Le repr¨¦sentant permanent du Botswana aupr¨¨s des Nations Unies, l'ambassadeur Collen Vixen Kelapile, est l'actuel pr¨¦sident du Conseil ¨¦conomique et social des Nations Unies (ECOSOC), charg¨¦ de coordonner les efforts des Nations Unies en mati¨¨re de d¨¦veloppement durable et de faire progresser les objectifs convenus au niveau international. Il a pris ses fonctions dans un contexte de pand¨¦mie mondiale, de crise climatique, de pauvret¨¦ croissante et d'in¨¦galit¨¦s grandissantes, entre autres d¨¦fis. Dans la deuxi¨¨me partie de cet entretien avec Kingsley Ighobor d'Afrique Renouveau, l'ambassadeur Kelapile parle de l'Afrique et du changement climatique, de la lutte contre les in¨¦galit¨¦s entre les sexes et de la paix et du d¨¦veloppement sur le continent. En voici des extraits :
Parlons du changement climatique. L'Afrique est le continent qui contribue le moins aux ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre mais qui subit le plus gros de la crise climatique. Quels conseils donneriez-vous aux repr¨¦sentants africains ¨¤ la Conf¨¦rence des parties (COP 26) qui se tiendra ¨¤ Glasgow en novembre prochain ??
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C'est une question tr¨¨s pertinente. Pr¨¦cis¨¦ment, l'Afrique contribue ¨¤ environ 2 ¨¤ 3 % du total des ¨¦missions mondiales, mais elle est touch¨¦e de mani¨¨re disproportionn¨¦e par la crise climatique. C'est le continent le plus vuln¨¦rable.?
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En ce qui concerne la CdP26, le continent a d¨¦j¨¤ une bonne exp¨¦rience de la mani¨¨re de r¨¦ussir les n¨¦gociations. Rappelons que l'Afrique a jou¨¦ un r?le important dans l'adoption de l'Agenda 2030 pour le d¨¦veloppement durable, qui comprend les Objectifs de d¨¦veloppement durable (ODD). Le processus a commenc¨¦ par l'adoption par l'Afrique d'une position commune. Je vous conseille donc d'adopter une approche similaire pour la CdP26. L'Afrique a besoin d'une position commune. Ce faisant, elle doit ¨¦galement r¨¦fl¨¦chir aux nombreux avantages que pr¨¦sente l'action climatique, notamment le fait d'¨ºtre une opportunit¨¦ d'investissement et une source de d¨¦veloppement socio-¨¦conomique.?
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Il ne faut pas se contenter de se plaindre que le changement climatique est un probl¨¨me. Oui, c'est un probl¨¨me, mais ils doivent travailler pour au moins exploiter le potentiel qui peut ¨ºtre tir¨¦ de la mise en ?uvre de l'accord de Paris et des ODD.?
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Si vous deviez demander comment cela peut ¨ºtre fait, je dirais tout d'abord que l'investissement dans l'¨¦nergie propre bas¨¦e sur des solutions d'¨¦nergie renouvelable est un exemple. Quelque 570 millions de personnes en Afrique subsaharienne n'ont actuellement pas acc¨¨s ¨¤ l'¨¦lectricit¨¦. L'¨¦nergie renouvelable est en train de devenir une solution ¨¦nerg¨¦tique moins co?teuse, et donc n'importe quel homme d'affaires dirait que ces investissements sont parfaitement logiques. C'est le cas dans de nombreuses r¨¦gions du monde, et je pense que c'est la m¨ºme chose dans les pays africains qui se lancent dans les ¨¦nergies renouvelables.?
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Deuxi¨¨mement, l'Afrique doit se rendre ¨¤ la CdP26 dans le but de faire une perc¨¦e en mati¨¨re d'adaptation.
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La Commission mondiale sur l'adaptation a constat¨¦ que chaque dollar investi dans l'adaptation pourrait rapporter environ 4 dollars de b¨¦n¨¦fices. C'est logique si l'on consid¨¨re que l'Afrique est en premi¨¨re ligne de nombreux impacts climatiques drastiques, notamment des ¨¦v¨¦nements traumatisants comme les inondations et les s¨¦cheresses. Et je crois savoir qu'un Africain sur trois n'est pas couvert de mani¨¨re ad¨¦quate par les syst¨¨mes d'alerte pr¨¦coce.
