innovantes. Au niveau mondial, il créera des messages unifiés sur les questions prioritaires identifiées par les coalitions en partenariat avec les organisations mondiales et offrira aux acteurs locaux la possibilité de gagner en visibilité sur les plates-formes mondiales.
Contrairement à d’autres plates-formes mondiales, le centre de plaidoyer WDFI vise à amplifier les voix locales, à transférer les ressources aux partenaires locaux et à stimuler un dialogue constructif avec les décideurs. En mettant l’accent sur le plaidoyer, l’objectif est d’encourager l’action collective pour créer un environnement dans lequel les femmes peuvent faire des choix éclairés concernant leur avenir financier et améliorer leur communauté ainsi que les économies nationales.
L’élaboration de politiques inclusives à l’?uvre en Afrique?
Depuis 2014, l’écart entre les sexes dans l’accès aux comptes bancaires formels a augmenté dans tous les pays de la . En 2021, le FENU a réuni un groupe consultatif sur les femmes et les services financiers numériques pour faciliter un dialogue régulier entre les représentants de la société civile de chacun des six pays de la CEMAC – le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine, la République du Congo et le Tchad – et les régulateurs et les décideurs politiques de la région. Le groupe a réuni près de 40 femmes et hommes, représentant des groupes de défense des droits des consommateurs, des associations de femmes entrepreneurs, des organisations financières ainsi que d’autres entités ?uvrant pour la participation économique des femmes.
Gr?ce à cette collaboration, les participants ont élaboré et présenté 23 recommandations aux régulateurs régionaux et nationaux et plusieurs participants ont été invités à contribuer à la stratégie d’inclusion financière régionale. Le groupe de plaidoyer a permis d’amplifier la voix des femmes, démontrant comment l’approche participative du FENU peut accro?tre la transparence et la représentation dans l’élaboration des politiques.
Les plates-formes en tant que passerelles
Au-delà de l’élaboration des politiques et de l’engagement multipartite, la création d’économies numériques intégrant l’égalité des sexes pour atteindre ce dernier kilomètre numérique nécessite des outils, des services ainsi qu’une assistance technique inclusifs. Le FENU a présenté une telle approche en 2022.
Le COVID-19 a porté un coup à l’autonomisation économique des femmes, comme à d’autres aspects de la vie quotidienne. Pour aider les petites entreprises au Népal à se remettre durablement de la pandémie, le FENU a facilité l’intégration de plus de 400 microentreprises et petites et moyennes entreprises (65?% dirigées par des femmes) à des plates-formes de commerce électronique et formé plus de 2 600 d’entre elles (77?% dirigées par des femmes) à des compétences numériques et financières. En partenariat avec la Fondation Bill et Melinda Gates, le FENU a créé au Myanmar une plate-forme de paiement libre, WynePay. Le système a été con?u pour étendre l’inclusion financière en incitant les prestataires de services financiers, les particuliers et les petites entreprises à utiliser les paiements électroniques. Plus de 30 prestataires de service se sont joints à l’initiative et lorsque la plate-forme sera opérationnelle en 2023, plus de 2 millions de personnes pourront effectuer et recevoir plus rapidement des paiements numériques moins chers et plus s?rs – et 80?% de ces transactions devraient être effectuées par des femmes. ?
La dignité est numérique
Un mot résonne au sens figuré et au sens propre dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans le Programme d’action de Doha pour les pays les moins avancés 2022-2031, qui était l’élément principal de la cinquième session des PMA, ainsi que dans la déclaration d’ouverture de la 67e session de la Commission de la condition de la femme : la dignité. Le pouvoir de la technologie numérique pour soutenir la promesse des droits de l’homme réside dans la possibilité d’atteindre ceux qui ont été mal desservis tout au long de l’histoire, et continuent de l’être – une promesse qui remonte à la Charte des Nations Unies. Le FENU s’engage à exploiter le pouvoir du numérique pour atteindre le dernier kilomètre dans le cadre de l’action menée en faveur des droits de l’homme tout en mettant en place des politiques qui tiennent compte de l’égalité des sexes comme pierre angulaire irrempla?able pour la paix future.??
Notes
1Eleanor Roosevelt, ??The Promise of Human Right??,?Foreign Affairs, avril 1948, dans Allida Black,?Courage in a Dangerous World: The Political Writings of Eleanor Roosevelt?(New York: Columbia University Press, 1999), pp. 156-168.
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La?Chronique de l’ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privilège d’accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingués ne faisant pas partie du système des Nations Unies dont les points de vue ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Organisation. De même, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l’acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.?