Des Afro-américains de retour en Afrique
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Des Afro-américains de retour en Afrique
À Prampram, à une heure de route d’Accra, la capitale du Ghana, de nombreuses maisons de vacances, dont celle de Jérôme Thompson, bordent les rives de l’Atlantique Sud. Distante d’à peine 500 mètres de l’eau, la demeure de M. Thompson est faite pour résister à l’eau et au vent. Le parquet, les fenêtres et les portes sont en bois naturel. Les meubles, conçus par M. Thompson lui-même et fabriqués par des artisans sont en bois de qualité ghanéen.Ìý
« Le bruit des vagues m’aide à m’endormir et à me réveiller le matin », explique M. Thompson,Ìý un retraité afro-américain, en promenade sur la plage où des pirogues artisanales sont amarrées sous des palmiers. «En quel autre endroit pourrais-je vivre si près de la mer. Cela me coûterait des millions de dollars ! »
Jérôme Thompson, un retraité de l’État du Maryland aux États-Unis, vit au Ghana depuis 11 ans. Il s’est renduÌý pour la première fois dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest à l’occasion d’une visite touristique en 2000. « Je suisÌý tombé sous le charme du Ghana et de ses habitants » se souvient-il lors d’un entretien avec Afrique Renouveau.Ìý« C’était bonÌý de voir des Noirs, des gens comme moi, aux commandes du pays. » Ce séjour lui offrit l’occasion de visiter de nombreux sites touristiques du pays, notamment leÌý fort de Cape Coast d’où, après être passés par la tristement célèbre « Porte du non-retour », des millions d’Africains avaient été embarqués à destination de plantations aux Amériques et aux Caraïbes de nombreux siècles auparavant.Ìý
Ils neÌý revinrent plus jamais mais aujourd’hui, pour leurs descendants comme M. Thomson, l’enseigne affiche :Ìý« Porte du retour ». J’avais tellement envie de couper les ponts avec les États-Unis », affirme-t-il. « Nous avons tant fait pour les USA mais ils ne nous considèrent pas comme des citoyens égaux.»
Un sentiment d’appartenance
M. Thomson appartient à un groupe d’une vingtaine d’Afro-américains et autres personnes de la diaspora d’ascendance africaine qui ont fait de cette communauté de pêcheurs leur demeure en raison de l’attrait des plages, du calme et de la tranquillité, loin de l’agitation d’Accra. En 2014, on estimait à plus de 3.000 le nombre d’Afro-américains et autres personnes d’origine caribéenne vivant au Ghana où la population est d’environ 26 millions.Ìý
Quelle qu’en soit laÌý raison, le Ghana, premier pays de l’Afrique subsaharienne à se débarrasser du joug colonial il y a 58 ans, est devenu la destination préférée de membres de la diaspora à la recherche de leurs racines africaines et d’un foyer spirituel. Certains ont réussi à remonter à leurs origines familiales grâce aux tests génétiques, mais pour la majorité en simple visite sur le ou pour ceux qui choisissent de s’y installer, le sentiment d’être chez soi est très agréable. « C’est bon de savoir que vous venez de quelque part et que ça n’est pas simplement le fruit de l’imagination de quelqu’un », dit-il.
Claudette Chamberlain a, elle aussi, l’impression d’être chez elle. Elle est née en Jamaïque mais a vécu au Royaume-Uni et aux États-Unis. Il y a sept ans, elle s’est installéeÌý au Ghana et a construit une maison d’hôtes à Prampram. « J’ai été remplie d’émotion à ma descente de l’avion », déclare Claudette, qui explique qu’elle s’est alors rendu compteÌý qu’elle ne voulait vivre nulle part ailleurs. Sa mère, ses frères et sÅ“urs vivant toujours à Londres lui manquent mais pas la ville elle-même. «Je suis chez moiÌý ici, et je compte y vivre le restant de mes jours. » Pour Mme Chamberlain, une ancienne dentiste, son pays natal - laÌý Jamaïque -Ìý quoique plus beau, n’est pas aussi paisible que le Ghana.
