Bernadette Gomina est députée de la circonscription administrative de Bayanga, dans le sud de la République centrafricaine (RCA) et l’une des deux femmes élues au premier tour des élections législatives de 2020-2021 dans le pays. Elle explique en détail les défis auxquels les femmes dirigeantes sont confrontées et comment le Forum des femmes parlementaires a contribué à susciter des changements.
« Je peux vous dire que la persévérance paie », affirme Bernadette Gomina, qui s’est présentée sans succès aux élections législatives en 2005 et en 2010.
Elle a été élue en 2015 et réélue en 2020. « [Les femmes parlementaires] sont confrontées à des problèmes à de nombreux niveauxÌý: [l’insuffisance du] financement, des comportements et des mentalités discriminatoires, mais nous, les femmes… nous avons notre rôle à jouer ; nous devons changer nos mentalités et travailler ensemble pour changer cette situation. »
Les premières élections présidentielles et législatives du 27 décembre 2020 en République centrafricaine ont été entachées par la violence et les attaques de groupes rebelles. Dans les provinces, de nombreux candidats, en particulier des femmes, ont été menacés, volés et même agressés physiquement. En réponse aux plaintes des femmes candidates, ONU Femmes et la police des Nations Unies ont mis en place une ligne téléphonique permettant de recevoir les signalements de violence contre les femmes. Il est prévu que davantage de femmes se présentent au deuxième tour des élections.
« Je n’ai pas été découragée par toutes les expériences négatives », indique Bernadette Gomina. « Mes [électeurs] ont continué de m’encourager, ce qui m’a donné la force de continuer à faire campagne. »
Relever les défis seule
« Lorsque j’ai été élue pour la première fois, j’ai appris que les écoles de ma localité n’avaient ni enseignants ni matériel. Certes, chaque localité dispose d’un modeste budget, mais il était géré par les autorités locales qui n’étaient pas réactives. J’ai dû surmonter ces difficultés par moi-même, en faisant des dons et en embauchant des enseignants du secondaire que j’ai payés sur mon propre salaire… parce que je ne pouvais pas supporter de voir les enfants de ma localité dépourvus d’un enseignement adéquat. »
Ancienne sage-femme, Bernadette Gomina a soumis plusieurs propositions de projets à des organisations internationales et a construit un Centre de Femmes à Bayanga avec le soutien de la MINUSCA. Elle a également promu les « Journées portes ouvertes » au Parlement, lors desquelles des filles des écoles secondaires ont échangé leurs expériences avec des femmes parlementaires. Elle est aussi à l’origine d’initiatives de visites d’observation en situation de travail visant à encourager un plus grand nombre de jeunes femmes à s’engager en politique.
ÌýLorsque j’ai été élue pour la première fois, j’ai appris que les écoles de ma localité n’avaient ni enseignants ni matériel. Certes, chaque localité dispose d’un modeste budget, mais il était géré par les autorités locales qui n’étaient pas réactives. J’ai dû surmonter ces difficultés par moi-même, en faisant des dons et en embauchant des enseignants du secondaire que j’ai payés sur mon propre salaire…
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Relever les défis ensemble
Depuis 2015, ONU Femmes soutient la participation politique des femmes à travers la création du Forum des femmes parlementaires, en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), et en renforçant les capacités des femmes parlementaires et des dirigeantes communautaires.
« Le Forum a été un outil [impartial] important pour défendre les droits des femmes », affirme Bernadette Gomina, sa vice-présidente lors de la législature précédente. « [C’]est également une excellente plateforme de partage d’expériences. Lorsque d’autres parlementaires ont parlé de leurs initiatives, elles m’ont aussi donné des idées. Par exemple, j’ai été incitée à apporter des lampadaires solaires dans nos villages, une autre parlementaire ayant partagé cette expérience avec moi. »
Dans un pays où les femmes représentent moins de 15 pour cent des membres du gouvernement et 8,5Ìýpour cent des parlementaires (dans le gouvernement sortant), ONU Femmes a axé son action sur le renforcement des cadres juridiques. Entre 2015 et 2020, avec le soutien du Fonds pour la consolidation de la paix, des gouvernements du Canada et de la Suède et du PNUD, ainsi que par l’intermédiaire du ministère des Femmes, ONU Femmes a soutenu la révision et l’adoption de lois sensibles au genre, y compris la loi sur la parité de 2016, qui prévoit un quota de 35Ìýpour cent pour les femmes dans tous les organes de décision.
Toutefois, la mise en œuvre de la loi sur la parité reste un défi à relever en raison de sa faible application. Bien que les partis soient tenus d’avoir un nombre minimum de femmes sur leurs listes, ils peuvent fournir une explication simple à la Cour constitutionnelle donnant la raison pour laquelle ils n’ont pas atteint le quota nécessaire à faire valider leur parti.
« Lorsqu’il a été question de la loi sur la parité et d’autres lois sur le genre, [les membres du Forum] … ont toutes convenu de persuader leurs collègues députées et les membres de leurs partis respectifs de voter en leur faveur. … C’est parce que nous étions là et que nous avons travaillé ensemble que la République centrafricaine dispose aujourd’hui de sa loi sur la parité.Ìý»
À l’approche des élections de 2020-2021, ONU Femmes, en partenariat avec le PNUD, la MINUSCA et l’Union européenne, a également soutenu un audit et une stratégie portant sur le genre, en faveur desquels elle a plaidé auprès de l’Autorité électorale nationale, et ses représentantes ont par ailleurs appuyé des révisions concernant le Code électoral 2019. Il en a résulté que les femmes ont constitué 38 pour cent des représentantes des autorités électorales locales, contre 11 pour cent lors des élections de 2015.Ìý
En outre, 40 pour cent des formateurs aux procédures électorales étaient des femmes, recrutées et formées avec le soutien d’ONU Femmes. De plus, 850 bénévoles communautaires ont participé à des activités de sensibilisation visant à assurer la participation des femmes à toutes les étapes du processus électoral, alors que 135 guides en politique ont été formées avec pour mission d’offrir un encadrement individuel à plus de 540 candidates potentielles.
Avec le soutien d’ONU Femmes et de partenaires des Nations Unies, des organisations de femmes de la société civile ont également joué un rôle crucial dans le renforcement de la participation des femmes à l’espace politique, indique Gypsiane Aguene Roche, coordonnatrice pour les questions de genre auprès de l’Autorité électorale nationale. « Grâce à leur plaidoyer, de plus en plus de femmes apparaissent dans les postes décisionnels et les jeunes femmes peuvent s’inspirer des modèles féminins en politique. »
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