"Selon la Convention internationale sur l'¨¦limination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD), ? les ?tats parties s'engagent ¨¤ interdire et ¨¤ ¨¦liminer la discrimination raciale sous toute ses formes et ¨¤ garantir le droit de chacun ¨¤ l'¨¦galit¨¦ devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d'origine nationale ou ethnique ?, notamment dans la jouissance des droits politiques, civiques, ¨¦conomiques, sociaux et culturels. Les ?tats parties doivent aussi assurer une protection et une voie de recours effectives contre tous leas actes de discrimination raciale.
Le pr¨¦ambule de la Charte des Nations Unies et la D¨¦claration universelle des droits de l'homme de 1948 proclament la jouissance des droits de l'homme et des libert¨¦s fondamentales pour tous, sans distinction de race, de couleur ou d'origine nationale. Le syst¨¨me de l'ONU et ses institutions sp¨¦cialis¨¦es ont interdit la discrimination par l'adoption de conventions et de d¨¦clarations, et ont diffus¨¦ des informations sp¨¦cifiques ¨¤ ce sujet et propos¨¦ des solutions. Toutefois, malgr¨¦ ces efforts, de nombreuses personnes et de nombreux groupes faisant partie de minorit¨¦s continuent de faire l'objet de diverses formes de discrimination, en particulier dans les pays qui ont une majorit¨¦ dominante ou qui ont connu le colonialisme ou l'occupation. Alors que nous nous pr¨¦parons ¨¤ c¨¦l¨¦brer les anniversaires de la D¨¦claration universelle des droits de l'homme et de l'adoption de la Convention internationale par l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale, les directives de l'ONU sur la pr¨¦vention et l'interdiction de la discrimination raciale demeurent un d¨¦fi majeur. Les droits de l'homme continuent d'¨ºtre viol¨¦s par des politiques de discrimination persistantes.
La manifestation de la discrimination raciale varie selon les contextes. Dans des pays comme les ?tats-Unis, qui ont promulgu¨¦ des lois de pr¨¦vention, les changements des normes sociales ont amen¨¦ certains commentateurs ¨¤ parler de ? racisme sans discrimination bas¨¦e sur la couleur ?1 et de ? politique de laisser-faire dans le domaine du racisme ?2 pour exprimer les d¨¦fis de la pr¨¦vention de la discrimination raciale et de l'application des lois. La discrimination raciale se manifeste aussi dans des pratiques g¨¦n¨¦ralement consid¨¦r¨¦es comme appartenant au pass¨¦, tel l'esclavage fond¨¦ sur la race, comme dans le cas de l'asservissement des personnes de peau fonc¨¦e qui continue de nos jours en Mauritanie3, des crimes contre l'humanit¨¦ ou, comme l'affirment certains, le g¨¦nocide perp¨¦tr¨¦ dans la r¨¦gion du Darfour au Soudan.
Les institutions de l'ONU, comme le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), ont jou¨¦ un r?le essentiel dans l'organisation et la mobilisation de l'¨¦ducation et de l'information relatives ¨¤ la protection des droits de l'homme pour tous. Le r?le du HCDH dans la Conf¨¦rence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la x¨¦nophobie et l'intol¨¦rance qui y est associ¨¦e, qui s'est tenue en 2001 ¨¤ Durban, en Afrique du Sud, est un exemple o¨´ les discours et la participation de milliers d'organisations non gouvernementales, de groupes de jeunes et de leurs r¨¦seaux ont eu un impact sur des millions de personnes. La contribution de l'UNESCO dans la formulation de d¨¦clarations et de conventions, comme la D¨¦claration sur les principes fondamentaux concernant la contribution des organes d'information au renforcement de la paix et de la compr¨¦hension internationale, ¨¤ la promotion des droits de l'homme et ¨¤ la lutte contre le racisme, l'apartheid et l'incitation ¨¤ la guerre, adopt¨¦e le 22 novembre 1978, r¨¦v¨¨le le r?le que les Nations Unies ont jou¨¦ pour assurer le respect de la dignit¨¦ humaine dans les discours.
