Pendant des si¨¨cles, on a consid¨¦r¨¦ que la violence sexuelle et autres atrocit¨¦s perp¨¦tr¨¦es contre les femmes ¨¦taient in¨¦vitables en temps de guerre. Aujourd'hui, des cadres et des institutions juridiques sont mis en place pour garantir la justice aux femmes touch¨¦es par un conflit, et des progr¨¨s sont r¨¦alis¨¦s.
Dans toutes les situations de conflit, les femmes sont touch¨¦es de fa?on disproportionn¨¦e par les violences sexuelles et sexistes, les d¨¦placements forc¨¦s, la destruction de l'infrastructure civile et les violations des droits. Les probl¨¨mes n¨¦s de ces violences persistent longtemps apr¨¨s qu'un accord de paix a ¨¦t¨¦ sign¨¦.
Au cours des trois derni¨¨res d¨¦cennies, des progr¨¨s importants ont ¨¦t¨¦ r¨¦alis¨¦s dans l'¨¦tablissement d'un syst¨¨me de justice internationale qui comprend l'obligation de rendre compte des actes de violence li¨¦s au sexe. La poursuite des auteurs de ces crimes marque un tournant important, une affirmation des droits ¨¦gaux des femmes et une volont¨¦ internationale de prot¨¦ger ces droits. Pour la premi¨¨re fois dans l'histoire, ces progr¨¨s significatifs ont permis de poursuivre les auteurs de violences sexuelles et sexistes dans un conflit.
Toutefois, beaucoup reste ¨¤ faire. Les femmes restent souvent exclues du processus. Les obstacles qui les emp¨ºchent d'acc¨¦der ¨¤ une protection juridique de leurs droits persistent, engendrant la discrimination et les in¨¦galit¨¦s qui les emp¨ºchent de vivre dans la s¨¦curit¨¦ et de faire partie de la soci¨¦t¨¦ en tant que citoyennes ¨¤ part enti¨¨re et ¨¦gales.
Apr¨¨s les conflits, les institutions fonctionnent de mani¨¨re rudimentaire, les r¨¦seaux communautaires sont affaiblis, les armes de petit calibre prolif¨¨rent et la violence subie par les femmes persiste. La d¨¦vastation qu'ils causent exacerbe ¨¤ la fois les probl¨¨mes de discrimination et leurs effets. En cons¨¦quence, les femmes ont un acc¨¨s minimum ¨¤ la justice alors qu'elles en ont le plus besoin.
L'absence d'un cadre de lois pour prot¨¦ger les femmes, appuy¨¦ par des institutions de s¨¦curit¨¦ et de justice pour appliquer ces droits, a un vaste impact. Le Rapport de 2011 sur le d¨¦veloppement dans le monde de la Banque mondiale a ¨¦tabli des faits importants sur le lien entre la justice, la s¨¦curit¨¦ et le d¨¦veloppement dans les ?tats touch¨¦s par un conflit. Il a not¨¦ que lorsque l'¨¦tat de droit et la justice ne sont pas garantis, l'ins¨¦curit¨¦ et la violence persistent et le d¨¦veloppement se heurte ¨¤ des obstacles. Comme beaucoup l'ont constat¨¦, les conflits violents, avec ses morts, les maladies, la destruction et le d¨¦placement des populations, sont ? un d¨¦veloppement ¨¤ l'envers ?.
Cette ins¨¦curit¨¦ et cette violence, facilit¨¦es par l'absence de justice ou de cadres juridiques, emp¨ºchent ¨¦galement la participation des femmes ¨¤ la reconstruction de leur pays - dans les efforts de reconstruction, de consolidation de la paix et de d¨¦veloppement. Sans la s¨¦curit¨¦, les femmes et les filles ne participent pas aux activit¨¦s agricoles ou commerciales, ce qui est crucial pour le rel¨¨vement rapide du pays et la survie de leur famille. Les filles ne sont pas scolaris¨¦es. Les femmes ne participent pas la vie publique. En somme, sans la justice et la s¨¦curit¨¦, la moiti¨¦ de la population et des ressources humaines n'est pas en mesure de contribuer au d¨¦veloppement et ¨¤ la paix.
