01 mars 2008

Les pays en d¨¦veloppement d¨¦pendent de la croissance ¨¦conomique nationale et mondiale pour r¨¦aliser d'ici ¨¤ 2015 les Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD). ? cet ¨¦gard, le commerce international est reconnu comme ¨¦tant un instrument puissant pour stimuler les progr¨¨s ¨¦conomiques et r¨¦duire la pauvret¨¦. Le commerce contribue ¨¤ ¨¦radiquer la faim et la pauvret¨¦ extr¨ºme (OMD 1) en r¨¦duisant de moiti¨¦ la proportion de personnes qui souffrent de la faim et celles qui vivent avec moins d'un dollar par jour et en mettant en place un partenariat mondial pour le d¨¦veloppement (OMD 8). Ce dernier vise ¨¤ r¨¦pondre aux besoins des pays les moins avanc¨¦s en r¨¦duisant les barri¨¨res commerciales, en all¨¦geant la dette et en augmentant l'aide publique au d¨¦veloppement accord¨¦e par les pays d¨¦velopp¨¦s.


La pauvret¨¦ est le plus grand fl¨¦au de notre temps. Il est reconnu que pour r¨¦duire la proportion de personnes vivant avec moins d'un dollar par jour, les pays en d¨¦veloppement doivent acc¨¦l¨¦rer leur croissance ¨¦conomique en ouvrant leurs march¨¦s au commerce mondial. Les raisons sont multiples : la lib¨¦ralisation du commerce permet une meilleure allocation des ressources rares, encourage le bien-¨ºtre ¨¦conomique et contribue ¨¤ la croissance ¨¦conomique ¨¤ long terme. Toutefois, alors que dans les pays en d¨¦veloppement, l'ouverture des march¨¦s peut g¨¦n¨¦rer des gains ¨¤ long terme, la lib¨¦ralisation des ¨¦conomies risque d'entra¨ªner des co?ts d'ajustement ¨¤ court terme. Quand les ¨¦conomies s'ouvrent, les importations se font selon les fili¨¨res pre-existantes du pays, alors que ses nouvelles possibilit¨¦s d'exportation viennent souvent de secteurs diff¨¦rents qui n'ont pas encore d¨¦velopp¨¦ une capacit¨¦ de production suffisante.


La communaut¨¦ internationale reconna¨ªt l'importance du commerce pour le d¨¦veloppement au travers d'initiatives comme l'Aide au commerce, le Financement du d¨¦veloppement, et, surtout, le cycle des n¨¦gociations commerciales de Doha lanc¨¦ par Organisation mondiale du commerce (OMC). On estime que lib¨¦ralisation du commerce permettrait de r¨¦aliser des gains annuels mondiaux de 90 ¨¤ 200 milliards de dollars, dont les deux tiers reviendraient aux pays en d¨¦veloppement1. Cela pourrait permettre ¨¤ 140 millions de personnes de sortir de la pauvret¨¦ d'ici ¨¤ 20152.


Commerce et croissance ¨¦conomique. Au cours de la derni¨¨re d¨¦cennie, le commerce a ¨¦t¨¦ un moteur puissant de croissance dans les pays en d¨¦veloppement, dont la part dans le march¨¦ mondial est pass¨¦e de 29 % en 1996 ¨¤ 37 % en 2006 et dont les exportations ont constamment augment¨¦ ¨¤ un rythme plus rapide que dans les pays d¨¦velopp¨¦s. Cela a stimul¨¦ la croissance des revenus d'exportation des pays en d¨¦veloppement. En m¨ºme temps, au cours des cinq derni¨¨res ann¨¦es, le produit national brut (PNB) par habitant, l'un des indicateurs les plus pertinents utilis¨¦s pour mesurer les progr¨¨s en vue de la r¨¦alisation des OMD, a augment¨¦ de plus de 16 % en Afrique, en Asie de l'Ouest et en Am¨¦rique latine (voir tableau). Cela s'est traduit par une augmentation importante de l'emploi et des niveaux d'investissement. La forte croissance des exportations dans les pays en d¨¦veloppement est, dans une grande mesure, due ¨¤ la r¨¦duction constante des tarifs douaniers qui constituent des barri¨¨res au commerce. En moyenne, ces derniers sont pass¨¦s de 11 % en 2000 ¨¤ 7 % en 2006 (voir figure 1). Toutefois, les pays en d¨¦veloppement font toujours face ¨¤ des tarifs douaniers tr¨¨s ¨¦lev¨¦s et ¨¤ des barri¨¨res tarifaires importantes sur les produits d'exportation qui les int¨¦ressent (voir figure 2). Par exemple, en 2005, les droits de douane pour les exportations agricoles des pays en d¨¦veloppement ¨¦taient en moyenne de 8,9 %. Les pays d¨¦velopp¨¦s continuent d'imposer des tarifs douaniers sur les importations des pays en d¨¦veloppement qui sont deux fois plus ¨¦lev¨¦s que ceux des pays d¨¦velopp¨¦s1.