Plus sp¨¦cifiquement, l'article 12 de la D¨¦claration sur la pr¨¦vention du g¨¦nocide, adopt¨¦e le 11 mars 2005 par le Comit¨¦ sur l'¨¦limination de la discrimination raciale, ? invite instamment la communaut¨¦ internationale ¨¤ examiner la n¨¦cessit¨¦ de parvenir ¨¤ une compr¨¦hension globale des dimensions du g¨¦nocide, notamment dans les situations o¨´ la mondialisation ¨¦conomique a des cons¨¦quences n¨¦fastes sur les populations d¨¦favoris¨¦es, en particulier sur les populations autochtones ?. Cet article reconna¨ªt clairement la complexit¨¦ des facteurs facilitant les pratiques discriminatoires qui m¨¨nent au g¨¦nocide. Il convient de noter que, tandis que le g¨¦nocide n'est pas toujours li¨¦ ¨¤ la discrimination raciale, ces deux ph¨¦nom¨¨nes sont souvent li¨¦s, comme l'a montr¨¦ le Rapport 2005 de la Commission internationale d'enqu¨ºte sur le Darfour au Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral4.Selon ce rapport, le g¨¦nocide est souvent facilit¨¦ et soutenu par les lois et les pratiques discriminatoires ou par le non-respect du principe d'¨¦galit¨¦ de chacun, sans distinction de race, de couleur, de descendance ou d'origine nationale ou ethnique. ?tant donn¨¦ que la Convention appelle les ?tats ¨¤ interdire la discrimination raciale et ¨¤ promulguer des lois pour prot¨¦ger les citoyens, il est clair que les actes de g¨¦nocide peuvent ¨ºtre li¨¦s aux violations des droits de l'homme commises par le gouvernement.
Le gouvernement soudanais peut donc ¨ºtre tenu responsable du 1,65 million de personnes d¨¦plac¨¦es au Darfour et des 200 000 personnes qui ont fui le Darfour pour se r¨¦fugier au Tchad, pays voisin, sp¨¦cialement depuis que la Commission d'enqu¨ºte a ¨¦tabli que ? le gouvernement du Soudan et les janjaweeds sont responsables de violations graves des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et du droit international humanitaire qui, en droit international, constituent des crimes ? et que ? les forces gouvernementales et les milices ont men¨¦ des attaques sans discrimination, notamment le meurtre de civils, des actes de torture, des disparitions forc¨¦es, la destruction de villages, le viol et autres formes de violences sexuelles, le pillage, dans tout le Darfour. Ces actes g¨¦n¨¦ralis¨¦s et syst¨¦matiques peuvent ¨ºtre consid¨¦r¨¦s comme des crimes contre l'humanit¨¦. L'ampleur des destructions et des transferts de populations ont entra¨ªn¨¦ la perte des moyens de subsistance d'un grand nombre de femmes, d'hommes et d'enfants et compromet leur survie. Aux attaques de grande envergure s'ajoute le fait que de nombreuses personnes ont ¨¦t¨¦ arr¨ºt¨¦es et mises en d¨¦tention, et que nombre d'entre elles ont ¨¦t¨¦ tenues incommunicado pendant de longues p¨¦riodes et tortur¨¦es. Dans leur grande majorit¨¦, les victimes de ces violations sont des membres des tribus dites ? africaines ? du Darfour, notamment les tribus Four, Zaghawa, Massalit, Djebel et Aranga ?.
Cela indique le r?le des Nations Unies ¨¤ ¨¦tablir la nature et l'ampleur du probl¨¨me au Darfour et sa capacit¨¦ ¨¤ d¨¦montrer la r¨¦alit¨¦ de la discrimination raciale, r¨¦v¨¦lant qu'il s'agit d'un probl¨¨me persistant qui n¨¦cessite l'attention de la communaut¨¦ internationale et des groupes de la soci¨¦t¨¦ civile.