Environ 200Ìý millions de personnes vivant aux Amériques se déclarent d’ascendance africaine, d’après l »ONU. Des millions d’autres vivent ailleurs, en hors de l’Afrique et sontÌý souvent victimes de racisme et de discrimination. L’Assemblée générale de l’ONUa proclamé 2015-2024Ìý « Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine » pour promouvoir le respect et la protection de leurs droits fondamentaux.Ìý
Droit de résidence
Le Ghana, d’où sont partis la majorité des 15 millions d’esclaves d’Afrique, invite la diaspora à rentrer au pays. Déjà du temps de Kwame Nkrumah, le premier président, le pays les encourageait à revenir contribuer au développement du continent.
En 2000, le pays a adopté une loi relative au droit de résidenceÌý qui permet auxÌý personnes d’ascendance africaine de demander et d’obtenir le droit de résidence permanente au Ghana. Tout récemment, le pays a créé un bureau de liaison au sein du Ministère des Affaires étrangèresÌý pourÌý faciliter les investissements et le développement.
Cela n’a pourtant pas facilité la vie des Afro-Américains et des Caribéens qui y vivent. Seule Rita Marley, la veuve de Bob Marley, légende du reggae, a obtenu, l’année dernière seulement, la résidence permanente. D’autres demandeurs attendent depuis des annéesune réponse du Ministère de l’Intérieur dont les textes prévoient pourtant une procédure n’excédant pas six mois. « C’est à croire qu’ils ne sont pas au courant », estime M. Thompson à propos des fonctionnaires qui traitent lesÌý demandes de résidence. Les associations de Caribéens et d’Afro-américains du Ghana affirment être désormais être en pourparlers avec le ministère concerné. Mme Chamberlain et tous ceuxÌý qui doivent régulièrement renouveler leurs permis deÌý résidence ou de travail souhaitent une solution permanente. « J’ai le sentiment d’être de retour chez moi », dit-elle, « pourquoi donc devrais-je avoir à subir tout ceci ?»
Au-delà des lois
Il reste beaucoup à faire pour que les frères et sÅ“urs de la diaspora se sentent chez eux lorsqu’ils se réinstalle sur le continent et que l’Afrique en tire parti. Samuel Amankwah, Directeur des recherches au Ministère de l’Intérieur du Ghana, reconnaît que les autorités devraient se montrer plus actives. « Ceux qui ont quitté le continent restent nos frères et sÅ“urs », affirme-t-il. « Offrir aux Africains de la diaspora le droit de résidence permanente au Ghana est une manière de nous mobiliser ensemble autour d’intérêts communs. »Ìý Lorsque le télévangélisteÌý Myles Munroe visita le Ghana en 2012 et qu’il se rendit auprès de John Mahama, alors vice-président, il encouragea les personnes d’ascendance africaine vivant dans la diaspora à profiter de la loi ghanéenne relative à laÌý résidenceÌý et à rétablir leurs liens avec l’Afrique.
Sentiments mitigés
Malgré quelques revers initiaux, les personnes d’ascendance africaine continuent de migrer vers le continent, mais pas en aussi grand nombre qu’on pouvait l’espérer. Et comme le dit Florindo Johnson, quiÌý vientÌý de prendre sa retraite deÌý Delta Airlines, il est important d’encourager plus de Noirs à venir.
Après avoir travaillé sur des vols desservant le Ghana pendant neuf ans, Mme Johnson, une Caribéenne ayant vécu à Chicago, va y prendre sa retraite afin de gérer à Prampram des locations de vacances. « Je souhaite vraiment que les Noirs soient plus nombreux à venir voir d’eux-mêmes. Il est décourageant de constater qu’ils sont peu nombreux à venir à cause de ce que présentent les médias. Les Blancs viennent pourtant.»