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Des pratiques profond¨¦ment enracin¨¦es continuent d'entraver l'¨¦mancipation des femmes, en particulier en Afrique. Quel message adresseriez-vous aux dirigeants africains concernant les in¨¦galit¨¦s entre les sexes sur le continent ?
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Il existe de nombreuses formes d'in¨¦galit¨¦s, et l'in¨¦galit¨¦ entre les sexes constitue un d¨¦fi particulier. Je dois reconna?tre qu'il y a eu des progr¨¨s. Dans le m¨ºme temps, certaines pratiques sont ancr¨¦es dans les cultures et il semble qu'il faille plus de temps que n¨¦cessaire pour les combattre. Il est possible de faire beaucoup pour am¨¦liorer la situation.?
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L'in¨¦galit¨¦ entre les sexes n'est pas seulement l'¨¦mancipation des femmes, c'est aussi un outil essentiel pour transformer les ¨¦conomies et construire une soci¨¦t¨¦ plus juste, plus ¨¦gale et plus inclusive.?
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Mon message est donc tr¨¨s simple : ne nous contentons pas de r¨¦duire les ¨¦carts existants ; nous devons prendre des mesures d¨¦lib¨¦r¨¦es pour r¨¦soudre d¨¦finitivement ce probl¨¨me. Les femmes apportent une contribution importante ¨¤ nos ¨¦conomies, mais elles subissent de plein fouet la pand¨¦mie de COVID-19. Elles sont parmi les plus vuln¨¦rables en raison de la situation dans laquelle elles se trouvent souvent - elles sont des soignantes non r¨¦mun¨¦r¨¦es et continuent d'¨ºtre victimes de violences domestiques, qui ont augment¨¦ en fl¨¨che pendant la pand¨¦mie.?
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J'encourage les dirigeants africains ¨¤ s'attacher tout particuli¨¨rement ¨¤ progresser vers la parit¨¦ entre les sexes dans la prise de d¨¦cision et ¨¤ lutter contre la violence sexiste.
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Une autre chose qui peut ¨ºtre faite est la d¨¦sagr¨¦gation des donn¨¦es, car sans cela, vous ne pouvez m¨ºme pas mesurer le probl¨¨me lui-m¨ºme, ni les progr¨¨s que vous r¨¦alisez. Le probl¨¨me devient ind¨¦niable lorsque les donn¨¦es sont clairement d¨¦sagr¨¦g¨¦es.?
On parle souvent du lien entre la paix et le d¨¦veloppement socio-¨¦conomique. Pouvez-vous partager vos r¨¦flexions ¨¤ ce sujet, compte tenu de votre r?le de pr¨¦sident de l'ECOSOC ? ?
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Certainement. Ce lien fait partie de l'agenda de l'ECOSOC depuis de nombreuses ann¨¦es, et c'est toujours le cas aujourd'hui.?
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Au d¨¦but des ann¨¦es 1990, j'ai partag¨¦ une recommandation avec l'ECOSOC, l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale des Nations Unies et le Conseil de s¨¦curit¨¦ des Nations Unies concernant la n¨¦cessit¨¦ d'une approche globale du d¨¦veloppement, des conflits et des d¨¦fis humanitaires. Cette recommandation incluait la n¨¦cessit¨¦ de coordonner le soutien aux pays en conflit. L'ECOSOC a cr¨¦¨¦ un m¨¦canisme en 2002, qui ¨¦tait un groupe consultatif ad hoc sur les pays africains sortant d'un conflit. ? cette ¨¦poque, il n'existait pas de commission de consolidation de la paix.?
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Ce groupe consultatif a transf¨¦r¨¦ sa responsabilit¨¦ ¨¤ la Commission de consolidation de la paix en 2007-2008. ?Ce m¨¦canisme nous permet d'examiner de plus pr¨¨s la mani¨¨re dont les dynamiques sociales et ¨¦conomiques s'entrecroisent avec l'ins¨¦curit¨¦ politique, et ¨¤ partir de ce processus, nous sommes en mesure de formuler des recommandations ¨¤ l'attention du Conseil de s¨¦curit¨¦, qui est un autre organe principal des Nations Unies avec lequel nous travaillons ¨¦troitement.