Explorer l'importance de pr¨¦venir et d'interdire la discrimination raciale, comme il est mandat¨¦ par divers instruments de l'ONU, r¨¦v¨¨le les d¨¦fis toujours pr¨¦sents dans la lutte contre la discrimination raciale persistante quatre d¨¦cennies apr¨¨s l'adoption de la Convention. En utilisant les travaux de deux auteurs, j'illustrerai ici la construction sociale de la race comme moyen de susciter un d¨¦bat sur la discrimination raciale et d'exposer le racisme comme concept facile. Consid¨¦rez la formulation ? essentialiste ? de la race qui consid¨¨re celle-ci comme ? un fait de caract¨¦ristiques inn¨¦es, dont la couleur de peau et les attributs physiques fournissent seulement les traits les plus ¨¦vidents, et ¨¤ certains ¨¦gards, les plus superficiels ?5 et est, au moins en partie, la base de l'esclavage en Mauritanie aujourd'hui. ? l'oppos¨¦, d'autres banalisent les cat¨¦gories de race, disant que puisqu'elle est une construction sociale, la race dispara¨ªtrait en l'ignorant simplement - cette position ignorant les diverses mani¨¨res dont la race a profond¨¦ment structur¨¦ la civilisation occidentale depuis les 500 derni¨¨res ann¨¦es.
Il est important de consid¨¦rer la construction sociale de la race ¨¤ la lumi¨¨re du travail de B. K. Obach qui pr¨¦sente les r¨¦ponses des ¨¦tudiants ¨¤ un cours sur le racisme6. Il a observ¨¦ que dans le contexte des ?tats-Unis, ? les ¨¦tudiants consid¨¨rent souvent la race comme un fait biologique fond¨¦ sur des distinctions scientifiques ¨¦tablies, id¨¦es qui sont accept¨¦es par les m¨¦dias, les politiques gouvernementales et par les individus qui embrassent une identit¨¦ raciale ?. Demander aux ¨¦tudiants d'avoir une r¨¦flexion originale et de consid¨¦rer l'origine raciale comme ¨¦tant un fait social est sans aucun doute une t?che ¨¦norme, mais qui peut ¨ºtre r¨¦alis¨¦e avec t¨¦nacit¨¦ et une bonne p¨¦dagogie. Obach pr¨¦conise de reconna¨ªtre que ? la nature sociale des cat¨¦gories raciales peut, en partie, ¨ºtre d¨¦montr¨¦e en examinant les d¨¦veloppements historiques o¨´ les cat¨¦gories raciales couramment utilis¨¦es ont ¨¦t¨¦ ¨¦tablies, ainsi qu'en montrant la mani¨¨re dont ces cat¨¦gories et leurs significations ont chang¨¦ au fil des ans ?. Pour illustrer ce point, il s'est appuy¨¦ sur les travaux d'Omi & Winnant5, ainsi que ceux de Haney et Lopez7, et a not¨¦ la d¨¦finition des Indiens asiatiques comme exemple typique, observant que ? la Cour avait d¨¦termin¨¦ qu'ils ¨¦taient non-Blancs en 1909, Blancs en 1910 et 1913, non-Blancs en 1917, ¨¤ nouveau Blancs en 1919 et 1920, mais non-Blancs apr¨¨s 1923 ?. Ces conceptions attestent du fait que ce sont les relations sociales, plut?t que les attributs inn¨¦s, qui produisent les id¨¦es hi¨¦rarchiques sur la race.
On peut faire valoir que l'ONU a consid¨¦rablement chang¨¦ ses strat¨¦gies de lutte contre la discrimination raciale en adoptant des mesures plus inclusives et plus proactives, ? tenant compte du fait que la discrimination, le m¨¦pris et l'exclusion syst¨¦matiques se trouvent souvent ¨¤ l'origine d'un conflit ?. Dans la Convention pour la pr¨¦vention et la r¨¦pression du crime de g¨¦nocide, la CERD a not¨¦ l'importance de la prise de d¨¦cision dans le renforcement de la capacit¨¦ du Comit¨¦ pour l'¨¦limination de la discrimination raciale ? ¨¤ d¨¦tecter et ¨¤ pr¨¦venir le plus t?t possible les manifestations de discrimination raciale qui sont susceptibles d'¨¦voluer vers un conflit violent et vers un g¨¦nocide ?. La Convention vise donc ¨¤ faire de la pr¨¦vention un ¨¦l¨¦ment crucial de la lutte contre la discrimination raciale et le g¨¦nocide.
