Ivoirienne et franco-libanaise vivant et travaillant au Togo, la cheffe Rima Amer s'est retrouvée confinée au Bénin pour cause de fermeture des frontières due à la COVID-19. Loin de chez elle, Rima Amer partage ses recettes traditionnelles et modernes en cuisinant en direct sur Facebook pour aider son audience coincée à la maison. L'une des recettes les plus populaires, dit-elle, est une sauce à base deÌýcorète potagère ouÌýfeuilles de jute, assez prisé dans toute l'Afrique de l'Ouest.
Afrique Renouveau :ÌýParlez-nous un peu de vous ?
Chef Rima Amer : Je m'appelle Rima Amer, je suis ivoirienne et franco-libanaise. Je suis la directrice générale et Cheffe cuisto à l'hôtel Ahoefa King Salomon Garden à Lomé, au Togo.
Depuis combien de temps êtes-vous chef cuisto ?
Depuis sept ans maintenant. J'ai d'abord obtenu un diplôme en communication d'entreprise et en publicité puis travaillé pendant 15 ans dans la communication, la sécurité et l'industrie automobile avant de décider de tout quitter pour me consacrer à ma passion - la cuisine - et en faire mon métier.
Avez-vous une formation en gastronomie ?
Je suis fille et petite-fille de chefs cuisiniers. Je me considère comme self-made, même si j’ai pris des cours de cuisine plus tard.
Votre restaurant est fermé à cause de la COVID-19, mais vous êtes sur Facebook pour partager votre passion pour la cuisine. Comment cela a-t-il commencé ?
L’aventure Facebook n’est pas nouvelle. Je partageais déjà mes recettes sur les réseaux sociaux. Lorsque je me suis retrouvé confiné à Cotonou, au Bénin, loin de chez moi, j'ai commencé à réaliser des vidéos de cuisine en direct pour aider les gens à gérer l'ennui et à passer le temps tout en découvrant les différentes facettes de la cuisine africaine moderne.
La préparation pour le direct vous prend-il du temps ?
Je n'ai généralement pas de recette spécifique prévue avant le jour J. L'idée est de partager la recette d'un plat que je veux manger moi-même ce jour-là , puis d'emmener mes amis et l’audience dans un voyage culinaire en leur donnant la possibilité de me regarder faire. Il peut s'agir d'une de mes recettes créatives, d'un plat traditionnel que je revisite ou de l'inspiration du jour. Chaque jour, j'ai une idée de recette et je le réalise en direct sur Facebook pendant que je cuisine. L’audience et moi découvrons ces plats ensemble. Nous vivons l'expérience ensemble et surtout, c'est un plaisir pour eux.
Au-delà de leur tenir compagnie, aviez-vous d’autres objectifs ?
Avec mes choix de recettes, je veux que les gens découvrent ou redécouvrent l'histoire de l'Afrique à travers sa cuisine traditionnelle. Par-dessus tout, je veux apporter une touche de gastronomie moderne à certains de nos plats de tous les jours.
Vous avez dû recevoir des commentairesÌý?
De très bons. Je reçois des commentaires très positifs. Certaines personnes m'ont envoyé des conseils d'amélioration et d'autres demandent plus de vidéos.
Au vu de toutes les cyber-initiatives liées au confinement, avez-vous l’impression de faire partie de quelque chose de plus grandÌýou d'un mouvement plus vaste ?
La recette la plus populaire, selon Cheffe Rima, est une sauce à base de feuilles de jute, largement consommée en Afrique de l'Ouest. Elle est connue sous différents noms dans toute la région : Crincrin (Bénin), Ademe (Ghana/Togo), Kplala (Côte d'Ivoire) ou Ewedu (Nigeria), les feuilles peuvent être cuisinées avec des ingrédients simples tels que le gingembre, l'ail, l'huile, le sel, le poivre et le poisson (séché ou fumé) ou des morceaux de bœuf (précuit). La version du chef Rima comprend des ingrédients supplémentaires comme ci-dessous :
- Feuilles de jute, gombo, tomate, oignon et aubergine blanche
- Gingembre, ail, piment et crevettes en poudre
- Graine de moutarde africaine
- Huile de palme rouge
- Poissons salés séchés, poissons fumés et crabes
- Viande de bœuf et couenne de bœuf
- Bicarbonate de soude
- Mélange d'épices (persil, ail, coriandre), clous de girofle, sel et poivre. Ìý
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D'une manière ou d'une autre, le confinement a permis de rapprocher virtuellement les gens. Notre vie quotidienne est soudainement devenue collective. Cela permet la reconnexion sociale dans des sociétés qui, jusqu'à présent, étaient plus ou moins individualistes.
Outre les contraintes que nous impose le fait de rester à la maison, cela a permis une véritable cohésion sociale sur les réseaux virtuels et nous a permis de nous rappeler des valeurs humaines que nous avions peut-être oubliées.
Toutes ces initiatives nous permettent de nous rassembler, de sensibiliser, de faire preuve de solidarité et surtout de partager. Alors, oui, je fais partie de ce mouvement global qui contribue à notre développement civique, moral, humain et psychologique.
Y a-t-il une leçon que vous avez tirée de cette expérience, une réflexion ou un message que vous aimeriez partager avec le reste du continent ?
Cette expérience m'a permis de constater le changement radical de nos modes de vie - humain, sanitaire, environnemental et relationnel. J'ai pu faire de l'introspection, me réinterroger sur le sens de ma vie, remettre en cause mes certitudes et mon rapport à l’autre, mes activités, mon environnement, mon alimentation et ma santé. En bref, j'ai pu revenir à l'essentiel.