En RD Congo, la vie après la guerre
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En RD Congo, la vie après la guerre
La semaine derniére, Uwimana* a perdu ses parents, son frère et sa sœur. Tous ont été victimes de tirs d'artillerie dans l'une des toutes dernières offensives du conflit long de 18 mois entre les forces armées congolaises et le mouvement rebelle M23.
Toutefois la fin des combats au Nord-Kivu en République démocratique du Congo n'est pas d'un grand réconfort pour cette jeune fille âgée de 17 ans, qui a vu son jeune frère mourir d'une hémorragie sous ses yeux dans un hôpital ougandais après avoir été blessé par un éclat d'obus lors de l'attaque lundi. Il est mort quelques heures après ses parents ainsi que la jeune sœur d'Uwimana qui ont été tués sur le coup lors du bombardement de leur village, Cyengerero.
« Il n'y a plus rien pour moi au Congo, je ne rentrerai pas », promet, amère, cette jeune fille de 17 ans, en regardant par la fenêtre sale de l'hôpital de Kisoro. Cet établissement reçoit un appui médical de la part du partenaire du HCR pour les soins de santé, Medical Teams International.
Bruno, le frère d'Uwimana âgé de 15 ans, était l'un des 18 réfugiés congolais à avoir été admis lundi à l'hôpital dans le sud-ouest de l'Ouganda avec des blessures graves, au pic des combats lorsque l'armée congolaise portait l'offensive finale contre le M23 dans les collines près du point vital de passage frontière de Bunagana. Au moment où le M23 a annoncé la fin de la rébellion mardi, un bébé blessé à la colonne vertébrale est également décédé à l'hôpital.
L'adolescente est toujours en état de choc. Elle se frotte la main sur une table dans le bureau de l'infirmière, tout en parlant de l'épreuve qu'elle traverse. Elle ne peut pas regarder les gens dans les yeux quand elle parle de l'explosion qui a tué ses parents et sa sœur âgée de six ans.
Uwimana a survécu au bombardement uniquement car elle se trouvait à l'intérieur de la maison en faisant les bagages dans l'urgence quand les obus pleuvaient sur ses frères et sœurs qui jouaient dans le jardin. Elle a vu un carnage. Les membres de sa famille ont été découpés en morceaux par les bombes. « Quand les bombes tombaient, je n'avais pas peur – je me sentais forte. Mais quand j'ai vu que ma mère était morte, j'ai commencé à avoir peur », se rappelle-t-elle, ajoutant que tout s'est passé si vite.
« Nous avons quitté mes parents, que nous n'avons même pas recouverts. Nous avons récupéré les survivants et nous avons couru », dit-elle, en parlant de ses deux autres frères, dont l'un portait leur dernière sœur, encore bébé. Uwimana a fabriqué un harnais avec un châle et l'a utilisé pour porter Bruno, qui souffrait beaucoup.
« Mon frère demandait : « Tu vas me laisser ? » Je ne disais rien, je l'ai juste ramassé. » L'adolescent avait des blessures à la cuisse et sa jambe gauche était cassé, alors elle a dû le transporter avec soin. A la frontière ougandaise, des soldats ont placé la jambe de Bruno dans une attelle et il a été amené à l'hôpital vers 20 heures dans une ambulance de Medical Teams International. Quatre heures plus tard, il est mort alors qu'il recevait une deuxième transfusion sanguine.
Selon des membres du personnel de l'hôpital public de Kisoro, l'afflux soudain de civils blessés a mis à rude épreuve les ressources de l'établissement. « Quand je suis arrivée, il y avait du sang partout. La salle [d'opérations] est petite et certaines personnes étaient couchées à l'extérieur. Ceux qui recevaient les premiers secours étaient transportés vers des chambres collectives », a déclaré Afia Mutuza, une infirmière. MTI a fourni à l'hôpital des liquides et des équipements pour les intraveineuses, mais l'hôpital manque de médicaments et de personnel.
La plupart des blessés arrivés à Kisoro lundi se remettent de leurs blessures, comme Baraka Ndagijlmana. Il a été blessé par des éclats d'un obus tombés sur la ville frontalière de Bunagana, du côté de la République démocratique du Congo. Il est arrivé à l'hôpital lundi matin à l'arrière d'une moto-taxi.
« J'ai senti quelque chose de lourd qui me tombait dessus. Tout autour de moi, les gens étaient couchés au sol », a raconté Baraka, qui a dû fuir les combats à plusieurs reprises dans le passé. « Nous sommes constamment en déplacement, cela fait partie de notre vie quotidienne. Je n'arrive plus à compter le nombre de fois où j'ai été déplacé », dit-il, tout en ajoutant : « Je reste parce que c'est ma maison. »
Beaucoup espèrent désormais qu'une paix relative reviendra au Nord-Kivu, pour que les habitants puissent commencer à rentrer chez eux, même si la province reste instable et qu'il y a encore plus de 30 groupes armés dans la région en proie à l'anarchie. Mais ceux qui ont trop perdu, comme Uwimana, n'en attendent plus rien.
Elle espère désormais aller chez son oncle, qui vit en Ouganda. Elle cherche aussi à retrouver ses trois frères et sœurs, depuis qu'elle les avait envoyés lundi vers la sécurité. Elle est désormais devenue le chef de famille.
* Noms fictifs pour des raisons de protection
Par Lucy Beck à Kisoro, Ouganda