La Maurice - l'une des ¨¦conomies les plus ouvertes de l'Afrique subsaharienne - est un exemple illustrant comment le commerce peut ¨ºtre un instrument puissant pour r¨¦aliser les OMD. Ses exportations traditionnelles, comme le sucre et les textiles, ont ¨¦t¨¦ soutenues par des politiques commerciales qui ont permis au pays de s'adapter ¨¤ la concurrence internationale et de d¨¦velopper des services ¨¤ valeur ajout¨¦e. Apr¨¨s la mise en ?uvre d'une strat¨¦gie ax¨¦e sur les exportations, le PNB de ce pays a enregistr¨¦ une augmentation impressionnante de 6 % par an. D'autres initiatives r¨¦ussies ont ¨¦t¨¦ lanc¨¦es au Rwanda, o¨´ les exportations de caf¨¦ ont stimul¨¦ la croissance ¨¦conomique, ainsi qu'au Kenya, o¨´ les exportations de fleurs coup¨¦es, soutenues par des incitations commerciales, ont enregistr¨¦ un taux de croissance annuel de 35 % au cours des 15 derni¨¨res ann¨¦es.


Faire face ¨¤ la lib¨¦ralisation commerciale. Au vu de ces exp¨¦riences r¨¦ussies, les pays en d¨¦veloppement devraient-ils lib¨¦raliser rapidement leur ¨¦conomie ? La r¨¦ponse est qu'ils doivent pr¨¦parer leur entr¨¦e dans le march¨¦ avec plus de prudence. Les ¨¦tudes ¨¦conomiques reconnaissent aujourd'hui que la relation entre l'ouverture des march¨¦s et la croissance est plus complexe qu'une simple relation de cause ¨¤ effet. La lib¨¦ralisation du commerce n'augmente pas automatiquement les activit¨¦s commerciales, encore moins la croissance. Son impact d¨¦pend du contexte national plut?t que de l'application d'une d¨¦monstration th¨¦orique3.


En fait, la lib¨¦ralisation du march¨¦ a diff¨¦rents effets sur la pauvret¨¦ selon les pays, en fonction de nombreux facteurs, notamment la stabilit¨¦ macro¨¦conomique, l'infrastructure et le secteur financier. Il est clair que le commerce ne peut aider ¨¤ lui seul les pays en d¨¦veloppement ¨¤ r¨¦aliser les OMD et que la communaut¨¦ internationale doit augmenter de mani¨¨re significative ses efforts pour faire face ¨¤ la lib¨¦ralisation du march¨¦ et ¨¦tablir les conditions n¨¦cessaires pour assurer la croissance dans tous les pays. Les pays en d¨¦veloppement doivent ¨ºtre mieux pr¨¦par¨¦s avant d'entrer dans le march¨¦ mondial.