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L'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale des Nations Unies a maintenant mandat¨¦ une r¨¦union sur la transition de l'aide au d¨¦veloppement. Il existe donc d¨¦sormais une nouvelle plate-forme, qui vient d'¨ºtre approuv¨¦e par l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale et qui permettra de promouvoir les synergies entre le d¨¦veloppement, l'aspect humanitaire et le soutien ¨¤ la paix dans les soci¨¦t¨¦s.
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Pouvons-nous r¨¦aliser le r¨ºve d'une Afrique sans guerre ??
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Oui. L'Afrique, par le biais de l'Union africaine (UA), a adopt¨¦ en 2013 le th¨¨me Faire taire les armes d'ici 2020 (d¨¦sormais ¨¦tendu ¨¤ 2030). La cl¨¦ pour avoir une Afrique qui n'est pas en conflit ou en guerre, c'est quand les armes se taisent.?
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Faisons tout ce qu'il faut pour faire taire ces armes. Je crois que l'UA a convenu des m¨¦canismes pour y parvenir. Nous devons mettre en ?uvre ce qui a ¨¦t¨¦ convenu, les d¨¦cisions prises par les dirigeants africains eux-m¨ºmes pour faire taire les armes. Je ne pense pas que nous devions renoncer ¨¤ cet objectif. Je crois que nous pouvons y arriver.?
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Compte tenu des conflits civils qui s¨¦vissent actuellement dans diff¨¦rentes r¨¦gions d'Afrique, en plus de la crise climatique et de la situation du COVID-19, pensez-vous que les pays peuvent encore atteindre les objectifs des ODD d'ici 2030 ?
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Oui. Je suis tr¨¨s positif car je pense qu'il y a de la valeur ¨¤ ¨ºtre positif. Nous aurons une chance d'atteindre les ODD si nous consid¨¦rons la situation de la m¨ºme mani¨¨re que je conseille de consid¨¦rer les discussions sur le changement climatique lors de la CdP26, c'est-¨¤-dire si nous utilisons l'exp¨¦rience de ce d¨¦fi pour nous engager dans des m¨¦thodes plus transformatrices d'approche des ODD. J'ai l'espoir que nous y parviendrons. Je sais que c'est trop ambitieux.?
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Je voudrais aborder la question des niveaux d'endettement de nos pays. Je sais qu'il se passe beaucoup de choses pour all¨¦ger la dette des pays d'Afrique. Oui, certains pays africains ont re?u ou se sont vus offrir un all¨¨gement partiel du service de la dette, une suspension du service de la dette, par le G20.
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Et je sais que des travaux sont en cours sur l'annulation de la dette des pays vuln¨¦rables. C'est tr¨¨s important car cela offre un soutien en liquidit¨¦s n¨¦cessaire pour au moins r¨¦pondre ¨¤ la pand¨¦mie de COVID-19, qui est le d¨¦fi le plus imm¨¦diat. Cela permettra ¨¦galement aux pays de cr¨¦er l'espace fiscal n¨¦cessaire pour travailler ¨¤ la r¨¦alisation des ODD.
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Les ODD ont ¨¦t¨¦ d¨¦lib¨¦r¨¦ment con?us pour ¨ºtre tr¨¨s ambitieux, et je pense que nous pouvons encore les atteindre.?
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Je pense que si nous adoptons une approche int¨¦gr¨¦e pour apporter les changements structurels n¨¦cessaires ¨¤ la r¨¦alisation des ODD, nous pouvons y parvenir. Nous parlons de la bonne transformation sociale et ¨¦conomique, de la lutte contre le changement climatique de diff¨¦rentes mani¨¨res, de la r¨¦duction des in¨¦galit¨¦s, de l'extension de la protection sociale, de l'am¨¦lioration de l'acc¨¨s ¨¤ la sant¨¦, ¨¤ l'¨¦ducation et plus encore.
