Ismail Badjie, 36 ans, a cofondé Innovarx Global Health, une compagnie de services de santé dont le siège est en Gambie et dont la mission est de transformer la prestation des soins de santé en Afrique subsaharienne. Il a parlé à Nathan Hastings-Spaine de sa vision des soins de santé en Afrique. Extraits :
Parlez-nous brièvement de vous.Ìý
Je suis né en Gambie. ÌýÀ 18 ans, je me suis rendu aux États-Unis pour suivre des études universitaires, d'abord à l'Université d'État du Tennessee, où j'ai obtenu un diplôme en chimie, puis à l'Université Purdue pour obtenir un doctorat en pharmacie (PharmD).
Après avoir obtenu mon doctorat en pharmacie, j'ai commencé à travailler dans un magasin Walgreens à Charlotte, en Caroline du Nord. Avant de quitter Walgreens pour lancer Innovarx, j'étais directeur de pharmacie où je supervisais un million de dollars de stocks et contribuais à générer 60 millions de dollars par an.
En 2019, mon cofondateur Gerard Mengang et moi-même avons quitté Walgreens pour créer Innovarx. Beaucoup de gens pensaient que nous étions fous, mais nous avons imaginé à quoi ressembleraient les 10 prochaines années de soins de santé en Afrique subsaharienne. Il s'agit d'un secteur de plusieurs milliards de dollars, et nous voulions être sur le terrain très tôt pour nous positionner afin de conquérir des parts de marché et de participer à l'évolution du secteur.Ìý
Aujourd'hui, nous exploitons un magasin à Banjul (la capitale de la Gambie), nous avons une activité de commerce électronique, une plateforme mondiale de télémédecine, une aide à l'intégration des dossiers médicaux électroniques (DME) et une unité clinique mobile.Ìý
Quand et comment avez-vous lancé ce projet ?
Nous avons fondé Innovarx en 2015, avant de quitter Walgreens, mais il nous a fallu encore six ans pour obtenir la première ouverture de notre franchise.Ìý
Nous avons passé ces six années à nous renseigner sur l'avenir des soins de santé, allant même jusqu'à voyager en Inde, aux Émirats arabes unis, en Allemagne et en Chine pour avoir une perspective mondiale. Chaque pays nous a appris ce qui était possible. Si nous n'avions pas fait ces voyages, nous aurions créé une entreprise de qualité inférieure.
De nombreuses entreprises créent une version africaine d'une entreprise qui opère dans d'autres régions. Nous avons décidé de faire quelque chose de différent. Nous avons pris une idée globale et avons voulu que l'Afrique soit le premier endroit à la voir apparaître.Ìý
Nous avons choisi la Gambie comme point de départ parce qu'il s'agit d'un terrain familier, que la population y est peu nombreuse et que nous pouvons contrôler de nombreuses variables sur ce marché. Plus important encore, il y a un besoin, car seuls 4 % des Gambiens bénéficient d'une assurance maladie, principalement sous la forme d'une assurance privée, et peuvent accéder à la médecine préventive.
ÌýQuel problème votre projet résout-il ? Combien de personnes employez-vous ?
Nous avons construit une pharmacie communautaire de type américain ; il s'agit d'une opération verticalement intégrée qui exploite les technologies de télémédecine, de diagnostic sur le lieu de soins, de traitement électronique des ordonnances, de commerce électronique de détail et de livraison de produits et services de santé de qualité sur le dernier kilomètre.Ìý
Notre modèle est ancré dans la continuité des soins et les services de santé préventifs. Nous comptons aujourd'hui 65 employés en Gambie et au Ghana, et nous espérons reproduire notre modèle à Lagos, au Nigeria.Ìý
Quels sont les défis et les succès rencontrés jusqu'à présent ?
Lorsque vous créez une entreprise en Afrique, vous devenez une entreprise de développement des ressources humaines, car il y a une énorme pénurie de talents. On ne peut pas publier une offre d'emploi et attirer beaucoup de personnes qualifiées. Nous avons dû consacrer d'importantes ressources au développement de notre équipe pour qu'elle puisse fonctionner à un niveau élevé.
De nombreuses entreprises ne sont pas disposées à investir ce qu'il faut pour que leur équipe soit performante au niveau mondial. C'est pourquoi les gens préfèrent se lancer dans le secteur des matières premières, car ce secteur ne nécessite pas beaucoup de développement de ressources humaines. Notre objectif est de continuer à développer les talents en bousculant l'échelle des salaires au niveau local afin d'attirer et de retenir les personnes les plus performantes. Nous payons jusqu'à 20 % de plus que le taux du marché.
Comment décririez-vous vos réussites ?
Nous avons changé le panorama de la prestation des soins de santé en Gambie. Nous avons introduit une nouvelle manière de fournir des soins. Parmi nos succès, citons l'ajout de 200 abonnés actifs à notre plan de soins annuel tout compris qui couvre la livraison de produits pharmaceutiques de routine et les tests de diagnostic nécessaires à la gestion des maladies chroniques telles que le diabète. Nous avons environ 12 000 clients actifs ; les Gambiens de la diaspora qui financent les soins de leurs proches sur place ont joué un rôle énorme dans notre succès. Environ 50 % de nos revenus en 2020 provenaient de l'extérieur de la Gambie.Ìý
Quel est votre message aux jeunes Africains ?
Nous avons le pouvoir de changer le narratif et de transformer notre continent. La croissance démographique et les possibilités d'innovation et d'adoption des technologies ont permis à l'Afrique de se préparer à cela.
Mon message aux jeunes Africains est donc qu'ils doivent exploiter le pouvoir de la collaboration et du partage des meilleures pratiques sur le continent. Notre désir d'une Afrique meilleure est le même. Ils doivent également considérer les défis du continent comme une occasion en or de créer des produits et des services qui peuvent avoir un impact sur leur communauté, leur pays et leur continent.