Cet article est l’un des deux articles publiés par la Chronique de l’ONU dans lesquels un éminent universitaire commente la note de synthèse du Secrétaire général intitulée ? L’impact du COVID-19 en milieu urbain ?. Cliquez ici pour lire l’autre article.

30 septembre 2020

La pandémie de COVID-19 a posé des défis sans précédent aux grandes villes. Les niveaux élevés d’interconnectivité mondiale et locale des villes les rendent particulièrement exposées aux épidémies mortelles, comme elles l’ont été tout au long de l’histoire. La récente note de synthèse – L’impact du COVID-19 en milieu urbain – lancée par le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres souligne que les secteurs vulnérables des sociétés urbaines sont particulièrement touchés à la fois par l’incidence du virus et par l’impact économique des mesures de confinement qui y sont liées.

Les grandes villes européennes ne sont pas protégées contre ces effets négatifs. Madrid est en tête des régions espagnoles dans le classement du revenu par habitant. Toutefois, elle enregistre aussi des niveaux très élevés d’inégalité et des écarts économiques importants entre les quartiers avec un revenu moyen par ménage compris entre en 2017.

Comme ailleurs, les pertes d’emploi causées par les mesures de confinement tendent à affecter le plus les emplois informels et peu rémunérés, ce qui exacerbe les inégalités existantes. Par exemple, à Madrid, le taux de ch?mage varie actuellement entre 14 et 16 % dans les quartiers les plus défavorisés, alors qu’il est de 4 à 5 % dans les zones plus prospères.

Ces chiffres reflètent des problèmes structurels difficiles à résoudre à court terme. ? Madrid, les résidents des quartiers relativement pauvres sont principalement employés dans des secteurs qui offrent peu de possibilités de travail et qui sont loin de leur domicile. Leur mobilité dépend principalement des transports publics, qui tendent à être bondés aux heures de pointe. Habitant en périphérie, ils font de longs trajets jusqu’à leur lieu de travail nécessitant souvent plusieurs changements, ce qui augmente leur risque de contracter le virus. Ils vivent dans des logements de plus petite taille et relativement surpeuplés, ce qui rend l’isolement plus difficile et la contagion plus probable. Ils sont également très affectés par la fracture numérique, ce qui limite l’accès aux services à distance qui facilitent le télétravail.

Juan Romo, Recteur de l’Université Carlos III de Madrid (UC3M). Photo offerte par le bureau du Directeur, UC3M.

Les effets sont déjà visibles. Alors que l’Espagne fait inexorablement face à une deuxième vague de la pandémie avec une propagation du virus chez les plus jeunes, les données épidémiologiques montrent que les quartiers les plus pauvres de Madrid sont touchés de manière disproportionnée.

Que peut-on faire ? Comme l’a souligné le Secrétaire général, il faut saisir l’occasion qui nous est offerte par la COVID-19 pour repenser la fa?on de vivre et interagir dans les villes. Pour reconstruire de meilleurs environnements urbains, nous devons adopter de nouveaux modèles de mobilité urbaine qui réduisent le risque de contagion et rendent les villes plus résilientes, plus durables et plus inclusives.

Les politiques publiques devraient promouvoir le télétravail chaque fois que cela est possible afin de réduire les déplacements inutiles jusqu’aux lieux de travail.  Lorsque cela n’est pas possible, l’utilisation de voitures électriques, le co-voiturage ainsi que des options de transports alternatives, comme le vélo, classique ou électrique, devraient être encouragées.

Dans les grandes zones métropolitaines, les systèmes de transports publics et privés doivent être mieux intégrés aux niveaux régional et local et, surtout, être repensés pour s’adapter aux nouveaux modèles de planification urbaine. En effet, la période post-COVID-19 offrira aux villes de grandes possibilités pour améliorer leurs quartiers gr?ce à l’extension d’infrastructures vertes et de zones piétonnes. Les acteurs publics et privés devraient aussi coordonner leurs efforts pour rapprocher les services essentiels de leurs clients, notamment leur approvisionnement, leurs achats et leurs livraisons. Bien que la ? ville en 15 minutes ?, une ville dans laquelle puisse sembler un idéal lointain pour les grandes zones métropolitaines, une planification urbaine bien étudiée peut transformer graduellement cet objectif en réalité.

Les universités joueront un r?le essentiel dans la planification de l’avenir des environnements urbains après la COVID-19, conformément au principe du ?  ? envisagé dans le pour des villes s?res, saines, accessibles, abordables, résilientes et durables. En tant que centre de référence de l’initiative Impact universitaire des Nations Unies pour l’objectif de développement durable 11, l’Université Carlos III de Madrid considère la recherche et l’éducation en planification urbaine et en mobilité comme l’une de ses priorités. C’est pourquoi, nous encourageons une approche interdisciplinaire qui associe des perspectives techniques, juridiques, économiques et sociales.

Un mémorial en souvenir des victimes du coronavirus sur la Place de Cibèle, à Madrid. Photo?: Wikimedia Commons/Thomas Holbach

La mobilité durable est également une partie essentielle de notre gestion. Avec quatre campus répartis sur un territoire étendu, notre Université mène des enquêtes sur la mobilité de ses étudiants et de ses employés, subventionne l’utilisation des transports publics et offre des parkings pour les vélos et les vélos électriques, les motos et le covoiturage ainsi que pour les véhicules électriques.

Dans le cadre de l’engagement de l’Université envers la société, nos chercheurs coopèrent avec les gouvernements municipaux dans la conception et la mise en place des . Elle promeut aussi les comme nouvel instrument important pour mobiliser les acteurs sociaux, les groupes de citoyens, les organisations non gouvernementales et les entreprises privées afin d’identifier les problèmes liés à la mobilité urbaine et à la durabilité environnementale.

L’élimination des barrières entre les universités et la société et la promotion d’un engagement actif avec les villes inspirent aussi notre participation à l’ (YUFE). Il s’agit d’une alliance d’universités de 11 pays, basées dans 15 villes et écosystèmes urbains, qui a pour objectif de développer des communautés universitaires favorisant les initiatives citoyennes et de promouvoir des approches multidisciplinaires et intersectorielles pour relever les défis sociétaux. 

Les partenaires de l’Alliance s’engagent à construire des modèles d’innovation ouverte à quatre hélices avec les gouvernementaux locaux, les entreprises et la société civile et veulent relever le défi d’un cran pour le profit mutuel de tous les citoyens européens. 

Plus les universités réussiront à réaliser leurs ambitions, plus nos sociétés seront capables de fournir des solutions innovantes et durables aux problèmes difficiles de nos villes dans le monde post-COVID-19.


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