Bien que des actions soient men¨¦es au niveau national pour lutter contre la discrimination raciale et l'exclusion, les moyens sont souvent insuffisants pour pr¨¦venir les cas de discrimination au sein de la juridiction des ?tats qui ont un pi¨¨tre bilan en la mati¨¨re. Toutefois, l'¨¦ducation et la promotion des droits de l'homme utilis¨¦es comme strat¨¦gie principale des organisations de la soci¨¦t¨¦ civile, mobilisant l'action et exprimant des inqui¨¦tudes concernant la discrimination, peuvent avoir un impact ¨¤ la fois sur la pr¨¦vention et l'application des lois. Il est donc important d'enqu¨ºter sur les ? bonnes pratiques ? des processus institutionnels et les mod¨¨les raciaux qui ne marginalisent pas davantage les minorit¨¦s raciales (intentionnellement ou non) en traitant leurs exp¨¦riences sans tenir compte du r?le que ces minorit¨¦s doivent jouer dans la communication des cas de violations.
Il est essentiel que la communaut¨¦ internationale tienne d¨¦sormais compte de la complexit¨¦ des politiques raciales et de la mani¨¨re dont elles alimentent les abus des droits de l'homme, notamment les acte de g¨¦nocide et les crimes contre l'humanit¨¦, comme ceux commis au Darfour et l'esclavage en Mauritanie. S'il est ¨¦vident que la discrimination raciale a des cons¨¦quences ¨¦videntes sur les structures d'opportunit¨¦, notamment les produits politiques et culturels, la sant¨¦, le bien-¨ºtre et la dignit¨¦, les actions concr¨¨tes pour lutter contre ces ? abus cach¨¦s ? demeurent insuffisantes.
Pour pr¨¦venir la discrimination raciale et demander des comptes aux groupes et aux individus responsables de violations des droits de l'homme, les institutions sp¨¦cialis¨¦es de l'ONU devront faire preuve d'un leadership efficace. Les critiques sur le manque d'action entra¨ªnant des violations massives des droits8, comme au Rwanda en 1994, devraient servir ¨¤ reconna¨ªtre la n¨¦cessit¨¦ d'une action rapide. Comme l'a not¨¦ le New York Times en mars 2007 ¨¤ propos du Darfour, ? les dirigeants internationaux doivent d¨¦montrer qu'ils peuvent ¨ºtre aussi efficaces en action qu'en paroles ? afin de sauver des vies et promouvoir la confiance dans le syst¨¨me international. Notes
1 E. Bonilla-Silva & T.A. Forman, "I am not a racist but...": Mapping white college students' racial ideology in the USA. Discourse & Society 11 (2002): 50-85.
K. Bales, Disposable People: New Slavery in the Global Economy (Berkeley & Los Angeles: University of California Press, 2000).
2 L. Bobo, J. Kluegel & R. Smith. "Laissez-faire Racism: The Crystallization of a Kinder, Gentler, Antiblack Ideology",
Racial Attitudes in the 1990s, ed. S. Tuch and J.K. Martin . (Westport, CT: Praeger Publishers, 1997) 15-42.
3 K. Bales & J. Reitz, Le racisme, la discrimination raciale et l'intol¨¦rance qui y est associ¨¦e en relation avec les formes contemporaines d'esclavage. (Note d'information pr¨¦par¨¦e par Free the Slaves, Washington D.C., 2003).
4 Rapport de la Commission internationale d'enqu¨ºte sur le Darfour au Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies.
5 M. Omi & H. Winant, Racial Formation in the United States: From the 1960s to the 1980s (New York: Routledge, 1994).
6 B.K. Obach (1999) "Demonstrating the social construction of race", Teaching Sociology, Vol.27(3), 252-57.
7 I.F. Haney Lopez, White by Law: The Legal Construction of Race (New York: New York University Press, 1996).
8 S. Power, "Bystanders to genocide", The Atlantic Monthly, septembre 2001.
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