Avant d'essayer de s'imposer dans la concurrence mondiale, ils devraient d¨¦velopper ou ¨¦tendre leur capacit¨¦ d'approvisionnement. Ils auront besoin d'une assistance technique et financi¨¨re pour b¨¦n¨¦ficier des possibilit¨¦s offertes par l'ouverture du march¨¦. C'est dans cette optique que la communaut¨¦ internationale a lanc¨¦ l'Initiative d'aide au d¨¦veloppement, afin d'aider les pays en d¨¦veloppement ¨¤ augmenter leur capacit¨¦ d'approvisionnement par des investissements dans l'infrastructure et des aides ponctuelles. Cela permettra, par exemple, aux producteurs de riz ha?tiens ou aux producteurs de fleurs kenyans d'exporter leurs produits vers les march¨¦s internationaux.Pour ¨¦viter le ch?mage durant la p¨¦riode de transition, les pays en d¨¦veloppement doivent ¨¦galement mettre au point des dispositifs de s¨¦curit¨¦ sociaux. Avec la lib¨¦ralisation du commerce dans les pays en d¨¦veloppement, les personnes travaillant dans les secteurs ne pr¨¦sentant aucun avantage comp¨¦titif se retrouveront au ch?mage. Il est donc important de reclasser les travailleurs dans les nouveaux secteurs de croissance, ce qui n¨¦cessite des politiques d'¨¦ducation, de formation et des programmes de prestations de ch?mage. La communaut¨¦ internationale devrait donc aider les pays en d¨¦veloppement ¨¤ g¨¦rer ces co?ts d'ajustement, l'une des raisons pour laquelle le syst¨¨me des Nations Unies insiste pour que toutes les politiques de d¨¦veloppement soient int¨¦gr¨¦es dans la Strat¨¦gie nationale de d¨¦veloppement de chaque pays en d¨¦veloppement.


En reprenant les propos de Bono, cofondateur de la campagne ? ONE ? contre la pauvret¨¦, nous dirons pour conclure que la r¨¦forme du commerce n'est pas un geste de charit¨¦, mais un moyen de donner aux pays en d¨¦veloppement les outils n¨¦cessaires pour r¨¦aliser les OMD. Le commerce est un instrument important qui permet de stimuler la croissance ¨¦conomique et de r¨¦duire la pauvret¨¦. Cependant, l'ouverture des march¨¦s doit ¨ºtre accompagn¨¦e de r¨¦formes compl¨¨tes en phase avec les sp¨¦cificit¨¦s et le niveau de d¨¦veloppement de chaque pays. Au cours des derni¨¨res ann¨¦es, la communaut¨¦ internationale a reconnu ces questions. L'action de l'ONU dans le d¨¦veloppement social est donc cruciale pour aider les pays en d¨¦veloppement ¨¤ profiter des possibilit¨¦s de croissance qu'offre le commerce.

Notes 1 Conf¨¦rence des Nations Unies sur le commerce et le d¨¦veloppement (CNUCED). Coping with Trade Reforms, Sam Laird et Santiago Fern¨¢ndez de C¨®rdoba, ¨¦dition CNUCED, Palgrave-McMillan, 2006.
2 Banque mondiale. Global Economic Prospects 2004: Realizing the Development Promise of the Doha Agenda. Banque mondiale, septembre 2003.
3 Francisco Rodr¨ªguez et Dani Rodrik ont ¨¦crit : ? En fait, nous ne pensons pas qu'il y ait un rapport g¨¦n¨¦ral et non ambigu? entre ouverture commerciale et croissance. Il y a des raisons de penser que ce rapport est contingent et qu'il d¨¦pend ¨¤ la fois de caract¨¦ristiques internes mais aussi externes ¨¤ de nombreux pays ?, tir¨¦ de Trade Policy and Economic Growth: A Skeptic's Guide To The Cross-National Evidence (Cambridge, May 2000).

?

La?Chronique de l¡¯ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privil¨¨ge d¡¯accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingu¨¦s ne faisant pas partie du syst¨¨me des Nations Unies dont les points de vue ne refl¨¨tent pas n¨¦cessairement ceux de l¡¯Organisation. De m¨ºme, les fronti¨¨res et les noms indiqu¨¦s ainsi que les d¨¦signations employ¨¦es sur les cartes ou dans les articles n¡¯impliquent pas n¨¦cessairement la reconnaissance ni l¡¯acceptation officielle de l¡¯Organisation des Nations Unies.?