L'une des mesures les plus importantes permettant aux femmes de participer est de faire en sorte qu'on leur accorde r¨¦paration. Comme l'indique la D¨¦claration de Nairobi de 2007 sur le droit des femmes et des filles ¨¤ un recours et ¨¤ la r¨¦paration, ? [la justice et] la r¨¦paration doivent aller au-del¨¤ des causes et des cons¨¦quences imm¨¦diates des crimes et des violations; elles doivent viser ¨¤ redresser les in¨¦galit¨¦s politiques et structurelles qui fa?onnent n¨¦gativement la vie des femmes et des filles ?. Cela est capital parce que les femmes sont plus que les victimes des conflits; elles sont les dirigeantes des mouvements pour la paix, la justice et la d¨¦mocratie.
L'impulsion cr¨¦¨¦e apr¨¨s un conflit pr¨¦sente des occasions uniques de transformation. Selon le rapport d'ONU-Femmes intitul¨¦ ? Les progr¨¨s des femmes ¨¤ travers le monde: En qu¨ºte de justice ?, la p¨¦riode de transition qui suit un conflit pr¨¦sente non seulement des opportunit¨¦s importantes pour examiner les injustices dont sont victimes les femmes en temps de guerre, mais aussi une chance de transformer les in¨¦galit¨¦s profondes et la discrimination fond¨¦es sur le sexe par l'¨¦tablissement de nouvelles constitutions, des r¨¦formes l¨¦gislatives et le renforcement des institutions.
Des ¨¦tudes montrent que le r¨¦tablissement des services de base, comme l'¨¦ducation et les soins de sant¨¦, est essentiel ¨¤ la capacit¨¦ des femmes d'acc¨¦der ¨¤ la justice. Pour aller dans ce sens, l'ONU pr¨¦conise de donner priorit¨¦ ¨¤ la s¨¦curit¨¦ des femmes dans les initiatives men¨¦es dans le domaine de l'¨¦tat de droit et de cr¨¦er un environnement protecteur pour les femmes. La cl¨¦ du succ¨¨s consiste ¨¤ fournir aux femmes l'acc¨¨s aux institutions charg¨¦es de rendre justice, d'appliquer la loi et de mettre en oeuvre les connaissances et les conseils d'experts concernant la prise en compte de la probl¨¦matique hommes-femmes dans l'¨¦laboration des commissions de v¨¦rit¨¦, les programmes de r¨¦paration et d'autres m¨¦canismes de justice transitionnelle. Tout aussi importants sont les programmes de rel¨¨vement ¨¦conomique qui donnent priorit¨¦ ¨¤ la participation des femmes, les projets de cr¨¦ation d'emplois, les programmes communautaires de d¨¦veloppement et la fourniture de services d'intervention. Cet engagement est soulign¨¦ dans le Rapport de 2010 du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral intitul¨¦ ? La participation des femmes dans la consolidation de la paix ? et son rapport de 2001 ? Le r¨¦tablissement de l'¨¦tat de droit et l'administration de la justice pendant la p¨¦riode de transition dans les soci¨¦t¨¦s en proie ¨¤ un conflit ou sortant d'un conflit ?, qui demandait de pr¨ºter une attention accrue aux questions ¨¦conomiques et sociales profondes qui engendrent des in¨¦galit¨¦s.
Plus r¨¦cemment, le 24 septembre 2012, l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale des Nations Unies a tenu une R¨¦union de haut niveau sur l'¨¦tat de droit pendant laquelle les ?tats Membres ont adopt¨¦ une D¨¦claration r¨¦affirmant leur engagement ¨¤ respecter l'¨¦tat de droit pour servir de base ¨¤ la paix et ¨¤ la s¨¦curit¨¦, au d¨¦veloppement et au respect des droits de l'homme. Les ?tats ont renouvel¨¦ leur engagement ¨¤ ? cr¨¦er des cadres juridiques et l¨¦gislatifs appropri¨¦s afin de pr¨¦venir et de r¨¦primer toutes formes de discrimination et de violence contre les femmes et d'assurer leur autonomisation et leur libre acc¨¨s ¨¤ la justice ?.
Compl¨¦tant l'activit¨¦ des juridictions p¨¦nales internationales, ONU-Femmes continue de travailler ¨¤ l'¨¦largissement de la notion de justice pour les femmes en mettant l'accent sur la victime. L'approche d'ONU-Femmes envisage une justice globale qui comprend la composante cruciale de la r¨¦paration, qui est le droit d'une victime en vertu du droit international.
Afin de renforcer l'approche de l'ONU concernant l'acc¨¨s des femmes ¨¤ la justice apr¨¨s un conflit, ONU-Femmes examine actuellement tous les programmes et financements existants dans ce domaine. Cet effort marquant contribuera ¨¤ placer la question de l'acc¨¨s des femmes ¨¤ la justice au centre des efforts men¨¦s par l'ONU pour promouvoir l'¨¦tat de droit dans les soci¨¦t¨¦s sortant d'un conflit.
Il est important que toutes les mesures de justice transitionnelle - cours, commissions de v¨¦rit¨¦ et programmes de r¨¦paration - placent les besoins des femmes au centre de leurs activit¨¦s et agissent en faveur de la justice pour les femmes. ONU-Femmes s'emploie ¨¤ veiller ¨¤ ce que chaque Commission d'enqu¨ºte de l'ONU dispose d'un personnel qualifi¨¦ pour mener des enqu¨ºtes sur les crimes sexistes afin que les responsables r¨¦pondent de leurs actes. Plus r¨¦cemment, ces efforts ont donn¨¦ ¨¤ la Cour p¨¦nale internationale la possibilit¨¦ de juger les responsables de ces crimes en relation avec le conflit en Libye. Nous avons ¨¦galement soutenu les processus des commissions de v¨¦rit¨¦ dans de nombreux contextes, par exemple au Kenya, aux ¨ªles Salomon et en Sierra Leone, afin de promouvoir l'acc¨¨s des femmes ¨¤ la justice.
Afin de prot¨¦ger et de partager l'exp¨¦rience acquise au sein du Tribunal p¨¦nal international pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda et le Tribunal sp¨¦cial pour la Sierra Leone, nous appuyons l'h¨¦ritage et la documentation de leur travail. Dans le cadre de cette initiative, ONU-Femmes et le Programme des Nations Unies pour le d¨¦veloppement ont facilit¨¦ une visite ¨¤ New York des femmes qui dirigent le Tribunal sp¨¦cial pour la Sierra Leone pour informer le Conseil de s¨¦curit¨¦ de leur travail. Leurs contributions ont rendu ¨¦vident le fait que ces femmes ne sont pas seulement un mod¨¨le important du r?le de chef de file des femmes dans la prise de d¨¦cision apr¨¨s un conflit mais, plus important, elles ont cr¨¦¨¦ une jurisprudence internationale sur les crimes sexistes et ont am¨¦lior¨¦ activement l'acc¨¨s des femmes aux tribunaux en apportant leur appui aux programmes de sensibilisation des femmes. Ces programmes sont maintenant repris par d'autres tribunaux.
ONU-Femmes travaille avec les gouvernements pour soutenir les r¨¦formes juridiques et institutionnelles et la formation et renforcer les capacit¨¦s des personnes charg¨¦es de rendre la justice, y compris la police, les avocats et les juges. Nous travaillons aussi pour que davantage de femmes contribuent en premi¨¨re ligne ¨¤ la justice.
Au Liberia, ONU-Femmes a soutenu les femmes dans les communaut¨¦s pour qu'elles jouent un r?le crucial dans la consolidation de la paix et le r¨¨glement des conflits. Cela s'est fait en facilitant la cr¨¦ation des Huttes de la paix qui sont bas¨¦es sur les syst¨¨mes de justice traditionnels. Au d¨¦but, ces Huttes avaient pour but d'aider les femmes ¨¤ faire leur travail de deuil et de conseiller celles qui ont ¨¦t¨¦ victimes de violences ainsi qu'aider les enfants soldats apr¨¨s la guerre civile. Puis, elles ont commenc¨¦ ¨¤ traiter des cas et sont devenues des espaces s?rs o¨´ les femmes du village se r¨¦unissaient pour m¨¦diter et r¨¦soudre les diff¨¦rends au sein de la communaut¨¦. C'est l¨¤ qu'elles discutent des questions qui concernent leur vie quotidienne, que se d¨¦roulent les activit¨¦s de r¨¦conciliation et de r¨¨glement des conflits et qu'elles appellent la police pour mettre fin ¨¤ la violence ¨¤ l'¨¦gard des femmes. C'est aussi l¨¤ o¨´ les femmes rurales discutent librement et en s¨¦curit¨¦ des questions concernant les in¨¦galit¨¦s, prennent des d¨¦cisions sur la paix et la s¨¦curit¨¦ et demandent justice.
En Ha?ti, ONU-Femmes aide les associations en appuyant la prise en charge m¨¦dicale et l¨¦gale des femmes rescap¨¦es de la violence sexiste dans les zones rurales. Les vastes campagnes de sensibilisation et la coop¨¦ration avec les communaut¨¦s locales charg¨¦es de la s¨¦curit¨¦ ont donn¨¦ lieu ¨¤ une r¨¦duction de la tol¨¦rance vis-¨¤-vis de la violence ¨¤ l'¨¦gard des femmes dans la communaut¨¦. Ces changements envoient un message fort aux acteurs de violence potentiels. Les hommes h¨¦sitent davantage ¨¤ battre les femmes car ils sont conscients des mesures et des lois en place et ne veulent pas ¨ºtre punis ou emprisonn¨¦s.
Au Kenya, nous soutenons le Gouvernement dans la cr¨¦ation d'une association de polici¨¨res afin de promouvoir leur r?le dans l'application de la loi et la r¨¦forme de la s¨¦curit¨¦. Cette association sera une plate-forme o¨´ les polici¨¨res pourront d¨¦velopper leurs comp¨¦tences de chefs, s'aider mutuellement et promouvoir les politiques et les pratiques tenant compte de la probl¨¦matique hommes-femmes au sein de la police.
Nous devons soutenir davantage les centres d'assistance juridique et les tribunaux mobiles dans les soci¨¦t¨¦s sortant d'un conflit et am¨¦liorer la formation aux poursuites judiciaires des crimes sexistes pour toutes les personnes travaillant dans la justice, des procureurs aux enqu¨ºteurs judiciaires en passant par les avocats commis d'office. Nous devons am¨¦liorer les mesures afin d'assurer la protection des victimes et des t¨¦moins et de renforcer la participation des femmes afin qu'elles puissent b¨¦n¨¦ficier des processus de justice transitionnelle et des programmes de r¨¦paration.
Exploiter ce potentiel et soutenir la volont¨¦ politique requise demeurent un d¨¦fi. Cela demande non seulement de mettre davantage l'accent sur l'¨¦tat de droit et la justice, mais aussi de porter une attention accrue ¨¤ la justice pour les femmes. Dans les situations de consolidation de la paix, l'ONU devrait donc axer son soutien sur trois ¨¦l¨¦ments fondamentaux : garantir la justice et appliquer le principe de responsabilit¨¦ pour les violences subies par les femmes dans un conflit; reconstruire les syst¨¨mes de justice nationaux ¨¤ la base avec, comme ¨¦l¨¦ments centraux, la participation des femmes, leur acc¨¨s ¨¤ la justice et la probl¨¦matique hommes-femmes; et
lier la r¨¦ponse judiciaire ¨¤ une notion plus large de la justice et de l'¨¦galit¨¦ pour tous.
Enfin, l'¨¦tat de droit doit autonomiser les personnes et encourager leur participation ¨¤ la reconstruction de leur soci¨¦t¨¦, afin que toutes aient la possibilit¨¦ de partager les dividendes de la paix et de la justice. ?